rapport de la mission conjointe de promotion des droits de l`homme

Transcription

rapport de la mission conjointe de promotion des droits de l`homme
AFRICAN UNION
UNION AFRICAINE
UNIÃO AFRICANA
Commission Africaine des Droits de l’Homme & des
African Commission on Human & Peoples’
Peuples
Rights
No. 31 Bijilo Annex Lay-out, Kombo North District, Western Region, P. O. Box 673, Banjul, The Gambia Tel: (220) 441 05
05 /441 05 06, Fax: (220) 441 05 04 E-mail: [email protected]; Web www.achpr.org
RAPPORT DE LA MISSION CONJOINTE DE PROMOTION DES DROITS DE
L’HOMME EN REPUBLIQUE DU TCHAD
DU 11 AU 19 MARS 2013
1
REMERCIEMENTS
La Commission africaine des droits de l’homme et des Peuples
(la Commission) voudrait exprimer sa gratitude au Gouvernement de la République du
Tchad pour avoir bien voulu accueillir, du 11 au 19 mars 2013, la mission conjointe de
promotion des droits de l’homme effectuée par une délégation de la Commission.
La Commission adresse ses sincères remerciements aux plus Hautes Autorités
du pays pour avoir mis à la disposition de la Délégation toutes les facilités nécessaires
ainsi que le personnel requis pour le bon déroulement de la mission.
Elle adresse ses remerciements en particulier à Mme Amina Kodjiyana,
Ministre des droits de l’homme et de la promotion des libertés fondamentales et à ses
collaborateurs pour les efforts déployés dans l’organisation des différentes rencontres
en vue de garantir le succès de la mission.
2
Sigles et abréviations
AN
: Assemblée Nationale
BAD
: Banque Africaine de développement
BEPC
: Brevet d’Etude du Premier Cycle
CENI
: Commission Electorale Nationale Indépendante
CICR
: Comité International de la Croix Rouge
CNARR
: Commission Nationale d’Accueil et de Réinsertion des Réfugiés et Rapatriés
CNDH
: Commission Nationale de droits de l’homme
COBAC
: Commission Bancaire de l’Afrique Centrale
DESC
: Droits économiques, Sociaux et Culturels
DI
: déplacés Internes
DIH
: Droit International Humanitaire
EUA
: Etats Unies d’Amérique
FNUAP
: Fonds des Nations Unies pour la Population
GP
: Groupes Parlementaires
GPS
: Global Positioning System
HCR
: Haut Commissariat pour les Réfugiés
INDH
: Institution Nationale des Droits de l’Homme
INJS
: Institut National de la Jeunesse et des sports
LMD
: Licence- Master- Doctorat
MAEIA
: Ministère des Affaires Etrangères et de l’Intégration africaine
MAEP
: Mécanisme Africain d’Evaluation par les Pairs
MFB
: Ministère des Finances et du Budget
MINURCAT: Mission des Nations Unies en République Centrafricaine et au Tchad
MPS
: Mouvement Patriotique du Salut
NU
: Nations Unies
OIT
: Organisation internationale du Travail
OMS
: Organisation Mondiale de la Santé
ONG
: Organisation non Gouvernementale
OSC
: Organisation de la Société civile
PAM
: Programme Alimentaire Mondiale
PAN
: Président de l’Assemblée Nationale
PREMIER MINISTRE : Premier Ministre
PRAJUST : Programme d’Appui à la Justice
PNUD
: Programme des Nations Unies pour le Développement
SG
: Secrétaire Général
SGA
: Secrétaire Général adjoint
UA
: Union africaine
EU
: Union Européenne
3
RNDP
RNDT
UNEPS
UNICEF
UNDR
URD
: Rassemblement National pour la Démocratie et le Progrès
: Rassemblement National des Démocrates Tchadiens
: United Nations Environment Programme
: United Nations Children's Fund
: Union Nationale pour le Développement et le Renouveau
: Union pour la République et la Démocratie
4
PREMIERE PARTIE
I.
INTRODUCTION
1.
La Charte africaine des droits de l’homme et des peuples (la Charte africaine),
adoptée le 21 juin 1981 par l’Assemblée des Chefs d’Etat et de Gouvernement à
Nairobi au Kenya, est entrée en vigueur le 21 Octobre 1986. Elle établit en ses articles
30 et suivants que la Commission africaine des droits de l’homme et des peuples (la
Commission), demeure à ce jour, le principal organe de promotion des droits de
l’homme de l’Union africaine (UA).
2.
Aux termes de l’Article 45 de la Charte africaine, la Commission africaine a pour
mandat de promouvoir les droits de l’homme et les libertés fondamentales garantis
par ladite Charte, d’en assurer la protection, de veiller au suivi de sa mise en œuvre,
d’interpréter ses dispositions, et d’émettre des avis juridiques à la demande de la
Conférence des Chefs d’Etat et de Gouvernement. En outre, elle doit rassembler de la
documentation, faire des études et des recherches sur les problèmes africains dans le
domaine des droits de l'homme et des peuples, organiser des séminaires, des
colloques et des conférences, diffuser des informations, encourager les organismes
nationaux et locaux s’occupant des droits de l’homme et des peuples et, le cas
échéant, donner des avis ou faire des recommandations aux gouvernements.
3.
C’est dans le cadre de la mise en œuvre de ce mandat de la Commission que le
Commissaire Béchir Khalfallah, Commissaire en charge des droits de l’homme en
République du Tchad et Président du Groupe de travail sur les droits économiques,
sociaux et culturels, a conduit une mission conjointe de promotion des droits de
l’homme au Tchad. En plus du Commissaire Khalfallah, la délégation était composée
comme suit :
-
La Commissaire Reine Alapini Gansou, Rapporteure Spéciale sur les défenseurs des
droits de l’homme en Afrique ;
La Commissaire Maya Sahli Fadel, Rapporteure Spéciale sur les réfugiés, les
demandeurs d'asile, les personnes déplacées et les migrants en Afrique;
Le Commissaire Med S.K. Kaggwa, Rapporteur Spécial sur les prisons et les
conditions de détention en Afrique.
Mme Anita Bagona et M. Charles Beautrel Nguena, Juristes au Secrétariat de la
Commission.
-
5
II.
6.
TERMES DE REFERENCE DE LA MISSION
Les objectifs de la mission étaient les suivants :

Promouvoir la Charte africaine et tous les
régionaux relatifs aux droits de l’homme ;
autres instruments juridiques

Renforcer les relations entre la Commission et le Tchad dans le domaine de la
promotion et de la protection des droits garantis par la Charte et les autres
instruments juridiques nationaux, régionaux et internationaux pertinents ;

Echanger les points de vue et partager des expériences avec le Gouvernement
tchadien, ainsi que les autres acteurs travaillant dans le domaine des droits de
l'homme dans le pays sur les stratégies d'amélioration de la jouissance de ces
droits;

Evaluer le niveau de jouissance des droits économiques, sociaux et culturels
des citoyens tchadiens, les mesures prises par le Gouvernement pour la mise
en œuvre de ces droits;

Recueillir les informations sur la situation des défenseurs des droits de
l'homme en République du Tchad et engager les diverses parties prenantes à
comprendre les problèmes, le cas échéant, qui entravent la jouissance effective
de leurs droits de l'homme;

Echanger avec les autorités sur l’état de mise en application de la Déclaration
des Nations Unies sur les défenseurs des droits de l’homme de 1998, la
Déclaration de Grand Baie et son plan d’action sur la promotion et la
protection des droits de l'homme en Afrique de 1999 ainsi que la Déclaration
de Kigali adoptée par la Conférence ministérielle de l'Union africaine (UA)
sur les droits de l'homme en Afrique de 2003 ;

Visiter les prisons et les autres centres de détention afin de prendre
connaissance des conditions de détention des personnes incarcérées ;

Discuter avec les partenaires (Agences des Nations Unies et ONG nationales
et internationales) au sujet de la situation des droits des réfugiés et des
personnes déplacées au Tchad ;

Rendre visite aux réfugiés résidant dans des camps au Tchad et visiter les
6
déplacés internes et recueillir des informations sur leur situation ainsi que
leur besoin;

Echanger avec les autorités tchadiennes sur les mesures que le Gouvernement
a prises ou envisage de prendre pour donner effet aux dispositions de la
Convention de Kampala qu’il a ratifiée en date du 11 juillet 2011, étant donné
que cette dernière est aujourd’hui entrée en vigueur;

Discuter avec les autorités tchadiennes sur l’état d’avancement de la mise en
œuvre de la politique de rapatriement et des mesures prises par le
Gouvernement pour s’assurer que les conditions pour le retour dans le
pays/villages d’origine sont pleinement réunies ;

Disséminer les instruments régionaux et internationaux de protection des
droits de l’homme, les résolutions sur l’octroi du statut d’observateur aux
ONGs et de statut d’affilié aux INDH ;

Encourager les ONGs à venir demander le statut d’observateur auprès de la
Commission africaine des droits de l’homme et des peuples;

Encourager une collaboration plus étroite entre la Commission africaine,
l’Etat-partie d’une part et entre la Commission africaine et les organisations
de la société civile, d’autre part, notamment à travers la participation
régulière aux sessions ordinaires et aux autres activités;

Encourager le Gouvernement Tchadien à présenter régulièrement ses
Rapports périodiques, en relevant les défis rencontrés et en veillant à illustrer
les progrès réalisés dans la mise en œuvre des droits de l’homme ;

Assurer le suivi des recommandations formulées par la Commission après
l'examen du rapport périodique de la République du Tchad.
7
III.
A-
CONTEXTES HISTORIQUE, GEOGRAPHIQUE ET INSTITUTIONNEL
DE LA REPUBLIQUE DU TCHAD
Quelques faits historiques
1920: Le Tchad devient une colonie française;
1940: Avec son Gouverneur, Felix EBOUE, le Tchad se rallie à la France libre;
1958: Le Tchad devient une République autonome au sein de la Communauté;
11 août 1960: Proclamation de l’indépendance;
1962: M. François TOMBALBYE devient Président de la République;
1969: La France apporte son aide au Gouvernement contre la rébellion du
Nord soutenue par la Libye;
1975: Coup d’état, assassinat de M. François TOMBALBYE et prise de pouvoir
par Felix MALLOUM;
1979: Guerre civile qui touche tout le pays et M. MALLOUM quitte le
pouvoir;
1980: M. Goukouni OUEDDE devient Président;
1982: Les forces de Hissène HABRE occupent N’Djamena et M. HABRE
devient président;
1983-1987: Guerre avec l’occupant libyen et victoire des forces d’Hissène
HABRE;
1988: Rétablissement des relations diplomatiques entre le Tchad et la Libye;
1990: Renversement d’Hissène HABRE par Idriss Déby ITNO;
2 mars 1991: M. Idriss Déby ITNO devient Président du Tchad;
1994: La bande d’Aozou occupée par la Libye depuis 1973 est rendue au
Tchad;
1996: M. Idriss Déby ITNO remporte les élections présidentielles;
Janvier 2000 plainte contre Hissène HABRE pour crime contre l’humanité
31 janvier 2008: Offensive rebelle contre N’Djamena;
3 mai 2009: Accord de paix de Doha signé entre le Tchad et le Soudan;
25 avril 2011: réélection de M. Idriss Déby ITNO.
B- Situation géographique
7.
La République du Tchad, est un pays enclavé de l'Afrique centrale d’une
superficie de 1 284 000 km2. Elle est bordée au nord par la Libye, à l'est par le
Soudan, au sud par la République centrafricaine, au sud-ouest par le
Cameroun et par le Nigeria, à l'ouest par le Niger. Avec une population
estimée à 11, 525.5 millions d’habitants1, elle a pour capitale N’Djamena2.
1http://hdrstats.undp.org/fr/pays/profils/TCD.html
2
(consulté le 05/12/2012).
Le français et l'arabe tchadien constituent les deux langues officielles, mais le pays compte plus de deux cent (200) dialectes.
8
8.
Le Tchad est un pays vaste mais de faible densité humaine. Sa population
est inégalement répartie sur le territoire national. Environ la moitié de la
population (47%) est concentrée sur 10,0% de la superficie du pays. Il existe de
fortes disparités entre la population rurale (72%) et celle urbaine (28%) 3. La
densité de la population est de 9 hab. /km2 tandis que la croissance
démographique est de 2,6%. Il est important de noter que la population
tchadienne dont l’espérance de vie est de 49,6 ans est constituée surtout par
les Toubous, les Saras et les Arabes. Les principales religions sont l'islam
(54%), le christianisme (34%) et l'animisme (7%)4.
9.
Le pays occupe le bassin du lac Tchad, une vaste cuvette continentale de
faible altitude. Le relief du Tchad est très accidenté: des plaines alternent avec
des montagnes plus ou moins hautes. La végétation est composée de forêts au
Sud. Elles s’estompent et laissent progressivement la place à de la savane
boisée et herbacée au Centre et au Nord la zone désertique passe de la savane
à la steppe5.
C. Données institutionnelles et administratives
10.
3
Depuis son indépendance, le Tchad a connu trois constitutions: la Loi
constitutionnelle n° 2-62 du 2 avril 1962, la Constitution de 1989 et celle du 31
mars 1996. La Constitution du 31 mars 1996 révisée par la Loi
constitutionnelle N° 8 du 15 juillet 2005 consacre une separation des pouvoirs
executif, judiciaire et legislatif. Le Président de la République est élu pour un
mandat de cinq ans au suffrage universel direct. Le parlement est constitué
d’une Assemblée nationale de 188 deputés parmi lesquels on retrouve 24
femmes. Le système judiciaire est composé des cours et tribunaux. La Cour
Suprême étant la plus haute instance . Le Conseil Constitutionnel est juge de
la constitutionnalité des lois, des traités et accords internationaux, il connaît
du contentieux des élections présidentielles et législatives. Il veille à la
régularité des opérations du référendum et en proclame les résultats.
http://www.tresor.economie.gouv.fr/Pays/tchad(consulté le 05/12/2012).
4
La différence de 5% est attribuée à la pratique de la religion traditionnelle et au non déclarés.
Pour plus de details sur la geographie du Tchad, voir http://www.presidencetchad.org/geographie.php
(Consulté le 13 février 2013).
5
9
11.
Depuis le 19 février 2008, la République du Tchad est subdivisée en
vingt-trois (23) régions, soixante-un (61) départements, deux-cent cinquante
(250) communes (hors N’Djamena)6.
D. Cadre juridique de la promotion et de la protection des droits de l’homme
12.
En mars 2013, le Tchad était partie aux principaux instruments des droits
de l’homme suivant :

Instruments juridiques africains
Convention de l’OUA régissant les aspects propres aux problèmes des
réfugiés en Afrique, ratifiée le 12 aout 1981;
Charte Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples, ratifiée le 09 Octobre
1986;
Charte africaine des droits et du bien-être de l'enfant, ratifiée le 20 mars 2000;
Convention de l’union africaine sur la protection et l’assistance aux personnes
déplacées en Afrique, ratifiée le 11 juillet 2011;













6
Autres instruments juridiques universels
La Déclaration Universelle des Droits de l’Homme de 1948 ;
La Convention Internationale sur l’Élimination de toutes les formes de
Discrimination Raciale, ratifiée le 17 août 1977;
La Convention relative aux Droits de l’Enfant, ratifiée le 20 octobre 1990 ;
Le Pacte International relatif aux Droits Civils et Politiques, adhéré le 09 juin
1995 ;
Le Pacte International relatif aux Droits Économiques, Sociaux et Culturels
adhéré le 09 juin 1995 ;
Le Protocole Facultatif au Pacte International relatif aux Droits Civils et
Politiques, ratifié le 09 juin 1995 ;
La Convention contre la Torture et autres peines ou traitements cruels,
inhumains ou dégradants, ratifiée le 09 juin 1995 ;
La Convention Internationale sur l’Élimination de toutes les formes de
Discrimination à l’Egard des Femmes, ratifiée le 09 juin 1995 ;
Protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l’enfant, concernant
l’implication d’enfants dans les conflits armés, ratifiée le 28 août 2002;
Le Statut de la Cour Pénale Internationale, ratifié le 1er novembre 2006.
Ordonnance n° 002/PR/08 de 2008 portant restructuration de certaines collectivités territoriales décentralisées.
10
DEUXIEME PARTIE
I. METHODOLOGIE ET DEROULEMENT DE LA MISSION
13.
La mission s’est déroulée sous forme d’entretiens, de réunions, avec les
plus Hautes autorités et différents acteurs impliqués dans la promotion et la
protection des droits de l’homme au Tchad.
14.
En plus des rencontres et entretiens qui ont eu lieu dans la ville de
N’Djamena, la délégation de la Commission a visité les prisons de Kelo et Doba.
15.
A chacune des rencontres, le Commissaire Khalfallah, en sa qualité de chef
de délégation, a fait une brève présentation de la Commission à travers son
organisation, sa composition, son mandat, son fonctionnement, et ses
mécanismes subsidiaires. Il a rappelé qu’il s’agit de la deuxième mission de
promotion des droits de l’homme qu’effectue la Commission au Tchad. La
première ayant eu lieu en 2000. Le chef de délégation a ensuite présenté les
objectifs de la mission tout en insistant qu’il est question pour la délégation de
partager les bonnes pratiques existantes dans les domaines concernés par la
mission, de relever les difficultés ou les obstacles qui perdurent en vue de
formuler des recommandations appropriées.
16.
Ensuite, les autres membres de la Commission ont, à tour de rôle, pris la
parole afin de se présenter et présenter le mandat des mécanismes spéciaux de la
Commission dont ils/elles ont la charge. Ainsi, après ces formalités, les échanges
et discussions entre la délégation et les différentes Autorités et acteurs rencontrés
ont porté sur la situation générale des droits de l’homme au Tchad.
17.
A la fin des rencontres, le chef de délégation a tenu, au nom de la
Commission, à rendre hommage aux Forces Armées Tchadiennes en Intervention
au Mali. Il a salué la solidarité manifeste des autorités tchadiennes avec le peuple
malien. Le Commissaire Khalfallah a en outre procédé à la remise des
publications et documents de la Commission aux autorités et autres acteurs
rencontrés.
18.
Il est important de souligner que la mission a bénéficié d’une large
couverture médiatique à travers la presse écrite et audio-visuelle d’Etat.
11
II.
RENCONTRES EFFECTUEES PAR LA DELEGATION DE LA
COMMISSION
1. SEANCE DE BRIEFING AVEC LE SECRETAIRE GENERAL DU
MINISTERE DES AFFAIRES ETRANGERES ET DE L’INTEGRATION
AFRICAINE
19.
C’est en lieu et place du Ministre des Affaires Etrangères et de
l’Intégration Africaine (MAEIA) que le Secrétaire Général, M. Moussa
Mahamat Dago, a reçu la délégation pour une séance de briefing sur les
objectifs de la mission. Il était accompagné pour la circonstance par M.
Tordeta Ratebaye, Directeur des Affaires Juridiques et du Contentieux.
20.
Les débats ont essentiellement porté sur les instruments non encore ratifiés
par le Tchad, la culture des droits de l’homme dans le pays, la question des
réfugiés et des déplacés internes, les prisons, le problème des populations
autochtones et le manquement à l’obligation de présenter les rapports
périodiques conformément à l’article 62 de la Charte africaine.
21.
Avant d’entrer dans le vif du sujet, le Secrétaire Général a tenu d’abord à
rappeler le passé du Tchad, un passé meurtri par trois décennies de guerres
civiles et d’agression. Il a ensuite souligné la volonté des autorités tchadiennes
à écouter et à se servir de l’expertise de la Commission afin de construire un
environnement adéquate où règne le respect des droits de l’homme. Comme
preuve manifeste de cette volonté, le Secrétaire Général a informé la
délégation de l’adhésion du Tchad au Mécanisme africain d’évaluation par les
pairs (MAEP).
22.
Sur les instruments de promotion et de protection des droits de l’homme
non encore ratifiés par le Tchad, le Secrétaire Général a tenu à informer les
membres de la Commission qu’à l’heure actuelle, les autorités compétentes
sont en train de revisiter tout l’arsenal juridique tchadien et qu’à la suite de ce
travail, l’Etat s’engagera à ratifier les traités, conventions et protocoles relatifs
aux droits de l’homme auxquels le Tchad n’est pas partie.
23.
La délégation a, sur ce point, salué les dispositions de la Constitution
tchadienne qui donnent la primauté des conventions internationales sur la
législation interne et qui plus encore exigent la révision de la Constitution en
cas de contradiction avec une convention internationale.
12
24.
Le Secrétaire Général a rassuré les membres de la délégation qu’une culture
des droits de l’homme est en train de prendre corps dans le pays. A cet effet, il
a relevé l’enseignement des droits de l’homme et du droit humanitaire dans
les académies militaires du pays.
25. Se prononçant sur la situation des réfugiés et des déplacés internes au
Tchad, le Secrétaire Général a noté que depuis le départ de la Mission des
Nations Unies en République Centrafricaine et au Tchad (MINURCAT), les
camps de réfugiés sont sécurisés par les forces de sécurité tchadiennes et que
l’objectif est d’œuvrer afin que les réfugiés puissent retourner paisiblement
dans leurs pays.
26.
Concernant le problème des prisons, les responsables du MAEIA ont tout
simplement reconnu qu’il y avait beaucoup de manquements dans ce
domaine et que c’est pour cette raison que le Gouvernement a lancé de grands
chantiers en vue d’améliorer les conditions de vie des prisonniers.
27.
Sur la question des populations autochtones notamment les peuls, le
Secrétaire Général a expliqué aux membres de la délégation, que cette
problématique ne se pose pas au Tchad, qu’il est difficile voire impossible de
déterminer qui est autochtone au Tchad et par conséquent, tous les citoyens
sont traités sur le même pied d’égalité.
28.
Enfin, à la question de savoir ce qui justifie le retard du Tchad dans la
soumission de son rapport périodique, le SG a dit ne pas être au fait de cette
obligation. C’est sur cette base que les membres de la Commission ont
expliqué que conformément à l’Article 62 de la Charte africaine, les Etats
parties doivent soumettre un rapport périodique tous les deux ans sur la
situation des droits de l’homme dans leurs pays.
29.
A la fin des débats, les membres de la délégation ont salué la volonté
politique des autorités tchadiennes à s’engager dans la protection des droits
de l’homme, ils ont, entre autres, souligné l’importance pour le Tchad de
ratifier le Protocole portant création de la Cour africaine des droits de
l’homme et des Peuples et de faire la déclaration exigée par l’article 34 al 6
acceptant la compétence de la Cour pour recevoir les requêtes provenant des
individus et des ONG.
13
2. RENCONTRE AVEC LE PREMIER MINISTRE
30.
Les membres de la délégation ont eu une séance de travail avec le Premier
Ministre Son Excellence M. Djimrangar Dadnadji Joseph. Ils ont attiré son
attention sur plusieurs points, notamment les mauvaises conditions de vie
dans les prisons tchadiennes, la sécurité qui demeure fragile malgré les
efforts, et la violation des droits de la femme.
31.
Son Excellence M. Djimrangar Dadnadji Joseph a admis, en ce qui
concerne les droits de l’homme, qu’il y a encore beaucoup à faire. Cependant,
il a noté que les droits de l’homme sont d’abord une affaire interne des Etats
et qu’il fallait se méfier de son internationalisation. Concernant les prisons, il a
relevé que la plupart des prisons du pays ont été construites pendant la
période coloniale et que c’est pour cette raison que le Gouvernement avec le
concours du (Programme d’Appui à la Justice) PRAJUST est en train de les
renouveler. Il a ajouté que la rénovation des prisons se fait conjointement
avec la réforme du système judiciaire qui, à terme, offrira plus de justice et
d’équité. Contrairement à ceux qui disent que le Ministère des droits de
l’homme et des libertés publiques est un organe de contrôle au service du
gouvernement, le Premier Ministre a répondu en affirmant que l’objectif de ce
département ministériel est de promouvoir les droits de l’homme, et à ce titre
il interagit avec la société civile. Concernant la Commission nationale des
droits de l’homme, M. Djimrangar Dadnadji Joseph a affirmé que l’Assemblée
Nationale travaille pour légiférer sur son autonomie, mais cette action,
d’après lui, nécessitera au préalable un débat constitutionnel.
32.
Relativement au problème de sécurité dans le pays, le Premier Ministre a
rappelé qu’il est temps que tous les tchadiens comprennent que seules les
urnes constituent le meilleur moyen d’accéder au pouvoir. Il a en outre
précisé que le mode de gestion choisi par son pays est la décentralisation.
C’est sur ces mots que la rencontre a pris fin.
3. RENCONTRE AVEC LE MINISTRE DES DROITS DE L’HOMME ET
DE LA PROMOTION DES LIBERTES FONDAMENTALES
33.
Mme Amina Kodjiyana, Ministre des droits de l’homme et des libertés
fondamentales, a reçu la délégation de la Commission, accompagnée de ses
plus proches collaborateurs notamment le Secrétaire Général de son
14
Ministère, M. Ahmed Bartchiret et M. Nassou Bahar Mahoumet, Secrétaire
Général adjoint.
34.
Compte tenu du rôle important que joue le Ministère des droits de
l’homme et des libertés fondamentales dans la promotion et la protection des
droits de l’homme au Tchad, les membres de la délégation ont fait le tour sur
la situation globale des droits de l’homme dans le pays. Ainsi, ils ont
demandé à être informé sur la situation des prisonniers à N’Djamena, sur la
prise en charge des personnes vulnérables, sur le traitement accordé aux
enfants soldats, aux réfugiés et déplacés internes et les mesures prises pour
favoriser l’éducation aux droits de l’homme. La délégation s’est également
enquise de la relation qui existe entre le Gouvernement et les organisations de
la société civile. Concernant les droits des femmes, la santé de la reproduction
et l’éducation des filles étaient au centre des préoccupations de la délégation.
35.
Pour apporter des précisions sur les points soulevés par la délégation, la
Ministre et ses collaborateurs ont d’abord tenu à faire une brève présentation
de leur Ministère. Le Ministère, ont-ils expliqué, existe depuis 2005. Il a à sa
tête un Ministre, un Secrétaire Général et Secrétaire Général Adjoint. Il
comprend cinq directions : la direction des droits civils et politiques, la
direction des personnes vulnérables, la direction des droits économiques
sociaux et culturels, la direction de la promotion et de la vulgarisation des
droits de l’homme et la direction des études, des législations et du
contentieux.
36.
Sur la situation des prisons dans la ville de N’Djamena, la Ministre a relevé
que compte tenu de la surpopulation et de la vétusté de ces prisons, le
Gouvernement a pris la décision de les détruire afin d’en reconstruire des
nouvelles conformes aux standards internationaux. Ainsi, les prisonniers qui
se trouvaient dans ces maisons d’arrêt ont été transférés momentanément
dans la prison de Kélo. Les responsables du Ministère ont tout de même
reconnu que les conditions de vie dans les prisons au Tchad ne sont pas
louables ce qui, d’après eux, a poussé le Gouvernement à prendre des
mesures fortes afin de résoudre ce problème. En ce qui concerne la peine de
mort, le SG a affirmé que bien que cela existe encore dans l’ordonnancement
juridique tchadien, un moratoire est appliqué et les dernières exécutions ont
eu lieu il y a déjà bien longtemps.
37.
Dans le domaine de la prise en charge des personnes vulnérables, le
Directeur en charge de cette question a souligné que le Gouvernement
15
accorde un intérêt particulier aux enfants, aux personnes handicapées et aux
personnes âgées. Concernant les enfants soldats, le Secrétaire Général du
Ministère a affirmé que le problème ne se pose plus au Tchad grâce au
programme de réinsertion mis sur pied par le gouvernement. Sur la question
des déplacés internes, les responsables du Ministère ont affirmé que depuis la
fin de la guerre, on parle beaucoup moins de ce problème, que les
déplacements sont de nos jours justifiés par des raisons économiques.
38.
Pour favoriser l’éducation aux droits de l’homme, Mme Kodjiyana a
précisé que son Ministère s’est doté d’un plan d’action qui prévoit des
programmes de vulgarisation des textes relatifs aux droits de l’homme. Elle a
en outre rappelé qu’il existe dans les 23 régions du pays des délégués qui ont
pour mission de promouvoir les droits de l’homme auprès des populations.
Plus encore, la Ministre a informé la délégation qu’avec la collaboration du
Ministère de l’Enseignement primaire et celui de l’enseignement secondaire,
des programmes relatifs à l’éducation aux droits de l’homme dans les
établissements publics ont été mis sur pied.
39.
Concernant le droit des femmes, la Ministre et ses collaborateurs ont
affirmé que de plus en plus, la femme tchadienne participe à la gestion des
affaires publiques cela à travers leur présence, entre autres, au sein du
Gouvernement et de l’Assemblée Nationale. Les actions du Chef de l’Etat et
de son épouse, en l’occurrence la semaine nationale dédiée à la femme ont
servi d’exemple pour justifier la promotion des droits de la femme
tchadienne. Pour la santé reproductrice, l’hôpital mère et enfant de
N’Djamena a été cité comme un exemple concret de l’intérêt que le
Gouvernement accorde à cette préoccupation.
40.
Enfin, sur la relation qui existe entre les OSC et le gouvernement, la
Ministre l’a qualifié de bonne. Elle a souligné le rôle que jouent les OSC dans
la rédaction des rapports dans le cadre de l’examen périodique universel.
Mme la Ministre a également relevé la positive collaboration avec le HautCommissariat des NU aux droits de l’homme qui assiste le gouvernement.
Elle n’a pas manqué de parler de la Commission nationale des droits de
l’homme qui existe depuis 1994, mais n’a pas encore le statut A et ne bénéficie
pas des représentations au sein des régions du pays.
41.
A la suite de ces interventions, les membres de la délégation ont une fois
encore salué les efforts fournis par le Gouvernement tchadien pour la
16
promotion des droits de l’homme tout en l’invitant à renforcer la
collaboration avec les OSC.
4. RENCONTRE AVEC LE SECRETAIRE D’ETAT DU MINISTERE DES
FINANCES ET DU BUDGET
42.
La rencontre au Ministère des Finances et du Budget (MFB) a eu lieu en
présence de Mme Amina Mahamat, Secrétaire d’Etat de ce Ministère et M.
Tahir Souleyman Haggar, Secrétaire Général. Avec eux, les membres de la
délégation ont souligné l’importance des droits économiques, sociaux et
culturels et surtout le lien qui existe entre cette catégorie des droits de
l’homme et l’établissement du budget de l’Etat. Ainsi, les discussions ont
tourné autour de la répartition du budget (prises en charge des DESC, du
budget alloué à la CNDH, des subventions accordées à la Société Civile), des
secteurs prioritaires d’intervention du Gouvernement, la politique favorisant
l’éclosion des entreprises, l’impact des revenus pétroliers sur le budget de
l’Etat et la prise en compte de l’approche genre dans l’établissement du
budget.
43.
La Secrétaire d’Etat dans son propos a informé les membres de la
délégation de tout l’intérêt que son Gouvernement accorde aux questions de
droits de l’homme. Elle est revenue, entre autres, sur la création d’un
Ministère consacré exclusivement aux questions de droits de l’homme et sur
le financement par son Ministère des projets et actions proposées par les
autres départements ministériels. Concernant le budget accordé aux DESC,
Mme Amina Mahamat a fait savoir que son Gouvernement accorde plus de
20% de son budget au secteur de l’éducation et de la santé, secteurs qui
d’ailleurs font partie des priorités de l’Etat. Elle a informé la délégation,
concernant le domaine de la santé, de la mesure prise par le Gouvernement
afin d’octroyer gratuitement des soins de santé aux femmes enceintes et aux
enfants âgés de 0 à 5 ans. Dans la même logique, elle a également souligné
que beaucoup d’efforts sont faits pour améliorer les conditions de vie des
personnes handicapées. La Secrétaire d’Etat a tenu aussi à souligner la prise
en compte des questions de genre dans l’élaboration du budget. A cet effet,
elle a relevé l’existence d’un Ministère des Micro- Crédits pour la promotion
de la femme et de la jeunesse.
44.
La Secrétaire d’Etat a cependant admis que les acteurs impliqués dans la
promotion et la protection des droits de l’homme ne bénéficient pas des
17
financements étatiques. C’est ainsi que les OSC, contrairement à la CNDH, ne
reçoivent pas de financement de la part de l’Etat.
45.
Sur la question relative à l’impact des revenus pétroliers sur le budget, la
Secrétaire d’Etat a été très claire. Elle a affirmé que ces revenus sont utilisés
pour des projets d’investissement et non de fonctionnement. C’est grâce à ces
revenus, d’après elle, que le Gouvernement a entrepris de vastes chantiers
dans les domaines routiers, éducatifs, sanitaires et autres.
46.
Les membres de la délégation ont convenu avec la Secrétaire d’Etat que
beaucoup est en train d’être fait par le Gouvernement. Ils ont salué le plan
d’aménagement du territoire qui se fait dans la capitale N’Djamena et ont
suggéré que des voies soient faites pour aérer le Grand Marché de la capitale.
5. RENCONTRE AVEC LE MINISTRE DE LA SANTE
47.
C’est entouré de ses proches collaborateurs que le Ministre de la Santé
publique, M. Ahmat Djidda Mahamat, a reçu la délégation de la Commission.
Les deux parties se sont entretenues sur la politique gouvernementale en
matière de santé, la formation du personnel de santé, les problèmes de santé
en milieu rural, les infrastructures sanitaires, la mortalité infantile et
maternelle, l’accès aux médicaments, les textes juridiques en matière de santé,
la sécurité sociale, la toxicomanie, la santé dans les camps de réfugiés et dans
les prisons, le secteur privé dans le domaine de la santé, le VIH/SIDA, la
place des tradipraticiens, etc.
48.
D’après M. Ahmat Djidda Mahamat, dans sa politique en matière de santé,
le Gouvernement tchadien s’est fixé plusieurs objectifs dont le premier est de
délivrer les soins de santé à tous. La matérialisation de cet objectif se traduit
par la création des centres et districts de santé sur toute l’étendue du
territoire ; l’identification des personnes fragiles notamment les populations
nomades et insulaires et la mise à leur disposition des équipes mobiles dotées
de GPS. Toujours dans le cadre de la réalisation de cet objectif, le Ministre a
fait noter qu’une attention particulière sera accordée au monde rural étant
donné que les femmes et les enfants s’y trouvant sont victimes de problèmes
spécifiques liés à l’état de délabrement des routes.
49. L’autre objectif clé du Gouvernement dans le domaine de la santé est la
vaccination pour tous. M. Ahmat Djidda Mahamat a souligné que le but est
d’éradiquer les maladies telles que la fièvre jaune, la poliomyélite et le ver de
18
guinée. Pour y parvenir, des programmes de vaccination de routine sont en
cours dans la région frontalière avec le Soudan, région abritant très souvent
des cas de fièvre jaune.
50. En outre, le Gouvernement dépense près de 40 milliards de francs CFA
pour l’achat des moustiquaires imprégnées, une usine de fabrication des
médicaments de base est en cours de construction et des efforts sont faits pour
réduire la mortalité infantile, l’objectif étant la gratuité des soins d’urgence
pour tous. Le Ministre a également annoncé dans ce sillage que les soins de
santé des femmes enceintes et des enfants de moins de 5 ans sont désormais
gratuits.
51.
Concernant le personnel de santé, le Ministre a admis qu’il y a un déficit
sérieux de ressources humaines dans le pays. Le pays compte au total 7345
agents de santé tout cadre confondu, 726 médecins (soit un médecin pour
10000 habitants) et 467 sagefemmes. D’après M. Ahmat Djidda Mahamat ,
pour résoudre ce problème, il faudra absolument agrandir les structures de
formation, encadrer les structures privées de formation, uniformiser les
modules de formation et mettre sur pied un diplôme national de formation du
personnel de santé. Ainsi, des mesures sont déjà prises. Sur le plan national, le
partenariat avec l’UNICEF a déjà permis de former près de 200 agents de
santé a souligné le Ministre et les facultés de médecine de N’Djamena et
d’Abéché ont formé environ 47 médecins l’an dernier. Le Ministre a
également évoqué l’ouverture des centres de formation spécialisés. Sur le plan
de la coopération bilatérale, le Gouvernement tchadien a également signé un
partenariat avec le Cuba. Ce partenariat permettra de former 150 médecins
dans les sept prochaines années. Selon le Ministre, d’autres partenariats avec
la Tunisie, l’Egypte, l’Arabie Saoudite, le Soudan, l’Algérie, et le Benin sont en
cours.
52. Relativement aux textes juridiques en matière de santé, le Ministre de la
santé a affirmé que son Gouvernement est en train d’élaborer un certain
nombre de textes notamment un code de la santé, un texte relatif à l’ordre des
médecins, un code d’hygiène et un décret sur la déontologie médicale. Il a
aussi noté que la législation devait être assouplie afin de favoriser et faciliter
l’entrée des médecins étrangers dans le pays.
53. Sur la mise sur pied de la sécurité sociale, le conseiller juridique du
Ministère a relevé que le Gouvernement tchadien a accordé la priorité au
19
système de la protection sociale afin de couvrir une plus grande partie de la
population.
54.
Concernant les préoccupations relatives à la toxicomanie, les autorités du
Ministère ont souligné qu’il s’agit d’un problème réel au Tchad bien qu’il
existe une loi contre le tabac. Elles ont surtout relevé qu’il s’agit beaucoup
plus d’un problème d’alcoolisme que de tabac et ont rappelé que le Tchad
manque d’expertise dans ce domaine. Cependant, des campagnes de lutte
contre la toxicomanie sont organisées en collaboration avec l’UNICEF et
l’OMS, a affirmé le Ministre.
55. Sur l’existence d’un secteur prive de la santé, le Ministre a affirmé qu’il y a
dans le pays un certain nombre de cliniques et de pharmacies. Il a cependant
reconnu qu’il existe une concurrence entre le secteur privé et le secteur public,
concurrence due au manque de ressources humaines. Le Ministre s’est en
outre étendu sur le cas des tradipraticiens à qui son Ministère a consacré toute
une direction qui veille à ce qu’ils travaillent dans les règles de l’art. Il a
souligné que ces derniers ne peuvent plus être écartés compte tenu de l’effet
qu’ils ont auprès des populations.
56. A propos de la prise en charge des soins de santé dans les camps de
réfugiés, le Ministre a fait remarquer que tous les réfugiés avant leur entrée
sur le territoire font gratuitement des vaccins contre la fièvre jaune. En outre,
l’Etat assiste le HCR dans la fourniture des soins de santé. Concernant les
soins de santé dans les prisons, le Ministre a affirmé qu’ils sont gratuits et
c’est le Ministère de la justice qui s’en occupe.
57. Enfin, sur la lutte contre le VIH/SIDA, le Ministre a affirmé qu’il était
difficile d’avoir des chiffres exacts sur le taux de prévalence dans le pays.
Toutefois, il a relevé que ce taux serait de 3,7% et les femmes seraient les plus
affectées.
58.
C’est sur ces mots du Ministre que la rencontre s’est achevée, les membres
de la délégation ont encouragé les responsables du Ministre à maintenir le cap
pour une meilleure prise en charge des soins de santé au Tchad.
6. RENCONTRE AVEC LE MINISTRE DE L’ASSAINISSEMENT ET LA
PROMOTION DE LA BONNE GOUVERNANCE
59.
Les membres de la délégation ont été reçus au Ministère de
l’Assainissement Public et de la Promotion de la Bonne Gouvernance par M.
20
Hinsou Hara. Les débats ont essentiellement porté sur les missions de ce
Ministère et les actions entreprises pour lutter contre la corruption dans le
pays.
60.
M. Hinsou Hara a affirmé que son Ministère a été créé en 2004 dans le but
de lutter contre la corruption. Au départ il s’agissait du Ministère du Contrôle
Général de l’Etat et de la Moralisation. En 2010, dans un souci de renforcer
la lutte contre les détournements des fonds publics, a souligné le Ministre, la
dénomination du Ministère a changé et a pris le nom de Ministère de
l’Assainissement Public et de la Promotion de la Bonne Gouvernance.
61. D’après le Ministre, l’objectif est d’assurer une gestion efficiente, claire et
transparente des affaires publiques. La mise en œuvre de cet objectif, a-t-il
expliqué, se fait avec le concours de la société civile, des partis d’opposition
et des partenaires tels que le PNUD, la BAD, l’Ambassade des EUA et l’UE.
Ainsi, des actions de sensibilisation sur la lutte contre la corruption sont
menées. Ces actions mettent un accent sur l’éthique et la déontologie, le but
étant de changer les mentalités et de faire comprendre aux gestionnaires que
la gestion de la chose publique entraîne inéluctablement une obligation de
rendre compte. M. Hinsou Hara a également souligné que les actions de
sensibilisation se font concomitamment avec celles de contrôle notamment
des audits. Ainsi, ce contrôle a permis non seulement de prendre des
sanctions contre les personnes impliquées dans la mauvaise gestion des
deniers publics mais de recouvrer plus de 25 milliards de francs CFA.
62.
Concernant le rôle des partis politiques d’opposition, le Ministre a rappelé
que ces derniers ont signé un accord politique avec la majorité présidentielle
en août 2007. Cet accord a contribué à la mise sur pied de la Commission
Electorale Nationale Indépendante (CENI) et l’organisation pacifique des
élections en 2011. Actuellement, a ajouté le Ministre, l’opposition, la majorité
présidentielle et la Société Civile sont en train de travailler pour la mise sur
pied de la biométrie et la restructuration de la CENI pour l’organisation des
élections régionales de 2014, les législatives de 2015 et les présidentielles de
2016.
63.
Sur le plan conventionnel, le Ministre a souligné que son pays est partie à
plusieurs conventions relatives à la lutte contre la corruption notamment celle
adoptée par l’Union africaine (UA).
21
64.
Avant de conclure, il a rassuré les membres de la Commission que son pays
est en train de prendre toutes les mesures pour lutter contre la corruption. Il
n’a d’ailleurs pas manqué de relever que le Tchad a ratifié la Charte africaine
sur la démocratie, les élections et la gouvernance et qu’un Comité
indépendant chargé des questions de bonne gouvernance et de lutte contre la
corruption a été mis sur pied. Ce Comité est composé de six représentants de
la majorité présidentielle, six représentants de l’opposition et trois
représentants de la société civile.
7. RENCONTRE AVEC LE MINISTRE DE L’ENSEIGNEMENT
SUPERIEUR
65. C’est avec le Dr Adoum Goudja, Ministre de l’enseignement supérieur que
la délégation de la Commission a eu des échanges sur l’état des lieux des
universités tchadiennes notamment le nombre d’universités qui existe, le
nombre d’étudiants, la qualité des enseignements, le problème des bourses et
celui de l’expatriation des étudiants.
66. Le Ministre a rassuré la délégation de l’engagement de son Gouvernement à
améliorer le secteur de l’enseignement supérieur. Il a d’entrée de jeu informé
la délégation que son Gouvernement venait de débloquer 4 milliards de
francs CFA, dans le cadre d’un partenariat avec la République de Cuba, pour
la formation d’une centaine de médecins. Il a relevé qu’à ce jour, son pays
compte plusieurs universités publiques à l’instar de l’Université de
N’Djamena dotée d’une faculté de médecine, l’Université Roi Fayçal dont les
enseignements sont dispensés en langue arabe, l’Université d’Abéché qui, elle
aussi, a une faculté de médecine, l’Université de Saar et l’Université de
Bongor.
67.
Le Dr Adoum Goudja à également souligné que son pays compte plusieurs
instituts publics notamment l’Institut de formation en pèche d’Abéché et
l'Institut Universitaire de Pétrole de Mao, Institut sous régional qui a pour
principal objectif de former des ingénieurs dans le domaine du pétrole. Quant
aux instituts privés, le Ministre a affirmé qu’ils se comptent en centaine et
sont concentrés pour la plupart dans la ville de N’Djamena. Ces institutions,
d’après le Ministre, sont créées conformément à la législation en vigueur et
elles bénéficient des subventions étatiques.
68.
Sur le nombre d’étudiants, le Dr Adoum Goudja a fait noter que son pays
compte à l’heure actuelle 25 000 étudiants alors qu’en 2000 il y en avait que
5000. Il a poursuivi en affirmant que depuis plus d’un an, le problème de
grève des étudiants a été résolu avec le payement des bourses. D’après lui, ces
22
derniers sont associés aux conseils académiques et sont dès lors consultés
lorsque des décisions importantes sont prises. Le Ministre a tout de même
reconnu que les infrastructures universitaires existantes ne sont pas à même
d’accueillir tous les bacheliers. C’est ainsi que les familles sont contraintes à se
battre pour envoyer leurs enfants soit dans le secteur privé soit dans les
universités étrangères.
69.
Quant à la qualité des enseignements dispensés aux étudiants, le Ministre a
informé la délégation que le système universitaire tchadien est désormais
arrimé au système LMD (Licence – Master – Doctorat). Le Ministre a aussi
relevé la mise sur pied d’un BTS national et d’une licence professionnelle qui
permettront de limiter les failles orchestrés par les instituts privés. La priorité
du Gouvernement, a-t-il indiqué, reste le renforcement de la qualité des
enseignements dans les secteurs de la médecine, de l’agronomie et de
l’élevage. A la question de savoir si les droits de l’homme étaient enseignés
dans toutes les universités, le Dr Adoum Goudja a répondu par la négative. Il
a fait savoir que compte tenu du manque de ressources humaines, cet
enseignement est fait beaucoup plus dans les facultés de droits. Sur ce point,
les membres de la délégation ont fait savoir au Ministre que l’éducation aux
droits de l’homme devrait être systématique dans toutes les facultés.
70. Concernant la question relative au genre, le Ministre a souligné que des
efforts considérables sont faits par le gouvernement. Il a fait remarquer qu’il y
a des femmes Ministres, doyennes de facultés,… Il en outre mentionné qu’au
niveau de l’enseignement primaire, les femmes sont plus nombreuses que les
hommes et qu’au Tchad, il est strictement interdit de chasser les filles
enceintes dans les établissements scolaires.
71. Pour conclure, le Dr Adoum Goudja a souligné que bien qu’il existe une
volonté politique de résoudre le problème de l’enseignement supérieur au
Tchad, des difficultés liées à la carence des ressources humaines persistent. A
cela, a-t-il précisé, s’ajoute le manque d’infrastructures. Les accords de
coopération avec les universités étrangères notamment l’université de Liège et
certaines universités des pays arabes sont à encourager.
72. A la suite des explications apportées par le Ministre, les membres de la
délégation ont manifesté leur satisfaction et ont promis de formuler des
recommandations dans le rapport de la mission.
8. RENCONTRE AVEC LE MINISTRE DE L’ENSEIGNEMENT
FONDAMENTAL
23
73.
C’est entouré de ses collaborateurs que le Ministre de l’enseignement
fondamental M. Hassan Tcholnaye a reçu les membres de la délégation. Les
échanges ont porté sur l’état des lieux de l’enseignement fondamental au
Tchad, notamment les différentes catégories d’enseignement qui constituent
l’enseignement fondamental, le nombre d’élèves et d’enseignants, et la qualité
de l’enseignement. La question de l’enseignement aux droits de l’homme et la
scolarisation des filles ont également été abordées.
74.
Le Ministre a informé la délégation que depuis 1992, le Tchad a fait
beaucoup d’efforts dans le domaine de l’éducation malgré les périodes de
conflits qu’il a connu. Il a fait noter que l’enseignement fondamental au Tchad
regroupe les cycles pré-primaire, primaire et secondaire. D’après lui, le Tchad
compte près de 2 millions d’élèves et 20 mille enseignants dont 70% sont des
maitres communautaires qui jusqu’à tout récemment étaient pris en charge
par les parents d’élèves. Le Ministre a également soutenu que l’éducation est
gratuite et obligatoire au Tchad et que bien qu’il existe des écoles religieuses
(chrétiennes et musulmanes), le principe de laïcité et les règles établies par le
Gouvernement sont respectés
75.
Sur la qualité de l’enseignement, le Secrétaire Général du Ministère, a
souligné que l’accent est mis sur la morale. C’est ainsi que des cours
d’éducation civique sont dispensés aux élèves et un centre national de
curricula a été mis sur pied dans l’optique de veiller à ce que cette éducation
soit effective. Des manuels d’éducation ont été distribués aux 23 régions du
pays. En outre, d’après les responsables du ministère, les droits de l’homme
sont pris en compte dans la formation et très souvent, des programmes de
lutte contre la violence sont diffusés dans les radios.
76.
Concernant la scolarisation des filles, le Ministre a reconnu que cela
constitue encore un problème majeur au Tchad. D’après lui, seulement 47%
des femmes sont scolarisées. Mais depuis 2001, des efforts sont faits pour
renverser cette tendance. L’éducation des femmes est désormais obligatoire.
Les pratiques telles que les mariages forcés et précoces, une des causes
d’abandon scolaire chez les filles, sont interdites et sanctionnées.
77. Sur la question relative à la lutte contre l’analphabétisme, le Ministre a
relevé que ce problème concernait beaucoup plus les personnes âgées. Pour y
remédier, l’Etat a construit des centres d’alphabétisation notamment, celui de
Ndjore. En outre, il a fait état de l’existence de la loi No 16 de 2004 portant
organisation du système éducatif tchadien qui prend largement en compte la
lutte contre l’analphabétisme. Le Gouvernement a aussi, dans le cadre de cette
24
lutte, bénéficié de l’appui de la Banque islamique à travers le programme
PALAM
78.
Concernant l’éducation non formelle, le Ministre a relevé qu’elle concerne
les enfants de la rue et dans une certaine mesure les enfants soldats. Des
centres auraient été créés dans les 10 arrondissements de N’Djamena, bien
que leur nombre reste encore limité. Avec le soutien du Qatar dans le cadre
du projet d’appui à la réforme de l’éducation (13 millions de dollars), le
Gouvernement compte ainsi construire ces centres dans toutes les régions du
pays et mettre sur pied une alphabétisation fonctionnelle. Le Ministre a tenu à
souligner qu’il y a une prise en charge par l’Etat de la scolarisation des
enfants soldats et que de plus en plus, l’Etat modernise la situation des
talibés.
79. Sur la question relative à l’organe de contrôle du secteur de l’éducation, les
responsables du ministère ont affirmé que le contrôle se fait par les
inspecteurs généraux. En plus, il existe une commission nationale d’examen et
une autre en charge des affectations des enseignants. D’après le Ministre, il
existe dans chaque région une délégation régionale du ministère de
l’éducation et chaque département compte une inspection. Le rôle de tous ces
organes est d’assurer que les mesures prises au niveau national sont mises en
application.
80. Pour conclure, le Ministre a insisté sur les défis qui persistent encore
notamment le manque de moyens financiers, le faible taux de scolarisation
des filles et l’alphabétisation des adultes.
9. RENCONTRE AVEC LE MINISTRE DE LA JUSTICE, GARDE DES
SCEAUX
81.
Le Ministre de la Justice, Garde des Sceaux, M. Abdoulaye Sabre Fadoul a
eu des échanges avec les membres de la délégation. Ces échanges ont porté
sur plusieurs points tels que le respect du droit à un procès équitable, la
situation des prisonniers, la réforme du système judiciaire, la formation des
magistrats et le harcèlement judiciaire des défenseurs de droits de l’homme.
82.
Dans son propos, le Ministre a tenu à remercier les membres de la
Commission d’être venus s’enquérir de la situation des droits de l’homme
dans son pays. Concernant le droit à un procès équitable, M. Abdoulaye Sabre
Fadoul a souligné que son gouvernement, bien qu’encore doté des textes qui
datent de la période coloniale, respecte le principe de l’indépendance de la
justice et d’après lui, le droit à un procès équitable qui en est un corolaire est
bel et bien respecté. Le Ministre a affirmé qu’il existe un Conseil Supérieur de
25
la Magistrature présidé par le Président de la République. En outre, il a fait
remarquer que tous les grands principes démocratiques sont contenus dans la
Constitution tchadienne et la réforme du code pénal et celui de procédure
pénale prendront en compte ces grandes avancées démocratiques.
83.
Sur la situation des prisons au Tchad, le Ministre a reconnu qu’il y a
encore beaucoup à faire. Il a admis qu’il n’existe pas de prisons spéciales pour
les femmes et les enfants. Cependant, il a informé la délégation que le régime
des mineurs est différent. Cette différence se manifeste à travers plusieurs
facteurs à savoir : la détention des enfants est une exception, il existe un juge
pour enfant dans les tribunaux et plus encore, un projet de protection de
l’enfant est en cours d’adoption.
84.
Sur la situation relative à la prison de N’Djamena, le Ministre de la justice a
affirmé que cette prison avait été construite dans les années 1960 pour une
capacité de 300 prisonniers. Lors de sa destruction, elle comptait déjà plus de
1000 pensionnaires. Il a reconnu que les conditions de vie dans cette prison ne
respectaient pas les standards internationaux et que c’est pour cette raison
qu’elle a été détruite. A la question de savoir quel est le sort qui a été réservé
aux détenus de cette prison, le Ministre a affirmé que ces derniers ont été
transférés dans la prison temporaire de Missene aux environs de N’Djamena
et dans les prisons de Moussoro et de Kelo où les conditions de vie sont
nettement meilleures. Cependant, il a informé la délégation du projet de
construction d’une nouvelle prison à N’Djamena et dont le budget est estimé
à près de trois milliards de francs CFA. Le Ministre a tenu aussi à rappeler
que le Gouvernement prend toutes les mesures pour assurer un traitement
acceptable aux prisonniers et qu’il n’existe pas une seule prison dans le pays
où les prisonniers ne mangent pas au moins deux fois par jour.
85.
Concernant la formation des magistrats, M. Abdoulaye Sabre Fadoul a
soutenu qu’il existe une école nationale de formation des magistrats et
greffiers dont l’accès se fait par concours. Une école de formation d’avocats
verrait le jour d’ici peu, a affirmé le Ministre. Le Ministre de la justice a admis
que bien que le Tchad soit un pays bilingue où le français et l’arabe
cohabitent, il n’y a pas encore d’avocats et de greffiers qui maitrisent la langue
arabe. En ce qui concerne les magistrats, le Ministre a affirmé qu’il y a des
transferts de magistrats francophones dans les pays arabophones et vis-versa.
L’objectif étant d’assurer l’effectivité du bilinguisme. Le Ministre a confirmé
que la formation des magistrats (théorique et pratique) prend en compte des
programmes relatifs aux droits de l’homme.
26
86.
Le Ministre, sur la question relative à l’organisation judiciaire du pays, a
affirmé que le principe de double juridiction n’est pas en application au
Tchad. Il existe ainsi des tribunaux de première instance (20 tribunaux), les
cours d’appel (trois) et la Cour Suprême. Le Ministre a également fait
remarquer que le pays est doté de 173 magistrats dans les juridictions (1
magistrat pour 70000 habitants). Il a aussi reconnu que les femmes sont
minoritaires. Cependant le Ministre de la justice a affirmé qu’une nouvelle
carte judiciaire vient d’être adoptée, ainsi, à l’horizon 2015 le pays comptera
30 tribunaux et six cours d’appel.
87.
S’agissant de la question de l’assistance judiciaire, le Ministre a indiqué
qu’un projet de loi sur la mise en place d’un cadre d’assistance judiciaire est
en cours grâce à l’appui de PRAJUST.
88.
Quant à la question du harcèlement des défenseurs des droits de l’homme,
le Ministre est revenu sur le mouvement de grève lancé par l’Union des
Syndicats du Tchad en 2012. Il a informé la délégation que les arrestations ont
eu lieu non pas parce que la grève était interdite mais parce que les
organisateurs s’en étaient pris directement à la famille du Chef de l’Etat. Une
enquête a été ouverte, et trois syndicalistes (Michel Barka, Younous Mahadjir
et François Djondang) et le directeur de publication de N'Djamena-bihebdo
impliqués ont été condamnés à 18 mois de prisons avec sursis. D’après le
Ministre, ces derniers ont fait appel et l’affaire est encore pendante devant la
juridiction compétente.
89.
Sur la disparition de l’opposant tchadien Ibni Oumar Saleh, le Ministre a
souligné que ce dernier a été plusieurs fois Ministre et candidat à l’élection
présidentielle. Selon le Ministre, Ibni Oumar Saleh a disparu pendant la
tentative de coup d’état qui a eu lieu en février 2008 et où le régime perdit le
contrôle de la quasi-totalité de la ville de N’Djamena. Le Ministre a noté que
pour retrouver cet opposant, le Gouvernement a mis sur pied une
commission d’enquête qui a travaillé pendant trois mois sur plus de 1050 cas
dont le cas Saleh. La commission était composée de plusieurs personnalités et
elle a auditionné plusieurs personnes parmi lesquelles les Ministres et les
généraux. A l’issue des enquêtes, la commission a recommandé la saisine de
la justice. Ce qui a été fait, et un comité de suivi a été créé à cet effet.
90. Les membres de la délégation, à leur tour, ont salué les efforts fournis par le
gouvernement. Ils ont insisté sur la nécessité de résoudre le problème des
détenus de N’Djamena et celui de la réinsertion sociale des mineurs. Les
Commissaires ont également insisté sur la nécessité de respecter les droits des
défenseurs des droits de l’homme et de les protéger. Ils ont souligné le
27
manque de communication entre le Gouvernement et la Commission, et ont
invité les autorités tchadiennes à soumettre leur rapport périodique sur la
situation des droits de l’homme dans le pays.
10. RENCONTRE AVEC LE SECRETAIRE D’ETAT DU MINISTERE DE
L’ACTION SOCIALE, DE LA FAMILLE ET DE LA SOLIDARITE
NATIONALE
91.
La rencontre avec le Secrétaire d’Etat du ministère de l’Action Sociale, de
la Famille et de la Solidarité Nationale, M. Ngomdigue Badi Lomey a porté
sur la question de genre, des enfants soldats et de ceux condamnés, l’adoption
du code de la famille, les personnes handicapées et âgées.
92.
Sur la question relative au genre, le Secrétaire d’Etat a affirmé que le
Gouvernement travaille afin d’assurer une prise en compte de l’aspect genre
dans les politiques gouvernementales. Ainsi, il a relevé que son ministère est
doté d’une direction en charge de la promotion de la femme et du genre.
Cette direction travaille en étroite collaboration avec des partenaires. Cette
collaboration, a-t-il expliqué, a permis de mettre sur pied une Politique
Nationale Genre et une stratégie nationale de lutte contre les violences basées
sur le genre notamment la lutte contre les mutilations génitales féminines. Ce
programme couvrirait toutes les régions du pays.
93.
Quant à la question des enfants soldats, les responsables ont précisé
d’entrée de jeu que la nouvelle appellation est « enfants associés aux forces et
groupes armés ». Ils ont expliqué que ce phénomène s’est développé pendant
la crise sécuritaire de 2004. Pour mettre un terme à cette pratique, le
Gouvernement a signé, en 2007, un partenariat avec l’UNICEF. Avec son
concours, un programme de réinsertion social des enfants associés aux forces
et groupes armés a été adopté. En outre, en 2008, un accord entre le ministère
de l’action sociale et celui de la défense a été signé afin de former les officiers
sur la question des enfants associés aux forces et groupes armés. Ensuite, en
2009, une Commission mixte a été créée avec pour mission de faire des visites
dans les services de l’armée, de la gendarmerie, de la police et autres afin de
vérifier si des enfants étaient enrôlés. Cela a permis de sortir tous les enfants
victimes d’enrôlement et de les envoyer dans des centres de rééducation.
94. Sur le plan légal, les responsables du ministère ont affirmé qu’un avantprojet portant code de protection de l’enfant conforme à la Convention des
Nations Unies sur le droit de l’enfant, à la Convention de l’OIT sur le travail
des enfants et à la Charte africaine sur le droit et le bien-être de l’enfant sera
28
examiné en avril 2013. Ils ont également affirmé qu’il y a une réforme du code
pénal qui est en cours, l’objectif étant de mieux protéger les enfants. En plus,
ils ont fait allusion au projet de loi qui porte sur l’enregistrement des
naissances. Cette loi aura pour but de résoudre le problème des enfants qui
n’ont pas d’acte de naissance notamment les réfugiés. Pour les enfants
abandonnés, les responsables du ministère ont souligné qu’il existait une
crèche dont les activités ont été suspendues à cause de la guerre. Cependant,
ces enfants sont confiés à des OSC et à des orphelinats. La politique
d’adoption quant à elle se fait conformément à la loi et la priorité est accordée
aux couples stériles. Concernant le cas des enfants détenus, ils ont confirmé
qu’il n’existe pas une prison spéciale pour enfants mais que ces derniers
avaient des quartiers spécifiques.
95.
Concernant le code de la famille, le Secrétaire d’Etat a rappelé que c’est le
code civil français de 1958 qui est en encore en application. Cependant, il a
rassuré la délégation que le projet du nouveau code de la famille a été validé
et sera bientôt adopté. Ce code prendrait en compte toutes les sensibilités
sociologiques, ainsi que l'égalité entre l’homme et la femme.
11. RENCONTRE AVEC LE MINISTRE DE LA JEUNESSE ET DES
SPORTS
96.
C’est au nom du Ministre de la Jeunesse et des Sports que le Secrétaire
Général de ce département ministériel, M. Makota Koode Rimtemadj, a reçu
la délégation de la Commission. Ensemble, ils ont abordé la situation des
jeunes dans le pays, ainsi que les questions relatives aux activités sportives.
97.
Le Secrétaire Général a présenté à la délégation les différentes mesures
adoptées par le Gouvernement afin de mieux répondre aux difficultés des
jeunes tchadiens. C’est ainsi que d’après lui, il existe plusieurs directions au
sein de son ministère en charge des problèmes des jeunes. Il s’agit notamment
de la direction de la jeunesse, des activités socioéducatives et des loisirs, de
celle de l’insertion sociale des jeunes et enfin celle de la vie associative. Toutes
ces directions mènent des activités permettant à la jeunesse de mieux
s’épanouir. Il a en outre mentionné la mise sur pied d’un programme invitant
les jeunes à s’impliquer dans les activités de jeunesse. Ce programme
couvrirait plusieurs régions du pays.
98.
Plus encore, il a relevé l’existence de l’Institut National de la Jeunesse et des
Sports (INJS). Cet institut, conforme au système LMD et doté de plusieurs
filières, contribue à former les instructeurs de la jeunesse, les conseillers de
sport et de la jeunesse et les conseillers d’éducation physique et sportive. A
29
côté de cet institut, le Gouvernement a créé, dans le cadre de la conférence des
Ministres des sports et de la jeunesse, un Conseil Consultatif des Jeunes. Ce
Conseil consultatif est l’interface entre les associations de jeunes et le
ministère. En plus de cette initiative, le Secrétaire Général a fait référence,
entre autres, au Fonds d’Insertion des Jeunes (il est d’environ 600 millions de
francs CFA), au Réseau National des Jeunes Entrepreneurs Tchadiens et à la
Cellule de Counseling/Santé de reproduction des adolescents. Toutes ces
actions permettent, selon les responsables du Ministère, de lutter contre le
chômage des jeunes. A ces initiatives, s’ajoute également le projet de
construction des maisons des jeunes et des maisons de quartiers pour le loisir
des jeunes. Le Secrétaire Général a aussi informé la délégation de la
ratification par son pays de la charte africaine de la jeunesse, preuve de la
volonté des autorités de vraiment prendre à cœur les problèmes de la
jeunesse.
99.
Concernant les activités sportives, le Secrétaire Général a relevé qu’il existe
deux championnats de Football (1ère et 2e Division). Il a souligné que le genre
est bien pris en compte dans le domaine sportif, qu’il existe des équipes
dames dans tous les secteurs sportifs excepté le Volley Ball. Le ministère a
également, a-t-il fait remarqué, créé des équipes au niveau des établissements
scolaires dans le cadre de la semaine nationale des sports scolaires. En matière
d’équipements sportifs, le Secrétaire Général a fait noter que chaque chef-lieu
de région doit être doté d’un stade omnisport et que les infrastructures
actuelles ont permis au Tchad de présenter sa candidature pour l’organisation
des 8e Jeux de la Francophonie en 2017.
100.
A la question de savoir quelles sont les mesures prises pour stopper la
violence dans le milieu sportif, les responsables du ministère ont affirmé que
le Gouvernement insiste sur la culture du fairplay. Et concernant les
financements des activités sportives, le SG a admis que son ministère ne
finance pas directement les clubs sportifs. Cela se fait directement par le canal
des fédérations sportives. Cependant, conformément à loi du 14 mars 2001, at-il expliqué, le ministère finance l’organisation des compétitions.
101.
Sur la préoccupation relative aux jeunes en conflit avec la loi, les
responsables du Ministère ont souligné que cela est très mal vu par la
population et que l’action des ainés, dans ce cadre précis, a un impact
considérable.
102.
Pour conclure, le Secrétaire Général a reconnu qu’il y a encore
beaucoup d’efforts à fournir afin de mieux répondre aux problèmes des
30
jeunes au Tchad et comme défis, il a avancé le manque des ressources
humaines.
12. RENCONTRE AVEC LE MINISTRE DES MICRO- CREDITS POUR LA
PROMOTION DE LA FEMME ET DE LA JEUNESSE
103.
La rencontre avec M. Martin Bagrim Kibassim, Ministre des MicroCrédits pour la Promotion de la Femme et de la Jeunesse, a porté sur les
différentes activités de ce ministère et ses répercussions dans l’amélioration
des conditions de vie des tchadiens.
104.
Le Ministre a fait observer que son ministère a été créé en 2006 afin
de lutter contre la pauvreté et, surtout, d’améliorer les conditions de vie des
femmes et des jeunes. D’après lui, selon le dernier recensement de la
population de 2009, 50% de la population vit dans la pauvreté et 85% de cette
même population vit en milieu rural. Ainsi, les priorités du ministère sont
axées sur la promotion de la femme et de la jeunesse dans les secteurs tel que
le commerce, l’informel et ce dans les zones urbaines et péri-urbaines. Les
actions récentes du ministère se sont traduites par les dépenses de plus de 3
milliards 500 millions de FCFA depuis la création du ministère en faveur des
femmes et des jeunes. M. Martin Bagrim Kibassim a également affirmé qu’un
projet a été mis sur pied depuis le début de l’année en faveur des femmes et
des jeunes. Il s’agit du projet 1000 idées 3000 emplois. L’objectif, d’après lui,
étant d’atteindre 500 000 personnes.
105.
Concernant les conditions d’octroi du crédit, le Ministre a souligné que
le crédit concerne tout le monde et les taux de remboursement oscillent
autour de 4%. Il a rappelé que ces crédits ne sont pas des dons et les
populations sont sensibilisées à cet effet. Les dons sont plutôt octroyés aux
personnes vivant avec un handicap. D’après lui, les fourchettes vont de 50 000
francs CFA à un million de francs CFA. Ils sont octroyés dans toutes les
régions du pays avec l’aide de l’agence de micro-crédit soudanais. Les
établissements de crédits quant à eux doivent être autorisés par la
Commission Bancaire de l’Afrique Centrale (COBAC) avant d’exercer. Sur les
délais de remboursement, M. Martin Bagrim Kibassim a relevé que le délai
varie selon les types d’activités. Pour l’agriculture par exemple, il a indiqué
que le délai est de huit mois. Des moyens de contrôle sont ainsi mis en place
tant au niveau national que local pour s’assurer que ces crédits sont
remboursés. Le Ministre a également soutenu que des missions au Sénégal et
au Benin sont prévues afin de davantage expérimenter les conditions de mise
en œuvre du crédit. L’objectif de ces expériences est de mettre en place
l’approche faire-faire.
31
106.
M. Martin Bagrim Kibassim a tout de même reconnu que le
remboursement des crédits reste encore un défi majeur. Le taux de
remboursement actuel d’après lui serait de 15%. Pour y remédier, il a indiqué
qu’une brigade de contrôle a été mise en place au niveau du ministère des
finances et qu’une demande a été faite en vue d’ériger cette structure en une
direction pour qu’elle puisse mener à bien sa mission.
107.
Les membres de la Commission ont salué les efforts entrepris par le
gouvernement, ils l’ont invité à véritablement mettre en œuvre l’approche
faire-faire qui contraint les bénéficiaires de crédits à bien utiliser les fonds à
eux octroyer et surtout à les rembourser.
13. RENCONTRE AVEC LA REPRESENTANTE DU HAUT
COMMISSARIAT DES NATIONS UNIES POUR LES REFUGIES AU
TCHAD
108.
Les membres de la délégation se sont entretenus avec Mme Aminata
Gueye, Représentante résidente du Haut-Commissariat des Nations Unies
(HCR) au Tchad, et ses collaborateurs. Les discussions ont porté
essentiellement sur la situation des réfugiés au Tchad et le rôle que joue le
HCR.
109.
La Représentante a dans ses propos dressé le tableau de la répartition
des camps de réfugiés sur toute l’étendue du territoire. Ainsi, on dénombre 17
camps de réfugiés dans le pays. 12 d’entre eux se trouvent à l’est proche de la
frontière avec le Soudan et les cinq autres se situent au sud à la frontière avec
la République Centrafricaine. Selon les chiffres obtenus en février, environ
378390 réfugiés vivent sur le sol tchadien. Ils viennent pour la plupart du
Soudan, de la République Démocratique du Congo et de la République
Centrafricaine. Le bureau du HCR au Tchad compte 5 sous délégations qui
elles aussi sont dotées de sous bureaux. Selon Mme Aminata Gueye, le HCR
travaille en collaboration avec 17 ONG dont six ONG nationales et 11
internationales. Ces ONG ont un accès direct aux camps de réfugiés.
L’objectif, a-t-elle dit, est de travailler avec plus d’ONG nationales bien que
cela fasse grincer les dents des bailleurs de fonds.
110.
Concernant le budget mis à la disposition du bureau de N’Djamena, la
patronne des lieux a affirmé que depuis 2010, il a connu un déclin
vertigineux. Il a été totalement divisé en deux. Et à cette coupe budgétaire
s’ajoute les problèmes de terre qui se pose. Raison pour laquelle la politique
d’auto prise en charge des réfugiés a de la peine à prendre corps. Cependant,
des discussions restent en cours avec le Ministre de l’agriculture afin que les
réfugiés puissent bénéficier des ressources naturelles.
32
111.
En ce qui concerne la collaboration avec les autorités étatiques, la
Représentante du HCR a salué l’implication de la Commission Nationale
d'Accueil et de Réinsertion des Réfugiés et Rapatriés (CNARR) qui d’après
elle effectue un bon travail. Cette bonne collaboration est également reconnue
en ce qui concerne le rôle que joue le ministère de la santé qui assure les
structures de santé qui s’occupent des réfugiés, bien que des efforts restent à
fournir. Quant au ministère de l’éducation, il y a encore beaucoup à faire
surtout en ce qui concerne l’harmonisation du système applicable dans les
camps. En fait, selon Mme Gueye, il est important que ce soit le système
éducatif tchadien qui soit applicable dans tous les camps. Cela permettra de
réduire le coût des examens soudanais qui est extrêmement élevé. Avec le
ministère du plan et de l’aménagement du territoire, des discussions sont en
cours afin que les réfugiés soient pris en considération dans l’aménagement
du territoire. Cependant, elle a reconnu que son bureau ne travaillait pas
assez avec le Ministère de l’Intérieur et qu’il est important que les deux
institutions travaillent en étroite collaboration.
112.
Avec les autres partenaires, notamment le Programme Alimentaire
Mondial (PAM), l’UNICEF, l’UNEPS et le PNUD, Mme Gueye a indiqué que
la collaboration est réelle et satisfaisante. Toutefois elle a souligné que les
difficultés (non versement par les bailleurs de fonds des sommes promises)
que traverse le PAM suscitent plusieurs inquiétudes. Ainsi, l’alimentation des
réfugiés va considérablement diminuer et cela aura des répercussions sur la
santé des enfants particulièrement dans la région du Sud où le PAM parle
d’une catastrophe grave si des mesures urgentes ne sont pas prises.
113.
Sur la question relatives aux déplacés internes (DI), la Représentante
du HCR a affirmé que depuis 2011, le Gouvernement tchadien a décidé de ne
plus prendre en considération cette catégorie de personnes, ainsi, depuis lors
tous les fonds qu’utilisaient le HCR pour les DI ont été coupés ce qui fait que
le HCR ne peut plus logiquement prendre en charge cette catégorie de
personnes. Pour les réfugiés urbains, la situation est nettement meilleure. Ils
sont concentrés principalement dans la ville de N’Djamena et s’intègrent plus
facilement.
114.
Sur le point relatif au rapatriement, il y a des avancées qui sont
réalisées sur le terrain. C’est le cas des réfugiés soudanais qui ont accepté de
rentrer sous certaines conditions. Cependant les responsables du HCR ont
souligné que le rapatriement des réfugiés centrafricains a été freiné par
l’attaque des rebelles de la Seleka. Cette attaque est venue remettre en cause le
plan de rapatriement qui avait bien été ficelé.
33
115.
Quant aux problèmes juridiques que rencontrent les réfugiés, le
Représentant adjoint chargé de la protection au HCR M. Olivier Guillaume
BEER a souligné que la protection juridique de cette catégorie de personnes
n’est pas totalement assurée au Tchad. Ainsi, il a affirmé que sur les 380000
réfugiés qui vivent au Tchad, 350 000 sont enregistrés. En outre, l’Etat
tchadien ne délivre pas d’acte de naissance aux réfugiés soudanais qui
naissent sur le territoire. Il existe une contradiction entre la législation
tchadienne et les textes internationaux en matière de protection des droits de
l’homme, c’est le cas notamment de la responsabilité pénale de l’enfant qui est
de 13 ans au Tchad, a-t-il indiqué. Cette contradiction se justifie par la
pratique de certaines coutumes contraires aux droits de l’homme. Selon M.
Beer, il y a une absence de l’autorité judiciaire dans certaines régions du pays.
Cela fait que lorsque des plaintes sont portées devant les juridictions, il n’y a
personne pour les traiter, ce qui crée un climat d’impunité. Les détentions
arbitraires sont également récurrentes. Les audiences foraines n’ont pas lieu
lorsque le HCR ne les finance pas et les caractères civil et humanitaire des
camps ne sont pas respectés, a-t-il ajouté. Ces problèmes montrent la nécessité
d’adopter une loi nationale sur l’asile et surtout d’établir des partenariats avec
des ONG qui permettront de sensibiliser les réfugiés sur leurs droits, a
affirmé le Représentant adjoint du HCR au Tchad.
116.
Néanmoins, en plus des problèmes d’ordre juridique, les responsables
du HCR ont insisté, entre autres, sur le manque d’eau potable et les
problèmes de nutritions dans les camps. Ils ont ainsi invité la Commission à
peser de tout son poids afin que des solutions soient trouvées. Ils ont
également invité la Rapporteure Spéciale a effectué une mission spécifique
sur les réfugiés ce qui lui permettra de toucher du doigt les réalités du terrain.
117.
Il sied de noter que faute de moyens logistiques appropriés, les
membres de la Délégation n’ont pas pu effectuer de visite dans les camps des
réfugiés qui sont dans des régions très éloignées.
14. RENCONTRE AVEC LE REPRESENTANT DU COMITE
INTERNATIONAL DE LA CROIX ROUGE AU TCHAD
118.
C’est au nom du Représentant du Comité International de la Croix
Rouge (CICR) au Tchad que M. Chris Wabnitz a reçu les membres de la
Commission africaine. Les discussions étaient axées autour des activités du
CICR au Tchad.
119.
Ainsi, M. Chris Wabnitz a indiqué que le CICR est installé au Tchad
depuis 1998. De 2004 à 2009, le bureau a été très actif dans les différentes
34
crises qui ont secoué le pays. Son objectif est de s’assurer que les victimes de
violences, civiles ou militaires, ont accès à des soins d’urgence adéquats.
120.
Sur le plan de la sécurité économique, a-t-il expliqué, le CICR maintient
à N’Djamena et à Abéché un stock d’articles non alimentaires essentiels
(bâches, bidons, nattes, couvertures) afin d’être en mesure de réagir à des
situations d’urgence.
121.
Dans le domaine de la santé, selon M. Wabnitz, le CICR a mis sur pied
un programme de chirurgie d’urgence afin d’assister les autorités
tchadiennes. C’est aussi dans cet objectif qu’il apporte un soutien financier à
des centres de santé et des centres pour handicapés. Il apporte également un
appui aux gestionnaires des camps de réfugiés qui se trouvent dans le pays.
Toujours dans le cadre de la santé, le CICR donne une formation aux élèves
infirmiers de l’hôpital régional d’Abéché. En outre, le CICR soutient la
Société nationale de la Croix Rouge du Tchad, il fait un travail de plaidoyer
auprès des leaders religieux, étatiques et militaires sur le Droit International
Humanitaire (DIH). Le Représentant adjoint a affirmé que le CICR veille à ce
que les curricula dans les centres de formation des gendarmes, de la garde
nationale, des policiers et des militaires intègrent le DIH. Ce travail se
prolonge également au niveau des universités.
122.
A la question de savoir si le CICR travaille avec les ONG,
M. Wabnitz a affirmé que cela se fait de façon indirecte. Sur le rétablissement
des liens familiaux, il a reconnu que beaucoup est en train d’être fait et qu’il
existe une bonne collaboration avec les autorités. Concernant la question des
prisons, le Représentant adjoint du CICR au Tchad a dit être soumis à
l’obligation de confidentialité. Toutefois, il a admis qu’un travail étroit est fait
avec les autorités pénitentiaires. C’est ainsi qu’il y a une équipe du CICR qui
s’occupe des prisons, elle apporte aux prisonniers un appui dans le domaine
nutritionnel et assainissement en eau. M. Chris Wabnitz a conclu sur la
question de l’impunité. Il a affirmé que c’est un domaine très politisé mais il
n’y a pas beaucoup de problème de « missing ».
15. RENCONTRE AVEC LE REPRESENTANT DU PROGRAMME DES
NATIONS UNIES POUR LE DEVELOPPEMENT AU TCHAD
123.
Les membres de la Commission ont eu une séance de travail avec
M. Thomas Gurtner Représentant Résident du PNUD/ Coordonnateur
Résident/Coordonnateur Humanitaire au Tchad. Ce dernier était, entre
autres, accompagné par M. Agbesi Ahowanou, Conseiller aux droits de
35
l’homme et M. Pierre Yves, Conseiller en médiation. Les débats dans
l’ensemble ont porté sur la situation des droits de l’homme au Tchad.
124.
M. Thomas Gurtner a affirmé que de façon générale, le Gouvernement
tchadien est en train de faire beaucoup d’efforts afin d’améliorer la situation
des droits de l’homme dans le pays. Cette volonté, d’après lui, est tout de
même contrariée par certains obstacles tels que le conflit avec la Lybie qui
n’est pas totalement résolu, les conflits soudanais et centrafricain et la non
sécurisation de la frontière avec le Nigeria et le Niger où les terroristes de
Boko Haram sont implantés. Sur le plan interne, il a relevé, entre autres, le
problème des enfants soldats qui a mené le Gouvernement a signé un accord
avec les NU en 2011 et la liberté de la presse qui connait aussi quelques
soubresauts. Il a également noté que malgré l’intervention de la Première
Dame et le travail du FNUAP, l’éducation des filles et la participation des
femmes à la gestion des affaires publique, la pratique des coutumes néfastes
et la prise en compte de l’approche genre restent une préoccupation.
125.
Concernant le domaine des prisons, les représentants de PNUD ont
reconnu qu’il y a de sérieux problèmes. D’après eux, la planification n’aurait
pas bien marché et le manque de magistrats constitue également une cause.
Pour apporter des solutions à ce problème, le PNUD a construit des cours
foraines et a mis sur pied le programme Rule of Law
126.
Toutefois, le Représentant du PNUD a tenu aussi à s’appesantir sur les
actions positives entreprises par le gouvernement. Il a fait savoir que les
arrestations arbitraires ne sont plus récurrentes et selon M. Agbesi, Conseiller
au droits de l’homme, les normes et les règles de l’état de droit fonctionnent
bien, la Cour Constitutionnel rend de bonnes décisions, le Gouvernement
travaille en bonne collaboration avec les OSC (réunion de concertation entre le
Gouvernement et les OSC tous les trois mois) et le code de la famille et des
personnes fait partie des 10 points prioritaires du gouvernement. Concernant
la peine de mort, il a affirmé qu’un moratoire est en vigueur. Sur la question
du VIH/SIDA, les représentants du PNUD ont affirmé que leur bureau
organise des séminaires de sensibilisation.
127.
A la question de savoir quel est l’impact des revenus pétroliers sur
l’amélioration des conditions de vie, M. Agbesi a souligné que pour le
gouvernement, le pétrole ne doit pas servir à payer les salaires, position qui
d’après lui, nécessite un dialogue entre l’état et les populations.
128.
Le Conseiller aux Droits de l’Homme a indiqué qu’en matière de
soumission des rapports, le Tchad est à jour au niveau de l’Examen
36
Périodique Universel. Le pays a soumis ses rapports devant le Comité sur les
droits de l’enfant et le Comité des droits de l’homme. L’objectif maintenant
serait de former la société civile à rédiger des rapports alternatifs. Les
parlementaires, quant à eux, reçoivent des formations sur l’incorporation du
droit international. Il a ensuite souligné que le pays n’a pas encore reçu une
invitation formelle des procédures spéciales des NU, répondant ainsi à une
question des membres de la Commission.
129.
Enfin, sur la Commission nationale des droits de l’homme, les
responsables du PNUD ont indiqué qu’elle existe depuis 1994, mais n’est pas
conforme aux principes de Paris.
130.
A la suite de ces exposés, les membres de la Commission ont salué
l’action que mène le PNUD et ont pris acte du souhait du PNUD de voir le
Tchad être doté d’un bureau indépendant du Haut-Commissariat des Nations
Unies aux Droits de l’Homme.
16. RENCONTRE AVEC LE SECRETAIRE GENERAL DU MINISTERE DE
L’INTERIEUR ET DE LA SECURITE PUBLIQUE
131.
Les échanges au Ministère de l’Intérieur et de la Sécurité Publique ont
eu lieu en la présence du Secrétaire Général de ce Ministère, M. Goundoul
Vikama. Les débats ont porté, entre autres, sur les conditions de détentions, le
régime applicable aux associations et ONG, la formation des agents de la
police, l’état civil et la situation des réfugiés.
132.
Dans son propos introductif, le Secrétaire Général du Ministère a fait
allusion au passé qu’a connu le Tchad à travers les différentes guerres et
agressions qui l’ont secoué. Malgré ces troubles, il a souligné la volonté de
son pays de s’inscrire dans une nouvelle ère, celle qui prend en compte la
promotion et la protection des droits de l’homme. Cette volonté, d’après lui se
traduit par la ratification de plusieurs instruments relatifs aux droits de
l’homme. Le Secrétaire Général a ensuite faite une brève description de son
ministère en citant l’Agence nationale de la sécurité et la direction générale de
la recherche.
133.
Ainsi, sur les conditions de détentions au Tchad, le Secrétaire Général a
reconnu que le travail à faire reste consistant. Il s’est exprimé sur des bavures
qui ont entaillé l’image de la police notamment l’assassinat d’un détenu par
un groupe de personnes. A la suite de cet évènement macabre, le Président de
la République a suspendu tout le corps de la police et a pris des mesures
fortes pour l’assainir. Il a en outre reconnu que bien que le délai de détention
puisse aller jusqu’à 48 maximum, il existe des écarts de comportements qui
37
poussent les officiers de police à ne pas le respecter. Concernant la
préoccupation relative à l’usage de la torture dans les centres de détention, le
SG a affirmé que cette pratique ne s’appliquait plus dans les centres de
détention tchadiens.
134.
Concernant le régime applicable aux associations, les autorités du
Ministère ont expliqué à la délégation de la Commission qu’il existe trois
catégories d’associations qui sont les associations proprement dite, les ONG et
les associations d’utilité publique7. Ils ont affirmé que l’enregistrement des
associations se fait conformément à la loi et ce au Ministère de l’Intérieur.
Pour le cas des ONG, la légalisation se fait au Ministère de l’aménagement du
territoire. Cette légalisation des associations, d’après le Secrétaire Général du
Ministère, se fait dans le respect des délais bien qu’à cause des grèves qui ont
secoué le secteur public, des retards ont été signalés.
135.
Concernant la formation de la police, les autorités du Ministère ont
relevé qu’il y a environ 6000 fonctionnaires de police. Ces fonctionnaires sont
pour la plupart formés dans une école de police. L’entrée dans cette école se
fait par voie de concours pour les hommes et femmes âgées de 18 à 33 ans. La
formation est à la fois théorique et pratique, elle dure neuf mois pour les
gardiens de la paix (ces derniers ont un niveau de BEPC) et les officiers de
police (niveau BACC). D’après le Secrétaire Général, il n’existe pas encore
une école de formation pour les commissaires de police. Cependant, la
formation des agents de police au Tchad intègre des modules relatifs aux
droits de l’homme. Selon lui, le contrôle récent de la police a permis de
renvoyer du corps de la police près de 1400 agents tout grade confondu. Ce
contrôle a eu lieu dans un souci d’efficacité. Toujours pour renforcer cette
efficacité, les autorités tchadiennes travaillent en collaboration avec l’Union
Européenne, l’Egypte, les EUA, la Russie et la France.
136.
Pour le cas relatif à l’état civil, le Secrétaire Général a affirmé que dans
son département ministériel, il y a une direction qui s’occupe de ce cas précis
et cette dernière travaille en parfaite collaboration avec l’UNICEF. Il a en
outre souligné qu’un projet de loi sur l’état civil est en cours de préparation et
sera soumis à l’Assemblée Nationale au moment opportun. Enfin sur la
question des réfugiés, le Secrétaire Général a relevé qu’il existe un texte sur
l’asile. D’après lui, ce texte prend en compte le problème des réfugiés, des
migrants et des déplacés internes. Le Secrétaire Général a également souligné
le rôle important que joue la Commission nationale sur l’asile qui fonctionne
avec le support de l’Etat.
7
Les associations reconnues d’utilité publique bénéficient des financements de l’Etat.
38
137.
Pour conclure, les membres de la délégation ont salué le travail
accompli par le Ministère de l’intérieur et ils ont invité les responsables de ce
ministère à mettre l’accent sur la sécurité des personnes et des biens, le
respect de la règlementation et surtout l’application stricte de la charte
africaine.
17. RENCONTRE AVEC LE SECRETAIRE GENERAL DE L’ASSEMBLEE
NATIONALE ET LES REPRESENTANTS DES DIFFERENTS
GROUPES PARLEMENTAIRES
138. Les membres de la délégation ont eu un entretien avec le Secrétaire Général de
l’Assemblée Nationale M. Mahamat Hassan Brémé. Ce dernier était entouré des
représentants de certains groupes parlementaires (GP) de l’Assemblée Nationale
(AN) Tchadienne notamment les Républicains, le Rassemblement National pour
la Démocratie et le Progrès et le Mouvement Patriotique du Salut (MPS).
139.
Le Secrétaire Général a commencé son propos en faisant une brève
présentation de l’AN tchadienne. Ce dernier est doté d’un bureau qui compte
17 membres. Il est présidé par un représentant du MPS (parti au pouvoir). La
désignation des membres du bureau, d’après le Secrétaire Général, se fait par
concertation. Ainsi, le MPS, en plus de la présidence a un vice-président, un
questeur et 3 secrétaires de séance. Les autres partis politiques tels que
l’Union pour la République et la Démocratie (URD), Les Républicains et
l’Union Nationale pour le Développement et le Renouveau (UNDRP) sont
représentés au Bureau.
140.
Le Secrétaire Général a également précisé que l’AN est composée de 10
commissions générales et permanentes dont la Commission des affaires
étrangères, la Commission sur la santé, les affaires sociales, la condition de la
femme et les droits de l'enfant, la Commission nouvelles technologies de
l’information et de la Communication et la Commission culture, jeunesse et
sports. Ces commissions sont créées en début de législature et travaillent
jusqu’à la fin de la législature. Leurs membres sont choisis selon les
différentes sensibilités politiques.
141.
Concernant les avantages accordés aux membres de l’AN, le Secrétaire
Général a indiqué qu’ils sont couverts par l’immunité parlementaire et des
moyens roulant avec signe distinctif sont mis à leur disposition et. En outre,
ils portent des échappes et ont des indemnités forfaitaires qui leur sont
accordées. Le Secrétaire Général a ensuite expliqué que ce sont les GP qui
composent les délégations lors des visites à l’étranger, sur les cinq députés qui
39
représentent le Tchad au parlement africain deux ou trois partis de
l’opposition sont représentés.
142.
Sur la représentation des femmes, le Secrétaire Général a reconnu que
cette catégorie de personne n’est pas fortement représentée à l’AN. Elles sont
au nombre de 28 sur le total de 188 parlementaires. Au niveau du bureau, il y
a quatre femmes et une seule est présidente de Commission.
143.
A la question de savoir quelle est le rôle que jouent les secrétaires de
séance, le Secrétaire Général a rappelé que ces derniers qui sont au nombre de
huit ont, entre autres, pour mission de vérifier l’authenticité des décomptes,
de se rassurer que le quorum est atteint et de dresser le procès-verbal des
séances.
144.
Sur le temps d’intervention des membres de l’AN, le Secrétaire Général
a relevé que tous les partis politiques à l’AN ont le droit de prendre la parole
et conformément au Règlement Intérieur, le temps de parole est de cinq
minutes pour chaque député. En ce qui concerne les rapports devant faire
l’objet des discussions, ils doivent être déposés 72h avant la séance plénière et
un calendrier indicatif pour toute la session est dressé à cet effet. D’après le
SG l’ordre du jour des sessions est connu à l’avance.
145.
M. Mahamat Hassan Brémé a ajouté que l’initiative des lois au Tchad
appartient concurremment au Gouvernement (Projet de loi) et à l’AN
(Proposition de loi adoption). Pour le budget, la session budgétaire dure trois
mois et les lignes budgétaires sont flexibles. Le vote quant à lui se fait à main
levé, a-précisé le Secrétaire Général.
146.
A la suite des échanges, les membres de la Commission ont remercié le
Secrétaire Général et les membres de l’AN présents pour les informations
qu’ils ont fournies à la délégation. Ils ont cependant invité les membres de
l’AN à changer leur procédé de vote en développant un système de vote
secret car la pratique de la main levée peut devenir un moyen d’intimidation
et une source de danger pour eux.
18. RENCONTRE AVEC LE PRESIDENT DE L’ASSEMBLEE NATIONALE
147.
Les membres de la Commission ont eu l’insigne honneur d’être reçus
par le Président de l’Assemblée Nationale Tchadienne (le PAN), l’Honorable
Haroun Kabadi.
148.
Le PAN a exprimé sa satisfaction de recevoir les membres de la
Commission. Il leur a fait savoir que son pays a été victime de plusieurs crises
40
ayant laissé des impacts considérables. Ainsi d’après lui, il y a beaucoup à
faire et cela doit être fait dans de brefs délais.
149.
Concernant le retard de l’adoption du code de la famille et des
personnes, l’Honorable Haroun Kabadi a fait remarquer qu’il existe des
tensions politiques, sociales et religieuses qui doivent être prises en
considération. Le code ne doit pas être en déphasage avec la société a-t-il
renchéri. Cependant, le PAN a affirmé que la balle restait dans le camp du
Gouvernement et que lorsque ce code sera soumis à l’AN il sera traité avec
diligence. Sur la réforme du code civil, il a noté qu’il suivra l’adoption du
code de la famille.
150.
En général, selon le PAN, il y a eu une amélioration de la situation des
droits de l’homme dans le pays. La création du Ministère des droits de
l’homme et de la promotion des libertés fondamentales, la réforme de la
CNDH qui est en cours et l’intervention du Tchad au Mali et en République
Centrafricaine sont, d’après lui, autant de preuves que le Gouvernement
tchadien prend à cœur le problème de droits de l’homme.
151.
Sur ce, le chef de délégation a salué les efforts faits par l’Etat tchadien,
il a noté que la volonté des autorités tchadiennes est palpable. Aussi, a-t-il
profité pour suggérer au PAN d’accélérer avec la réforme de la CNDH afin de
rendre celle-ci conforme aux Principes de Paris. Le Commissaire Khalfallah a
terminé en affirmant que pour construire un état de droit soucieux du respect
des droits de l’homme, le Tchad doit encore fournir beaucoup d’efforts.
19. RENCONTRE AVEC LES MEMBRES DE LA COMMISSION
NATIONALE DES DROITS DE L’HOMME
152.
Les membres de la Commission ont eu une séance de travail avec les
membres de la Commission Nationale des droits de l’homme (CNDH) du
Tchad. Cette séance de travail a réuni le Président de la CNDH, M. Domaye
Nodjigoto et son staff. Les deux délégations ont échangé sur les missions de la
CNDH et les défis que rencontre cette dernière.
153.
Le Président a fait un bref historique de la CNDH. Cette institution a
vu le jour en 1994 à la suite de l’organisation de la conférence nationale
souveraine de 1993. Elle a effectivement commencé à travailler, d’après M.
Domaye Nodjigoto, en 1996. La Composition de la CNDH s’inspire des
principes de Paris. Elle est composée de 39 membres parmi lesquels des
représentants choisis respectivement par le Président de la République et le
41
Président de l’AN. Elle est également composée des représentants du
Ministère en charge des droits de l’homme, des syndicats, des associations
des droits de l’homme et des associations féminines. Cette Commission reflète
donc la pluralité politique du pays.
154.
Les membres de la CNDH, au départ, avaient voix délibérative
contrairement aux dispositions des Principes de Paris qui voudraient que les
membres émanant des autorités aient voix consultative, a expliqué le
Président. Sur le plan financier, M. Domaye Nodjigoto a relevé que la CNDH
n’a pas de budget propre, ses services sont rattachés à la Primature et par
conséquent elle bénéficie d’une subvention inscrite au budget de cette
dernière.
155.
Concernant ses missions, le Président a indiqué que la CNDH est
l’organe consultatif de l’Etat en matière de droits de l’homme. Elle émet des
avis au Gouvernement et fait des enquêtes sur les cas de violation des droits
de l’homme. La CNDH, bien que doté d’un pouvoir d’auto saisine, elle ne fait
pas de dénonciation. La Commission se réunit en Session, elle en organise
quatre par an. Sa permanence est assurée par un bureau.
156.
En ce qui concerne les défis, les responsables de la CNDH ont fait part
de leurs frustrations. D’après eux, malgré l’ancienneté de la CNDH et les
efforts fournis par le Ministre des droits de l’homme et de la promotion des
libertés fondamentales, celle-ci ne bénéficie pas encore de tous les moyens
nécessaires pour son bon fonctionnement. La CNDH n’est pas conforme aux
Principes de Paris, elle n’a pas de délégation régionale. Jusqu’à présent, la
CNDH n’a toujours pas de staffs permanents et ses membres n’ont aucune
immunité.
157.
La délégation a, par la suite, promis aux responsables de la CNDH
qu’ils engageront des discussions avec le Premier Ministre afin que celui-ci
puisse prendre des mesures permettant à la CNDH de se conformer aux
principes de Paris.
20. RENCONTRE AVEC LES ORGANISATIONS DE LA SOCIETE CIVILE
TRAVAILLANT DANS LE DOMAINE DES DROITS DE L’HOMME
158.
Il est de coutume pour les membres de la Commission, lors des
missions de promotion des droits de l’homme, d’avoir une séance de travail
avec les OSC œuvrant pour la promotion des droits de l’homme dans le pays
visité. C’est ainsi que les membres de la Commission ont eu le plaisir de
42
rencontrer une quinzaine d’associations tchadiennes impliquées dans la
promotion des droits de l’homme.
159.
La situation des populations autochtones, le harcèlement des
défenseurs des droits de l’homme, les cas de tortures, la violation des libertés
d’association étaient, entre autres, au menu des discussions.
160.
La représentante de l’Association des femmes peulhs autochtones du
Tchad a argué qu’il est difficile de se faire accepter comme membre d’une
population autochtone au Tchad. D’après elle, cette catégorie de personne n’a
pas de véritable reconnaissance juridique au Tchad. A cet effet, elle s’est
interrogée sur le rôle que la Commission joue dans la protection de cette
catégorie de personnes vulnérables. La représentante de l’Association des
femmes pour le développement et la culture de la paix au Tchad a, quant à
elle, noté qu’il existe beaucoup de contradictions entre les OSC et le
gouvernement. Le Gouvernement aurait, selon elle, créé des associations qui
servent ses intérêts et qui bénéficie des subventions étatiques, et les barrières
sur la liberté d’expression se sont accentuées. Concernant les droits de la
femme, elle a indiqué que la religion et les pratiques coutumières néfastes
empêchent aux femmes de jouir de leurs droits. Le Représentant de
l’association Droits de l’Homme sans Frontières a, pour sa part, évoqué le
problème de la traite des enfants, les atteintes à la liberté d’expression et de
manifestation et le harcèlement judiciaire dont sont victimes les DDH. Il a
ensuite exhorté la Commission à les aider à participer à ses Sessions
ordinaires.
161.
Répondant aux préoccupations soulevées par les représentants des
associations de droits de l’homme, les membres de la Commission, sur la
question relative à la situation des populations autochtones, ont affirmé que
cette thématique fait partie des priorités de la Commission et qu’un Groupe
de travail a été mis sur pied afin d’apporter des réponses claires aux
difficultés qu’endure cette catégorie de personnes. Les membres de la
Commission ont invité les OSC tchadiennes à envoyer des demandes afin
d’obtenir le statut d’observateur auprès de la Commission. Ce statut leur
permettra de participer pleinement aux Sessions de la Commission, ont-ils
ajouté.
21. VISITE DES PRISONS DE KELO ET DE DOBA AU SUD DU PAYS
162.
La délégation de la Commission s’est rendu dans le Sud du pays où
elle a visité les prisons de Kelo et de Doba.
43
VISITE DE LA PRISON DE KELO
163.
La prison de Kelo se situe dans le département de la Tandjilé Ouest à
environ 375 km de la Capitale N’Djamena. Elle a été construite en 2012 dans le
cadre du partenariat entre l’Union Européenne et le Gouvernement du Tchad
à travers le Programme d’Appui à la Justice (PRAJUST). C’est une prison
ayant la capacité de contenir près de 200 prisonniers.
164.
Les membres de la délégation ont effectué une visite dans cette prison
en compagnie de la Ministre des droits de l’homme et de la promotion des
libertés fondamentales et des représentants du ministère de l’intérieur et ceux
de la justice. La délégation a été reçue par le régisseur de cette prison et c’est
avec lui que les échanges et la visite guidée de la prison ont eu lieu.
165.
D’après le régisseur, la prison de Kelo comptait, au 15 mars 2013, 558
prisonniers dont 317 condamnés, 172 inculpés, 66 prévenus et 3 détenus sous
la contrainte par corps. Parmi eux figurent 4 femmes et 4 mineurs. Ils
viennent pour la plupart de N’Djamena, de Bongor et de la région de Kelo. Il
existe trois quartiers dans la prison: un quartier pour les hommes, un autre
pour les femmes et un pour les mineurs. La prison est dotée d’une infirmerie,
bien qu’il n’y ait pas encore d’infirmier, d’une cuisine traditionnelle et d’un
magasin.
166.
Sur le point relatif au transfert des prisonniers, le régisseur a affirmé
que c’est l’administration pénitentiaire basée à N’Djamena qui juge de
l’opportunité du transfert. L’avis des détenus et encore moins celui de leurs
parents n’est requis.
167.
A la question de savoir comment se font les visites de famille, le
régisseur a relevé que pour les prisonniers venus de N’Djamena et d’ailleurs,
les parents font le voyage le weekend pour venir assister leur proche.
168.
Concernant la nutrition, le régisseur a rapporté que les prisonniers ont
droit à deux repas par jour. Le repas est très souvent constitué d’haricots, du
riz et de la farine. Cependant, a-t-il souligné, le problème d’accès à l’eau
potable est sérieux
169.
Concernant la santé des prisonniers, le régisseur a indiqué que,
lorsqu’un cas de maladie est signalé, les services de santé de la région sont
sollicités. Les prisonniers atteints de VIH/Sida sont suivis malgré que parmi
eux, certains préfèrent cacher leur séropositivité. Toutefois le régisseur a fait
constater qu’il y a une rupture de stocks de médicaments.
44
170.
Quant à l’éducation des prisonniers, la prison de Kelo, d’après le
régisseur, n’offre pas la possibilité aux détenus de suivre des formations. Les
uniformes octroyés aux détenus pour faciliter leur identification sont
insuffisantes.
171.
Les membres de la Commission, dans le cadre de la visite guidée ont
visité toutes les cellules et les différents quartiers de la prison. Ils ont touché
du doigt les réalités des prisonniers. Ils ont constaté, à l’exception du quartier
administratif, l’insalubrité des lieux. Ils ont également relevé le problème de
conservation des denrées alimentaires qui sont stockés dans un magasin non
aéré. Les membres de la Délégation ont profité de cette visite pour
sensibiliser les détenus sur la propreté des locaux pour leur santé et bien-être.
172.
Durant la visite guidée, la Commission a constaté, dans la cellule 6 du
quartier des condamnés de N’Djamena, le cas d’un condamné dont les jambes
étaient enchainées par des menottes pour cause de récidivisme. Face à cette
situation les membres de la Commission ont préconisé la recherche des
solutions plus adaptées comme l’isolement.
173.
Le Chef de délégation s’est entretenu avec les détenus. Ces derniers ont
fait part aux membres de la Délégation des difficultés qu’ils éprouvent à
communiquer avec leurs parents compte tenu de la distance qui sépare Kelo
et N’Djamena. Il leur a transmis un message de soutien et de réconfort.
VISITE DE LA PRISON DE DOBA
174.
Après la prison de Kelo, les membres de la Commission, toujours
accompagnés de la Ministre des droits de l’homme et de la promotion des
libertés fondamentales, se sont rendus à la prison de Doba dans la région du
Logone Oriental à plus de 500 km de la capitale N’Djamena. Ils ont été reçus
par le régisseur de cette prison avec qui ils ont eu des entretiens.
175.
La prison de Doba a également été construite dans le cadre du projet
PRAJUST de l’UE. Selon le régisseur, cette prison construite pour 300 à 350
personnes compte 342 détenus dont 152 condamnés et 190 prévenus. Parmi
ces détenus, on dénombre 14 femmes dont neuf prévenues et cinq
condamnées, et six mineurs. Contrairement à la prison de Kelo, la prison de
Doba ne compte pas de détenus venus des régions étrangères.
176.
Les prisonniers reçoivent deux repas par jour, la prison est dotée d’une
infirmerie et d’une cuisine utilisée par les prisonniers eux-mêmes. Les
malades atteints du VIH/SIDA suivent un traitement mais n’ont pas un droit
à une alimentation différente de celle des autres.
45
177.
Le régisseur a reconnu, tout comme s’était le cas à Kelo, qu’il n’existe
pas un système éducatif encore moins des projets de formation professionnel
mis en place pour les prisonniers.
178.
Les membres de la délégation ont fait le tour de la prison, ils ont eu des
discussions avec les détenus. Malgré les plaintes liées à la torture morale, au
manque d’assistance judiciaire pour les mineurs et au manque
d’infrastructures sportives, les détenus rencontrés ont admis que les
conditions de vie dans la prison sont nettement meilleures que dans le passé.
22. RENCONTRE AVEC LES MEDIAS
179. Le Chef de délégation, le Commissaire Khalfallah Béchir a donné une
conférence de presse. Plus d’une dizaine de journalistes de la presse écrite et
orale ont pris part aux échanges. Ces échanges ont porté sur l’objet et le
déroulement de la mission, ainsi que les observations préliminaires de la
Commission. Ces échanges se sont achevés par la distribution du communiqué
de presse aux représentants des médias.
46
TROISIEME PARTIE
I. OBSERVATIONS ET ANALYSE SUR LA SITUATION DES DROITS
L’HOMME AU TCHAD
180. Les rencontres et les séances de travail des membres de la Commission avec
les acteurs impliqués dans la promotion et la protection des droits de l’homme
au Tchad ont permis d’évaluer les avancées et les défis relatifs à la situation des
droits de l’homme au Tchad.
181. Concernant les avancées positives, il est important de relever qu’il existe une
volonté politique réelle de la part du Gouvernement tchadien de promouvoir et
de renforcer la protection des droits de l’homme au Tchad. Cette volonté se
traduit sur le plan international et régional par la ratification par le Tchad d’un
nombre non négligeable d’instruments juridiques relatifs aux droits de
l’homme8. En outre, la République du Tchad a déjà présenté son rapport devant
le Conseil des droits de l’homme dans le cadre de l’examen périodique universel.
Au niveau régional, le Tchad a adhéré au Mécanisme africain d’évaluation par
les pairs (MAEP) et il joue un rôle majeur dans la résolution des conflits sous
régionaux, notamment les conflits centrafricain et malien.
182. Sur le plan interne, la délégation a noté, dans différents domaines, plusieurs
actions positives en faveur des droits de l’homme. Sur le plan institutionnel, la
Commission salue la création de plusieurs institutions en charge des questions
de droits de l’homme, particulièrement le Ministère des droits de l’homme et
des libertés fondamentales, Ministère de l’Assainissement Public et de la
Promotion de la Bonne Gouvernance, la Commission nationale des droits de
l’homme, la Commission nationale d'accueil et de réinsertion des réfugiés et
rapatriés, et le Comité indépendant chargé des questions de bonne gouvernance
et de lutte contre la corruption.
183. Concernant l’éducation aux droits de l’homme, les membres de la Commission
ont noté que dans les universités tchadiennes et les écoles de formation des
magistrats, des policiers et des militaires, il existe des programmes relatifs aux
droits de l’homme. Cependant, la délégation souhaite que cette éducation aux
droits de l’homme soit étendue de manière systématique dans toutes les filières
et dans tous les différents cycles académiques.
Voir plus haut la liste des instruments régionaux et internationaux relatifs aux droits de l’homme
auxquels le Tchad est partie.
8
47
184. Dans le domaine de la santé, la Commission constate avec satisfaction la
politique mise en place par le Gouvernement tchadien. Cette politique se
manifeste, entre autres, par la création de plusieurs centres de santé dans toutes
les régions du pays, la gratuité des soins d’urgence pour les femmes enceintes et
les enfants de zéro à cinq ans, la prise en compte de la situation des personnes
fragiles (les populations nomades, les populations insulaires…), la mise en place
d’un programme de vaccination pour tous qui a permis de réduire les cas de
poliomyélite et de fièvre jaune, la construction d’une usine pharmaceutique, la
formation des professionnels de la santé et les mesures prises dans la lutte contre
le VIH/SIDA.
185. En ce qui concerne le secteur de l’éducation, malgré l’énorme travail qui reste
à faire, la Commission tient à féliciter le Gouvernement tchadien pour les efforts
réalisés, notamment la création de nouvelles écoles et universités tant publiques
que privées, des centres d’alphabétisation, la création d’un centre national de
curricula, la régularisation de l’allocation des bourses aux étudiants et
l’harmonisation du système éducatif tchadien au système LMD. La Commission
relève également les efforts fournis par les autorités quant à la prise en compte
de l’aspect genre dans ce secteur, cela à travers la scolarisation des jeunes filles et
la nomination des femmes aux postes de prise de décisions.
186. Relativement aux droits humains des femmes, la Commission salue la mise
sur pied d’une politique nationale genre et d’une stratégie nationale de lutte
contre les violences basées sur le genre, notamment les mutilations génitales
féminines. La Commission félicite l’implication du Président de la République et
de la Première Dame dans cette bataille. La Commission se satisfait également de
la mise sur pied d’une stratégie permettant de faciliter l’accès des femmes aux
crédits.
187. Sur la situation des enfants soldats, la Commission apprécie à sa juste valeur
l’action des autorités tchadiennes notamment, celles du Ministère de l’action
sociale. La Commission salue l’Accord signé en 2007 entre les autorités
tchadiennes et l’UNICEF, Accord qui a permis la réinsertion de plusieurs enfants
soldats. La Commission se félicite également de l’Accord signé entre le Ministère
de la défense et le Ministère de l’action sociale. Cet Accord aurait permis la
formation des forces armées sur la question des enfants soldats. Toujours dans
l’optique de lutter contre l’enrôlement des enfants soldats, la Commission note
également avec satisfaction l’Accord signé en 2011 entre le Gouvernement et les
NU.
48
188. Pour ce qui est du cas des réfugiés vivant au Tchad, la Commission se félicite
de la bonne collaboration qui existe entre le HCR et les autorités tchadiennes.
Elle salue les mesures prises en faveur des réfugiés dans le domaine de la santé
et de l’éducation. Ainsi, elle encourage le Gouvernement du Tchad a davantage
accorder une attention particulière aux réfugiés qui vivent sur son territoire.
189. La Commission tient également à marquer son soutien aux différentes actions
entreprises par les autorités tchadiennes afin d’assurer le développement du
sport au Tchad. Elle se réjouit de l’organisation des différents championnats
dames et messieurs dans la quasi-totalité des sports, de la création des activités
sportives en milieu scolaire et universitaire, de l’existence d’un institut national
en charge de la jeunesse et des sports et de la volonté affichée par le
Gouvernement de construire des infrastructures sportives dans toutes les régions
du pays.
190. La Commission salue les mesures prises par les autorités tchadiennes,
notamment le projet 1000 idées 3000 emplois afin de lutter contre le chômage des
jeunes.
191. Enfin, la Commission se félicite du dynamisme et de la motivation des
organisations de la société civile tchadienne qui, malgré les difficultés dont elles
font face, souhaitent avoir un dialogue constructif avec les autorités compétentes.
192. Cependant, malgré les progrès identifiés par la Commission, il reste encore
beaucoup à faire dans la promotion et la protection des droits de l’homme au
Tchad tant des préoccupations persistent.
193. Sur le plan régional, la Commission regrette que le Tchad n’ait toujours pas
soumis son deuxième rapport périodique sur la situation des droits de l’homme
au titre de l’Article 62 de la Charte africaine.
194. Sur le plan normatif interne, la Commission regrette également les lenteurs
administratives qui jusqu'à présent empêchent le Tchad de se doter d’un code de
la famille et des personnes et d’un code de protection de l’enfant. Aussi, cette
lenteur administrative n’a toujours pas permis de reformer les codes civil et
pénal tchadien qui datent de plusieurs décennies.
195. La Commission, tout en saluant les réformes qui ont cours dans le secteur de
la justice, se préoccupe de l’insuffisance caractérisée des cours et tribunaux au
Tchad et surtout du nombre limité du personnel de la justice. La Commission fait
49
remarquer que l’absence des tribunaux sur toute l’étendue du territoire continue
à générer des violations des droits de l’homme.
196. Concernant la gestion des affaires publiques, la Commission déplore la faible
implication des femmes dans le Gouvernement, l’Assemblée Nationale, la Police,
la Diplomatie, le Commandement et autres postes de décisions. En outre, la
Commission déplore le faible taux de scolarisation de la femme tchadienne,
malgré la volonté du Gouvernement de combattre ce fléau.
197. La Commission note que le harcèlement des défenseurs des droits de l’homme
et des membres de l’opposition au Tchad demeure une réalité. A cet égard, la
Commission dénonce l’arrestation de certains membres des partis politiques
d’opposition et des défenseurs des droits de l’homme. La Commission regrette
que, plus de quatre ans déjà, la lumière n’est toujours pas faite sur la disparition
de l’opposant tchadien Ibni Oumar Saleh.
198. La Commission exprime également son inquiétude concernant les atteintes
à la liberté d’expression et le harcèlement dont sont victimes certains journalistes
de la presse privée.
199. Relativement à la situation des prisons au Tchad, la Commission tient à
manifester toute sa consternation. Malgré la construction de nouvelles prisons,
notamment celles de Kelo et de Doba, la Commission constate avec beaucoup de
regrets que les conditions carcérales sont difficiles au Tchad. La visite des prisons
de Kelo et de Doba, bien que récemment construites, a montré que les conditions
d’hygiène et de santé ne sont pas respectées. Ces prisons sont privées de
dispensaires véritablement opérationnels et de moyens roulants. Si dans ces
prisons, la surpopulation n’est pas encore d’actualité, les informations reçues
attestent que dans d’autres centres de détention, elle est avérée. La Commission
déplore également l’absence de prisons spéciales pour les femmes et les enfants,
ainsi que le fait qu’elle n’ait pas eu l’occasion de visiter la prison de N’Djamena
bien qu’elle soit en pleine réfection.
200. En outre, la Commission a constaté que la prison de N’Djamena a été
complètement détruite par les autorités, et les prisonniers s’y trouvant ont été
transférés, loin de leurs familles sans leur consentement, dans les prisons de Kelo
et de Moussoro. Cette situation remet en cause les droits des détenus de recevoir
la visite de leurs parents.
50
201. La Commission a également relevé qu’il n’existe pas une politique spécifique à
l’endroit des populations autochtones vivant au Tchad. La Commission se
préoccupe d’ailleurs du fait que les autorités tchadiennes se refusent d’accepter
l’existence de cette catégorie de personnes sur son territoire.
202. Enfin, la Commission constate que bien qu’elle existe depuis presque deux
décennies déjà, la CNDH du Tchad a beaucoup de mal à fonctionner. Il lui
manque du personnel, des infrastructures et du matériel pour mener à bien son
mandat. En plus, cette Commission n’est pas conforme aux Principes de Paris.
II. RECOMMANDATIONS
203. A l’issue de la mission et eu égard des constats faits sur la situation des droits
de l’homme au Tchad, la Commission formule les recommandations suivantes :
AU GOUVERNEMENT DE LA REPUBLIQUE DU TCHAD
Sur le plan normatif
-
Ratifier le Protocole portant création de la Cour africaine des droits de
l’homme et des peuples et faire la déclaration inclue à l’article 34 al 6 de ce
Protocole ;
-
Ratifier le Protocole à la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples
relatifs aux droits des femmes en Afrique (Protocole de Maputo) ;
-
Adopter une loi spécifique portant incrimination des violences faites aux
femmes y compris les violences domestiques ;
-
Adopter une loi sur la parité en vue de favoriser une plus grande
représentation des femmes dans les postes électifs et administratifs.
-
Finaliser dans les brefs délais le processus d’adoption du code de la famille et
des personnes et du code de protection de l’enfant ;
-
Accélérer l’élaboration du projet de loi sur l’asile qui est actuellement en
cours ;
-
Accélérer la réforme du code civil, du code de procédure civile et pénale ;
51
-
Prendre toutes les mesures nécessaires en vue de l’abolition de la peine de
mort et en attendant d’y parvenir, adopter un moratoire officiel.
Dans le cadre de la soumission des rapports périodiques conformément à l’Article 62
de la Charte africaine
-
Elaborer une stratégie concrète permettant au Gouvernement de présenter
régulièrement ses rapports périodiques en vertu de l’article 62 de la Charte
africaine
Dans le secteur de la justice
-
Accélérer la construction des cours et tribunaux dans les régions qui en sont
dépourvues ;
-
Renforcer en qualité et en quantité le personnel de la justice ;
-
Renforcer l’indépendance du Conseil supérieur de la magistrature en faisant
intervenir des personnalités d’autres obédiences ;
-
Prendre les mesures nécessaires afin de faire la lumière sur la disparition de
l’opposant Ibni Oumar Mahamat Saleh dans des meilleurs délais ;
-
Prendre des mesures nécessaires afin de mettre en place un système
d’assistance judiciaire gratuite pour les personnes vulnérables, démunies et
celles poursuivies dans le cadre des procédures pénales.
Dans le secteur de la police
Renforcer les capacités des agents de la police dans le domaine des droits de
l’homme ;
Sanctionner sans discriminations les abus commis par les forces de l’ordre ;
Dans le secteur de la santé
-
-
Consacrer 15% du budget national à la santé comme le requiert la Déclaration
d’Abuja ;
Faciliter l’accès du personnel de la santé venant des pays étrangers,
notamment africain afin de résorber le problème du nombre limité du
personnel de santé que connait le Tchad ;
Multiplier le nombre de facultés de médicine et des écoles de formations des
infirmiers dans le pays.
52
Dans le secteur de l’éducation
Prendre des mesures nécessaires afin d’assurer l’accès à l’éducation à tous les
citoyens ;
Augmenter le nombre d’institutions universitaires et scolaires afin de
répondre aux demandes des populations.
Dans le secteur des prisons
Améliorer les conditions sanitaires et hygiéniques dans les prisons ;
Doter les prisons tchadiennes d’infirmeries véritablement fonctionnelles ;
Résoudre le problème de rupture de stock des ARV ;
Résoudre définitivement le problème de surpopulation carcérale ;
Faciliter la jouissance du droit des détenus à recevoir des visites en évitant de
les éloigner de leurs familles ;
Résoudre définitivement le problème d’incarcération dans la ville de
N’Djamena en reconstruisant très rapidement la prison de N'Djamena ;
Offrir des opportunités de formation dans divers secteurs, notamment la
menuiserie, la maçonnerie et autres afin de faciliter leur intégration sociale
après l’épuisement de leur peine ;
Mettre sur pied des infrastructures, notamment sportives permettant aux
prisonniers de se distraire ;
Construire des prisons spéciales pour les enfants et les femmes.
En matière de protection des droits de la femme
Prendre des mesures appropriées afin de renforcer la scolarisation des
femmes et faciliter davantage leur accès à la santé sexuelle et reproductive;
Renforcer les mesures existantes pour lutter contre les mariages forcés et
précoces.
En matière de protection des droits de l’enfant
Poursuivre et renforcer ses efforts visant à lutter contre l’enrôlement d’enfants
pour des fins militaires ;
Prendre toutes les mesures nécessaires en vue de lutter contre la traite des
enfants.
En matière de protection des défenseurs des droits de l’homme
-
Mettre fin au harcèlement des défenseurs de droits de l’homme ;
-
Mettre en œuvre la Déclaration des Nations Unies sur les défenseurs des
droits de l’homme de 1998 et les Déclarations de Kigali et de la Grande Baie;
53
-
Adopter une loi spécifique portant protection des défenseurs des droits de
l’homme.
En matière de liberté d’expression
-
Prévoir des émissions radiotélévisées sur les droits de l’homme ;
Prendre toutes les mesures nécessaires en vue de garantir pleinement la liberté
d’expression à tous ;
Assurer la protection des journalistes.
En matière de protection des droits des réfugiés
- Prendre toutes les mesures nécessaires afin que les camps de réfugiés respectent
les standards de proximité avec les pays d’origine des réfugiés;
- Renforcer l’implication du Ministère de l’intérieur dans la collaboration avec le
HCR en vue d’une meilleure protection des réfugiés se trouvant sur le territoire
du Tchad ;
- Assurer la sécurité dans les camps ;
- Faciliter la délivrance des actes de naissance pour les enfants nés dans les camps
de réfugiés ;
- Garantir le droit à l’éducation des réfugiés;
- Faciliter l’accès des réfugiés à travers le HCR aux terres arables en vue de leur
permettre de subvenir à leurs besoins alimentaires
- Assurer la protection juridique des réfugiés.
En matière de protection des droits des populations autochtones
-
Prendre toutes les mesures nécessaires en vue de la reconnaissance de l’existence
des populations autochtones au Tchad ;
Sur la CNDH
-
Prendre toutes les mesures nécessaires afin de rendre la CNDH conforme aux
principes de Paris ;
Renforcer les capacités humaines, techniques et financières de la CNDH.
A LA COMMISSION NATIONALE DES DROITS DE L’HOMME
-
Continuer à faire un plaidoyer auprès de l’Etat afin d’obtenir des reformes lui
permettant d’être conforme aux principes de Paris ;
Soumettre des projets auprès des partenaires afin d’obtenir les moyens
financiers et matériels lui permettant de réaliser son mandat ;
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-
Contribuer à la vulgarisation des instruments universels et régionaux relatifs
aux droits de l’homme ;
Faire une demande auprès de la Commission afin d’obtenir le statut d’affilié ;
Exercer son mandat avec impartialité ;
AUX ORGANISATIONS DE LA SOCIETE CIVILE TRAVAILLANT DANS LE
DOMAINE DES DROITS DE L’HOMME
-
Continuer à s’engager fortement dans la promotion et la protection des droits de
l’homme ;
Vulgariser les instruments de promotion et de protection des droits de l’homme;
Mettre sur pied des réseaux qui leur permettront de mieux articuler leurs
actions ;
Travailler en collaboration avec les autorités tchadiennes et la CNDH ;
Travailler conformément à la législation en vigueur ;
Renforcer leur capacité dans le montage des projets et le fundraising ;
Demander le statut d’observateur auprès de la Commission et participer à ses
travaux, ainsi qu’à ceux du forum des ONG qui a lieu deux fois par an en marge
des Sessions ordinaires de la Commission.
AUX AGENCES DU SYSTEME DES NATIONS UNIES

-

-
AU HCR
Augmenter son budget afin de mieux assurer la protection des droits des
refugiés ;
Prendre toutes les mesures nécessaires afin de lutter contre la vague de famine
qui risque de frapper les camps de réfugiés au Tchad ;
Renforcer son personnel afin de mieux gérer l’augmentation du nombre de
réfugiés au Tchad.
AU HCDH
Créer un bureau pays au Tchad afin de suivre de très près la situation des
droits de l’homme dans le pays.
AU COMITE INTERNATIONAL DE LA CROIX ROUGE
Continuer d’apporter son expertise à la formation des autorités militaires au
Droit international humanitaire ;
Renforcer son assistance dans le domaine de la santé.
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