Olivier Pastré, Jean-Marc Sylvestre - UM Repository

Transcription

Olivier Pastré, Jean-Marc Sylvestre - UM Repository
Nou veau tés
l’émergence de nouvelles puissances,
la marginalisation du modèle occidental n’est pas pour demain.
On peut certes questionner la
légitimité de B. Tertrais, expert des
questions militaires et stratégiques,
à mettre en cause certaines vérités
scientifiques tenues pour acquises
dans le domaine de l’écologie ou de la
climatologie. Son réquisitoire, par son
systématisme, verse parfois dans les
excès qu’il dénonce : il est tout autant
caricatural d’affirmer que tout va pour
le mieux dans le meilleur des mondes
que d’annoncer la Fin du Monde.
Pour autant, le livre de B. Tertrais a
le mérite de souligner les dangers du
catastrophisme ambiant, ses dérives
autoritaristes, son coût exorbitant, sa
philosophie délétère et de promouvoir, au contraire, un progressisme
éclairé et confiant dans la capacité
humaine à résoudre les défis sanitaires et environnementaux.
Yves Gounin
Haut fonctionnaire
On nous ment ! Vérités
et légendes sur la crise /
Olivier Pastré, Jean-Marc
Sylvestre
Paris, Fayard, 2011, 230 p.
On nous ment ! est un titre qui interpelle. Écrit par deux économistes
français, l’ouvrage s’adresse à tous.
Absolument rien d’académique. Les
chiffres sont peu présents ou sont là
pour choquer et secouer les citoyens
que nous sommes.
L’histoire est simple ou, du moins,
est-ce ainsi que les faits d’actualité
nous sont présentés. Les deux auteurs
ont pris pour mission de nous démontrer que derrière les affirmations
médiatiques se cachent en fait de
vrais mensonges. Média et politiques
concourent à cela, en se faisant complices des économistes. Il n’y a pas de
parti pris ici, tout le monde est tour à
tour visé.
L’histoire de Rosa, jeune mexicaine venue aux États-Unis qui passe
de l’enchantement à la désillusion
totale, sert d’entrée en matière. Néanmoins, si le cas de Rosa est exemplaire
(« L’ensemble de ce livre constitue
une ode à Rosa », p. 225), on aurait
pu s’en passer tant il est devenu une
image d’Épinal.
Seize questions sont ensuite décortiquées. Chaque chapitre a pour
titre une affirmation tenant lieu de
vérité. Le lecteur se sent immédiatement concerné car ces « vérités »
sur l’état du monde nous sont si
familières qu’on ne les questionne
effectivement plus. Les auteurs nous
incitent au contraire à aller chercher
les faits au-delà des slogans. Quelques
exemples d’affirmations : « La crise est
finie », « Les salaires des patrons sont
scandaleux », « Taxer les banques : la
solution miracle », « Le protectionnisme est mort et enterré », « Les
émergents sont le salut du monde »,
« Le monde va mourir de faim »,
« L’Europe va imploser ». Sur cette
dernière affirmation par exemple, la
probabilité que l’Europe implose est
nulle selon les auteurs, car cela impliquerait une implosion de tous les
États membres. La situation actuelle,
au contraire, va faire avancer l’Europe,
qui doit son existence aux crises, obligeant les gouvernements à réagir.
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Malgré des divergences croissantes,
« l’Europe tient la route » (p. 167).
« La difficulté vient aujourd’hui de ce
que rien ne se fera sans l’adhésion des
opinions publiques. Or certains des
bâtisseurs de l’Europe ont tellement
menti qu’ils ne sont plus crédibles. La
plus belle réussite de l’Europe, c’est
l’euro ; c’est aussi le plus gros de ses
mensonges » (p. 174), poursuivent les
auteurs.
Sans détour linguistique, voire
même d’une façon parfois franchement journalistique, O. Pastré et
J.-M. Sylvestre se veulent là « pour
rétablir la vérité » (p. 27). In fine,
c’est une incitation faite au lecteur
de s’indigner de façon organisée et
de remédier à ces lamentations sans
fondements, par « la création d’un
contre-pouvoir » (p. 226).
En guise de conclusion, les auteurs
s’interrogent sur le pourquoi de ces
mensonges qui deviennent partie
intégrante de l’histoire économique.
La globalisation apporte son lot de
complexités dont il devient de plus en
plus difficile de donner une explication compréhensible au grand public.
Cela peut expliquer le recours aux
mensonges simplificateurs. La médiatisation galopante exacerbe ce besoin
de simplifier pour les masses. « Transparence et évaluation sont [donc] les
deux mamelles d’une économie en
quête de vérité » (p. 223), tels sont les
mots d’ordre donnés aux politiques.
L’ouvrage contient de multiples
suggestions et de bonnes idées, hélas
un peu dissoutes dans la masse. Mais
il reste un très bon résumé des « vérités » actuelles. La lecture est facile
et fort divertissante grâce à un style
léger et agitateur. À lire néanmoins
dans l’année, à moins de le conserver
comme référence sur un sujet tel que
« l’usage du mensonge en économie »,
intitulé du chapitre 2, qui aurait pu
être aussi un parfait titre pour cet
ouvrage.
Marie-Aimée Tourres
Senior Research Fellow,
University of Malaya, Malaisie
Au cœur des services
spéciaux. La menace
islamiste : fausses pistes
et vrais dangers / Alain
Chouet, entretiens avec Jean
Guisnel
Paris, La Découverte, 2011,
319 p.
Alain Chouet est entré en 1972 au
SDECE (Service de documentation
extérieure et de contre-espionnage),
devenu DGSE (Direction générale de
la sécurité extérieure) en 1982. Il préfère le terme de « services spéciaux » à
celui de « services secrets ». Ces organismes ont, en effet, une existence
publique, même s’ils suscitent toujours un certain nombre d’interrogations, voire de fantasmes.
Depuis déjà quelque temps, dans
les pays occidentaux, c’est une mode
de voir les anciens responsables de
services spéciaux qui par obligation
avaient fui toute déclaration publique
lorsqu’ils étaient en fonction, publier
leurs souvenirs à peine leur pot de
départ en retraite bouclé. Cela donne
une littérature d’intérêt inégal. Avec
le livre d’A. Chouet, écrit avec Jean
Guisnel, Au cœur des services spéciaux,
on est dans le meilleur. Le propos est
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