L`école maternelle - CRDP des Pays de la Loire

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L`école maternelle - CRDP des Pays de la Loire
SOMMAIRE
Introduction
Yolande Guyot, Inspectrice de l’Education Nationale .......................................................................................... 4
L’école maternelle : entrée dans tous les possibles langagiers
Anne-Marie GIOUX, IA-IPR EVS, Docteur en Sciences de l’Education ........................................................5
Le narratif dans le développement psycho affectif du langage
Docteur Yvan Halimi, Pédopsychiatre CMP Winnicott La Roche-sur-Yon ....................................................13
« Ce que parler veut dire », les enjeux de l’oral à la maternelle
Chantal Bolotte, Professeur de Philosophie, Sciences de l’Education, I.U.F.M. des Pays de la Loire .......................16
La place de la lecture publique à l’école maternelle dans une démarche partenariale
Catherine RIDE, Bibliothécaire formatrice chargée d’enseignement à l’université du Maine ................................20
La littérature de jeunesse à l’école maternelle : donner envie de lire. Faire vivre et partager
des histoires, des images; mieux les comprendre, les interpréter, les interroger.
Yvanne CHENOUF, Chercheur à l’INRP, Présidente de l’AFL ...............................................................23
L’apprentissage des comptines au service de l’appropriation de la langue française
Jean-François BOHUON, Conseiller Pédagogique Départemental en éducation musicale ..................................28
L’outil informatique au service des apprentissages
Claudine ORDONNEAU, IEN Challans, Pilote du groupe TICE de la Vendée ...............................................30
Les rapports entre les apprentissages premiers de l’écriture et le graphisme
Jean-Yves Robichon, IEN Angers VIII .........................................................................................33
Découvrir le monde : les activités de mathématiques à l’école maternelle
Raymond TORRENT, Professeur agrégé de Mathématiques, site IUFM de La Roche-sur-Yon. ...........................35
Découvrir le monde : les sciences et la technologie à l’école maternelle
Jacky ALAMOME, IEN Fontenay le Comte (85)...............................................................................37
Le jeu à l’école maternelle
Anne-Marie DOLY, Maître de conférence en Sciences de l’Education ...........................................39
Le langage du corps : le rapport du jeune élève avec l'espace et le temps
Aimée DAGOURET, Formatrice en E.P.S., IUFM des Pays de la Loire, Antenne de La Roche-sur-Yon. ...................42
Solliciter la conduite créatrice en arts plastiques à partir de situations quotidiennes de classe
Joë Fesseau, Conseiller Pédagogique pour les Arts plastiques, Inspection Académique de la Vendée ....................44
Liste des albums de littérature de jeunesse cités par les intervenants. .......................................................46
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Le colloque « Mieux enseigner à l’école maternelle », conçu par Madame GUYOT, et soutenu par l’ensemble des IEN du
département, témoigne de la vivacité du service public d’éducation et des valeurs de l’école maternelle, sur laquelle se fonde
notre système éducatif.
Cette journée aura contribué à ce que les personnels se ressourcent dans les interventions de qualité qui leur ont été
offertes tant dans la conférence plénière de Madame GIOUX que dans celles des ateliers de l’après-midi, s’agissant
d’œuvrer ensemble à une réussite toujours plus affirmée de tous les élèves.
Pour l’ensemble des collègues présents, y compris les professeurs des écoles stagiaires de l’IUFM, ce fut l’occasion de se
rencontrer, à l’échelle du département, avec, sans aucun doute, le temps d’échanger sur les pratiques pédagogiques du
cycle 1 autour de personnes ressources compétentes, engagées dans l’action comme la réflexion et animées d’une force de
conviction communicative.
Cet élan, que cette journée a donné à l’école maternelle, ne manquera pas de produire les effets attendus dans les
évolutions des pratiques pédagogiques dans les classes.
Ives MELET
Inspecteur d’Académie
Directeur des Services départementaux de l’Education Nationale de la Vendée
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Introduction
Les programmes de 2002 ont réaffirmé l’identité de l’école maternelle comme étant une école de plein exercice. Tout
premier lieu de scolarisation pour le jeune enfant qui va progressivement apprendre à devenir élève, les enseignants d’école
maternelle, professionnels de l’éducation, ont en ce sens un rôle majeur à tenir pour mener à bien les premiers
apprentissages et aider l’enfant à développer en confiance ses aptitudes et ses talents.
Ce colloque « Mieux enseigner à l’école maternelle » du 5 octobre 2005, organisé conjointement par l’Inspection
Académique de la Vendée et l’Institut Universitaire de Formation des Maîtres, site de La Roche Sur Yon, s’est voulu une
réponse à une demande forte des enseignants et des étudiants stagiaires de l’IUFM. Il s’agit de faire réussir les élèves pour
qu’ils avancent progressivement et sûrement sur le chemin de la maîtrise du langage.
Dans ces actes, vous trouverez la synthèse des différentes interventions qui ont permis d’apporter un éclairage sur l’actualité
pédagogique, la mise en œuvre des programmes 2002 et la réflexion à engager quant à la prévention des difficultés.
Dans sa conférence, Anne-Marie GIOUX1 a développé le rôle fondamental de l’école maternelle dans l’apprentissage et le
développement du langage et de la langue française permettant à l’élève de conquérir tous les possibles langagiers.
Les différents ateliers qui ont suivi ont illustré et complété son propos. Ils ont aussi apporté des éclairages et des pistes
d’exploitations pour des pratiques de classe efficaces grâce à des stratégies adaptées aux progrès des élèves, à leurs
besoins et à leurs capacités.
Ce fut un grand honneur de les recevoir et je les remercie tous d’avoir pu donner, de par leur engagement et leur
compétence, une dimension forte à cette journée.
Ces travaux, j’en suis sûre, sauront nourrir des actions de formation en école maternelle, qu’elle soit initiale ou continue, et
renforcer la continuité des apprentissages de la Petite à la Grande Section sans oublier la nécessaire liaison avec le Cours
Préparatoire.
Yolande GUYOT
Inspectrice de l’éducation nationale sur la circonscription de Luçon en Vendée
et chargée du groupe départemental « Ecole maternelle »
1
Docteur en Sciences de l’Education, membre du conseil scientifique de l’Association Générale des Institutrices et des
Instituteurs des Ecoles Maternelles publiques (AGIEM)
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L’école maternelle : entrée dans tous les possibles langagiers
Anne-Marie GIOUX
IA-IPR EVS, Docteur en Sciences de l’Education
Rapporteur : Danièle GODEAU, Conseillère Pédagogique
Anne-Marie GIOUX, Docteur en Sciences de l’Education, auteur d’un ouvrage sur l’école maternelle « Première école,
premiers enjeux » publié chez Hachette, formatrice de formateurs depuis une vingtaine d’années, membre du conseil
scientifique de l’AGIEM, nous convie à une réflexion pédagogique sur les stratégies d’apprentissage du langage à l’école
maternelle.
« L’école maternelle est la base indispensable d’une scolarité réussie avec des stratégies adaptées à l’âge, aux besoins et
aux capacités des plus petits avec l’exigence et la générosité nécessaire aux progrès des plus grands ».
Introduction
Comment faire des enfants que nous accueillons des élèves qui, à moyen terme réussissent scolairement, puis à long terme
des adultes à peu près à l’aise avec le langage, sachant prendre la parole, mais aussi se taire de temps en temps ?
Considérant la place du langage à l’école maternelle, on travaille simultanément sur trois plans : instruire, éduquer,
apprendre.
Tout propos sur le langage mérite d’être situé : le cadre scolaire, qui interfère avec la sphère éducative large et parentale,
nous concerne tous au plan des apprentissages, qui se révèleront ultérieurement comme nécessaires à l’équité républicaine.
L’école est de ce fait investie d’une large responsabilité sociale. Nous sommes tous des acteurs sociaux de premier plan.
Je viens témoigner de ce que j’ai construit sur la manière dont on peut entrer dans les possibles langagiers dans le respect
du rôle transversal qui leur est dévolu dans les programmes.
C’est votre propre langage, le langage intérieur de votre expérience qui fera écho à certains points développés ; cela vous
permettra d’adapter à votre connaissance du terrain la réflexion sur quelques stratégies adéquates.
Quelques préalables
Transversalité de la réflexion sur la place du langage à l’école maternelle :
Du point de vue de l’enfant : apprendre à parler, c’est d’abord l’éduquer.
Le premier plan de travail :
« Eduquer », concerne l’enfant.
« Enseigner » concerne l’élève que nous sommes en train d’aider à venir au monde dans le cadre scolaire.
« Apprendre » concerne l’apprenant lui-même, spécifique dans ses procédures, ses besoins, ses désirs.
Au plan éducatif, les adultes enseignants sont des témoins, des facilitateurs, des passeurs, des médiateurs.
C’est à la fois notre fonction sociale, avec la qualification nécessaire pour aider techniquement l’enfant, mais aussi notre
rôle d’adultes avec ce qu’il y a de générosité dans l’acte d’aider à grandir, d’enseigner.
Les premiers éducateurs sont les parents, même si la famille impulse une éducation qui ne correspond pas toujours à celle
que l’école attend. Cependant, l’école joue un rôle de co-éducation; elle a une responsabilité sociale car elle contribue à faire
entrer des élèves citoyens dans les lois de la République, afin de les aider à tenir leur place dans la société.
A cette fin, nous avons la responsabilité d’assurer un langage d’intégration. La langue française est un instrument très fort de
reconnaissance mutuelle, c’est la langue de l’insertion sociale.
A l’école maternelle notre langue s’apprend en situation d’immersion fonctionnelle et ce jusqu’à 5 ans; en tant que langue
véhiculaire unique pour l’enseignement, elle favorise la communication et l’acculturation, permettant ainsi une unité de
pensée, facteur de progrès social et de réussite scolaire. L’unicité de la langue est primordiale dans notre service public.
Cela n’exclut pas qu’il puisse y avoir des situations de bi-linguisme ( classes à horaires partiels en créole, breton, basque…),
mais une entrée préférentielle, intensive, est profitable aux plus démunis.
Pour quelle acculturation majeure ? Il s’agit de conquérir très vite une aisance verbale à l’école maternelle, qui permettra
d’aborder vraiment l’école élémentaire avec toutes les chances de réussir à l’écrit.
Du point de vue de l’enseignant à l’école maternelle : des situations structurées… sans formalisme.
A l’école maternelle, la place du langage est transversale. Nous avons à concevoir la conquête de la langue avec méthode :
structurer sans systématiser.
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Eviter de transformer trop tôt les enfants apeurés qui arrivent en mauvais parleurs. Il y a aussi de très bons écouteurs :
beaucoup d’enfants qui ne disent rien sont déjà entrés dans le langage de l’école. Et il faut aussi bien écouter pour mieux
parler…
- Aux enseignants l’art d’une distance intérieure, calculée, entre : «Qu’est-ce que je dis ? Qu’est-ce que je révèle de ma
pensée ? Qu’est-ce que j’attends d’eux ? »
- Du côté de l’élève : « Que me dit l’enseignant ? Est-ce qu’il me dit ce qu’il va faire ou est-ce qu’il veut que je fasse quelque
chose ? »
Structurer l’espace scolaire de parole de l’école maternelle, c’est ainsi progressivement mettre en évidence le statut de la
consigne, mais ce n’est pas le langage exclusif qu’il convient d’enseigner.
Le grand rôle de l’école maternelle est de faire comprendre assez vite aux enfants que dans la sphère de l’enseignement, il
y a différents types de paroles de la part de la maîtresse.
Plaçons-nous en position d’élève « grand écouteur ». Que donne l’école à entendre ?
- des paroles qui encadrent la journée donnant des éléments pour s’organiser ; injonction « X ou Y, allez à
l’atelier… »
- des paroles amenant l’hypothèse, la suggestion « Et si on prenait des gommettes.. »
- des paroles ouvrant des choix possibles « Ceux qui ont fini, vous choisissez entre… »
Il s’agit de paroles structurant l’espace temps relationnel des activités, des tâches.
- des paroles qui racontent et permettent de rêver… « Il était une fois trois petits cochons… »
L’univers de référence est très différent : c’est l’espace–temps interne de chacun qui s’élargit vers le rêve, les hypothèses,
les images.
L’école maternelle doit veiller à ne pas cantonner les élèves dans l’univocité fonctionnelle de la consigne, apanage si
fréquent de l’école élémentaire.
Du point de vue de l’apprentissage visé : implication de l’élève, ciblage des objectifs.
A l’école maternelle plus qu’ailleurs, on ne peut rien faire sans les enfants.
Il faut parfois éduquer afin de permettre d’entrer dans les apprentissages (exemple de la fillette qui pleure une demi-journée
l’absence de la maman, puis qui refuse de tenir son crayon correctement jusqu’au déclencheur de l’exemple fourni par l’un
de ses pairs).
Certaines situations ne sont pas négociables mais les approches possibles ou les aménagements variés constituent un
moyen de contourner la difficulté pour amener l’élève à apprendre (imitation, communication avec le groupe des pairs,
échanges et discussion, …).
La sphère de l’apprenant est tissée de la variété des situations didactiques à concevoir, évoluant selon les besoins, les
rythmes, les âges, et les champs d’apprentissage.
C’est alors qu’il faut se souvenir que la motivation, le désir, sont des moteurs puissants pour l’effort, que l’évaluation doit
valoriser, que le projet est une démarche essentielle pour structurer la pensée.
Un langage pour construire du sens
Trois axes de travail en progression constante
Apprendre à communiquer de la PS à la GS : désigner, décrire, évoquer, interpréter… en relation avec un référent
variable.
On va communiquer pour exprimer ou transmettre une information, et pour quelqu’un : on ne communique pas à vide.
On va donc apprendre à désigner, à dire, à décrire, à évoquer, à interpréter ( c’est à dire être conscient de la part de
subjectivité particulière de son point de vue) et ce, dès la Grande Section, puis à débattre en liaison entre cycle 1 et cycle 2.
En ce qui concerne le référent, la PS va aider les enfants à parler «à propos de » : le sujet (référent) est présent,
généralement attractif car actif, mobile, coloré, objet d’attention conjointe (cf Bruner).
Un des objectifs essentiels de la MS est de stabiliser la référence dans l’échange langagier : on parle alors d’un référent sur
lequel on agit, qu’on élabore, qu’on modifie, qu’on crée dans la co-action : « Je fabrique de la pâte à sel et je parle de ce que
je fais. »
En GS, le référent peut même être absent (un camarade, une expérience vécue, un objet mystérieux), ce qui va provoquer
le langage d’évocation (mémoire, émotions, imaginaire s’y déploient).
En ce qui concerne le passage à des référents abstraits (idées, opinions, affects), il faudrait établir une continuité entre
l’école maternelle et le CP par la parole : apprendre à mettre à distance, apprendre à parler des difficultés d’apprentissages,
apprendre à interpréter le monde, apprendre à communiquer sur sa souffrance ou sa joie. Apprendre à parler, c’est
structurer sa vie et peut-être éviter des passages à l’acte violent.
La parole est importante tout au long de la vie. Ainsi, pour les enseignants, l’intérêt des groupes de paroles autour
d’échanges de pratiques dans le cadre professionnel (mise à distance réflexive) est incontestablement une façon d’assumer
les difficultés d’un métier où il faut contrôler ses propres réactions affectives (rejet, colère, angoisse, séduction) .
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Apprendre à apprendre de la PS à la GS : interroger, s’interroger, mémoriser, débattre, expliquer, justifier… sur
des sujets multiples.
C’est la deuxième fonction importante du langage en milieu scolaire : porteur, vecteur de tous les apprentissages, il traduit la
spécificité sociale de nos connaissances. Nous parlons parce que nous sommes des êtres sociaux, et nous sommes
socialisés par notre langage. Les interactions entre pairs, dont on a découvert le rôle essentiel dans les acquisitions en
toutes circonstances, prennent sens et appui par les langages (mimiques, gestuels, verbaux, vocaux).
Apprendre à apprendre, ce n’est pas apprendre par cœur mais apprendre la variété des usages langagiers, à mettre en
réseaux : ce que je vois, je l’entends aussi, les liaisons et intonations infléchissent ma compréhension des phrases, au-delà
du sens littéral des mots utilisés et de leur assemblage. Il faut développer et entretenir la mémoire qui soutient la parole.
(théâtre, poésie, mémoire d’une culture, émotions partagées, …).
En mettant en réseau des langages, on ouvre aussi des perspectives personnelles à la compréhension : tel mot appris dans
telles circonstances coïncide aussi avec des sensations privées (d’où le rôle des écholalies, du plaisir de la répétition par
cœur, de la maîtrise de la voix qui module, des listes rituelles et des procédés mnémotechniques … « hibou, chou,
genou… ».)
L’école donne à mémoriser, à expliquer, à comprendre, à interpréter, à s’interroger et à interpeller autrui sur le sens de ses
questions (exemple de la semaine sans télé).
On parcourt ces étapes, puis on apprend à justifier, à user de façon nuancée et argumentée de la langue, ce qui est déjà
une façon de mettre le langage à distance, avant qu’il ne devienne objet d’apprentissage abstrait (lecture, syllabation)….
sans aborder trop tôt la phonologie et en évitant de placer l’enfant en situation d’échec.
Apprendre à jouer avec les langages : moduler, varier, détourner, recomposer… en tirant parti de tous les supports
possibles (corps, images, textes).
On joue avec les langages en modulant sa voix, en variant les langages, en ménageant des temps pour parler, en
détournant le langage d’un usage banal pour introduire de l’étrangeté ( humour, poésie).
Programmation et situations d’apprentissage
I.
Entrer dans une identité langagière personnelle (dominante PS)
Un objectif majeur de la PS…
Une compétence qui se construit toute la vie !
1. Parler à la première personne
La maîtresse doit s’exprimer à la 1ère personne. Le « je » qui n’est pas intégré à l’entrée de la PS peut ainsi s’installer
progressivement, car l’imitation est au cœur de l’acquisition du langage. Dès le moment de l’inscription, dès l’accueil, l’enfant
doit être interpellé en tant que personne lors de l’entretien avec les parents. Le directeur s’adresse à l’enfant en utilisant son
nom et son prénom. Il pose la base et les mots d’une première identité sociale.
Il serait préférable que l’enseignant évite de se faire appeler par son prénom : « Vous êtes la maîtresse ou le maître ; votre
rôle social est fixé. »
De même l’enfant pose le doudou dans un panier en entrant en classe. Sans le perdre des yeux au début, puis de façon plus
détachée par la suite … Ainsi naît l’écolier à travers l’enfant.
2. Besoin de relation duelle et de reformulation
L’enfant apprécie le moment de relation duelle de l’accueil ou du réveil de la sieste; c’est un moment privilégié de langage
personnalisé.
3. Rôle des moments de maternage, de l’accueil, de l’appel
A l’accueil, les soins corporels incombent encore aux parents si besoin est (toilettes, tablier de protection pour des activités).
L’accueil est le dernier moment parental : mouchoir, lacets, bretelles, derniers soins, derniers câlins.
A l’arrivée, on se dit bonjour, on prend garde à de petits détails, on complimente, on se réjouit, on s’étonne, on commente
des éléments de la tenue de chacun : c’est un code de civilité, mais aussi un moment de langage personnalisé qui
apprivoise le petit, l’accueille dans le monde d’une parole sociale non parentale.
Selon la complexité du cadre scolaire, on peut utiliser un badge avec nom et prénom permettant d’identifier rapidement tous
les enfants sans erreur dès la rentrée. On s’intéresse à l’enfant ; pour l’ATSEM, c’est le moment de l’enveloppement
« contenant » l’inquiétude du petit, du maternage qui le rassure.
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Quant à l’enseignante, c’est par la médiation de l’activité qu’elle incite l’enfant à oublier l’abandon : « Regarde ce que l’on t’a
préparé ! ». La détresse première s’apaise.
Parler le temps est aussi une médiation éducative ; des horloges permettent à l’enfant de prendre des repères. Il faut parler
de façon personnalisée du déroulement de la journée dans le temps et l’espace. Dès lors que l’enfant a posé son doudou,
qu’il a consenti à entrer dans un réel préparé à son intention, commenté et expliqué… il est prêt à entrer dans une action où
l’apprentissage passe par la parole.
Situations de jeux : émetteur / récepteur (situations déjà plus cadrées)
Alternance écoute/parole : le dialogue, les jeux de doigts, le téléphone, le castelet
Ce sont des situations à pratiquer en PS (pas dans les premières semaines où l’on instaure la sécurité dans les groupes).
On engage des dialogues à propos d’un matériel présent, on entre dans la désignation, dans l’identification, dans le
dictionnaire du monde (plus les enfants sont petits, plus les supports utilisés sont grands) ; on parle ce qu’on fait (compote).
On aborde les grands rythmes saisonniers mais on évite de stéréotyper les activités en les concentrant sur des thèmes.
Exemple d’activité pour l’accueil : On constitue des collections d’images sous pochettes plastiques, on les met dans des
classeurs on les regarde à l’accueil, on relance. On choisit un univers de référence connu des enfants.
Réveil de la sieste :
On met en place un étayage avec des protocoles de relance en lecture d’album. Le groupe est composé de trois
enfants : « Qu’est-ce que vous voyez ? ». On reformule sur le grand parleur. S’il n’y a pas de réponse, on propose, on
organise (l’enfant, lui, s’arrête naturellement sur des détails).
« Qu’est-ce que tu vois ? Montre-le moi. »
Regroupements :
Pour appendre à situer les détails et utiliser un langage topographique, on place de grandes images sur de grands
chevalets ; orientées sur un plan vertical, elles permettent de situer les éléments en haut, en bas, au milieu… On compare,
on prend des indices de surface : « ça me fait penser à… ».
On établit des mises en réseau : « ça ressemble à, c’est comme » ; on utilise les couleurs.
On constitue des groupes hétérogènes de langage en situation de reformulation. On questionne, on propose, on organise
les échanges (à toi, à moi, à qui le tour ?).
Le premier langage sera le langage corporel (jeux de doigts). Progressivement l’enfant discipline son corps, apprend à
dissocier le langage corporel de premier degré (cri de faim, appel de détresse) de celui qui parle le corps. C’est le préalable
à l’écriture (J’ai chaud, j’ai froid, je tremble … les parties du corps)
Les jeux de doigts à travers une comptine telle que « La petite bête qui monte… » en jouant sur l’intonation est une
première entrée dans le récit pour des petits ; il y a résolution à la fin de la comptine.
Prenons des situations avec présence d’un interlocuteur :
2 téléphones à cadran de part et d’autre d’une cloison.
Jeu à partir de 3 ans. L’enfant téléphone à son copain pour qu’il trouve le même jeu de son côté. Pour cela il décrit : forme,
couleur,… Il y a validation immédiate lorsque l’enfant apporte l’objet à son camarade.
Le castelet comme le téléphone sont des situations de fin PS (3 ans) et 4 ans. On va évaluer les apprentissages en
pratiquant ces activités.
Le castelet est très difficile avec des marionnettes à doigts : entrer dans des rôles différents pose problème. Par contre si on
a travaillé sur le narratif l’élève peut jouer sa partie (le troisième petit cochon), parler à son tour, répondre avec une
intonation adéquate.
1. Chanter, jouer avec sa voix et les sonorités du langage
Le groupe est une force pour les tout petits. Se fondre dans le groupe sécurise. Le chœur est une force, le collectif une aide
pour les incertains, les timides, les muets…
En PS, on vivra des moments en grand groupe pour chanter, dire des comptines, écouter ensemble une histoire : lieu
privilégié d’apprentissage du langage oral pour aller vers l’écrit dès la PS.
2. Le moment rituel du conte
Il existe deux situations majeures où la force du groupe est très importante :
Lors du premier moment, entre en jeu la force émotionnelle, affective, interprétative ; il s’agit :
Du conte : la maîtresse raconte, elle ne lit pas (3 contes par an en PS, MS, GS). Les enfants ont plaisir à entendre
cette même histoire. On raconte une histoire que l’on aime ; pour cela on s’entraîne, on sait cette histoire par
cœur, toujours sous la même version. Pour ce moment de rituel où on se réunit, la maîtresse doit avoir du plaisir à
raconter, c’est une parole de transmission. L’élève engrange un vrai bagage culturel.
Le second moment :
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-
Celui de la lecture d’albums se gère avec des groupes de 7 ou 8 enfants. Vous pouvez lire tous les albums que
vous aimez.
3. Trésor des formulettes.
On les utilise à des moments convenus : « Cric crac, le conte est dans le sac »
Ces formulettes sont répertoriées sur Internet (cf http://monsite.wanadoo.fr/formulettessuite/page1.html)
4. Les rondes
Les rondes sont un moment collectif de langage. Une ronde, c’est difficile à mettre en œuvre. Cela permet le synchronisme
des gestes et de la parole. Il faut partir dans le même sens, du bon pied, mettre la syllabe sur le bon pied, … Il s’agit bien
d’un véritable parcours d’apprentissage dans le langage.
II.
Entrer dans les échanges sociaux (MS)
A. Découvrir le monde par le langage (PS-MS-GS)
1. pointage et balisage : les codes colorés, les affichages et les jeux pour soutenir le « commentaire du monde »
et poursuivre l’éducation première de la désignation par l’exercice de la catégorisation (le/un).
De nombreuses théories du langage ont été rédigées : se référer à Bruner (savoir faire savoir dire), Vygotsky, Wallon.
En ce qui concerne le pointage et le balisage je reprends ce que dit Bruner : la maman donne le sens à l’univers en
désignant le monde qui entoure l’enfant.
La maîtresse prend le relais.
En MS, l’élève apprend son métier d’écolier. Il prend conscience de soi, se constitue des référents « C’est ma maîtresse ! ».
Le moment de l’appel est important, il induit des conduites langagières. L’élève prend conscience de son affiliation à un
groupe : groupe d’appartenance garçons filles, groupes de référence, liste alphabétique…. On aura recours à des codes
colorés. On distinguera les listes officielles des présents des listes intermédiaires pour faire telle chose en projet (ex : liste de
ceux qui vont venir lire l’album avec la maîtresse).
On construit des projets.
On pratique des exercices de catégorisation. On classe les choses qui vont ensemble. (ex : couverts du coin dînette, petites
voitures, boutons…) en fonction de critères particuliers : couleur, forme, fonction.
En établissant ces catégorisations, on entre dans le grammaticalement différent (exemple 1 : un papa, le papa, mon papa…,
faire basculer les enfants de PS vers « c’est le mari de ta maman » ; exemple 2 : ma voiture, la voiture de la classe, cette
voiture, on la regarde…). Le langage peut s’expanser : la voiture d’Alfred,…celle qui est verte, avec une antenne…
Voici une situation :
La classe est en grand groupe et l’on dispose d’un stock suffisant d’objets.
Consigne : « Chaque enfant devra trouver un objet jaune »
une voiture jaune,
une voiture jaune et une remorque,
Ensuite critère par exclusion : tout sauf un objet jaune (GS)
Cette notion importante est mise en relief lorsqu’on utilise l’outil informatique (et, ou, sauf).
Le travail sur ce langage de la combinatoire (ajouter, retrancher, juxtaposer des indices) est à commencer dès la MS. Il
débute par des collections de toutes sortes et évolue progressivement vers des supports devenant de plus en plus abstraits.
2. Le cadrage pédagogique : la redondance action/parole, les formes de classement, les reformulations
(expansion, réduction) et la mémoire … vers l’écrit
On est dans la redondance action/ parole dès lors que l’on joue, que l’on fait, que l’on a une action sur les objets
En MS, classer des objets, c’est faire des tas, parler de son tas, dire tout ce qu’il y a dans le tas. Quand on fait un
classement, on dit pourquoi, on justifie.
Le classement d’un groupe n’est pas identique à celui des autres : en effet, si tout le monde travaille à la fois et sur la même
chose, il n’y a aucun intérêt à échanger des expériences, à comparer par le langage (ex : un groupe classe des objets verts
qui servent à manger, un autre des objets verts qui servent à rouler).
On se dégage du support et de la couleur pour accéder par le langage à un critère d’ordre supérieur qui est celui de la
fonctionnalité.
Il y a reformulation en réduction, en extension : ne pas se contenter d’une proposition minimale, enrichir sans arrêt, redire
avec une forme lentement donnée pour mémoriser ce qui a été dit.
3. Implication personnelle et sociale par le langage : cahiers de vie, plans de travail, rythme de vie participent à
l’organisation des cadres de la pensée.
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Les cahiers de vie : à quoi servent-ils ? Ils nécessitent une reformulation. Si on travaille sur le compte-rendu d’un vécu
ensemble, on date, on est sur la structuration du langage qui balise et du langage qui va évoquer (premier langage
d’évocation).
Le rythme de vie affiché est un langage qui est une façon d’abstraire le vécu :
- rythme de vie en photos,
photo qui a la taille d’un tableau blanc pour les PS
photo qui a la taille du chevalet pour les MS
photo que l’on peut encore restreindre pour les grands (mais pas trop !)
Le rythme de vie à lui seul est un outil de langage permanent : qu’est-ce qu’on a fait ? Qu’est-ce qu’on va faire ?
B. Se situer dans la lignée narrative (Dominante GS)
1. Le conte et le langage d’évocation, parole quotidienne
exemple : le travail sur le conte (site IA Finistère circonscription Landivisiau Travail sur le conte en PS, MS, GS)
En MS : on utilise un schéma début, milieu, fin. On va le coder, mettre en place le schéma narratif, le sens de l’écriture.
La frise narrative comporte un début fiche bleue, par exemple, (il était une fois), un milieu avec trois étapes majeures (trois
étiquettes roses), une fin ( fiche verte).
On se réfère à des indices de surface adaptés au niveau du cycle :
- PS : images et textes
- MS : phrases et formules
- GS : pastilles rappelant le code coloré.
On code en amenuisant la taille de l’indice de repérage selon le niveau.
2. La chronique : les mots de la tribu, parole du quotidien
La tribu, c’est la classe. Les mots de la tribu sont les paroles du quotidien (rythmer la vie, parler des moments forts, des
sorties).
Cela peut être le cahier de vie (Cf * « Première école, premiers enjeux » AM Gioux Hachette 2000). Il peut avoir plusieurs
objectifs :
- cahier de mémoire (chronologie)
- cahier de liaison
- cahier de réussite.
L’élève, membre de la tribu, va classer dans son cahier de vie les traces par champs de compétences suivant les grands
domaines d’apprentissages. Ce cahier, livre des réussites va comporter des photos en PS, des commentaires en MS, des
panneaux de récapitulation en GS (qui balisent les apprentissages), des choses que je suis capable de faire. On peut aussi
enregistrer une cassette sur laquelle figureront les textes et images des albums rencontrés que je sais raconter, les
comptines, les formulettes…
Il faut veiller à ne pas transformer cette évaluation en contrôle.
Pour approfondir cette approche, on pourra se référer au tableau : « Des outils pour rendre nos pratiques plus lisibles », qui
traite du livre de réussite, du livre de mémoire, du cahier de liaison pages 34, 35, 36 de l’ouvrage d’Anne-Marie Gioux
« Première école, premiers enjeux ».
3. La programmation de cycle : une cohérence et une continuité profitables aux plus démunis
Conter, et raconter/ lire et rendre compte.
Situations, Outils, Supports… pour programmer les apprentissages
PS
MS
Identité personnelle et plaisir vocalique
Le langage, affiliation au groupe élargi
L’expression de soi et le partage du
Sens
Accueil, dialogues, jeux de doigts,
Fiches et affiches
L’appel, les étiquettes de présence
Le commentaire de son travail, le
Fiches et affiches
Découverte du monde :
Etiquetage et désignation
Le langage pour classer, ranger,
catégoriser…
Se souvenir et évoquer :
Créer et re-créer le monde
Imagiers, cahiers d’images, collection
de papiers, coins jeux
Photos, collections, lotos visuels et
sensoriels ( tactiles, olfactifs)
Cahier d’expériences
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GS
PS
MS
GS
Assumer le risque de l’énonciation
Assumer son rôle de relais : raconter,
Expliquer
Assumer sa responsabilité d’auteur
Magnétophone,castelet, trésor de mots
3 contes en PS, 3 en MS, 3 en GS
3 albums avec texte, 3 sans texte,
histoires en relais (fax)
Dictée à l’adulte, trésor de poésies
On apprend peu à peu à parler d’autre chose que de soi-même (Moi, Moi, Moi….).
Le travail est daté.
L’enfant assume sa responsabilité d’auteur, il signe son travail :
- étiquettes initiales en PS, on colle ;
- prénom en majuscules bâtons en MS ;
- puis en cursive (GS) avec une majuscule.
Le cahier d’expériences, autre outil, sera adapté à l’école maternelle (dessins, légendes).
III. Se préparer à assumer la complexité discursive de l’école obligatoire
A. Parler pour apprendre à lire et à écrire
On va entrer dans la complexité discursive de l’école élémentaire, de l’école obligatoire.
Très vite, on va constater que la parole est déjà intériorisée. Ce langage intérieur est la base de ce qui va être l’évocation
mentale elle-même la base de la construction du sens, finalité de l’apprentissage de l’écrit.
J’apprends à lire pour apprendre d’autrui, pour m’émouvoir, pour communiquer avec d’autres, parce que j’y trouve du plaisir,
parce que c’est facile (certains apprennent en GS parce qu’on les a bien accompagnés, en faisant naître le désir de
chercher et de comprendre plus qu’en contraignant à des exercices répétitifs).
Une classe homogène n’est pas la meilleure configuration : le groupe des pairs est indispensable dans une hétérogénéité
maximum.
Apprendre à parler, c’est apprendre à réfléchir ; apprendre à écrire, c’est apprendre à hésiter avant d’écrire ; apprendre à
dire, c’est apprendre à douter.
A la maternelle, on peut débattre, il faut faire débattre pour s’installer progressivement dans ce type de réflexion. Les enfants
de Maternelle questionnent : «Pourquoi on meurt ? Dieu existe-t-il ?... »
Les écrans placent l’enfant dans le virtuel, or :
- Quand je parle, je suis responsable, je rentre dans une liberté de parole, et une responsabilité de parole.
- Quand j’écris, je suis soumis à la loi (le code, l’orthographe conditionnent l’accès au sens).
L’élève doit être conscient de cette dimension citoyenne de la contrainte acceptée pour faire partie du groupe.
La correspondance phonie/graphie fournit des critères me permettant d’entrer dans le langage.
Ex : MS Quel jour sommes-nous ? jeudi, Julien (zone proximale de développement)
GS constitution d’un corpus de phrases.
L’écrit n’est pas une traduction de l’oral : c’est une trace de la pensée, c’est une réflexion du langage sur lui-même.
1. Différences et similitudes (j’écoute, j’entends, je vois ; familles de mots, registres langagiers)
Les affichages jouent un rôle important ; en redondance, les murs ont la parole :
Tout ce qui a été appris est là sous nos yeux : listes de mots,… rythmes de vie, …saisons…
Une question doit être posée : « A quoi sert la météo en dehors du contexte d’une sortie prévue ? »
On joue avec les registres langagiers (distance et familiarité) : godasse, soulier…
2. Distance et familiarité (apprendre à tenir compte de l’implicite, des codes convenus, des décalages d’information ou
de point de vue)
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Parler pour apprendre à lire et à écrire parce qu’on va lire partout. On utilise le journal (coin presse dès la MS) ; on découvre
qu’un journal se fabrique.
On passe de la chronique du quotidien de la classe à la trace de la chronique socialisée.
3. Etrangeté et altérité (origine et histoire des mots)
Expliquer, explicare. Les enfants adorent connaître l’origine des mots (ex : L’origine des jours de la semaine)
B. La production du sens : une conquête active, une relation positive à soi même et aux autres, des
contraintes acceptées.
Dictée à l’adulte
Le travail effectué en langue orale sert à l’écrit.
Ainsi, la dictée à l’adulte en est une illustration ; elle ne peut être menée en classe entière.
Soit un groupe de 6 élèves maximum, un chevalet.
On reformule une lettre collective : A qui ? Pourquoi ? Qu’est-ce qu’on veut lui apprendre ? Qu’est-ce qu’il ne sait pas qu’il
faut absolument lui dire ? Dans quel ordre ?
Des contraintes acceptées sont nécessaires : la maîtresse n’accepte pas si on dit trop vite.
Evaluation (Pour plus de détails se reporter au chapitre 7 de l’ouvrage « Première école, premiers enjeux »)
A l’école maternelle on garde des traces du travail :
- En PS, on évalue le langage à 4 moments différents avec des cassettes magnétoscopées ( en situation de vécu de classe)
- En MS, des images servent à garder la mémoire des référents évoqués.
- En GS, les fichiers ne sont valables que créés pour des élèves précis, dans une classe particulière ; il faut relire le
préambule des livrets d’évaluation de 1995 précisant que l’on n’évalue que ce qui a été effectivement mis en place ( cf livrets
du MEN Cycle 1, p 1, 2).
On évalue de façon fonctionnelle en situation (on évalue parfois à chaud par exemple quand l’enfant écrit son prénom).
Modifier les situations : L’élève sera-t-il capable de réaliser la même tâche trois semaines plus tard sans support de
référence, sans aide, en temps limité ?
L’élève sera-t-il capable de connecter ou de dissocier des champs d’apprentissages, des outils : couleurs utilisées de façon
ouverte en Arts plastiques, couleurs codées en Maths.
Citons un outil récent « Découvrir le monde par les Mathématique en PS, en GS » fichiers de Dominique Valentin et
rappelons au passage que notre société a besoin de scientifiques : là aussi, la Maternelle a son rôle à jouer.
Ne serait-il pas souhaitable que l’école élémentaire s’inspire en CP, CE1( cycle 2), de certains axes d’enseignement de
l’école maternelle ?
En guise de conclusion
En éducation, évaluer, c’est donner de la valeur et non comparer un produit à une norme.
Structurer, oui, systématiser… non !
Comment évaluer les acquisitions langagières des élèves de l’école maternelle ?
a) Evaluer dans les différents types de séances… traces différenciées (enregistrements, transcriptions, photos)
b) Evaluer la capacité référentielle, les scénarios
c) Evaluer de façon fonctionnelle : répéter/modifier/connecter/inventer… pour communiquer, émouvoir, créer des
émotions ou susciter des actions en retour
Et pour finir J.J. ROUSSEAU…
« Je vis que je réussissais et cela me fit réussir davantage »
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Le narratif dans le développement psycho affectif du langage
Docteur Yvan Halimi
Pédopsychiatre CMP Winnicott La Roche-sur-Yon
Rapporteurs : Annick Mappas, Isabelle Hervouet, Conseillères Pédagogiques
Un grand merci tout d’abord aux organisateurs de cette journée (et tout particulièrement à Yolande GUYOT) car, pour le
pédopsychiatre que je suis, l’école maternelle doit être le lieu privilégié d’une véritable action de prévention en santé
mentale. Les enseignants de cette école sont sans nul doute l’un des socles de la construction de la personnalité et des
savoirs dans le développement de l’enfant.
Le lieu d’actualisation de "l’intelligence sociale"
Le passage du milieu familial à cet environnement nouveau qu’est l’école maternelle (avec des adultes aux fonctions
différentes, d’autres enfants d’âges et de classes sociales différentes) va mobiliser les capacités d’ajustement social de
l’enfant. Cette souplesse d’ajustement différencié selon l’interlocuteur et les situations est l’un des enjeux d’une bonne
intégration scolaire de l’enfant. Nous pourrions schématiquement la traduire dans le raccourci suivant « en maternelle, un
enfant devrait savoir se faire aimer par sa maîtresse et ses petits camarades ». Nous pouvons évoquer à ce sujet ces
enfants prolixes, débordant de connaissances mais qui agacent les enseignants faute d’ajustement social pertinent.
Il est important de préciser (comme l’a souligné Anne Marie GIOUX lors de sa conférence, en souhaitant que les
enseignants ne se fassent pas appeler par leur prénom) qu’un enseignant ne doit pas avoir besoin d’être aimé par ses
élèves au risque d’organiser sa fonction dans le registre de la séduction (ce qui bien entendu ne signifie pas qu’il doit
interdire à ses élèves de l’aimer).
Le registre affectif ne peut en effet être le principe organisateur de la situation pédagogique qui s’articule beaucoup plus
avec la notion de respect, (même s’il y a une certaine forme d’amour sous-tendue par le respect), respect des élèves pour le
maître et le savoir qu’il incarne, respect du maître pour les élèves qui doit garantir leur sécurité lorsqu’ils arrivent à l’école
dans une sacralisation de cet espace de vie pour l’enfant (la cour de récréation de certaines écoles peut ainsi être une jungle
ou au contraire un espace de civilisation).
En effet on observe aujourd’hui une tendance à des glissements, voire à des confusions dans les rôles et les fonctions. Or
ces repères sont essentiels pour permettre aux enfants de construire leurs représentations du monde. Ainsi les contenus
langagiers ne facilitent pas toujours la différenciation par l’enfant de l’espace intime et de l’espace public, de ce que l’on peut
dire "entre intimes" et de ce que l’on peut dire lorsqu’on s’exprime "dans un espace public". C’est l’enjeu sous tendu par le
secret médical qui renvoie à la préservation de l’espace intime d’un sujet vis-à-vis de curiosités intrusives (et non comme on
se plaît parfois à le répéter d’une préservation d’un « pouvoir » médical).
Certes les contes ont bien entendu leur place à l’école maternelle, certains débats aussi. Mais des questions comme la
sexualité ou la mort doivent être appréhendées avec une grande prudence tant elles renvoient à l’espace de l’intime et du
questionnement personnel. Les registres du narratif doivent s’articuler sans cesse avec ce principe, « on ne parle pas de
tout partout ».
L’appareil psychique peut à cet égard être comparé à l’appareil digestif qui ne peut assimiler les mêmes aliments chez un
bébé et chez un adulte. Ne dit-on pas d’ailleurs à propos d’un événement traumatique : « je ne l’ai pas encore digéré !! ».
L’appareil psychique de l’enfant n’étant pas apte à « digérer » un certain nombre d’éléments auxquels il peut être confronté,
cela suppose qu’un adulte puisse alors l’étayer dans cette expérience qui risque d’être désorganisante pour lui sans
« prémâchage » ou « co-mâchage » permettant de l’assimiler sans danger pour son intégrité psychique.
La narrativité
Anne-Marie GIOUX, comme de nombreux auteurs de champs différents, insiste aujourd’hui sur l’importance du narratif dans
le développement de l’enfant. Ce concept peut être en effet abordé selon des perspectives différentes (mais généralement
convergentes) selon les disciplines concernées.
Je vais m’efforcer de présenter quelques repères du métier de pédopsychiatre sur cette question centrale dans la
construction de la personnalité et des savoirs.
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La narrativité est à mettre au rang des processus de liaison dont on connaît la fonction anti-traumatique. Pouvoir raconter ou
se raconter à soi-même est une compétence essentielle dans la fonction réparatrice de nos processus de pensée et dans
l’étayage de notre sentiment de continuité d’existence (self).
La narrativité pourrait ainsi voir sa fonction définie par la question : « Quel fil relie l’ensemble des expériences sensorimotrices juxtaposées dans le psychisme de l’enfant pour lui procurer ce sentiment continu d’exister qui fonde notre santé
mentale ? ». Fil dont l’absence veut dire morcellement pathologique du vécu sous tendu par des expériences sans création
de liens entre elles.
Précisons que l’édification de cette narrativité doit reposer sur le socle de l’analogique (pré ou infra-verbal) avant d’être
complétée par le registre du digital (verbal).
Nous devons en effet distinguer deux registres de communication :
- analogique (infra ou pré-verbale - prélinguistique) supporté surtout par l’hémisphère cérébral mineur (droit pour les
droitiers). Véhiculant essentiellement, des données émotionnelles ou affectives, par des comportements non linguistiques
(mimico-gestuels). Ces messages sont de type synthétiques, globaux et non codés.
- le registre digital relevant surtout de l’hémisphère majeur véhicule essentiellement des concepts par le biais d’éléments
« codés » (au sens Saussurien du terme) d’un type analytique.
La chaîne parlée se compose donc d’un contenant et d’un contenu, « musique » et « paroles » du langage.
Daniel STERN a développé le concept « d’enveloppe prénarrative » en tant qu’unité de base hypothétique de la réalité
psychique infantile, « schéma d’événement ressenti » déjà chez les enfants de moins d’un an comme une expérience
subjective qui se déroule dans le temps.
Cet apprentissage s’inscrit dans l’interactif d’une expérience intersubjective avec un ou plusieurs adultes qui ont déjà
instauré leur propre narrativité.
Comme le souligne Bernard GOLSE :
« Dans le cadre de cette rencontre inédite, chacun va alors « raconter » quelque chose à l’autre. L’adulte, à sa manière,
raconte au bébé le bébé qu’il a lui-même été, qu’il a cru être ou redouté d’être, tandis que le bébé, à sa manière, « raconte »
à l’adulte l’histoire de ses premières rencontres interactives ou interrelationnelles »
C’est en ce sens que Donald WINNICOTT expliquait que le premier miroir de l’enfant était le visage de sa mère, visage d’ont
l’expressivité viendra traduire les vécus internes du bébé dans ce processus « d’accordage » sous tendu par une expérience
essentielle d’empathie réciproque mère-bébé. On comprend comment la dépression maternelle peut venir affecter ce
processus d’élaboration interactive d’une narrativité dans la dyade.
La qualité de la narrativité s’ancre dans la qualité des liens d’attachement précoces
Il existe en effet une fonction défensive de la narrativité permettant d’élaborer le vécu de l’absence ou de la perte pour
développer un "soi verbal subjectif". L’entrée à l’école maternelle vient réactiver les angoisses de séparation et mettre à
l’épreuve la qualité des liens d’attachement.
Les travaux de Mary AINSWORTH sur « la situation étrange » ont permis d’identifier trois types de comportement
d’attachement différents (une procédure permet d’observer les réactions de l’enfant dès 12 mois lors de 8 épisodes de 3
minutes engendrant une tension graduelle au cours de séparations avec la figure parentale).
- l’enfant avec un « attachement sécure » est capable d’utiliser l’adulte comme source de réconfort : après avoir protesté lors
de la séparation, il est soulagé par son retour ; après une recherche de proximité, il peut repartir dans ses explorations de
son environnement.
- l’enfant avec un « attachement anxieux évitant » semble peu dérangé par la séparation comme s’il minimisait son besoin
de réconfort.
- l’enfant avec « un attachement anxieux résistant » semble au contraire maximiser ce besoin de réconfort lors des
retrouvailles avec des demandes exacerbées difficiles à satisfaire (colère ou détresse passive difficiles à calmer).
Un certain nombre d’études ont complété ces trois catégories par une quatrième stratégie d’attachement : « anxieux
désorganisé ou désorienté » où les enfants semblent montrer une désorientation (plus ou moins discrète) lorsqu’ils
accueillent le parent (comportement contradictoire d’approche du parent pour une fois près de lui, rester figé et anxieux ;
s’approcher du parent avec le regard détourné ; postures bizarres ; mouvements ralentis … évoquant l’appréhension ou la
confusion). Les enfants se comportent comme s’ils étaient alarmés non pas par la situation, mais par le parent lui-même. Ce
type de comportement est fréquemment associé à une problématique de maltraitance ou de négligence parentale se
traduisant par un lien conflictuel. Dans un certain nombre de cas ce n’est pas l’enfant qui a subi cette maltraitance mais,
découverte particulièrement importante, le parent de la dyade dans son enfance.
Ainsi le parent ayant vécu un traumatisme lié à sa propre figure d’attachement, peut adopter dans les échanges avec son
bébé une attitude effrayée par les demandes de réconfort de son bébé (qui viennent réveiller ses anciennes frayeurs). Ce
comportement peut alors entraîner chez l’enfant un comportement désorganisé–désorienté.
Ces travaux viennent donc éclairer les dynamiques transgénérationnelles à l’œuvre dans les relations précoces.
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Questions - échanges
L’école maternelle vient donc révéler (par la séparation qu’elle sous tend) la dimension sécure ou non sécure des modalités
d’attachement. L’une de ses fonctions est donc de renforcer un processus de séparation positive sécurisant en veillant à
éviter chez les sujets les plus fragiles les ruptures désorganisantes. Savoir se séparer est un enjeu majeur de la scolarisation
en maternelle pour éviter que ces ruptures désorganisantes (plus ou moins à bas bruit) ne se soldent ultérieurement par un
échec scolaire enraciné dans un attachement insécure.
Le repérage de ces enfants est fait à l’école mais comment peut-on intervenir ?
L’important est déjà de percevoir les difficultés, y compris chez les enfants ou ces difficultés sont les moins bruyantes.
Comprendre de quoi quelqu’un a peur est déjà une attitude qui va le soulager sans faire de thérapie. L’intégration de la zone
de fragilité de l’autre permet de s’y ajuster et d’apaiser ainsi ses angoisses défensives.
La différence entre le conte conté et le conte lu.
Ces deux types d’expériences sont utiles et complémentaires. Elles ne doivent toutefois pas être confondues.
Le conte conté ouvre un espace de créativité personnelle du maître, le conteur est l’auteur du conte entendu à partir d’une
trame connue.
Le conte lu (sans rien changer au texte) nous conduit vers l’un des mécanismes essentiels de la lecture : accepter d’être
envahi par l’imaginaire d’autrui sans se désorganiser ni tenter de le transformer défensivement.
La lecture, c’est la culture qu’on tient d’un tiers et le livre s’inclut comme un élément tiers. C’est en ce sens que Bruno
BETHELEIM disait que « savoir lire c’est avoir accès à la littérature ». On peut ajouter que c’est également se laisser envahir
par la pensée de l’auteur.
Pour conclure, je tiens à exprimer ma gratitude aux enseignants de maternelle dont la qualité de l’implication et du travail
auprès de leurs petits élèves, fait toujours mon admiration.
Bibliographie :
« Protopédagogies » ou « Pédagogies de grand-mère ». Anorexies intellectuelles (deuxième partie) Y.Halimi ; A.Khomsi
L’information psychiatrique n°9 . Novembre 1995
« Savoirs et structures architecturales de parenté » Anorexies intellectuelles (première partie). Y. Halimi ; A. Khomsi
L’information psychiatrique n°2 Février 1991
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« Ce que parler veut dire », les enjeux de l’oral à la maternelle
Chantal BOLOTTE
Professeure de Philosophie, Sciences de l’Education, I.U.F.M. des Pays de la Loire
Rapporteur : Jean-Luc Coupel, Conseiller Pédagogique
« Ce que parler veut dire », du langage-enveloppe à l’usage social du langage
Enseignants de maternelle, votre pratique vous a appris que les enfants n’ont pas la même expérience de ce à quoi sert le
langage : pour certains, le langage n’est qu’instrumental ; cela concerne 8 à 10% des enfants qui arrivent à la maternelle.
Pourquoi s’interroger sur « ce que parler veut dire », dans cette journée centrée sur le langage en maternelle ? Cela nous a
semblé un préalable, préalable dont les visées sont de saisir le sens de la parole, chez l’enfant et d’en tirer les
enseignements pour la pratique.
Parler est une fonction psychique complexe ; cette complexité peut être cernée en six points, qui peuvent être résumés
ainsi :
- Parler est un contenant des émotions, des affects
- Parler, c’est appréhender l’étrangeté du monde
- Parler est une demande de partage de sens
- Parler, c’est élaborer le manque, assumer la séparation
- Parler, c’est acquérir un pouvoir sur le monde, sur les autres
- Parler, c’est s’inscrire dans des codes sociaux
Les différentes fonctions s’emboîtent et perdurent chez l’adulte. L’essentiel du propos, aujourd’hui, est d’ordre
psychologique. La référence à la littérature de jeunesse est là pour faire écho et symboliser les enjeux de la prise de parole.
La parole a une fonction d’enveloppe de l’affect
Nous partirons de l’album Ça va mal. La parole, proférée ou reçue, est une enveloppe, un contenant. Elle donne forme au
caractère chaotique du vécu de l’enfant. La parole est une enveloppe psychique ; l’enfant a besoin d’enveloppe pour se
sentir exister : le regard, la voix ont cette fonction d’enveloppe. Enseignants de la maternelle, vous connaissez bien ce rôle
d’enveloppe du regard, de la voix, notamment à l’accueil.
Tout enfant a besoin, pour le sentiment de sécurité et d’existence, de contenants ; le premier contenant, c’est la peau. De
l’enveloppe corporelle, il va se constituer des enveloppes psychiques ; de la peau, donnant ce sentiment d’enveloppe à
d’autres contenants que l’enfant, dès le premier âge, recherche frénétiquement : lumière, voix, odeur ou tout autre objet
sensoriel, qui puisse être éprouvé, momentanément, comme pouvant rassembler la personnalité. Les contenants permettent
d’éviter le constant danger de se répandre ou de se désintégrer, se fragmenter (cf. l’album Maman Colère).
Cet album, outre l’expérience précoce de l’enfant, décrit ce qui est spécifique de la souffrance autistique : n’avoir pu établir
cette première peau. L’enfant intériorise l’enveloppe des soins prodigués par l’entourage, ainsi que l’enveloppe narrative.
Toute narration pour un enfant est une enveloppe : d’où l’importance de lire des histoires aux enfants.
Donc, on parle pour se sentir accueilli, enveloppé. Un enfant qui parle éprouve une excitation vers l’autre. Il connaît
apaisement et stabilisation, quand il est compris. Vous connaissez bien cela en tant qu’enseignant de maternelle.
A contrario, pour l’enfant qui ne comprend pas bien, qui a du mal à se faire comprendre, cela a des conséquences sur sa
manière d’être, de ressentir…
La parole est une enveloppe destinée à stabiliser l’excitation. Cette fonction reste chez l’enfant (et chez l’adulte). Parler à
l’autre ne va pas de soi, on le voit.
Parler, c’est appréhender l’étrangeté du monde; parler, c’est vivre une certaine étrangeté par rapport au monde, par rapport
à sa propre étrangeté ; le poète est celui qui nous livre cette expérience. Les enfants vivent des expériences d’inquiétante
étrangeté, de façon plus ou moins douloureuse, plus ou moins excitante.
Entrer dans le langage suppose d’accepter de rentrer dans l’inconnu ; l’enfant vit deux types d’étrangeté : celle du monde
que le langage va s’employer à circonscrire ; celle des sons qu’il profère avec sa bouche : l’enfant doit habiter son langage,
autrement dit prendre conscience que les sons qu’il profère ont du sens ; et c’est l’adulte qui donne du sens aux sons
proférés.
Pour qu’un enfant ait envie de parler, il faut qu’il sorte de la proximité et de la connivence, point que nous trouvons
clairement explicité dans les Nouveaux Programmes de l’Ecole Maternelle. Alain Bentolila emploie la formule lapidaire « le
langage est tragique » : si nous avons besoin de nous parler, cela veut dire que nous ne sommes plus tout à fait ensemble. Il
faut cet écart pour laisser un espace à l’émergence du langage.
Les premiers mots de l’enfant ne sont pas là pour désigner le monde ; c’est une manière de rompre l’étrangeté du monde,
c’est une façon de coder, de mettre en relation un élément visible et un élément dans sa mémoire.
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Le malaise, l’enfant l’expulse, le crache en disant « ça », dans un mouvement d’exclamation et de surprise. Que dit un
enfant quand il dit « ça ! » ? « Ça ! » peut être dit d’une lampe, d’un fauteuil, d’un chat, d’un cheval sans que « ça » change
en fonction de l’objet désigné ; le mot ne désigne pas un objet particulier ; « ça » est là pour comparer à partir de catégories
implicites : « c’est pareil, c’est pas pareil ». Ce point renvoie à l’album du même nom dont il est possible de faire des
exploitations pédagogiques multiples. Cette dynamique du « pareil – pas pareil » fait parler l’enfant.
La parole est une prise de risque. Pourquoi l’enfant se risquerait-il à parler, s’il n’avait pas ces « catégories » du pareil et du
pas pareil à sa disposition ? Il y a là un grand ressort de l’imaginaire, celui de l’entraînement à la création à partir de couples
de contraires, ou de ce que Gianni Rodari appelle le « binôme imaginatif », c’est à dire la confrontation de deux mots
éloignés sémantiquement : « chien », «armoire » : que peut-on dire ? Que peut-on écrire ? L’imagination, la parole, la
pensée se font par couple.
L’enfant de petite section est encore dans cette appréhension de l’étrangeté du monde, parce qu’il n’a pas encore mis en
ordre le monde par les mots, compétence à construire jusqu’en grande section et au-delà. Cependant les compétences de
communication sont à construire avant celles qui concernent la classification du monde.
Parler est une demande de partage de sens
Qu’est ce qui fait parler un enfant ? Ce n’est ni l’urgence du besoin, il ne faut pas trop y croire ; ni le besoin, ni la nécessité,
ni la faim, ni la soif. Les mots sont là pour manifester une demande de sens. A part « papa, maman », les premiers
signifiants stables d’un enfant ne sont pas des mots qui désignent des objets, ils disent des états d’âme ; « ça », « ha »,
« voilà », « encore », ce que l’enfant ressent au contact du monde. On voit, donc, qu’à la racine de la parole, ce n’est pas la
fonction référentielle « désigner » qui prime, mais la demande de partage du sens.
Parler, c’est élaborer le manque, assumer la séparation
La capacité à imaginer, à parler naît du manque ; le langage n’est pas seulement fait de mots ; savoir parler, ce n’est pas
uniquement avoir du vocabulaire, de la grammaire ; c’est mettre ce savoir au service d’une fonction psychique ; cette
fonction psychique, c’est la capacité de représenter l’absence, la capacité de symboliser.
Se représenter l’absence, c’est cela parler. Les Nouveaux Programmes parlent de langage d’évocation. Mais qu’est-ce que
cela veut dire « évoquer l’absence » ? Parler suppose toute une évolution mentale qui repose essentiellement sur la
capacité à élaborer le manque ; vos élèves de Petite Section sont encore dans l’élaboration du manque, dans l’élaboration
de la séparation ; cela a des effets sur la parole. L’apprendre à parler n’est pas mécanique, c’est avant tout psychologique :
pour parler, il faut désirer parler. Pour être un être de désir et donc parler, il faut assumer le manque. Pour parler, il ne faut
pas être comblé. Comment l’enfant devient-il un être de désir, donc un sujet parlant ?
L’expérience première de l’enfant est une relation symbiotique où l’autre est un prolongement de lui, un appendice de luimême. Il ne peut prendre conscience de lui-même et des autres que dans l’épreuve de séparation. Elaborer la séparation
permet de parler et d’apprendre ; le fait de parler permet de séparer le réel de l’imaginaire.
Pour Françoise Dolto, l’enfant est un être langagier : le point de départ de la parole de l’enfant, c’est une demande, une
demande de reconnaissance : « dis-moi que j’existe, que j’ai de la valeur pour toi… » Toute parole est, à ce titre, demande
d’amour ; vous le savez bien, vous praticiens de maternelle.
Pour devenir un être désirant, il va falloir faire le deuil de cette relation fusionnelle primitive ; il va falloir élaborer le travail
inconscient de coupure symbolique. Telles sont les conditions requises pour accéder à la parole : on ne parle pas dans la
connivence, parler fait signe vers la séparation. Parler, c’est accepter une relation beaucoup plus distanciée avec l’autre.
Pour grandir et donc parler, il faut quitter. L’album Bibi est exemplaire à cet égard.
Pour grandir et donc parler, l’enfant doit quitter l’expérience de toute-puissance, d’omnipotence, décrite par Winnicott, par
l’expression de « créativité primaire » : l’enfant, par ses pleurs, fait venir une personne de son environnement : il acquiert –et
cette expérience est fondamentalement nécessaire, car structurant du sentiment d’existence– l’impression d’avoir un pouvoir
sur son environnement, de pouvoir changer ce dernier. Mais du pouvoir à l’emprise, il y a la distance d’un comportement
structurant pour l’enfant à un comportement qui peut glisser vers l’incivilité, vers l’intolérance à la frustration : « maman,
maîtresse ou maître doit être tout à moi… »
Pour parler, il faut connaître étrangeté, distance, insatisfaction et représentation mentale : l’enfant, qui reste tout puissant en
maternelle, est celui qui n’a pas été désillusionné dans sa toute puissance, qui n’a pas connu les « non » structurants, qui ne
sait pas partager, qui ne sait pas différer la violence par les mots et qui, à court terme, risque de rencontrer des problèmes
d’apprentissage.
Pour assurer le manque et la séparation, qui sont une épreuve difficile, Les mots doux sont là pour assurer la continuité
psychique et affective. Le langage permet à l’enfant de se représenter l’absence ; il a comme le doudou, objet transitionnel,
une fonction transitionnelle, celle qui assure le lien entre l’intérieur (la vie intérieure et fantasmatique de l’enfant) et l’extérieur
(la réalité et ses exigences d’adaptation).
Parler est du registre du jeu, au sens où, par le jeu, l’enfant a un sentiment de maîtrise de son environnement (il peut refaire
la réalité selon son désir) et a la possibilité de gérer la séparation par ces substituts transitionnels qui permettent de
représenter… (et on ne représente jamais que ce qui est absent… langage de l’évocation).
L’enfant de petite section parle, souvent , tout seul. C’est important, à respecter. On se parle pour éprouver sa continuité
psychique, se sentir continu, pour ne pas se laisser envahir par des sentiments–sensations de vide et d’inexistence. Chez
l’enfant ordinaire, pour que la parole pour soi permette l’apaisement, il faut que le lien avec autrui subsiste, que l’enfant
17
puisse s’étayer de la pensée d’un destinataire : il faut se parler devant l’autre et dire des choses qui demeurent
partageables.
Parler, c’est acquérir un pouvoir sur le monde, sur les autres
Pour Alain Bentolila, certains enfants sont dans l’insécurité linguistique (absence de maîtrise du langage) ; l’insécurité
linguistique conduit, souvent, au passage à l’acte dans la violence, qui est vécu comme une trace de soi. Parler,
fondamentalement, c’est poser une trace de soi (tout comme le dessin). Aider l’enfant à s’affirmer en tant que personne ; dire
à l’enfant « je ne t’ai pas compris », c’est l’aider à avoir plus de prise sur le monde et les autres. Mettre des mots à la place
des coups. Un être humain, nous sommes ainsi faits, ne peut accepter de ne laisser aucune trace de lui-même ; la trace la
plus naturelle qu’on laisse de soi, c’est d’abord par la parole qu’on le fait.
« Je ne sais pas parler… Je ne sais même pas ce que parler et écrire veulent dire »… Tels sont les enfants qui ne savent
parler que de ce qui est devant eux : langage aux moyens limités ; vocabulaire restreint, usage des marques grammaticales
approximatif ; difficulté douloureuse à organiser chronologiquement et logiquement les parties de leur discours. C’est un
langage qui ne supporte que la proximité. C’est « parler à vue ». Huit à dix pour cent des enfants arrivent en maternelle dans
ce cas-là et émaillent leur langage, plus avant encore dans la scolarité, de « Tu sais ! », pour embrayer le discours et établir
une connivence.
Le langage est donc une conquête : affronter à l’oral, la distance, l’imprévisible. Le véritable moteur de l’acquisition du
langage, c’est la volonté de repousser progressivement les limites du connu, c’est-à-dire, s’adresser à ceux qu’on connaît
moins pour leur dire des choses qu’ils ignorent.
Un enfant ne va chercher à s’emparer des moyens que propose la langue (précision des mots, organisation des phrases)
que s’il voit se dessiner les enjeux du langage : quel bénéfice il va en tirer ; quel pouvoir lui donne la force des mots sur les
autres ; quel effet la parole produit sur l’autre ; quelle prise mieux affirmée il a sur le monde ? L’enfant ne parle vraiment que
lorsqu’il perçoit que par le langage il agit, qu’il peut faire des choses avec des mots. Parler c’est prendre des risques,
affronter l’inconnu et le risque de ne pas être compris. Il convient de laisser l’enfant prendre des initiatives
conversationnelles, des risques de parole. L’adulte, lui, se doit de toujours dire à un enfant « Je ne t’ai pas compris »…
Parler, c’est s’inscrire dans les codes sociaux
De nombreux albums abordent ce thème, à travers notamment la politesse. Citons, pour finir sur une touche d’humour, Caca
Boudin, Aboie Georges, Savoir Vivre…
Et pour poursuivre, quelques références d’albums de littérature de jeunesse dont l’ enjeu principal est le langage :
- Aliki, La communication, Paris, Ecole des Loisirs, 1994
- J. Bauer, Maman Colère ,Paris, Autrement Jeunesse, 2000
- E. Brami, Couleur chagrin, Paris, Gautier-Languereau, 2001
- E. Brami, Et puis après on sera mort…, Paris, collection « En savoir plus », Seuil Jeunesse, 2000
- N. Bianco-Levrin, Le moulin à paroles, Paris, Les Portes du monde, 2003
- C. Bonnin, Qui t’es toi ?, Paris, Thierry Magnier, 1998
- A. Brouillard, Le grand murmure, Toulouse, Milan, 1999
- S. Blake, Caca boudin, Paris, Ecole des loisirs, 2002
- J Cohen, Les mots de Zaza, Paris, Bayard, 1991
- J.L. Cornette, Le bison qui inventa le bisou, Rodez, le Rouergue, 2001
- K. Crowther, Moi et rien, Paris, Ecole des Loisirs Pastel, 2000
- C. Dreyfuss, Lola-Placard, Paris, Thierry Magnier, 2002
- Edith et Rascal, Mon doudou, Paris, Ecole des loisirs, 1996
- Elzbieta, Bibi, Paris, Ecole des Loisirs, Pastel, 1999
- Y. Fastier, Savoir Vivre, Le Puy en Velay, L’atelier du poisson soluble, 2002
- M. Félix, Alphabet, Paris, Gallimard, 1992
- J. Feiffer, Aboie, Georges, Paris, Ecole des loisirs Lutin Poche, 2003
- M-Odile Fordacq, F. Girard, D. Renon, C’est pas pareil, Paris, Tourbillon, 2002
- C. Franck, Qui est au bout du fil, Rodez, le Rouergue, 1996
- F. Guillaumond, Poulette crevette, Paris, Magnard, 2002
- C Légaut, Ca va pas, Rodez, le Rouergue, 1996
- H. Meunier, Komunikation zéro, Rodez, le Rouergue, 2003
- J.C. Mourlevat, J.L. Bénazet, Le jeune loup qui n’avait pas de nom, Toulouse, Milan, 1998
- C. Norac, C.K. Dubois, Les mots doux, Paris, Ecole des loisirs, Paris, 1996
- C. Raschka, Ami ! Ami ?, Genève, Joie de lire, 1998
- C. Raschka, Allo ! Allo ?, Genève, Joie de lire, 1998
- Z. Sazonoff, Mots de tête,Rodez, Le Rouergue, 2002
- Sam et Léon : Marcelino Truong, Le secret de Tchen, Bruxelles, Les albums Duculot, Casterman, 2003
- A. Thévenin, Viens lire le monde, Paris, Epigones 1992
18
-
P. Verrept, Tu me manques, Paris, Ecole des loisirs, 1999
R. Wells, Charles le timide, Paris, Ecole des loisirs, 1988
R . Wells, Le premier mot de Max, Paris, Ecole des loisirs, 1985
Je tiens tout particulièrement à remercier Jean-Luc Coupel, Conseiller Pédagogique à Luçon,
pour sa lecture généreuse des textes cités, lors de cet après midi du 5 octobre.
19
La place de la lecture publique à l’école maternelle
dans une démarche partenariale
Catherine RIDE
Bibliothécaire formatrice chargée d’enseignement à l’université du Maine
Rapporteur : Robak Michèle, Conseillère Pédagogique
Quelle complémentarité entre l’école et la bibliothèque, notamment en secteur rural ?
La charte des bibliothécaires
Les rôles et les missions des bibliothèques sont définis dans la Charte des bibliothèques reprise dans le Manifeste de
l’UNESCO sur les Bibliothèques Publiques et que la citation ci-après vient illustrer: « La bibliothèque est un service
nécessaire à l’exercice de la démocratie. Elle doit assurer l’égalité d’accès à la lecture et aux sources documentaires pour
permettre l’indépendance intellectuelle de chaque individu et contribuer au progrès social de la société ».
La bibliothèque de la commune
La bibliothèque municipale se définit comme un service public qui joue un rôle prépondérant pour ce qui concerne l’incitation
à la lecture.
Le rôle des bibliothécaires est posé en termes de comportement de lecteur plutôt qu’en termes d’acquisitions de
connaissances bien que ces deux positions soient intimement liées.
Etat des lieux
Trois mille secteurs jeunesse sont actuellement développés dans les bibliothèques. Toutes les bibliothèques et notamment
les bibliothèques rurales n’offrent pas toutes les mêmes conditions d’accès et les mêmes richesses en terme de création
d’établissements, de postes de professionnels du livre et de fonds. Cependant des réseaux se développent actuellement
dans le cadre de l’intercommunalité et des actions des Bibliothèques Départementales de Prêt.
Les enseignants sont des partenaires privilégiés des bibliothèques. Ils ont un rôle essentiel à jouer dans l’apprentissage de
la démarche de lecteur de leurs élèves en les incitant à fréquenter individuellement la bibliothèque. Les élèves de tous les
milieux sociaux peuvent alors avoir accès en famille à une culture commune dans des lieux que bon nombre d’entre eux ne
fréquente pas naturellement en dehors de l’école.
Cette démarche a été recommandée par l’Education Nationale dès le début des années 80 en ouvrant l’école aux
partenaires extérieurs et en premier lieu aux bibliothécaires, professionnels du livre.
Les Instructions Officielles de 2002 qui donnent une large part à la littérature de jeunesse ont amplifié l’arrivée d’ouvrages
dans les écoles. Il faudra veiller à ce que ces ouvrages ne deviennent pas seulement des outils d’apprentissages et
continuer à privilégier la lecture publique et l’accompagnement des bibliothécaires.
Les professionnels de la petite enfance ont également un rôle à jouer dans le contact avec la littérature de jeunesse par la
lecture publique avant l’entrée des enfants à l’école. Les travaux des pédagogues ont montré l’importance de l’accès à
l’écrit, à l’écoute d’histoires et de comptines, à la manipulation de livres, et ce, dès le plus jeune âge pour favoriser la qualité
du langage (langue du récit) et surtout la conscience du plaisir lié aux univers du texte et de l’image.
L’association ACCES ‘Association Culturelle Contre les Exclusions et les Ségrégations’ s’appuie sur les structures
existantes, services d’enfance et bibliothèques, et les incite à coordonner leurs actions. On peut noter que les enfants qui
fréquentent la bibliothèque avec leur classe y reviennent plus facilement avec leurs parents.
Les albums sont maintenant reconnus comme genre littéraire. Tout y est important, le texte ou l’absence de texte, l’image, la
mise en page, la topographie, le format, les couleurs, la couverture, la quatrième de couverture…
L’accès à l’apprentissage de la lecture sera facilité par les rencontres que l’enfant aura eues avec le livre et du plaisir qu’il y
aura trouvé.
Le développement des BCD a freiné la fréquentation des bibliothèques mais les enseignants ont compris que chacun avait
un rôle à jouer et un retour vers ces lieux de lecture publique est constaté.
Il s’agit plus de conduire les enfants vers les bibliothèques que d’amener les bibliothécaires à l’école.
20
La Bibliothèque Municipale favorise un comportement de lecteur
Lorsque le groupe classe arrive à la bibliothèque il découvre un nouveau lieu de lecture, il partage une nouvelle aventure
dans un espace différent de celui de l’école. Il va rencontrer des professionnels du livre qui connaissent le fonds d’ouvrages
dont ils disposent, qui sont disponibles pour répondre aux questions, aider dans les recherches, proposer des activités …
La ritualisation des visites permet de familiariser les enfants avec cette pratique sociale.
Pendant les séances, les lectures pourront être partagées et fourniront l’occasion de la découverte commune de nouveaux
univers, d’échanges, de partage de points de vue. Elles pourront aussi être d’abord individuelles puis ensuite communiquées
ou interrogées si l’enfant le souhaite.
La fréquentation régulière de la bibliothèque permettra aux enfants de mieux comprendre le classement des livres, de
pouvoir s’y repérer facilement et de devenir autonomes dans leurs recherches.
D’autres apprentissages comme l’histoire du livre, sa fabrication, le travail complémentaire de l’auteur et de l’illustrateur, les
codes de l’image, du cadrage, du point de vue, l’utilisation des stéréotypes, les fausses pistes, les symboles utilisés, le sens
des couleurs choisies pourront être abordés.
Les visites des bibliothèques pourront aussi donner la possibilité aux enfants de croiser d’autres lecteurs comme les adultes
ou des enfants d’autres classes. Des moments de partage entre ces différents utilisateurs ont un rôle à jouer dans le
développement de la citoyenneté.
Les enfants qui jouent un rôle convenu en refusant d’emblée des ouvrages qu’ils qualifient comme étant « pour les
garçons » ou « pour les filles » seront invités, par des activités spécifiques, à balayer cette idée reçue pour que la lecture
devienne valorisante autant pour les garçons que pour les filles.
L’accueil individualisé sera favorisé pour que l’enfant puisse exprimer son ressenti personnel, ses joies, ses peurs, ses
attentes, enfin, pour laisser une large place à la construction de sa personnalité (cf. : Michèle Petit : Eloge de la lecture : la
construction de soi – Belin 2002).
La complémentarité bibliothécaire – enseignant
Littérature de loisirs et littérature scolaire ne peuvent, en 2005, être traitées séparément.
Chacun des partenaires a un rôle spécifique à jouer dans la liaison lectures prescrites-lectures privées.
Le bibliothécaire valorise la sélection, l’analyse des ouvrages, les codes de l’image, la diversité. Il contribue à éveiller la
curiosité, l’imaginaire. Il favorise la lecture critique multiple, participe à la constitution d’un patrimoine de référence. Il se
préoccupe des parcours de ses lecteurs.
L’enseignant, même si les apprentissages sont autant culturels que didactiques, se préoccupe davantage des parcours de
lectures et fait des choix qui coïncident avec des objectifs d’apprentissages.
L’espace bibliothèque publique permettra donc de diversifier les approches du livre par l’expression d’autres sensibilités,
d’autres formes d’analyses, de contourner les idées reçues sur les notions d’âge, de niveau scolaire, de réception des
ouvrages.
L’essentiel est que les actions des professionnels qui s’intéressent au livre soient menées conjointement et en cohérence.
Le partenariat
L’Education Nationale, les Municipalités, les Communautés de Communes, la Bibliothèque Départementale de Prêt, la FOL
(Opération « Lire et faire lire »), la Direction Départementale Jeunesse et Sports sont des partenaires à privilégier pour l’aide
au développement de la littérature de jeunesse.
Le « Prix littéraire de la citoyenneté » en Maine et Loire fonctionne depuis six ans et a touché 310 classes et 7000 élèves en
2004/2005. C’est une action départementale de lecture qui fonde une action en classe et hors de la classe. Les objectifs et
les modalités d’organisation de ce projet sont consultables sur le site :
http/www.ac-nantes.fr8080/ia/’49/ecole/maitrise-langue/litteraire-citoyennete/
Y sont également proposées la liste des ouvrages et les pistes pédagogiques.
21
Conclusion :
Favoriser l’adhésion des enfants à une littérature qui sait les toucher autant dans leur statut scolaire (partage avec des pairs
en apprentissage) que dans leur quotidien et leur intimité d’individu, les accompagner dans leur découverte du livre et de la
lecture en diversifiant les activités proposées, en préservant la spécificité de leurs missions et l’identité des lieux d’accueil,
voici le rôle de l’enseignant, du bibliothécaire, chacun « passeur » de sens et d’émotions afin de rester dans une dynamique
de regards croisés sur la littérature jeunesse .
Liste des ouvrages cités :
L’Agneau qui ne voulait pas être un mouton, Didier JEAN et ZAD, Syros et Amnesty International
Il faudra, T Lenain et O. Tallec, Sarbacane
C’est écrit là-haut, C. Desmarteau, Seuil
La Grande question, W. Erlbruch, Etre
Les ouvrages ci-dessus ont été sélectionnés pour le « Prix littéraire de la citoyenneté et débat d’interprétation »
Ponctuation, Kveta Pakovska, Seuil
22
La littérature de jeunesse à l’école maternelle : donner envie de lire.
Faire vivre et partager des histoires, des images;
mieux les comprendre, les interpréter, les interroger.
Yvanne CHENOUF
Chercheur à l’INRP, Présidente de l’AFL
Rapporteurs : GODEAU Danielle et TOUZEAU Roland, Conseillers Pédagogiques
Depuis 2001, la littérature de jeunesse fait officiellement référence. Il convient de choisir des œuvres de qualité parmi
l’importante production existante, en particulier au sein des œuvres traduites.
On soulignera la nécessité d’installer les contes et le patrimoine des contes à l’école maternelle. La littérature joue
énormément sur la parodie de ces contes. Si ceci n’est pas complètement installé, les enfants auront du mal à comprendre
la littérature.
OUVRIR LE CYCLE DES LECTURES
« Que l'on se trouve comme Collodi au temps des textes scolaires répétés par cœur ou, comme nous, à celui d'une quasiinfinité de données régurgitées, disponibles au bout de nos doigts, il est relativement facile d'être superficiellement cultivé,
de suivre un sit-com, de comprendre une plaisanterie publicitaire, de lire un slogan politique, de se servir d'un ordinateur.
Mais pour aller plus loin et plus en profondeur, pour avoir le courage d'affronter nos peurs, nos doutes et nos secrets cachés,
pour mettre en question le fonctionnement de la société à notre égard et à celui du monde, il nous faut apprendre à lire
autrement, différemment, afin d'apprendre à penser. Pinocchio peut devenir un garçon à la fin de ses aventures, mais tout
bien considéré, il pense encore comme un pantin. » Alberto Manguel2
OUVRIR DES PARCOURS
Des livres de cheminements
Les Instructions Officielles définissent un parcours à long terme tout en permettant des cheminements par l’intermédiaire des
cycles qui, en principe, favorisent des périodes scolaires de trois ans, non fractionnables.
Favorisons donc, les cheminements qui suggèrent les avancées, les progressions et cherchons des albums avec des traces,
pour parler des trajets.
•
2
3
Le petit chaperon rouge, Rascal, Pastel
L’originalité de cet album c’est que le parcours est d’emblée montré, comme la topographie du récit. On y
voit les deux maisons, celle de la petite fille et celle de sa grand-mère, et les deux chemins pour y arriver.
Les couleurs, le rouge, surtout, accompagnent le drame.
•
Devine qui a retrouvé Teddy, Une promenade invisible, Gerda Muller, L’école des loisirs
« À qui appartiennent ces traces ? Pourquoi s’arrêtent-elles là ? Qui a ouvert le sac ? Les enfants sont ainsi
amenés à reconstituer la logique du récit en identifiant les lieux, les personnages et en mettant en relation
les indices récoltés au fil des pages. »3
•
Le Doudou Méchant, Claude Ponti, L’école des loisirs
MANGUEL Alberto, Pinocchio & Robinson, L’escampette éditions, 2005
La revue des livres pour enfants, Sélection 2004, p. 24
23
Oups, le héros, se sort du drame où il est plongé grâce à des pas qui dessinent un trajet et rappellent le
périple de Okilélé tout en rappelant le parcours du Petit Poucet. Une bonne occasion de parler d’autres
cheminements, ceux très abstraits de l’intertextualité.
•
Mes toutes premières découvertes, Les animaux du froid, par exemple
Cette toute petite collection, « scientifique », qui réunit des informations sur divers animaux, présente un très
gros avantage, elle comporte des onglets ce qui fait que, très tôt, les enfants peuvent choisir la page, aller tout
de suite au point de leur curiosité, se reconnaître des centres d’intérêt.
Des modalités de lecture
Et si on ne lisait pas du début à la fin, et si on refusait le diktat qui consiste à imposer un sens de lecture quand on peut
penser que, comme l’écrit Barthes, « le sens n’est pas au bout du texte, il le traverse ». Quels livres apprennent ça ?
•
Petits chaperons rouges
Christian Bruel & Nicole Claveloux
Être éditions
« La lecture simultanée de deux livrets autonomes juxtaposés génère de multiples combinaisons. D’un côté,
les petites futées de rouge vêtues (…) de l’autre, une série de grands dévoreurs aux dents un peu usées… »
(Présentation de l’éditeur)
•
Petit renard perdu
Louis Espinassou
Milan
Ce qui est étrange, dans ce petit album, c’est qu’il contient deux parcours qui forment la même histoire. La
particularité c’est que, pour les lire, il faut des manipulations (l’acte concret de lecture est reconnu), l’intérêt,
c’est que la fin est au milieu du livre qui a deux couvertures, deux titres, deux sens. Le privilège c’est qu’on
peut commencer par l’une ou l’autre histoire.
•
L’art en bazar
Ursus Wehrli
Milan
Il faut dépasser ce qui pourrait passer pour un gadget : l’auteur représente un tableau d’un peintre célèbre sur
la page de gauche et, sur la page de droite, il dispose autrement les éléments, histoire de montrer que les
choses peuvent se voir autrement, et, par analogie, de comprendre que les mots peuvent, eux aussi, s’utiliser
autrement.
Des grands sauts dans le plein
Les trois années de ce premier cycle sont fondamentales : du côté de la langue, l’enfant passe de quelques mots,
souvent répétés, à des énoncés complexes, articulés et personnels pour raconter une histoire, décrire un objet,
expliquer une intervention.
Du côté des premiers mots, ceux qu’on brandit comme un énoncé ou qu’on répète pour finir les phrases, il y a bien sûr les
imagiers, plus ou moins solliciteurs d’évolutions selon qu’ils exigent une désignation, des associations ou la formulation de
nuances, de réserves, de reprises4, etc. Mais il y a déjà des livres qui mettent en scène l’intensité du langage minimum :
•
4
Vrrr…
Christian Bruel & Nicole Claveloux
Être
Le tout petit pingouin est relié à l’adulte par un cordon dont la longueur varie quand l’un ou l’autre appuie sur
le gros bouton qu’il a sur le ventre. Le livre conte l’attendrissant récit de l’émancipation simultanée du petit et
de ses proches à l’aide de quelques bredouillements, les tout premiers mots…
On peut faire confiance, entre autres, à Tana Hoban et au couple Katie Couprie et Antonin Louchard.
24
•
Bébés chouettes
Martin Waddell & Philippe Benson
L’école des loisirs
Quelques mères travaillent la nuit, devant laisser seuls les enfants au logis. C’est le cas de la chouette. La
fratrie (un grand, un moyen, un petit) s’organisent pour gérer leur attente apeurée. Ce qui nous intéresse ici,
c’est que la benjamine répète sans arrêt la même phrase, bornant les étapes du récit, se chargeant de
marteler l’essentiel du drame : « je veux maman ».
•
Tourbillon
Gianpaolo Pagni
Seuil, 2002
« Chaque double page de ce grand imagier est constituée de deux tableaux qui se font face pour définir un
verbe en mettant en images les associations d’idées que ce verbe fait naître dans l’esprit de l’utilisateur. Les
procédés de définition ne sont jamais identiques, chaque verbe créant son propre univers de couleurs, de
mouvements, d’émotions. »5
•
À deux mains
Katie Couprie
Thierry magnier
Ayant été habitués d’abord à exprimer l’essentiel avec les mains (embrasser, dire au revoir, taper, montrer…)
les enfants se retrouveront dans ces deux mains qui, face à face, et légendées de peu de mots, des verbes,
cherchent à représenter le plus grave, le plus doux, le plus banal et le plus extraordinaire de la communication
humaine.
Du côté des énoncés complexes, articulés et personnels :
On pense d’abord aux albums sans texte. Quand ils sont orientés autour d’une trame narrative comprenant une certaine
densité, quand ils ne font pas que juxtaposer des séquences autonomes, quand ils sont si travaillés qu’ils finissent par ne
plus présenter que des formes épurées, ils laissent toute la parole aux enfants, qui, de lecture en relectures, ne disent
jamais la même chose, s’appuient sur ce qu’ils ont déjà dit, déjà vu, pour dire et voir autrement. Ils se rendent compte, alors,
que les événements aussi classiques que les cycles de reproduction, les cycles naturels… requièrent, eux aussi, un point de
vue :
•
Les albums de Iela Mari et Enzo Mari6 : L’arbre et le loir et les oiseaux, Les aventures d’une petite bulle
rouge, La pomme et le papillon, L’œuf et la poule…
« Série de livres qui partent du regard de l’enfant, livres silencieux qui traduisent le cycle discret, régulier et
puissant de la vie, moments de grâce… Iela et Enzo Mari ont toujours mis la forme au cœur de leur
réflexion : « La correspondance entre le dépouillement minimaliste des dessins et le minimalisme de la forme
géométrique parfaite offre une nouvelle relation avec l’espace-page, le carré autorise des cadrages audacieux
pour mieux orienter le regard de l’enfant. »7
Rares sont les livres qui proposent l’interrogation, qui invitent les enfants aux réponses, à les confronter, les rapprocher, les
modifier, qui leur présentent la lecture comme un moyen de penser.8 Rares sont les livres qui ne sont qu’une immense
question, une perpétuelle énigme.
•
La grande question
Wolf Erlbruch
Être
« Le chat, le boulanger, la grand-mère, un marin, une pierre, un canard, la mort, un boxeur, d’autres encore
dont la maman : tous apportent leur propre réponse à cette grande question existentielle que l’on devine. Qui
5
La Revue des Livres pour enfants, sélection 2003, p. 13
Voir l’utilisation qui en a été faite en classe de cycle 1 dans L’enfance de lire, AFL, 2005.
7
Brigitte Andrieux, La revue des livres pour enfants, déjà citée, p. 100
8
On peut se reporter aussi à l’album de John Burningham « Préférerais-tu ?, Père Castor Flammarion qui n’est
qu’une suite de choix sur lesquels, de lecture en relectures, on peut revenir.
6
25
la pose ? Un enfant, probablement. Chacun, en grandissant, trouvera de nouvelles réponses qui pourront être
inscrites en fin d’album. » (présentation de l’éditeur)
Décrire un objet, un phénomène. La production a beaucoup évolué sur ce plan-là, proposant aux enfants, non seulement de
ressentir, mais aussi d’observer, de comprendre, sur de beaux ouvrages. Deux pistes : la description, l’explication.
•
Quel chantier !
François Delebecque
Seuil, 2003
« Petit livre carré, orange vif, un peu fluorescent comme le sont les casques ou les vêtements des ouvriers de
travaux publics qui doivent être vus de loin parce qu’ils font un métier à risques. La tranche du livre est rayée,
rouge et blanche, comme ces rubans de plastique qui servent à signaler certains lieux ou les interdire :
attention danger ? Non ! attention chantier ! car c’est là que l’auteur emmène les jeunes lecteurs pour leur
faire observer les engins, apprendre à les reconnaître, les nommer. »9
•
Dix petites graines
Ruth Browne
Gallimard
« Un petit doigt d’enfant, grossi, plante dix graines de tournesol. Une à une et page à page, les semences
vont disparaître sous les divers obstacles de la vie : les insectes, les oiseaux, les rongeurs… Mais les autres
graines pendant ce temps tranquillement croissent. Les obstacles changent alors de nature mais pas de
force : limace, taupe, chat, balle de tennis, chiot fou, pucerons… Une seule graine a survécu grâce à la
coccinelle qui l’a débarrassé des pucerons : la magie est prête à se reproduire. »10
Enfin, la meilleure façon de provoquer les énoncés se retrouve dans le débat. Il faut des fins ouvertes, des clôtures
énigmatiques, une dernière phrase aux nécessaires positionnements. C’est rare.
•
La chasse à l’ours
Helen Oxenbury
Nord/Sud
Tout commence par un jeu : aller chasser l’ours, comme ça, en famille, enfin, les enfants, le père et le chien.
On joue à se faire peur, c’est jovial jusqu’au moment où… bigre ! on rencontre l’ours. On rebrousse chemin,
sur le même rythme où on l’avait broussé et on se met sous la couette. Ouf ! Mais quel sens donner au retour
de l’ours, chez lui ? Déception du repas évanoui ou du jeu interrompu ?
Tracer la carte pour aider les chemins
Cette deuxième partie se fera en petits groupes et tentera de voir comment passer d’un album à sa présentation avec de
jeunes enfants, voire son étude.
Il est vaste le territoire de la littérature, il est confus, mélangeant le plus simplifié, le plus commercial, au plus complexe et
réservé. Pour que des chemins soient possibles, encore faut-il qu’une carte soit établie.
Présentations d’albums :
•
Dans la forêt profonde11
Anthony Browne
Kaléidoscope
Réveillé par l’orage, un garçon découvre l’absence de son père. Sans explications, sa mère l’envoie porter un
gâteau à la grand-mère malade, par-delà la forêt. Faisant fi des conseils, il prend le chemin le plus court et
s’enfonce dans un bois sombre où rôdent les ombres des contes. La peur du loup échoue sur un banal
rendez-vous : le père rendait visite à sa mère. Père et fils rentrent alors à la maison où, radieuse, l’épouse (la
9
Lectures Expertes n°5, AFL, Lire des documentaires en cycles 1 & 2.
idem
11
Voir l’analyse et la proposition de travail en cycle 1 dans L’enfance de lire, AFL
10
26
mère) les attend comme si de rien n’était. Sur le pas de la porte, deux feuilles mortes témoignent pourtant que
quelque chose a eu lieu.
Voilà un chemin, un sacré chemin tout peuplé de références.
Comment y entraîner les enfants ? Comment les suivre ?
•
Le château d’Anne Hiversère
Claude Ponti
L’école des loisirs
Voilà un livre avec des passages à niveaux. On peut en rester à la simple recette d’un gâteau d’anniversaire
ou alors s’en aller plus loin, au plus secret du secret de la naissance, celle qui se fête justement à chaque
anniversaire. Alors que faire de ce chef d’œuvre avec de tout jeunes enfants ?
REPÈRES BIBLIOGRAPHIQUES
Documents ministériels ou officiels
-
Qu’apprend-on à l’école maternelle ?, CNDP/XO
Pour une scolarisation réussie des tout-petits, documents d’accompagnement des programmes, scéren/[CNDP]
Livres et apprentissages à l’école, Observatoire National de la Lecture, scéren/[CNDP]
Revues
-
Livres au trésor, sélection annuelle, www.livresautresor.net
La revue des livres pour enfants : [email protected]
Présentations de livres
-
AFL, Lectures expertes n° 2 (albums de fiction), Lectures expertes n° 5 (albums documentaires)
DEFOURNY Michel, De quelques albums qui ont aidé les enfants à découvrir le monde et à réfléchir, L’école des
loisirs, Archimède. (Diffusé gratuitement par L’école des loisirs)
27
L’apprentissage des comptines au service de l’appropriation
de la langue française
Jean-François BOHUON
Conseiller Pédagogique Départemental en éducation musicale,
Membre du groupe départemental école maternelle
Rapporteur : Laurent LACROIX, Instituteur
Les propos tenus dans cet atelier font écho à la conférence d’Anne-Marie GIOUX. Ils ont été illustrés par la projection de
séquences filmées en classe réunies sur un DVD intitulé « Jouer avec les sonorités de la langue française à l’école
maternelle». Cet outil de formation a été conçu et réalisé à l’initiative de Yolande GUYOT, Inspectrice de l’éducation
nationale avec les animateurs de l’atelier et Jean-Luc COUPEL, Conseiller Pédagogique.
Ce DVD et son livret d’accompagnement proposent des éléments concrets de situations d’apprentissage pour une
appropriation progressive des réalités sonores de la langue favorisant le développement de la conscience phonologique
indispensable à l’apprentissage ultérieur de la lecture au CP.
1 : Développer la conscience phonologique des élèves…
Questions posées
1. Comment conduire des séances collectives permettant aux élèves de déplacer leur attention du sens du
message au son de celui-ci ?
2. Peut-on utiliser des chansons ou des comptines dénuées de sens pour aider les élèves à centrer leur
attention sur les sons ? Peut-on transformer les composantes sonores d’une comptine ?
3. Qu’ont fait les élèves avant cette séance ? Une séance aussi dense peut-elle démobiliser les élèves ?
Synthèse des réponses apportées
L’attention de l’élève joue un rôle central dans le développement de la conscience phonologique. Naturellement, lorsque
l’enfant entend des paroles, il tente d’en comprendre le sens. L’enjeu décrit dans les Instructions Officielles de février 2002,
consiste aussi à apprendre à l’enfant à déplacer son attention du sens du message entendu, au son de ce message.
A ce titre, les comptines comportent originellement des éléments sonores et musicaux propres à engager les élèves dans
des jeux vocaux.
L’extrait de séance tourné en petite section et qui a pour thème « Produire des sons pour mieux écouter » montre de quelle
manière les élèves vont accompagner du geste et de la voix, une trame narrative (il s’agit déjà d’une entrée dans le récit
comme l’évoquait Anne-Marie GIOUX lors de sa conférence).
On remarque d’emblée l’engagement corporel des élèves dans les activités de production sonore.
Premier écueil à éviter : ne pas limiter le développement de la conscience phonologique à un travail d’écoute et d’expression
orale. Il convient de réaffirmer l’importance voir le primat du corps (et dans le cas présent du mouvement associé à la voix )
dans l’apprentissage.
2 : Approche de la langue écrite et appropriation culturelle
Questions posées
1. Comment impliquer les élèves dans la rencontre avec les comptines écrites ?
2. Jusqu’où peut-on amener les élèves de grande section dans l’acte de lire ?
3. Faut-il afficher les comptines et associer des dessins avec le texte ?
4. Faut-il entendre beaucoup de comptines ou savoir les dire ?
5. Les élèves connaissent-ils la comptine avant l’activité de reconnaissance de syllabes écrites ?
Synthèse des réponses apportées
L’école maternelle est un lieu privilégié d’appropriation du patrimoine culturel constitué les comptines. Mais cette
appropriation culturelle passera par le jeu actif avec les langages et notamment par des détournements ou des
recompositions comme nous le propose Anne-Marie GIOUX.
La sensibilisation aux sonorités et aux manières de dire la comptine étant effectuée, la mémorisation étant stabilisée, la
rencontre des élèves avec la transcription du texte provoquera des prises de repères, nourrissant les futures propositions
sous la dictée à l’adulte.
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L’extrait de séance filmée, montre comment les élèves parviennent collectivement à se repérer sur l’affiche où la comptine
est transcrite.
A ce stade, aucun dessin n’y figure. La prise de repères s’effectue intégralement avec l’écrit à hauteur des remarques des
élèves. Ceux-ci formulent des hypothèses, interrogent le texte, justifient les repérages en s’appuyant sur leur connaissance
préalable de la comptine apprise par cœur et sur le vocabulaire permettant d’agir sur l’écrit.
Second écueil à éviter : surtout ne pas systématiser l’apprentissage des phonèmes lors de la rencontre avec le texte. A
l’école maternelle, si la rencontre fréquente avec l’écrit peut susciter la construction de repères et d’habitudes, il n’est à
aucun moment question d’anticiper l’apprentissage de la lecture. Le questionnement de l’écrit (sous forme de jeu, dans le
film) va permettre aux élèves d’élaborer peu à peu un langage leur donnant une prise concrète et active sur la langue. En
revanche, la fréquence de ces rencontres avec l’écrit et la diversité des supports utilisés enrichira progressivement le capital
des expériences de l’élève.
3 : Construire progressivement des repères…
Questions posées
1. Quelle progression adopter de la petite à la grande section ?
2. Quand faire ces activités dans l’année ?
3. Où s’arrêter en section des moyens ?
4. Quel est le rôle de l’affichage des comptines ? Quel est le rôle des images associées au texte ?
5. Comment rendre concrètes pour des enfants de 4 à 5 ans des sonorités et leurs nuances ?
6. Comment susciter la participation des élèves qui ne participent pas aux activités de langage ?
7. Que faire lorsqu’un élève ne veut pas réciter devant les autres ?
8. Comment faire travailler des élèves qui ont des difficultés d’attention, de prononciation et de perception
de sonorités ?
9. Comment expliquer aux élèves la signification de « entendre » ?
Synthèse des réponses apportées :
Afin de structurer les acquisitions durant les 3 années d’école maternelle, une progression est proposée. En section des
petits, l’accent est placé sur le plaisir de participer corporellement et vocalement à une activité collective à partir des
comptines. En section des moyens, les élèves inventorient leurs possibilités vocales et affinent la coordination du geste et de
la voix, notamment à l’aide de frappés. En section des grands, ils se familiarisent avec les syllabes puis les phonèmes et leur
succession.
L’habitude abstraite consistant à repérer une sonorité peut progressivement s’appuyer sur des repères concrets. A ce titre, le
film montre des élèves de la section des moyens utilisant des symboles pour réciter une même comptine avec des variations
sonores (vite, lentement, staccato). Ces représentations concrètes permettent aux élèves d’acquérir le langage nécessaire
pour désigner les éléments sonores. Ces repères sont élaborés au fur et à mesure des découvertes et des propositions des
élèves. Ils permettent d’associer le geste à la récitation.
La périodicité de ces activités tout au long de l’année, de comptine en comptine favorisera la répétition des situations, la
prise d’habitude et le respect des rythmes d’acquisition, variables d’un élève à l’autre.
La sollicitation combinée du geste (ou la participation du corps) et de la voix est un moyen facilitant l’entrée plaisante et
rassurante de tous dans l’activité.
Troisième écueil à éviter : ne pas penser qu’ « entendre une sonorité » ou « que repérer sa place » va de soi pour les
élèves, en projetant nos représentations sur eux. Eléments clés de ces apprentissages, les symboles et le langage pour
désigner ou commenter l’action vont contribuer à l’abstraction progressive des habitudes.
Conclusion :
Les comptines que chaque enseignant de classe maternelle exploite traditionnellement constituent un trésor patrimonial
intéressant d’un point de vue culturel. Mais ce sont aussi des patrons langagiers qui peuvent permettre de jouer sur les
sonorités.
Nous espérons que chacun d’entre vous a trouvé aujourd’hui des pistes de travail et de réflexion pour aller plus loin dans
l’appropriation des réalités sonores de la langue française, qu’il s’agisse de produire des sons, de mémoriser, de développer
des stratégies d’écoute ou de jouer avec sa voix.
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L’outil informatique au service des apprentissages
Enjeux, objectifs et pratiques de classe
Claudine ORDONNEAU, IEN Challans, Pilote du groupe TICE de la Vendée
Philippe TURPIN, animateur TICE et webmestre du site IA Vendée
Alain COURONNEAUD, Conseiller Pédagogique
Le texte ci-dessous est la transcription des propos de Madame ORDONNEAU lors de son intervention dans l’atelier.
Par rapport aux objectifs assignés à cette journée maternelle sur la bataille du langage, les technologies nouvelles ont toute
leur place, même si aux yeux de certains, cela paraît improbable ou paradoxal.
Avec Alain Couronneaud, Conseiller Pédagogique de la circonscription de Luçon et Philippe Turpin, animateur TICE et
webmestre, par ailleurs tous les deux coordonnateurs de l’opération KidSmart et membres éminents parmi d’autres, du
groupe départemental que j’ai la chance de piloter, nous allons vous relater quelques expériences qui nous tiennent à cœur
et l’état de notre réflexion.
Je tiens ici à remercier les collègues qui se sont engagés dans l’action que nous allons vous présenter et qui surtout ont eu
le courage d’exposer et mutualiser leur travail, pratique insuffisamment développée dans notre milieu professionnel. Notre
vœu serait que vous ressortiez en vous disant « tiens, je vais essayer ce truc là », ça nous donnerait le sentiment d’avoir un
peu enrichi votre quotidien.
I – Qu’est-ce qui justifie que nous soyons ensemble ici à parler des TICE et de surcroît à l’école maternelle ?
Tout simplement les Programmes 2002 et le BO n°34 du 22 septembre dernier qui précisent que « la maîtrise des
technologies usuelles de l’information et de la communication est l’une des cinq composantes du socle commun qui sera
défini par le haut conseil de l’éducation » et à propos du B2i école attestant les compétences développées par les élèves,
que « la validation ne s’effectue pas en fin de cycle mais tout au long des cycles de l’école primaire ». On voit bien par là, s’il
en est encore besoin, que les TICE concernent l’école primaire de la maternelle au CM2 dans une continuité souhaitée des
apprentissages.
Mais, je suis une « vieille routière » de l’Éducation Nationale et je sais bien que le rappel des textes n’a jamais fait l’avancée
pédagogique mais c’est bien l’utilité démontrée d’outils et d’expériences qui font que les points de vue changent. Alors …
II – Quels enjeux à l’usage des TICE à l’école maternelle ?
Vous et moi sommes bien convaincus que les TICE ne constituent pas un champ disciplinaire et qu’elles ne se substituent
pas fondamentalement à des activités déjà pratiquées. L’enjeu n’est pas, lorsqu’on réfléchit à la place des TICE à l’école,
d’apprendre le fonctionnement des machines même si c’est nécessaire, la véritable question est celle des usages de
l’informatique mise au service des différents domaines ou disciplines.
Comme pour un manuel ou un jeu, seuls les professionnels que vous êtes, allez être capables d’utiliser au bon moment
l’outil informatique au service des apprentissages que vous voulez mettre en place car vous seuls, par rapport à la
progressivité des apprentissages, savez à quel moment il est préférable d’utiliser par exemple un didacticiel (pour une
remédiation, pour un approfondissement de notion, pour une recherche …) ; vous seuls savez si l’outil va apporter une plus
value aux apprentissages. Il faut donc penser l’outil au moment de la préparation de classe au même titre que les autres
outils dont on dispose.
Un exemple : S’il s’agit de travailler sur les critères de classement d’objets, il est sûrement plus efficace de penser à votre
grande boîte de boutons à 2 trous ou à 4, rouges, noirs, blancs, verts, grands ou petits, épais ou minces, brillants ou mats…,
de demander aux enfants de les classer, d’expliciter leur choix et de confronter leurs différentes démarches plutôt que de
proposer un didacticiel qui fera que par une succession de réponses l’enfant arrivera par simple manipulation de la souris, au
classement déjà déterminé.
Mais à contrario, s’il s’agit de travailler sur « les chemins », photocopies, crayon et gomme à répétition, ne remplaceront
jamais un bon didacticiel qui montrera de façon très visuelle à l’enfant où est l’erreur et l’empêchera de passer « pardessus » l’obstacle.
Qu’on se rassure donc, jamais l’ordinateur ne remplacera le maître et son professionnalisme, jamais l’ordinateur n’interagira
au bon moment avec l’enfant (sauf si le maître le décide). Sans la médiation de l’enseignant, l’ordinateur n’est qu’un outil
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vide. L’ordinateur n’a pas de vertu pédagogique intrinsèque, n’a pas de valeur didactique en soi. Ce n’est pas un objet
magique. Mais pourtant, il peut se révéler un outil pertinent, performant et enrichissant pour peu que l’on intègre de manière
réfléchie au quotidien de la classe.
III – Que peut donc l’ordinateur par rapport aux apprentissages attendus en maternelle ?
A) D’abord, c’est un outil multimédia :
Donc un outil de langages interconnectés : image, son, écrit et en même temps il a une grande capacité de mémoire. En
cela, il ne ressemble à aucun outil plus traditionnel que nous connaissons. Les TICE sont à envisager de ce point de vue
singulier comme un moyen de produire, communiquer, se documenter, découvrir, expérimenter, simuler, s’exercer … audelà de la simple valorisation des productions des élèves et de la manipulation de l’outil lui-même.
Je le dis haut et fort, les nouvelles technologies offrent des occasions intéressantes de soutenir les processus
d’apprentissages tant sur le plan cognitif que social chez les jeunes enfants. « Ça ouvre les canaux » comme l’a dit ce matin
A-M. Gioux. J’en veux pour preuve tout ce qui s’est passé l’an dernier dans une dizaine de classes du département dans le
cadre de l’opération KidSmart.
B) Qu’est-ce que cette opération ?
Il s’agit d’une expérimentation, d’une recherche définie par un accord cadre passé entre le ministère et la société IBM,
chaque partenaire devant y trouver son compte. Des stations (composées d’un ordinateur « normal », d’un meuble adapté
aux petits, d’une imprimante et de quelques didacticiels), sont données à des écoles devant répondre à des critères (zone
rurale, ZEP, population scolaire défavorisée) ; les mairies s’engagent à installer, assurer le matériel et connecter la machine
à Internet, les enseignants s’engagent à donner un scénario pédagogique qui sera indexé sur le site IA 85 et la base
PrimTICE (on vous expliquera), l’IA s’engage à donner de la formation aux enseignants concernés. Je tiens à préciser que
« nous ne vendons pas notre âme au diable », IBM ne met pas à la vente les dites stations et ne produit plus d’ordinateurs
pour les particuliers. Je tiens aussi à préciser que cette opération visant à évaluer les apports spécifiques des TICE sur les
apprentissages chez les jeunes enfants est menée dans d’autres pays du monde.
C) Que ressort-il dans l’état actuel de nos réflexions au bout d’un an d’expérimentation ?
1 - En premier lieu, et cela de façon massive, l’ordinateur produit du langage, du langage oral et du langage écrit. Écrit me
direz-vous, ce n’est pas sorcier quand on sait ce que peut apporter le traitement de texte. Mais vous le verrez, certaines
expériences montrent que le langage d’évocation, le langage de communication, le langage en situation ne sont pas en
reste. Les occasions de reformulation des mots de la maîtresse sont très nombreuses grâce à l’ordinateur. Comment faire
pour que des tout petits fassent des efforts et aient conscience de les faire pour parler ? C’est peut-être au cours d’un projet
fort qui nécessite de parler dans le micro … c’est difficile mais on essaie, on s’écoute, on écoute les autres, on réessaie, on
se dépasse et par là même on apprend.
2 – En second lieu, l’ordinateur produit de la collaboration, des échanges et de la co-action. Les dix expériences relatées sur
le site IA 85 montrent que si l’apprentissage est par définition individuel, il se construit dans la confrontation aux autres.
J’aime bien l’histoire des doudous par rapport à ce thème … mais on ne vous racontera pas celle-là, vous pourrez en
revanche la consulter sur le site.
3 – Une autre expérience montrera comment on passe, je dirai, d’une activité « occupationnelle » à de la technologie en
petite section en communiquant (et pas à vide). Qui en maternelle, n’a pas pour prendre en charge un groupe, donner des
cubes à un autre groupe en disant « vous faites comme vous voulez, je viendrai voir après » ? Grâce à des activités
préalables (images et médiation de l’adulte pour aider l’enfant à transcender, verbaliser et conscientiser son expérience),
l’activité prend une toute autre dimension : on va choisir, faire part de ses intentions et s’expliquer le comment de la
construction. Je vous rappelle les propos d’A-M. Gioux ce matin « enseigner est l’art d’une distance intérieure ».
4 – On montrera aussi que l’ordinateur peut être mémoire des apprentissages, conservation du bagage individuel, outil de
liaison GS/CP, qu’il donne du sens et de la lisibilité aux apprentissages et à l’évaluation tant par rapport aux élèves que par
rapport aux parents.
5 – Puis on vous montrera du « détournement de logiciel », en tout bien tout honneur ça va sans dire. Vous l’avez tous fait.
On pique par ci par là dans les manuels et on adapte pour sa classe, ce phénomène est bien connu dans la profession.
En conclusion, je dirai que s’il importe que l’enfant acquiert un certain nombre de compétences liées à la maîtrise de l’outil
(savoir utiliser une souris, sélectionner une option dans un menu, savoir saisir des caractères sur un clavier …), pour autant,
il ne faut pas les considérer comme des préalables nécessitant d’organiser un apprentissage spécifique. Il est bien plus
important de penser les TICE dans ce qu’elles peuvent apporter comme plus value dans les apprentissages.
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IV – Les quelques expériences
Nous ne pouvons vous montrer toutes les productions et je veux dire que le choix ne s’est pas fait qu’en fonction des
objectifs de la journée d’aujourd’hui. Il n’y a pas de hiérarchisation de notre part. On aurait pu aussi vous proposer une
expérience mettant en jeu le langage du corps, une autre de découverte d’une langue étrangère ... et encore, et encore.
Vous serez peut-être un peu surpris par la présentation sur le site. Précision : il s’agit de scénarios d’expériences à
destination d’un public enseignant et non de productions d’élèves comme on pourrait en trouver sur un site d’école. Ce que
l’on voit ou entend n’est là que pour étayer le parti pris pédagogique.
Non, les enseignants impliqués n’étaient pas des virtuoses des TICE (qu’ils me pardonnent de le dire publiquement) mais
simplement des personnes qui avaient envie de s’engager en pédagogie comme dans le domaine de l’ordinateur.
Il nous reste bien des domaines à explorer : la découverte du monde (mathématiques, sciences …), l’agir et s’exprimer avec
son corps, l’utilisation raisonnée de logiciels … nous allons continuer à avancer ensemble puisque 20 nouvelles écoles du
département prennent le départ KidSmart cette année.
Tous les résumés d’expériences ci-dessous sont consultables sur le site de l’Inspection Académique de la Vendée, à la
rubrique groupe départemental TICE. http://www.ac-nantes.fr:8080/ia85/
Tous les scénarios pédagogiques pour l’utilisation de Kidsmart sont visibles sur le site de mutualisation de PrimTICE.
http://bd.educnet.education.fr/urtic/primtice/
Dossiers informatiques individuels - Cycle 1 - Niveau : M.S. / G.S.
Création d'un dossier pour chaque enfant de Grande Section avec élaboration individuelle de la page de présentation.
Plusieurs domaines sont proposés dans les dossiers : une partie concernant les choses que l'enfant connaît (compter
jusqu'à, reconnaître des lettres de l'alphabet ...), une partie contenant les mots utilisés en classe (sous forme de dictionnaire
avec des illustrations) et une partie concernant la vie de la classe (photos, recettes, poésies, correspondance scolaire...)
Création d’un album multi média à partir de « la petite chenille » de la maison des maths de Millie - Cycle 1 - Niveau :
Petite section 2
Les PS2 vont inventer une histoire sur la petite chenille qui n’a pas de taches et qui lors de sa promenade au cours d’une
journée, en acquiert 5. Cette histoire, créée avec le logiciel MCK3, sera mise en page, racontée par les enfants et gardée en
mémoire sous la forme d’un CD rom qui leur sera distribué. Cette chenille nous vient du logiciel de math : « la maison de
Millie », qui est utilisé fréquemment par les enfants.
Reproduction d'un album à l'ordinateur - Cycle 1 - Niveau : Petite section
Réalisation d'un album à l'ordinateur en Français et en Anglais à partir du livre « Toutes les couleurs » d'Alex Sanders, pour
le présenter aux enfants d'une école en Angleterre. Utilisation d'un appareil photo numérique pour l'illustration.
Création d'un album - Cycle 1 - Niveau : Moyenne section / Grande section
Création d'une histoire à structure répétitive : réalisation d'un album collectif, d'un cédérom, et d'un album individuel avec les
données communes.
Constructions en 3D - Cycle 1 - Niveau : P.S.
Présentation de la construction d’un ensemble de volumes en bois. Les élèves sont amenés à faire des projets
d’assemblage, puis à choisir le matériel nécessaire, et enfin à réaliser le montage. Ils prennent des photographies des
différentes étapes d’assemblage de leurs constructions afin d’être en mesure de les reproduire eux-mêmes ou le faire
reconstituer par d’autres.
Petites histoires de Doudous - Cycle 1 - Niveau : G.S.
Création de petites histoires mettant en scène les doudous de la classe sur un support CD ROM et un album papier. Les
élèves (répartis en quatre groupes) ont été amenés à jouer librement avec leurs doudous, puis à s’associer pour créer des
scénarios qu’ils ont racontés aux autres, ensuite à prendre des photos des situations les plus significatives, et enfin à
enregistrer les textes qui ont été élaborés collectivement par dictée à l’adulte.
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Les rapports entre les apprentissages premiers de l’écriture et le graphisme
Jean-Yves Robichon
Inspecteur de l’éducation nationale, Angers VIII
Rapporteurs : Brigitte Fournier, Marie-Noëlle Fardin, Conseillères Pédagogiques
Que recouvre l’appellation graphisme à l’école maternelle ?
Au cours des années 90, durant lesquelles J.Y. Robichon exerçait les fonctions de Conseiller Pédagogique Départemental
pour les arts plastiques en Vendée, le graphisme était considéré comme une discipline d’enseignement à part entière. Des
élèves, interrogés sur la tâche à réaliser, répondaient : « Il y a un modèle, il faut faire comme la maîtresse. » On parlait alors
de graphisme dirigé, préparant l’écriture, de graphisme décoratif dont l’objectif est d’entraîner le geste de l’élève par la
répétition ou de graphisme libre, à associer au dessin libre. Ces termes sont encore employés aujourd’hui.
Les programmes de 2002 associent dessin, graphisme et écriture, sous le titre « Des activités graphiques aux activités
d’écriture » qui souligne l’importance du passage de l’un à l’autre. En effet, ces trois aspects sont étroitement liés et
interdépendants. Il est indispensable d’enseigner les gestes de l’écriture, ceux-ci seront clairement repérés par les
enseignants. S’agissant des élèves, très tôt, certains font la différence entre ce qui relève de la représentation et ce qui
relève de l’écriture. Ils comprennent qu’il existe des points de vue différents dans l’activité graphique. En effet, si le dessin
permet la représentation, le graphisme est constitué d’enchaînements de lignes simples, et l’écriture est le moment où
l’activité graphique prend une dimension linguistique.
Les enjeux de cet apprentissage
Le rapport à l’écriture (au sens de calligraphie) n’est pas aussi déterminant, dans la réussite des élèves, que le rapport au
langage ou à l’écrit. Toutefois il marque une étape déterminante dans le passage du statut d’enfant à celui d’élève.
A l’école maternelle, les enseignants sont présents pour accompagner avec bienveillance le jeune enfant. Au début tout va
bien : s’il pleure, on le console, ses dessins sont toujours bien accueillis … Mais un jour, la maîtresse a des exigences, par
exemple tracer un cercle dans un certain sens, et l’élève se demande pourquoi. Voilà qu’il s’agit pour l’enseignant de
transmettre une norme : l’écriture. Certains réussissent, leur image d’écolier se construit. D’autres butent. Il est alors
essentiel de faire comprendre à l’élève pourquoi il doit s’entraîner à tracer des boucles,… Il doit comprendre que l’écriture
sert à communiquer, et dans un premier temps pour lui à écrire son prénom.
La relation entre l’enseignant et l’enfant qui était pédagogique devient didactique. Un troisième élément intervient, un
savoir : l’écriture.
Aujourd’hui, le statut de l’écriture a changé. Elle appartient de plus en plus à la sphère privée. Il est donc important que
l’enseignant écrive devant ses élèves.
De l’activité spontanée à l’activité intentionnelle
Dans un premier temps, l’élève explore les formes, essentiellement en petite section.
Ensuite, il devient créateur de formes. Ainsi, la situation de reproduction d’un modèle n’est pas la première situation à
proposer dans l’apprentissage.
Pour réussir dans l’apprentissage de l’écriture, l’élève devra acquérir une compétence gestuelle, apprendre une norme et
tout cela dans la perspective de la communication écrite. Il doit comprendre le pourquoi des contraintes de cet
apprentissage.
Une progression centrée sur l’élève
Il est nécessaire de construire une cohérence sur l’ensemble du cycle tout en tenant compte des capacités motrices de
l’enfant. Il faut veiller à ne pas passer trop tôt à la systématisation, pour ne pas glisser de l’apprentissage vers un
conditionnement.
Quelques repères dont il faut tenir compte pour respecter le développement de l’enfant :
- Deux ans, c’est le niveau moteur. L’enfant est dans le geste. Il doit pouvoir disposer de temps pour explorer les gestes
graphiques et pour observer ses traces. C’est l’âge des gribouillis, traces de mouvements distaux (à l’étage de la main), et
des grands traits, traces de mouvements proximaux (à l’étage du bras). L’enfant prend du plaisir à marquer une surface.
Chez certains, on voit émerger une première recherche de signification.
- de 2 à 4 ans, c’est le niveau perceptif. Les mouvements du poignet et de l’épaule, se coordonnent. Le contrôle de la main
par la vue se met en place. Tout est prêt pour que l’enfant puisse apprendre les gestes de l’écriture. En même temps, les
premières intentions de représentation apparaissent.
- à partir de 4 ans, c’est le niveau de la représentation. L’enfant anticipe. Il contrôle son geste. L’intention précède le tracé.
Le niveau symbolique est important.
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Grâce à une pédagogie différenciée on pourra répondre aux besoins des élèves nés en fin d’année, en proposant un
répertoire de gestes commun à l’ensemble de la classe puis en adaptant les exigences aux capacités de chacun.
Des compétences à hiérarchiser
- Observer, analyser, verbaliser
Il est important de mettre en place un répertoire de formes, qui va s’enrichir en cours d’année, qui permettra aux élèves
de mesurer les progrès à accomplir, et qui aidera l’enseignant à organiser ses évaluations. Il faut observer les formes, les
analyser et les verbaliser avant de les maîtriser pour écrire. La forme est la trace d’un geste, et on peut amener l’enfant à
verbaliser autour de ce geste comme avec une comptine, sans exclure l’apprentissage du nom des lettres.
- Reproduire
Pour être capable de reproduire des formes, voire les lettres, l’élève doit mobiliser ses capacités d’observation, de
mémorisation et maîtriser des compétences gestuelles.
- Enchaîner des mouvements différents
Il ne suffit pas de maîtriser tous les éléments de l’écriture séparément. L’élève doit ensuite devenir capable d’enchaîner les
lettres pour écrire un mot. Les fiches d’entraînement sont utiles, mais elles ne doivent pas remplacer de réelles situations
d’apprentissage.
Comment passe t-on du graphisme à l’écriture ?
Etablir des connexions entre l’écrit et le geste
Mettre en place :
- des situations de découverte pour explorer les formes (surtout en PS): papier calque, gabarits carton ou gabarits
objets, pochoirs… Il s’agit de découvrir les formes pour le plaisir. Ces formes peuvent être mises en parallèle avec les
écritures que fréquente l’élève (prénoms et autres écrits fonctionnels).
- des situations d’entraînement pour apprendre les gestes (surtout en MS), ces gestes seront reliés à l’observation de
l’écriture
- des situations linguistiques pour entrer dans l’écrit. (surtout en GS)
Les écritures tremplins
L’apprentissage des majuscules d’imprimerie est incontournable. On peut ensuite passer à l’écriture cursive, en évitant
l’écriture scripte qui introduit certains gestes qui poseront problème par la suite.
Les mots tremplins
Ce sont des mots faciles à reproduire. Par exemple, pour entraîner à l’écriture cursive, on peut utiliser le mot « lune ».
Un incontournable : le travail sur le prénom
En travaillant sur la signature, on travaille sur l’identité. Il faut franchir les étapes très progressivement. Selon la difficulté du
prénom, on pourra avancer plus ou moins vite.
Tenir compte de la diversité des élèves
Il y a dans nos classes des élèves qui savent et n’apprennent plus rien, qui s’ennuient à répéter des gestes qu’ils maîtrisent
parfaitement. Il faut proposer des situations plus complexes à ces élèves.
A l’inverse, certains ont des difficultés car ils n’ont pas encore acquis la maturité nécessaire pour effectuer le geste
demandé, il faudra donc proposer à ces élèves de revenir sur des situations d’exploration.
Quelques pistes d’ateliers
Pour mettre en œuvre les activités graphiques, il est essentiel de veiller à la bonne tenue des instruments.
- Varier les outils, en sélectionnant des outils scripteurs, capables d’une certaine résistance sur le support (stylets,
crayons divers, stylo bille… éviter le coton tige et l’éponge)
- Utiliser des gabarits, des pochoirs, le papier calque.
- Varier les supports, varier leur forme, leur taille
Plus l’élève est jeune, plus la taille du support doit être importante. A l’inverse, avec des GS, on peut diminuer les formats en
réalisant, par exemple, une collection de faux timbres-poste.
Une approche plus artistique
En arts plastiques, on peut distinguer trois niveaux d’écriture :
- les graphes, graffiti, griffures, supports grattés, que l’on retrouve aujourd’hui dans les arts de la rue.
- Le signe, qui est potentiellement chargé de sens.
- La typographie
Il existe des oeuvres qui mêlent écriture et dessin, et qui permettent de faire des jonctions, d’établir des ponts entre les
activités graphiques et linguistiques.
Certaines reproductions d’œuvres d’Art peuvent constituer un support intéressant de travail sur le graphisme (travaux de
Vasarely, de P.Klee, de Dubuffet, de Basquiat, dessins de Van Gogh). Les tissus peuvent également offrir des motifs
utilisables dans un travail en graphisme décoratif, ils sont également culturellement riches.( tissus en cachemire, tissus
africains).
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Découvrir le monde : Les activités de mathématiques à l’école maternelle
Raymond TORRENT
Professeur agrégé de Mathématiques, site IUFM de La Roche-sur-Yon
Rapporteur : ROY Thierry, Conseiller Pédagogique
Des activités mathématiques à l’école maternelle…quels enjeux fondamentaux ?
Les programmes de l’école maternelle évoquent des axes essentiels :
approche des quantités et des nombres
repérage dans les différents types d’espaces
découverte des formes et des grandeurs
appréhension du temps qui passe
Mais quels intérêts fondamentaux y a-t-il, pour le jeune enfant, à s’engager dans des activités mathématiques à l’école
maternelle ?
Il s’agit de lui permettre de :
rationaliser des situations progressivement, pour l’amener à prendre conscience du pouvoir d’anticipation,
d’organisation du monde que donne la rationalité. Il faut habituer l’enfant à faire des choix, à prendre des
décisions, à évaluer les effets sur les situations de ses choix et de ses décisions, de les modifier et donc en
fait d’engager un processus de raisonnement. C’est là un défi important pour l’école maternelle.
résoudre des problèmes ; c’est parce que l’enfant est confronté à des problèmes qu’il va construire des
connaissances nouvelles et les développer.
s’engager dans des activités diversifiées où le langage va tenir une place centrale. Les activités
mathématiques sont des moments de langage où l’on apprend progressivement que la langue structure la
pensée, exprime des raisonnements, traduit des démarches.
Prenons l’exemple des notions relatives aux quantités et aux nombres, il s’agit :
de travailler dans des situations diversifiées : situations fonctionnelles (le moment du goûter par exemple) ;
jeux ; situations construites par l’enseignant, situations problématiques
d’améliorer des compétences diversifiées en s’appuyant sur toutes sortes d’outils. C’est la mise en réseau de
cet ensemble qui va permettre de construire progressivement les apprentissages dans le domaine numérique.
Toutes ces préoccupations sont organisée autour :
- de la question : « A quoi servent les nombres ? » :
à garder en mémoire des quantités (ex : aller chercher autant de robes que de poupées)
à comparer des quantités
à réaliser une collection qui comporte la même quantité d’objets qu’une autre collection
à anticiper le résultat d’une action sur des quantités (augmentation, réduction, distribution, partage…)
- des compétences à développer :
reconnaître rapidement des petites quantités en s’appuyant sur la perception globale de représentations
spatialement organisées
utiliser des quantités repères en utilisant des représentations sur lesquelles l’enfant peut s’appuyer pour
mémoriser des quantités
compter en utilisant la comptine numérique pour des grandes quantités.
effectuer des premières procédures de calcul (ajouts ou retraits de petites quantités)
- des outils diversifiés à utiliser non pas de façon isolée mais de façon coordonnée :
la comptine numérique maîtrisée
l’appui des représentations : les doigts, les constellations…
le rôle des écritures chiffrées
A l’école maternelle, les activités mathématiques portent également sur la maîtrise progressive des espaces et du temps ;
l’enfant va être amené à se repérer, se déplacer, représenter, agir. Elles portent également sur les formes et les grandeurs
et l’enfant va devoir trier, décrire, représenter, construire, reproduire.
Dans tous les cas, il faut proposer des situations variées pour mettre en œuvre des démarches diversifiées où le langage va
tenir toute sa place et qui vont permettre au jeune enfant de voir, de dire, de comprendre le monde.
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Qu’est-ce qu’une situation mathématique ?
Relier sur une fiche de travail chaque lapin à une carotte pour savoir si il y a autant de lapins que de carottes n’est pas une
situation d’apprentissage ; c’est une activité scolaire occupationnelle qui ne peut permettre à elle seule de construire une
notion d’ équipotence. C’est le tracé du « trait » qui va focaliser l’attention de l’enfant. Dans une situation mathématique, la
question du sens est fondamentale. La trace écrite n’est pas la simple exécution d’une tâche à effectuer. Au contraire, il
s’agit d’engager l’enfant dans une résolution de problème où il va devoir agir, argumenter, justifier ses choix, les modifier,
prendre en compte les effets de son action…
Quelques situations mathématiques en maternelle :
Les tris en petite section : Le tri est souvent considérée comme une activité fonctionnelle (rangement des
jeux, des objets usuels de la classe), mais ce n’est pas suffisant….Des situations de tris particulières peuvent
aider à la construction de la rationalité ; par exemple, proposer des tris de bouchons ou de graines dans des
boîtes séparées mais fermées ne possédant qu’un petit trou ! Pour trier les enfants mettent en œuvre des
démarches différentes qui se trouvent validées lors de l’ouverture des boîtes. Des démarches singulières vont
se développer progressivement et le tri sera l’occasion d’anticiper, de garder en mémoire l’organisation
rationnelle de la situation voire d’améliorer le déroulement de la tâche.
Remarque : « On peut considérer que l ‘on peut commencer à travailler les situations mathématiques
en petite section au second semestre avec les enfants arrivés en classe en septembre»
Activité de désignation en petite et moyenne section : C’est la situation de la caisse remplie d’objets
hétéroclites et d’un jeu de photos numériques (de ces mêmes objets) retournées sur la table. Un élève vient
choisir 3 ou 4 photos retournées, va à sa place, regarde les photos, puis va chercher dans la caisse les objets
qui sont sur les photos. On développe ainsi la mémoire des objets que l’on doit récupérer mais également
leur quantité. Là aussi les échanges langagiers vont permettre de structurer les démarches engagées par les
enfants et la parole de l’enseignant a toute son importance : elle accompagne la réussite ou l’échec : « tu as
bien ramené la balle, …, tu as ramené les 4 objets » ou « tu n’as pas… »
Activité de dénombrement en moyenne et grande section : Des voitures miniatures (ou des images de
voitures) et des garages dessinés sur des cartons (simples rectangles de la taille des voitures) déposés dans
un coin de la classe. Il s’agit d’aller chercher « juste ce qu’il faut de garages pour les voitures que l’on
possède » et donc de mémoriser la quantité de voitures. La validation est immédiate. Les procédures pour
garder en mémoire les quantités sont variées et vont évoluer dans le temps : collection de doigts, mots
nombres…. Des variantes qui peuvent traduire une progression dans les apprentissages : différer l’acquisition
des garages, utiliser un « vendeur » de garage et donc utiliser la communication orale puis écrite, aller
chercher non pas des garages isolés mais des parkings composés de un, deux , trois, …
Activité de dénombrement et de calcul en grande section : Chaque enfant reçoit un message écrit différent sur
lequel on trouve 2 ou 3 couleurs avec sous chacune d’elles 1 nombre. L’enfant doit alors choisir le panier
d’œufs, parmi une collection de paniers figurant devant lui, correspondant à la quantité totale de son
message. Pour faire évoluer cette situation, l’enseignant peut jouer sur les variables suivantes : nombre de
couleurs, éloignement des paniers à déposer sur le bureau de l’enseignant… On développe ainsi le
dénombrement (les quantités associées à chacune des couleurs et / ou les premiers calculs additifs). Les
différentes phases de cette activité ont en commun le rôle essentiel des échanges langagiers qui vont
accompagner les actions des enfants.
Activités sur les formes et les grandeurs : Chaque enfant dispose d’une représentation dessinée : celle d’un
polygone obtenu par la juxtaposition de trois pièces du tangram, mais seul le contour de ce polygone est
apparent…il faut retrouver les trois pièces constitutives…On varie les formes, le nombre de pièces. On oblige
ainsi les enfants à prendre du recul et à faire des choix (exclusion de certaines pièces ou choix privilégié de
telle ou telle pièce par une mise en relation des caractéristiques particulières de cette pièce et de celles de la
forme dessinée). La validation est là aussi immédiate et non le fait du seul enseignant qui déclare « c’est bien
ou ce n’est pas bien » !
Conclusion : Faire des mathématiques à l’école maternelle c’est pour l’enfant résoudre des problèmes adaptés, choisis par
l’enseignant parce que susceptibles, à travers la mise en œuvre de démarches diversifiées, de développer les
apprentissages et qui soient l’occasion de parler, dire, argumenter, justifier…et de commencer à écrire. La parole de
l’enseignant est celle qui structurera mais aussi celle qui accompagnera, rassurera et encouragera. Faire des
mathématiques à l’école maternelle c’est commencer à penser, à abstraire et à raisonner !
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Découvrir le monde : les sciences et la technologie à l’école maternelle
Jacky ALAMOME
Inspecteur de l’éducation nationale, Fontenay-le-Comte (85)
Rapporteur : Michel Mathé, Conseiller Pédagogique
Que peuvent apprendre des élèves d’école maternelle en faisant des sciences ?
Les activités de découverte du monde, tout comme les autres domaines qui structurent l’enseignement à l’école maternelle, sont
essentielles pour la compréhension de la langue et la familiarisation avec le fonctionnement de celle-ci.
Une première partie permettra d’analyser comment les activités menées, relatives au vivant, aux objets, à la matière, conduisent
les élèves, à faire non seulement des apprentissages disciplinaires, mais également à mieux maîtriser le langage.
Dans une seconde partie, grâce aux témoignages d’enseignants d’école maternelle, des activités à caractère scientifique dans le
domaine de la maîtrise de la langue orale, de la préparation à l’entrée dans l’écrit, seront présentés.
I. L’acquisition de la langue : priorité de l’école maternelle.
Le langage est une fonction mentale propre à tous les humains et qui se décline en de multiples langues sur la planète. La
fonction est donc innée mais la langue sera acquise avec la découverte du monde, grâce à la médiation verbalisée des adultes
(parents tout d’abord).
A l’école, l’apprentissage de la langue continue dans des situations de communication authentiques. Ces dernières conduiront
également à une maîtrise grandissante des capacités à observer, raisonner, expliciter ce que l’enfant expérimente, pense,
ressent.
L’école doit donc mettre en place des situations didactiques qui vont faciliter cette appropriation :
Des situations « déclenchantes » qui amèneront à parler pour construire du sens.
Des situations qui vont aiguiser son désir d’apprendre et ébranler les conceptions erronées.
C’est à l’enseignant que revient la responsabilité de mettre en œuvre de telles situations, ainsi que d’opérer la médiation qui
permettra la construction de sens.
II. Quelques repères pour favoriser les acquisitions langagières
II.1 Pratiquer une interaction verbale ajustée aux besoins de chacun :
La mise en ordre du monde par les mots est une compétence qui se construira pendant toute la scolarité maternelle et au-delà.
Dans les classes, les dialogues existent entre tout-petits mais cette conversation enfantine n’est pas source de progrès rapides
car l’appropriation du système syntaxique nécessite l’interaction avec les adultes. En Petite Section, c’est dans la relation duelle
(avec l’enseignant) que l’enfant progressera en s’emparant d’éléments (sémantico syntaxiques) de la formulation de l’adulte.
Ceci lui permettra des reformulations plus élaborées. Cette interaction se fera sur le modèle suivant (du point de vue du maître) :
Tu parles, je t’écoute, je parle, tu m’écoutes...
La mission de l’école est d’aider chacun, en réduisant les différences importantes. C’est donc le lieu où tout enfant vit des
expériences humaines affectivement riches et intellectuellement adaptées.
II.2. Nourrir le besoin d’agir, d’observer les effets des actions, de questionner, d’expérimenter, de savoir, dans le cadre d’une
démarche précise et lucide de l’utilisation de la langue
II.2.1 Donner une juste place aux ateliers suscitant une exploration active du réel.
L’imagination, la création, la découverte des récits fictionnels par le biais de la littérature de jeunesse occupent depuis longtemps
une place importante à l’école maternelle et à juste titre puisqu’il s’agit d’une véritable sensibilisation à la culture de l’écrit. Mais
l’école doit également accorder une place aux activités qui favorisent la compréhension du réel, du monde qui nous entoure.
Avec les sciences, c’est une approche fondée sur l’exploration active du réel qui sera privilégiée. Les élèves vont apprendre,
avec la médiation des adultes, à observer, à agir sur le monde, à décrire des phénomènes, à parler du monde qui les entoure.
II.2.2 Articuler le faire et le dire :
Faire ne suffit pas : l’implication de l’enfant dans l’action, le corporel, le sensible n’est pas suffisant pour développer une
approche réflexive des situations didactiques vécues. L’articulation du « faire » avec le « dire » est particulièrement importante
tant au niveau de la compréhension du monde que de l’appropriation du langage.
II.2.3 S’entraîner à penser :
Dire et réfléchir pour faire, dire après avoir fait, dire pour faire connaître à d’autres, voici des situations où, petit à petit, les
élèves se détachent du caractère matériel de la tâche et utilisent progressivement le langage d’évocation. Par le langage l’élève
passe des compétences intuitives à des compétences raisonnées. C’est là l’objectif fondamental de l’atelier de langage articulé
avec l’atelier sciences.
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III. Réflexions sur les conditions de mise en œuvre :
III. 1 Organiser des espaces permettant l’action avec et sur des objets
La majorité des classes maternelles propose un « coin cuisine », un « coin lecture ». Il conviendrait de proposer également un
« coin expériences » organisé par l’enseignant qui choisit le matériel, définit certaines règles élémentaires (nombre d’enfants,
respect du matériel …).
La manipulation peut être libre : les enfants manipulent, explorent, mais les apports langagiers sont limités. Exemples : Mettre
en place un observatoire à insectes dans un vivarium, la table à eau et les transvasements, le bac avec sable sec et sable
mouillé, agir avec des ressorts, agir avec des aimants, la « boîte à toucher », jeu stimulant la sensibilité tactile et la désignation...
La situation est réfléchie et encadrée : Non seulement le maître oriente la manipulation mais il incite les élèves à s’exprimer sur
leurs découvertes, à les expliquer.
Exemples : Coin des défis en technologie :
Réaliser un objet avec des matériaux donnés
De la photographie à la maquette en volume (construire ensemble le village, la rue).
« La pêche à la ligne » - pêcher des objets avec des aimants.
Faire déplacer divers objets placés derrière une paroi avec divers aimants.
Utiliser la force de l’air pour déplacer des objets.
Flotte ou coule ?
Dans ces activités, le rôle du maître est de présenter le projet, les contraintes, les critères de réussite, mais également de
réguler les échanges en étayant du point de vue lexical et syntaxique, d’encourager les interprétations, de guider la phase de
validation …
Les temps d’investigation s’allongeront au fil des années et la réflexion sera plus approfondie, la verbalisation plus riche et plus
précise tant au niveau syntaxique que lexical. Cette verbalisation sera porteuse d’informations importantes quant aux
représentations des élèves et le maître veillera à provoquer les conditions nécessaires à leur émergence et à leur évolution vers
des conceptions plus appropriées.
Les ateliers encadrés peuvent également devenir des « coins libres » ; le taux de fréquentation indique alors la nécessité de
faire évoluer l’activité.
IV. En conclusion :
Que faire, quand, comment, à l’école maternelle, pour que la découverte du monde qui nous entoure et les activités langagières
se nourrissent mutuellement ?
Que faire ? Prévoir une progression d’activités de la PS à la GS dans le cadre des ateliers précédemment décrits.
Comment ? Prévoir des temps d’exploration spontanée, des temps d’exploration guidée avec la possibilité de faire et refaire, de
dire et redire et des ateliers structurés… Varier les conditions d’échanges avec l’adulte ou en petits groupes, reformuler et faire
reformuler les idées, les observations, les conclusions … pour cela s’appuyer sur des supports variés : l’expérimentation, des
photos, des empreintes …
Ne pas oublier les traces : dictée à l’adulte, affiches, panneaux.
Quand ? Exemple du « Coin libre » : 15 à 20 minutes. Un roulement sur plusieurs jours peut être organisé : temps de l’accueil,
dans la journée en alternance avec des activités dirigées, pendant les ateliers.
Exemple d’atelier structuré : un film présentant les ateliers sciences mis en place à l’école maternelle de Bouron Massé (école
de ZEP) de Fontenay le Comte (85) illustre parfaitement l’intervention et montre combien l’articulation faire/dire, dire/faire
conduit d’une part à une meilleure compréhension du réel et d’autre part à un renforcement des compétences langagières au
niveau lexical, au niveau syntaxique …
____________
Bibliographie
Repères n°24-25 Enseigner l’oral. INRP 2002.
Apprendre à penser, parler, lire, écrire de Laurence Lentin, ESF éditeur, Paris 1998.
Les revues de l’ASFOREL (Association de Formation et de Recherche sur le Langage) et notamment le numéro double 44-45
de septembre-octobre 2000.
Enseigner les sciences à l’école aux cycles 1 et 2. Document d’accompagnement des programmes 2002.
Découvrir le monde à l’école maternelle. Document d’accompagnement des programmes 2002.
Découvrir le monde des objets en maternelle. Delagrave et CRDP de Versailles, 2004.
Les sciences à l’école maternelle. Collection Tavernier. Bordas.
Collection : « objets et matériaux », Hachette Education.
Sites Internet : http://www.inrp.fr/lamap http://www.agiem.fr
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Le jeu à l’école maternelle
Anne-Marie DOLY
Maître de conférence en Sciences de l’Éducation
Rapporteurs : Benoît AUFFRET et Jean-Marcel PALLARDY, Conseillers Pédagogiques
Pourquoi le jeu à l’école maternelle ? Justifications et conditions
Le développement social, affectif, culturel et intellectuel de l’enfant.
Ainsi, tandis que Piaget fait du jeu une activité essentielle à la construction de la fonction symbolique, de l’intelligence et par
là, des apprentissages scolaires : « le jeu est un levier si puissant de l’apprentissage chez les petits au point que partout où
l’on réussit à transformer en jeu l’initiation à la lecture, au calcul ou à l’orthographe, on voit les enfants se passionner pour
ces occupations » (Psychologie et Pédagogie) ), Winnicot, le désigne comme signe de la « bonne santé mentale »de
l’enfant : « Si un enfant joue, peu importe la présence d’un symptôme ou deux : (…) il n’y a au fond rien de grave (…) Le jeu
montre que l’enfant est capable de vivre et de devenir finalement un être humain complet. » (L’enfant et sa famille).
On comprend que les pédagogues, de P Kergomard qui fait du jeu « le travail de l’enfant » à l’école active jusqu’aux
programmes de 2002, aient fait du jeu un moyen pédagogique privilégié « Le jeu est l’activité normale de l’enfant. Il conduit
à une multiplicité d’expériences (…). Il permet l’exploration des milieux de vie (…) l’invention de gestes nouveaux, la
communication dans toutes ses dimensions (…), le repli sur soi favorable à l’observation et à la réflexion (…). Il est le point
de départ de nombreuses situations didactiques ».
Pourtant des voix s’élèvent contre ces conceptions du rôle positif du jeu à l’école :
De Kant, pour lequel « Il est extrêmement mauvais d’habituer l’enfant (à l’école) à tout regarder comme un jeu. Il doit avoir
du temps pour ses récréations mais il doit aussi y avoir pour lui un temps où il travaille » à H Arendt, reprise par L Lurçat,
qui, cherchant à comprendre « la crise de l’éducation », accuse l’école d’avoir abandonné à la spontanéité ludique des
enfants, des apprentissages qui ne peuvent se faire qu’à l’école.
Les instructions officielles reprennent d’ailleurs cette ambiguïté du jeu dont elles disent à la suite du texte précédent qu’il
« se prolonge vers les apprentissages qui, pour être plus structurés n’en demeurent pas moins ludiques » : si le jeu peut être
une motivation, il ne recouvre pas tout l’apprentissage ni tous les apprentissages ; jouer et apprendre ce n’est pas la même
chose, le jeu à l’école ce n’est pas la même chose que le jeu à la maison même s’il y a des points communs.
Si le jeu est une modalité éducative qui permet à la fois, de motiver l’activité de l’enfant et de garder l’indispensable
continuité famille-école pour qu’il puisse progresser dans les deux lieux, à quelles conditions devient-il un outil
d’enseignement pour le maître ? un « travail » pour l’enfant qui lui permette d’apprendre à l’école ce qu’il n’apprendra pas
ailleurs ?
Il est intéressant, pour comprendre l’intérêt et les modalités de l’usage du jeu à l’école d’en apprécier les usages historiques
et sociaux.
L’historien P. Ariès se référant aux notes du précepteur de Louis XIII (L’enfant et la vie familiale sous l’Ancien Régime)
remarque plusieurs choses. Les jeux utilisés concernent la musique, la danse, la langue (« le jeune roi s’essaie aux mots »),
la littérature (les adultes leur lisent des contes) le développement de la motricité, de l’adresse, la préparation aux rôles
sociaux (« il fait des petites actions militaires ») : ils font entrer les enfants dans les mœurs et le patrimoine de leur culture, ils
préparent à la vie adulte en mettant en oeuvre l’imitation (des adultes), l’imaginaire (faire comme si), les habiletés motrices,
ils participent du lien social entre enfant et adultes. En effet, ce qui est frappant, c’est d’abord le fait que les adultes sont
présents soit pour accompagner, aider les enfants ou même participer à leur jeu, pour « évaluer » les prestations. C’est
aussi le fait que les jeux, pour être tremplins d’apprentissage, permettent, par la distance avec la réalité (« A l’école, les
robinets ne font pas déborder les baignoires », M Fayol, Congrès AGIEM, 1985), la prise de risque, le tâtonnement, l’erreur
et la répétition : s’ils engagent une véritable activité de l’enfant, mentale ou motrice, ils ne le mettent pas en danger dans la
réalité. Présence « pédagogique », accompagnatrice et évaluative des adultes, contenus culturels, jeux à dominante
imitation, symbolique ou motrice, prise de risque, tâtonnement, erreur et répétition : voilà des conditions de contenu et de
forme pour que le jeu soit un moyen de progrès pour les enfants.
Les psychiatres et psychanalystes se sont eux aussi intéressés au jeu considéré comme mode d’expression et de
construction de soi de l’enfant.
Freud, le premier décrit ce jeu célèbre dit de la bobine (Essais de psychanalyse) qu’un enfant invente pour supporter les
départs et absences de sa mère, la bobine qu’il fait partir et revenir lui-même devenant le moyen de sa prise de pouvoir sur
une situation insupportable et qui lui échappait. Le jeu et le jouet, prémisses de langage selon l’analyse lacanienne (l’enfant
verbalise les « faire partir » et « faire revenir »), font entrer l’enfant dans un monde symbolique. Les psychologues,
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psychiatres, et anthropologues s’accordent à reconnaître le jeu comme nécessaire au langage et de culture. L’enfant peut
soulager sa douleur sans mettre en danger sa relation réelle à la mère, il apprend à vivre seul et par là, à se construire une
force intérieure qui « l’identifie » en lui donnant une permanence et une autonomie.
Winnicot et Dolto font des jeux et des jouets, des « objets transitionnels », que l’on retrouve à l’école avec les doudous mais
aussi avec les coins par exemple, ou « mamaïsés » pour Dolto, des médiations indispensables à l’apprentissage d’une vie
autonome, affective, intellectuelle et culturelle : un lien avec le passé en même temps qu’un passeport pour l’avenir, une
sorte de « zone proximale » portative. Mais le rôle de ces objets ne peut être positif là encore que sous conditions de
l’accompagnement en particulier langagier des adultes ( si en dehors des moments de nourrissage de l’enfant, « l’adulte
n’éveille pas l’enfant à la vie de relation, s’il ne joue jamais avec lui, ne lui donne pas des objets qu’il nomme, dont il parle
en l’initiant à leur manipulation, en sertissant de mots leur couleur, leur forme, (…) le sujet est ramené au silence de son
corps (c’est à dire à son animalité)( Au jeu du désir). Ne reconnaît-on pas ici des comportements pédagogiques des maîtres
de l’école maternelle, en particulier chez les petits, et dans les coins ? Les jouets, s’ils médiatisent des relations ludiques
langagières avec les éducateurs deviennent des « presque mots » qui initient l’enfant à son humanité en même temps qu’à
sa culture. Mais comprenons bien le message : jeux et jouets n’évitent pas les ruptures et les frustrations qui restent
indispensables pour que l’enfant grandisse, ils aident à les surmonter, ce qui est tout aussi indispensable.
Les psychologues de l’intelligence, de Piaget à Bruner en passant par Vygotsky, ont eux aussi largement montré le rôle
incontournable du jeu dans le progrès intellectuel et culturel de l’enfant, chacun apportant une condition particulière à un
usage pédagogique.
Pour Piaget, le jeu, compris comme une « assimilation du réel au moi » a besoin d’être complété par une
« accommodation » -imitation, innovation, modification du connu- qui fait sortir l’activité de l’enfant de la répétition, et, par
un travail d’abstraction et de conceptualisation, fait sortir l’enfant du seul « faire » qui ne saurait suffire à apprendre.
Pour Bruner, qui reprend la thèse de Vygotski sur la zone proximale et le rôle de l’interaction sociale avec les adultes dans
« l’intériorisation » des compétences et connaissances des adultes, le jeu, parce qu’il présente des structures spécifiques à
la fois répétitives et innovantes, permet –sous réserve d’une aide spécifique et systématique de l’adulte- de conduire
l’enfant en zone proximale et donc de lui faire effectuer les apprentissages sociaux et culturels nécessaires au
développement de son intelligence.
Le jeu en effet implique un certain nombre d’opérations et de comportements indispensables au progrès intellectuel et
affectif, sans que cela soit coûteux cognitivement pour l’enfant : la représentation des règles (même élémentaires) et du but
–par des critères d’évaluation (à quelles conditions pourra t-on dire qu’on a réussi ?)–, son maintien pendant l’activité pour y
rapporter la procédure et ne pas agir au hasard (ce qui rend difficile la mémorisation et le transfert), la prise de risque, le
tâtonnement, la possibilité de faire des erreurs dont la prise de conscience permet le progrès par une évaluation pendant
l’activité, ce que l’on appelle autorégulation et, après l’activité, la répétition est –sans lassitude– indispensable pour fixer des
connaissances, pour fixer des compétences et habitudes cognitives, pour apprendre.
Mais ces opérations et comportements ne se mettent en place, comme on l’a vu avec les propos des historiens et des
psychiatres, qu’avec une intervention des adultes sous forme de « tutelle sociale langagière » pour aider l’enfant à
« intérioriser » cet étayage « s’aider tout seul » dit Bruner- à travers une co-régulation qui se fera sous forme langagière,
questionnante, reformulante sur le rapport procédure-but-performance, incitative sur les essais, mais non sanctionnante,
impérative ou prescriptive pour qu’il puisse se poser à lui-même (par « autolangage ») les questions de l’adulte et devenir
ainsi son propre tuteur.
Ce faisant le maître fait progresser les enfants à la fois sur la langue orale, qui doit pouvoir être explicite, sur les
connaissances et compétences propres au jeu, sur les compétences et habitudes cognitives de contrôle, caractéristiques
des élèves en réussite scolaire- « experts en apprentissages », et sur l’entrée dans le monde des adultes et la culture.
Le maître qui utilise le jeu à l’école, doit donc avoir à la fois des objectifs précis et des critères d’évaluation peu à peu
connus des élèves, et une idée claire de la forme et des visées de son intervention. Sans ces conditions d’intervention, le jeu
à l’école n’est pas différent du jeu hors de l’école, il perd son intérêt proprement pédagogique : il peut tout à fait motiver et
faire progresser l’enfant mais sans que le maître ne contrôle ce qui est appris.
Les maîtres disent souvent aux enfants en pensant les motiver et les enrôler dans les tâches qu’ils proposent : « On va faire
un jeu » ; le jeu a bien, en effet, cette fonction de plaisir spontané. Mais les enfants vont à l’école avec la conscience d’y aller
pour apprendre ce qui fait grandir. Ils savent qu’il y aura de la rupture ; ils en ont peur mais la souhaitent en même temps et
c’est une preuve de leur « bonne santé mentale »
Toutes les sociétés ont inventé des « rites de passage » à la fois pour accompagner les frustrations et ruptures nécessaires
au développement et les rendre supportables, mais aussi pour qu’elle soient consciemment vécues comme des ruptures :
« tu as grandi maintenant ».
L’école est un lieu pour de telles ruptures. On se tromperait à vouloir faire de l’école, au nom de la nécessaire continuité
famille-école, un espace pour une spontanéité ludique supposée. Protéger les enfants pour qu’ils grandissent à l’école ne
signifie pas leur éviter toutes les frustrations et les ruptures mais en proposer de spécifiques et les accompagner clairement
et précisément.
L’usage pédagogique de l’activité ludique à l’école permet – sous réserve des contraintes décrites – ce double jeu de
continuité et de rupture avec le monde de la petite enfance, avec l’univers familial. Il est bon que les enfants comprennent
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dès l’école maternelle que les jeux que le maître propose exigent d’eux un vrai travail qui les fait devenir des élèves. Ce
travail demande des efforts et impose donc des frustrations mais c’est ainsi que l’on grandit. A l’école, le défi est
d’apprendre aux enfants la liberté par l’intelligence et la culture parce qu’elle permet de comprendre le monde et de s’en
rendre maître comme disait Descartes : le jeu peut en être un moyen pourvu qu’il soit utilisé par les maîtres et compris par
les enfants comme un travail.
Bibliographie :
ARENDT, H., La crise de la culture, Gallimard, 1972, articles « Qu’est-ce que l’autorité ? « et « La crise de l’éducation ».
ARIES, P., L’enfant et la vie familiale sous l’Ancien Régime, Seuil, 1973.
BRUNER, J., Le développement de l’enfant : savoir faire, savoir dire, PUF, 1983.
BRUNER, J., Langage et pensée chez le jeune enfant, Congrès de l’AGIEM, Rennes, 1987.
DOLTO, F., Au jeu du désir, Seuil, 1981.
DOLY, A.-M., Problèmes d’apprentissage, Problèmes d’enseignement, CNDP/CRDP d’Auvergne, 1994.
DOLY, A.-M., Médiation et Métacognition, CNDP/CRDP d’Auvergne, 1996.
DOLY, A.-M., Médiation et métacognition à l’école in GRANGEAT, M., La métacognition, une aide au travail des élèves,
ESF, 1999.
DOLY, A.-M., Motivation et métacognition in Cahiers Pédagogiques, 1996.
DOLY, A.-M., La Métacognition pour apprendre à l’école in Cahiers Pédagogiques n°381, 2000.
DOLY, A.-M., Les enfants doivent apprendre à s’autoévaluer in Education Enfantine n°1029, 2001.
DOLY, A.-M. Et DE ROSA R., Construire son identité à la maternelle, Nathan, 1999.
FREUD, S., Au-delà du principe de plaisir in Essais de Psychanalyse, Payot, 1948.
KANT, E., Réflexions sur l’éducation, Vrin, 1987.
LAHIRE, B., Culture écrite et inégalités scolaires : sociologie de l’échec scolaire, PU de Lyon, 1993.
PIAGET, J., Psychologie et Pédagogie, Denoël, 1969.
PIAGET, J., La formation du symbole, Delachaux et Niestlé, 1968.
ROCHEX, J.-Y., Le sens de l’expérience scolaire, 1995.
SCHNEUWLY, B., BRONKARD, J.-P., Vygotsky aujourd’hui, Delachaux et Niestlé, 1985.
VYGOTSKY, L., Pensée et langage, ESF, 1985.
WINNICOT, D.-W., De la pédiatrie à la psychanalyse, Payot, 1969.
WINNICOT, D.-W., L’enfant et sa famille, Payot, 1957.
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Le langage du corps : le rapport du jeune élève avec l'espace et le temps
Aimée DAGOURET
Formatrice en éducation physique et sportive, IUFM des Pays de la Loire, Antenne de La Roche-sur-Yon
Rapporteurs : Catherine PIRECKI, Alain GABORIT, Conseillers Pédagogiques
Le choix des comptines, des jeux dansés et des rondes comme médiateurs sociaux et langagiers aident l'élève à :
construire l'orientation de son corps
construire des repères spatiaux
concevoir des cheminements proches et lointains
percevoir un ensemble et se positionner dans cet ensemble ( Vivre dans un espace)
1 . Construire l'orientation de son corps
En agissant, l'élève va :
- construire le sens des mots :
en associant le mouvement à l'intention ("Rondin – Picotin" > vers le bas ; "Dansons la capucine"… >vers le haut)
en orientant son corps ("Boogie-Woogie" (CD 2000-2001) Avant, arrière, tourner sur soi-même)
- construire son enveloppe à distance, son champ spatial hors de son corps ("Le stick mou"(CD 2004-2005) : un côté,
l'autre : quand l'élève "pique" avec son index, il sort de son enveloppe.)
- imiter l'adulte
La mise en mots de ses actes est le fait de l'adulte. La répétition, l'imprégnation feront que l'élève pourra agir et dire seul.
Le support sonore de l'enseignant est l'enregistrement ; celui de l'élève doit être la voix de l'enseignant. Cela va lui laisser le
temps, par les pauses que le maître va faire, par les répétitions auxquelles il va procéder, d’accéder à la réussite.
2. Construire des repères spatiaux
2.1 Les élèves se positionnent les uns par rapport aux autres :
En réalisant les actions dictées par le texte,
En représentant les objets évoqués;
Construire le "devant" et le "derrière un autre" : "Roulez, roulez"
Construire le "devant", le "derrière" et le "entre quelqu'un" : "Quand 3 poules vont au champ…" ; "A la queue leu leu"
Difficile à réaliser car l'élève est à la fois devant et derrière un autre.
2.2 Changer d'orientation par rapport à l'autre :
Exemple : Se mettre de dos : "J'ai des poules à vendre"… : on demande à un élève d'être différent des autres (perte des
repères, insécurité, nouveau fonctionnement corporel )
Par l'analyse et la mise en mots, on va décortiquer : qu'est-ce que veut dire se détacher? Faire demi-tour?…Aller – revenir :
"Tarentelle, tarentule" - CD 2000-2001)
Passer sous des ponts en avant, en arrière, régler sa relation à son partenaire pour passer dans un passage
étroit, prendre des repères visuels, identifier sa place dans le groupe pour partir au bon moment, percevoir un
espace vide, non occupé par des camarades, du matériel.
Changer de sens de rotation ( "Meunier, tu dors,…")
Se décaler ( "Coucou, coucou, .." petite danse à jouer à cache-cache avec celui d'en face.)
- S'éloigner, se retrouver, retrouver sa place, une autre place
Difficulté à accepter de s'éloigner, à prendre la place d'un autre, à faire des choix
Dans un jeu de poursuite : "Monsieur l'ours, …" : respecter les côtés, la rythmique, quitter sa place et revenir
à une place différente. Complexification : orienter les déplacements vers les portes, les fenêtres, …
Dans un jeu chanté : "Promenons nous dans les bois"
Dans une petite danse : "Scottish de Sète" (CD 2001-2002)
Avant de débuter, nécessité de mettre en mots pour amener l'élève à décider de l'endroit où il veut aller.
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2.3 Compétences en jeu
Repérer des objets ou des déplacements par rapport à soi,
Décrire des positions relatives, des déplacements (à l'aide d'indicateurs spatiaux en regard de repères stables et variés :
fenêtres, tables, armoires visibles… mais aussi cour et rue non visibles.)
3. Concevoir des cheminements proches et lointains
Se déplacer, s'arrêter, avant, arrière, côtés ("Il était une fermière"). Laisser le temps aux élèves si besoin est.
Se déplacer à petits pas, se séparer, se retrouver ( " Danse chinoise" - CD 2003-2004)
S'enrouler, se séparer, suivre un chemin, se retrouver ( "Farandole" - CD 2002-2003)
Difficulté majeure : accepter de se faire enfermer, se percevoir dans un espace, espace pouvant correspondre à un espace
de survie au milieu, accepter de laisser aller son corps entraîné par les autres.
L'élève "est sollicité pour" :
réaliser,
refaire : prendre des repères pour faire un chemin à l'identique (mémoire spatiale),
ne pas refaire : se souvenir des repères utilisés et décider d'en utiliser d'autres, renoncer à quelque chose
que je sais faire et tenter quelque chose que je ne sais pas encore faire mais que je vais réussir,
regarder et faire un trajet réalisé par un pair ou proposé par l'enseignant,
agrandir, raccourcir un voyage sur un même temps (premières notions de vitesse, approche de la relation
espace – temps).
Compétence en jeu : Suivre un parcours décrit oralement
4. Percevoir un ensemble et se positionner dans cet ensemble
Repérer des objets ou des déplacements par rapport à soi :
Dans une ronde : "La ronde des légumes" : responsabilité par rapport à son positionnement spatial, respect
des distances et de positionnement par rapport aux autres.
En ligne : "Où vas-tu, vas-tu p'tit bonhomme?…" (CD 2002-2003) pour :
- conserver l'intervalle sur la durée du déplacement
- s'orienter, se désorienter, se réorienter
- enchaîner les différents positionnements
- anticiper pour préparer la suite
Faire, défaire et refaire une figure : " Tam, tam l'hippopotame", "L'escargot" (CD 2004-2005), jeux d'orientation, de
désorientation pour avoir une représentation mentale de la figure
Apprécier un intervalle et le conserver: "Hé, en chasse nous partons" (CD 2004-2005),
S'orienter, se désorienter, se réorienter : "J'ai vu le loup, le renard…" pour :
- conserver les écarts entre les individus
- conserver les distances parcourues
Compétences en jeu : Savoir reproduire l'organisation spatiale d'un ensemble d'objets (les objets étant les élèves)
Conclusion : Pour toutes ces intentions, il appartient à l'adulte de procéder à une mise en mots :
On peut par exemple utiliser des personnages réduits (Play-Mobil), pour amener les élèves à :
- manipuler, visualiser les trajets et les changements d'orientation pour eux et ceux des autres,
- formuler des difficultés, des essais, des réussites,
- dégager des règles, formuler des solutions.
On peut aussi renommer des dispositifs connus : la "queue leu leu" va devenir une file ou une colonne.
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Solliciter la conduite créatrice en arts plastiques à partir de situations
quotidiennes de classe
Joë Fesseau
Conseiller Pédagogique pour les Arts plastiques, Inspection Académique de Vendée
Rapporteur : Martine Héberlé, Directrice d’école
Solliciter la conduite créatrice en arts plastiques à partir de situations quotidiennes de classe.
Introduction
L’école maternelle a toujours réservé une place privilégiée aux activités de création. L’emploi du temps y consacre de larges
plages, l’espace de la classe leur réserve une bonne place. Cependant, sous ces termes, se nichent des conceptions très
diverses et des pratiques parfois sensiblement opposées. Aux questions que chacun se pose au quotidien, il apparaît
nécessaire d’apporter des éléments de réponse afin de comprendre les postures que l’enseignant adopte aujourd’hui dans le
domaine des arts plastiques, bien qu’il s’agisse là d’un terrain toujours en mouvement où il est particulièrement difficile
d’affirmer des certitudes.
Enseigner les arts à l’école
L’Education artistique n’a pas échappé à l’évolution de l’école, ni à l’évolution des pratiques artistiques. En 1923, on
s’étonnera peut-être de lire que «La seule instruction à donner aux maîtres… C’est de favoriser par tous les moyens l’instinct
qui pousse les enfants à dessiner… pas de conseils à leur donner, pas de critique à leur faire.» Au début des années
soixante-dix, l’idée fondatrice est de bâtir un enseignement laissant libre cours à la spontanéité et à l’imagination de l’enfant
en supprimant le souci de l’apprentissage des techniques. Arno Stern encourage «l’éducation non-directive du dessin» et la
créativité par «l’expression sauvage». Les années quatre-vingts marquent une étape vers les orientations actuelles. Les
textes de 1991 introduisent le titre générique «Arts plastiques» à l’école maternelle. Ce domaine s’inscrit dans une formation
globale de l’individu. Elle projette l’élève dans le monde de l’adulte où il devra être capable de réagir aux sollicitations
contemporaines. L’ouverture de l’école sur le monde s’organise sur la connaissance de repères culturels explicites.
Aujourd’hui, le territoire artistique à l’école est enrichi d’un nouveau terme générique, les Arts visuels. Cette notion permet
d’intégrer, aux côtés de la pratique du dessin, de la peinture et d’un travail sur le volume, des champs artistiques comme
l’architecture, le design, le patrimoine, la photographie, le cinéma et l’audiovisuel.
S’appuyer sur trois termes fondamentaux.
S’exprimer dans le domaine artistique, c’est manier des mots porteurs de concepts ; et ceux-ci portent en eux une certaine
ambiguïté. Afin de préciser cette pensée, il apparaît nécessaire de faire appel au sens étymologique.
Imagination : capacité de créer des images mentales originales à partir d’images déjà existantes et engrangées dans la
conscience ou l’inconscient.
Esthétique : explorer le monde à l’aide de tous ses sens avec émotion, intelligence et sensibilité.
Beau : pour la philosophie grecque qui regroupe le Beau, la Sagesse, l’Equilibre et l’Harmonie. Le Beau n’est pas le seul
critère pour un objet artistique ; il faut ajouter le rôle de l’inconscient, l’équilibre, le déséquilibre, l’absurde, la dérision, la
provocation...
Rencontrer l’œuvre.
C'est le moyen privilégié pour que l'enfant ne reste pas au niveau d'images mentales stéréotypées mais aille vers d'autres
modes de représentation originaux. Au musée ou en classe, face à l’œuvre originale ou sa reproduction, il s’agit d’éprouver
des émotions. S'exprimer, commenter, se souvenir, identifier, se projeter, connaître, nommer, entendre et peut-être se
souvenir du nom de l'artiste, voir sa photo, ou son portrait, sa maison... Pour que l'art et l’émotion soient accessibles à tous.
En classe, on privilégie la reproduction en format carte postale ; elle favorise la manipulation, la proximité, l’apparition d’une
collection disponible à tout moment.
L'art existe depuis que l'homme existe même s'il n'a pas toujours été l'objet d'une prise de conscience égale. Depuis le
XIXème siècle, les changements rapides de société déclenchent une succession de ruptures dans l’art, besoin existentiel,
abandon de la quête du Beau, négation de Dieu, rejet de la norme, rejet de la figuration. Les artistes explorent d’autres
voies, les Arts Premiers, les rêves, l’art des enfants, le rôle du hasard, de l’absurde, de l’inconscient. L’art gomme la
référence au réel ou, au contraire, convoque le réel. Aujourd’hui, comme hier, l’artiste réagit à son époque ; c’est l’art
contemporain avec ses problèmes existentiels et ses doutes… Avec ses recherches et ses techniques d’aujourd’hui… Il
n’est pas toujours facile de le comprendre ni de l’accepter… Cette posture exploratoire des artistes constitue une source
inépuisable de motivation pour lancer une activité en classe. Convaincu, déçu, interloqué ou bien séduit, l'essentiel est
d'exercer sa curiosité sur les oeuvres, de se faire un avis (souvent provisoire), de dénicher ou de retrouver un ou plusieurs
artistes que l'on aime. Approcher, comprendre - pour éprouver ensuite différemment - constituent les étapes nécessaires de
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la connaissance de l'art contemporain, comme celui des siècles précédents. Cette curiosité, cet esprit d'ouverture, c'est ce
que nous demandons à nos élèves, il faut que nous l'ayons nous-mêmes.
Favoriser la créativité.
La créativité, l'imagination, la pensée divergente, sont des composantes de l'intelligence humaine. Comme la mémoire, elles
se pratiquent, se développent, s'enrichissent. On ne crée pas à partir de rien, aucun artiste ne l'a fait. L'imaginaire se nourrit
d’installations précises et diversifiées, d’expériences et des nombreuses images vues et engrangées. L’enfant fait son miel
de toutes les expériences. Regarder, s'étonner, s'émerveiller, rêver… c'est déjà créer. L'individu créatif porte sur toute chose
un regard particulier. Se souvenir, c'est déjà créer. La mémoire n'est pas fidèle, elle transforme, embellit, nuance, déforme,
inverse... et c'est tant mieux !
Le domaine des Arts plastiques est le domaine du singulier. Il s'agit de donner la possibilité de «faire» chacun à sa manière,
dans un cadre ouvert, motivant, où on évite d'imposer - plus ou moins consciemment - les représentations d'adultes. On
permet à chaque enfant d'avoir son propre projet, modeste et limité dans le temps. On privilégie le travail individuel. Les
productions collectives, dans la mesure où les expressions de chacun pourraient se heurter, s'annihiler, ne peuvent répondre
au besoin de voir reconnue l'expression de chacun. Les arts plastiques n'ont pas pour objectif premier celui de la
socialisation ; on le retrouve cependant dans l'acceptation et la tolérance vis-à-vis des travaux de l'autre (enfant ou artiste) et
dans la reconnaissance d’un patrimoine artistique commun. Si nécessaire, on envisage plutôt une production coopérative
précédée d'une conséquente exploration individuelle dont on valorise les étapes.
Afin de solliciter la créativité, on favorise des rencontres inattendues ; par exemple, on associe deux objets, deux images,
deux situations... (par la forme, la couleur, le lieu, le sens, la matière...), ou bien, à partir d'une première expression
spontanée, pauvre, stéréotypée, brouillonne, changer d'outils, de support, de plan de travail, de matières, d’actions,
reprendre un élément, le répéter, l'agrandir, isoler, reproduire, transformer, associer.
Les étapes de la créativité
La sollicitation peut prendre des formes très diverses. Elle intervient à partir du réel, d’un imprévu, d’un mot, d’une
exposition, d’une image, d’une collection, d’une rencontre …Ensuite, très tôt, on tente de définir le projet. Cette projection
vers un avenir plus ou moins proche fait l’objet de régulations, d’adaptations. De nombreux essais successifs sont
encouragés et confrontés régulièrement. On sollicite les premières représentations (ce que je sais déjà faire). Puis, on passe
à de nouveaux essais, de nouvelles confrontations (exercices techniques, nouveaux savoir-faire, nouvelles sollicitations,
regards sur les œuvres ). Enfin, la présentation est soignée et met en valeur un travail final ainsi que les productions
d’étapes.
Comment s'organiser ?
Le coin est le lieu privilégié de la mise en situation grâce au matériel présent. Le dispositif est permanent, le matériel doit
varier au cours de l'année. On ne donne pas tout et tout de suite de manière à découvrir, explorer, investir à nouveau et
entretenir la motivation. L'accès est libre, permanent, avec un effectif limité.
En atelier, le dispositif est lié à l’objectif précis de la séance qui se traduit par une consigne et une installation particulière
éloquente. Il peut être autonome ou semi-autonome. Il concerne un groupe d'enfants. En aucun cas, évidemment, l’adulte
fait à la place (ou finit le travail) de l’enfant.
Et le petit de deux ans ?
C'est un âge (il peut durer au-delà de trois ans sans autre inquiétude) un peu à part où il s'agit plutôt d'accompagner les
enfants dans des activités de mise en situation plutôt que d'apprentissage réel. L'enfant est tout entier dans l'action sans une
intention bien affirmée; il n'a pas de projet complexe ni une grande anticipation. On joue beaucoup sur la variation et le rituel.
Enfin, le petit est toujours sollicité, incité à, mais pas obligé. Le plaisir de faire avec les autres ou seulement de regarder et
l’accompagnement du groupe suffisent. L’enseignant collecte des traces de cette première présence avec la photographie ;
celle-ci permet, avec l’enfant, un regard réflexif sur ce qui a été.
En conclusion : Enseigner les arts plastiques à l'école, c'est tout faire pour engager les enfants dans un processus de
production singulière. L'élève, à tout moment, prend des décisions, peut modifier ses intentions, les adapter aux sollicitations
qui s'offrent à lui, ceci à seule fin de mieux répondre à ce qu'il ressent parfois confusément. Tout en s’essayant à produire
dans un esprit de liberté, l’élève peut aborder des techniques, apprendre à utiliser des éléments de formulation plastique
(couleurs, matières, formes, composition), former des modes de perception, apprendre à s'exprimer, respecter l’autre,
apprendre à observer, comprendre des images. L’enjeu de l’enseignement des Arts plastiques réside dans la connaissance
esthétique de l’individu , il est capable de concevoir et de percevoir le monde avec émotion et sensibilité.
Bibliographie
ARDOUIN Isabelle, “L’éducation artistique à l’école”. ESF éditeur, 1997.
LAGOUTTE Daniel, “enseigner les arts plastiques”. Hachette éducation, 1994.
REYT Claude, “Les arts plastiques à l’école”. Armand Colin, 1998.
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Liste des albums de littérature de jeunesse cités par les intervenants
Le dernier voyage
Le Petit Chaperon rouge
Devine, qui a retrouvé Teddy ?
Le Doudou méchant
Petits Chaperons Loups
vrrr…
Petit Renard perdu
Bébés chouettes
L'art en bazar
Tourbillon
L'œuf et la poule
La pomme et le papillon
L'arbre, le loir et les oiseaux
Les aventures d'une petite bulle rouge
La grande question
Quel Chantier !
Dix petites graines
La Chasse à l'ours
Dans la forêt profonde
Blaise et le château d'Anne Hiversère
Aboie, Georges
Savoir Vivre
Caca boudin
Le jeune loup qui n'avait pas de nom
Les Mots doux
Maman Colère
Ca va pas
Bibi
C'est pas pareil
Ami-ami
L'agneau qui ne voulait pas être un mouton
Les tableaux de Marcel
L'arbre sans fin
A ce soir
Graine de bébé
Va-t-en grand monstre vert
Andréa Névé, Mario Ramos
Rascal
Gerda Muller
Claude Ponti
Christian Bruel - Nicole Claveloux
Christian Bruel - Nicole Claveloux
Claudine Routiaux - Louis Espinassou
Martin Waddell, Patrick Benson
Ursus Wehrli
Gianpaolo Pagni
Iela Mari, Enzo Mari
Iela Mari, Enzo Mari
Iela Mari, Enzo Mari
Iela Mari, Enzo Mari
Wolf Erlbruch
François Delebecque
Ruth Browne
Helen Oxenbury, Michael Rosen
Anthony Browne
Claude Ponti
J. Feiffer
Y. Fastier
S. Blake
J. C. Mourlevat, J.L. Bénazet
Norac, Dubois
Jutta Bauer
Charlotte Légaut
Ezbieta
Marie-Odile Fordacq, Franck Girard…
Rascal, Girel
Didier Jean, Zad
Anthony Browne
Claude Ponti
Jeanne Ashbé
Lenain, Bloch
Ed Emberly, Elisabeth Duval
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Pastel
Pastel
L'école des loisirs
Lutin Poche
Être Editions
Être Editions
Milan
L'école des loisirs
Milan
Seuil Jeunesse
L'école des loisirs
L'école des loisirs
L'école des loisirs
L'école des loisirs
Être Editions
Seuil Jeunesse
Gallimard Jeunesse
L'école des loisirs
L'école des loisirs
L'école des loisirs
L'école des loisirs
L'atelier du poisson soluble
L'école des loisirs
Milan
L'école des loisirs
Autrement Jeunesse
Edition du Rouergue
Pastel
Tourbillon
Pastel
Syros Jeunesse
L'école des Loisirs
L'école des Loisirs
Pastel
Nathan
L'école des Loisirs