l`orchestre de paris et daniel barenboim
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l`orchestre de paris et daniel barenboim
Il ne s'agit pas de Mahler aujourd'hui, mais de Beethoven et rien n'empêchera que sa «5ème» reste de toutes les œuvres musicales peut-être, la plus universellement symbolique de la rage de vivre, de vaincre et de témoigner. . . C'est cela qui rend si difficile d'accès la cinquième lorsqu'on prétend, comme ici, en dire simplement le propos. . . C'est que la cinquième appartient à chacun de nous ; elle nous appartient tellement qu'il semble bientôt qu'aucune vision exprimée puisse réellement ne pas lui convenir. . . Admettons, une fois pour toutes, les coups du Destin frappés à la porte. Souvenons-nous, de ce côté-là du destin, de la mesure chaque jour frappée à l'enseigne de la radio de Londres, de la radio «France Libre». Oublions en revanche, certaines images de certain film et, avec elles, quelques «bonnes histoires», gloses grotesques sur la surdité du musicien. . . l'orchestre de paris et daniel barenboim Vendredi 20 juin 1980 2 1 H - Auditorium Maurice Ravel / Concert Debussy : La Mer Pierre Boulez : Six notations Entr'acte Beethoven : Symphonie no 5 Ludwig van BEETHOVEN Cinquième Symphonie en ut mineur Opus 67 LA CINQUIEME ? - De qui ? - Mais de Mahler, voyons. . . Depuis combien de temps peut-on imaginer ce commencement de dialogue et quand je dis imaginer, je n'exagère pas plus que si je relatais ici cet autre échange, entendu vraiment un soir de concert, à Aix, il y a 15 ans. - Qu'allons-nous entendre disait la dame à son mari. - Le K, en sol mineur, répondait le mari. . . La «5ème». . . la Symphonie . . . sol, sol, sol, mi bémol. Ce n'est là qu'une cellule rythmique, non un thème, une sorte de B A BA sonore. . . Oui, mais voilà, si tout commence comme cela, il fallait être Beethoven pour continuer et mener l'idée à son apothéose. L'idée de la «5ème» ? Aussi simple qu'elle paraisse et aussi apparente qu'elle soit en de multiples occasions, ces trois brèves et cette longue constituent la plus simple figure rythmique du monde. . . Beethoven y pensa longtemps, il en compta toutes les potentialités de développement et traça, dès lors, l'extraordinaire trajectoire du premier allegro. La Cinquième est une «pièce» unique davantage qu'une suite de quatre mouvements. C'est l'une des façons, pour Beethoven, de réinventer la Symphonie. . . La première était peut-être l'Héroïque, l'autre serait la 9ème. Oui, mais il faut aller plus loin et penser, comme André Boucourechliev, qu'à chaque ouvrage du genre, le compositeur le réinventait. . . Depuis 1808, la 5ème symphonie domine le monde de la musique. Il arrive même parfois qu'elle le signifie tout entier. Elle en est l'emblème en tous cas. Il y a dans le rapprochement, au concert ce soir à Lyon, de la musique de Beethoven et de celle, encore inouïe, des «Notations» de Pierre Boulez, une morale à tirer peut-être. . . Ni les artistes, ni les œuvres ne sont jamais tout à fait ce que leur propre renommée ou leur propre gloire prétendraient installer. S'il en fallait une preuve, Pierre Boulez la fournirait sans aucun doute à ceux qui connaîtraient son enregistrement de la Cinquième Symphonie. Ce qu'évite, à tout prix ici, Pierre Boulez, c'est la facilité comprise dans tous les sens du terme. Ce à quoi il s'en tient, c'est au seul et scrupuleux respect du texte original. Atteignant d'emblée l'éloquence, ne la recherchant pas. C'est l'attitude qui commande l'œuvre et c'est la seule qui puisse ne pas la desservir. Dès lors, je n'ajouterai rien ici, à défaut de tout réinventer de la 5ème symphonie. Nous entendrons successivement le mouvement Allegro con brio, suivi de l'Andante con moto. Viendra ensuite un Allegro auquel s'enchaînera le final (également allegro) sous la direction de Daniel Barenboim. Georges LÉON.