extrait! - Les éditions idée que j`aie

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extrait! - Les éditions idée que j`aie
Quand tu es entré
Dans la même édition :

Espérance
Isabelle Diotte
Karyne Gaouette
Quand tu es entré
Catalogage avant publication de Bibliothèque et Archives nationales du Québec et
Bibliothèque et Archives Canada
Gaouette, Karyne, 1995Quand tu es entré
Pour les jeunes.
ISBN 978-2-9814672-0-1
I. Titre.
PS8613.A63Q36 2014
PS9613.A63Q36 2014
jC843'.6
C2014-941497-8
Dépôt légal
Bibliothèque et Archives nationales du Québec et Bibliothèque et
Archives Canada
Couverture : © William Robitaille - © Apogée Productions
ISBN 978-2-9814672-0-1
Imprimé au Québec
Les éditions idée que j’aie s.e.n.c
CP 82011 Chemin-gascon
Terrebonne, Qc
J6X 3A0
Tel : (514)589-3977
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Nous rappelons donc que toute reproduction, partielle ou totale, par quelque procédé que ce soit, du
présent ouvrage est interdite sans l’autorisation écrite de l’Éditeur.
Merci à ma famille et
À celui que j’aime.
Love you <3
Cette histoire a été inventé de toute pièce donc toute
ressemblances avec certaines personnes ou évènements
réelles n’est que pure coïncidence.
Préface
Qui aurait cru qu’un jour, le tintement de la sonnette d’entrée
aurait pu changer toute une vie? Certainement pas moi! Mais, je me
souviendrai toujours la fois où c’est arrivé. La fois où tu es entré dans nos
vies... Cette histoire semble tellement ridicule quand on y repense…
Presque irréaliste! Pourtant, elle m’est arrivée! Et, je n’aurais jamais eu
le courage de la raconter si je n’étais pas tombée amoureuse de toi…
1
Jeudi/vendredi 14, 15 décembre
Quelle soirée!
P’pa et M’man sont partis à leur party de travail comme à chaque année.
Ils y vont toujours pour célébrer Noël entre amis et collègues… L’année
dernière, j’ai passé la soirée en compagnie de Laura, et je dois avouer
que c’était plutôt divertissant… Mais, cette année, c’est impossible de me
retrouver à ses côtés. Si cet imbécile de Jean-David ne m’avait pas fait un
coup si bas… Mais c’était quoi l’idée de mon meilleur ami de partir avec
ma blonde? Il y a plein d’autres filles dans le coin! Pourquoi a-t-il fallu
qu’il choisisse ma copine?
Peu importe… Ce soir, c’est plutôt calme. C’est normal, je suis
seul, étendu sur mon sofa à regarder la télé. Évidemment, il y a
seulement des films de Noël ennuyants, dont on connaît déjà la fin, qui
passent à l’écran! Vraiment emmerdant comme soirée. J’ai allumé le
foyer et j’y ai mis quelques bûches. Je regarde les flammes se promener
d’un côté à l’autre… Elles dansent au son de la musique quétaine du film.
C’est amusant!...
En fait, non. Je m’ennuie totalement!
Une chance que p’pa et m’man vont bientôt revenir à la maison.
Ils m’ont dit qu’ils seraient là avant le lever du soleil! OK, j’avoue que le
soleil se lève assez tard en hiver, mais bon. C’est un détail.
En attendant, je vais fermer la télévision et allumer mon iPod. Peut-être
vais-je moins m’ennuyer?! Je clavarde également avec mon ami Jo sur
l’ordi portable de mon père en ce moment. On ne dit pas grand-chose…
Des conneries comme toujours. On tourne en rond, mais ça passe le
temps. Laura n’arrête pas de m’écrire, mais je n’ai vraiment aucune envie
de savoir quoi que ce soit d’elle. Elle m’a fait assez de mal comme ça!
De toute manière, elle n’avait qu’à y penser avant de coucher
avec mon ami!
…
Ça fait déjà plus d’une heure que j’attends leur arrivée! Bof…
Peut-être que mes parents ont décidé de rester plus longtemps à leur
fête! Peut-être qu’ils s’amusent EUX!
Je regarde le sapin et les cadeaux que j’ai mis en dessous. J’ai
hâte de voir mon père développer le cadeau que je lui ai fait. J’suis sûr
qu’il va adorer! Pour maman… J’sais pas… À vrai dire, on n’est pas
vraiment sur la même longueur d’onde nous deux. C’est peut-être parce
qu’elle avait toujours espéré avoir une belle petite fille et qu’elle m’a eu
à la place?… C’est comme si je n’étais pas l’enfant qu’elle souhaitait tant
avoir, alors elle ne m’adore pas tellement. En fait, je crois simplement
qu’elle ne me comprend pas. Pourtant, je ne suis pas si difficile!
Mais… bon. C’est son problème.
En tout cas, je m’entends beaucoup mieux avec mon père. Des
fois, j’ai l’impression qu’il lit dans mes pensées! C’est presque
effrayant!... Et vraiment chiant quand je fais des gaffes! Une chance qu’il
n’est pas trop sévère!
… OK, OK. Ça dépend toujours aussi de la connerie que j’ai faite!
Quand j’ai fait quelque chose qu’il ne supporte pas, j’ai toujours droit à
toute une histoire! Mais j’imagine que c’est normal!... De se faire
réprimander je veux dire.
Oh, on sonne à la porte. Je ne sais pas qui ça peut être à cette
heure! C’est rare qu’on vende des chocolats aux petites heures du matin!
Surtout en hiver!
Si c’était mes parents, ils n’auraient pas sonné! Ils ont quand
même les clés de la maison! Enfin, je crois. À moins qu’il ne les ait laissés
tomber quelque part dans un tas de neige!
… Mais si c’était le cas, comment auraient-ils fait pour revenir en
voiture?
Conclusion, ce n’est pas mes parents!
Je vais aller voir…
… Il y a des choses dans la vie qu’on ne voudrait jamais entendre.
Des choses qui nous coupent le sourire en quelques secondes seulement.
Des choses qui changent une vie à jamais…
Je viens d’entendre une de ces choses… D’abord, quand la police
vient cogner à la porte de ta maison, ce n’est jamais bon signe… Ce ne
l’était pas non plus cette fois…
Parfois, on apprend une nouvelle qui nous coupe le souffle. Au début, tu
figes, complètement. Tu regardes le policier comme s’il était le diable en
personne. Tu serres la mâchoire. Tu aimerais qu’il ne soit jamais venu à
ta porte. Pire, tu souhaiterais qu’il ne soit jamais sorti de son véhicule,
jamais tourné sur ta rue, jamais existé! Tu as l’impression de rêver, de
faire un terrible cauchemar comme ceux qui te faisaient pleurer pendant
la nuit. Mais cette fois, tu ne te réveilles pas.
Je ne suis pas sûr de ce que j’ai entendu… En fait, j’espère que ce
n’est pas vrai… Je crois que je suis seulement en train de faire un affreux
cauchemar… Je veux me réveiller, je veux aller me blottir dans les bras de
ma mère comme lorsque j’étais enfant, je veux les entendre me
consoler… J’ai besoin d’eux!
Je regarde les flammes crépiter dans le foyer en essayant
d’oublier ce que je viens d’entendre. J’essaie de l’effacer de mon esprit,
mais je sais que même si j’y arrivais, ça ne changerait rien à la vérité, à
la réalité.
J’attends mes parents devant le feu, mais je sais que je vais
attendre longtemps… C’est idiot, j’ai des larmes qui coulent sous mes
yeux! C’est la première fois que ça m’arrive depuis des années. Je n’ai
jamais aimé pleurer… J’ai toujours trouvé ça faible. Mais, ce soir, ça doit
être normal que je laisse échapper quelques larmes. Ça démontre
seulement que ce que je viens d’entendre était réel… même si je ne le
réalise pas réellement encore.
Je déteste dire ça, mais je crois que ça ne sera pas ma dernière
larme… Enfin, pour les jours à venir… De toute manière, personne ne
pourra les voir. Mes parents… Ils m’ont laissé… Je vais les attendre
longtemps… Je le sais… car ils ne reviendront plus jamais… jamais…
Nous sommes assis près du feu quand la sonnette de la maison
retentit. Je regarde maman et papa près du foyer qui ont l’air de se
demander quel débile se promène dans les rues à cette heure et à cette
température maussade! En réalité, ce ne sont pas les seuls à se poser cette
question. Moi aussi je me la pose! Il neige sans arrêt depuis hier! C’est
une vraie tempête! C’est quoi l’idée d’aller sonner aux portes?
C’est peut-être le vent qui a poussé la sonnette! (En imaginant
que le vent soit vraiment fort ce soir.)
La sonnette tinte de nouveau dans la maisonnée enterrant le joli
crépitement du feu.
Bon, décidément! Il doit y avoir quelqu’un! Je ne croirais jamais
que le vent s’obstine autant à nous voir ouvrir la porte!
— Je vais y aller! Dit mon papa en se levant pour aller ouvrir.
Il va sûrement avoir froid devant la porte! Il porte seulement son
pantalon de pyjama! Il fait toujours ça, l’hiver, près du feu. Pas de
chandail! Je ne sais pas comment il fait! Moi je suis tout habillé et j’ai
même deux couvertes pour me réchauffer! Mais bon. Peut-être les
hommes endurent-ils plus le froid?
Ça serait un truc à demander à mon prof de sciences! C’est à
retenir!
Bref, le froid n’empêche pas mon père à aller ouvrir. Lorsqu’il
entrouvre la porte, une bourrasque de vent froid entre dans la maison
accompagnée de flocons de neige blancs. Parlant de température
maussade… (Une chance que j’ai précisé que les flocons de neige étaient
blancs! Ça arrive tellement souvent de voir des flocons de neige d’une
autre couleur! (ironiquement parlant, bien entendu.  ))
Je m’approche de la porte pour aller voir qui vient nous déranger
pendant notre… notre…? Qu’est-ce qu’on fait au juste? Bon, on va dire
pendant notre moment de repos! En réalité, disons que je suis de nature
curieuse et c’est plus cela qui me pousse vers l’air froid qui s’échappe de
la porte. Dès que je vois le garçon à l’entrée, je remarque qu’il a environ
mon âge, mais aussi qu’il n’a pas de boîtes de chocolat ou de trucs du
genre pour vendre, dans les mains. Alors, une seule question me ronge :
qu’est-ce qu’il vient faire ici?
— Ouais? Demande papa sans le saluer.
Mon chien s’aperçoit tout d’un coup de la présence d’un inconnu!
(Il était temps!) Il accourt vers mon père les babines pleines de bave.
— Aie, reste là!
Mon pitou s’immobilise au son de la voix grave de mon père puis
il s’assoit sur une des marches descendant au passage.
— Bonjour… Je… j’ai… en fait, je n’ai aucun endroit où dormir
cette nuit! Je cherche un endroit plus chaud que ma voiture… Et, comme
c’est la seule chose que j’ai pour l’instant…
— Pourquoi ne vas-tu pas à l’hôtel? Répond papa.
Le vent commence à refroidir la maison et j’ai incroyablement froid dans
mon petit pyjama, mais je reste quand même trop curieuse pour aller près
du foyer me réchauffer.
Je n’ai jamais vu ce gars dans le quartier auparavant et pourtant
j’habite dans une petite ville où l’on connaît à peu près tout le monde!...
Sauf ceux qui ne vont pas dans notre école de quartier… et ceux qui
habitent dans le nouveau développement!... Et ceux qui viennent juste
d’emménager… et… Bon… Peut-être que je ne connais pas tout le monde
à bien y penser.
— Je n’ai pas d’argent… Répond le garçon en mordant sa lèvre.
En le voyant faire, ça me fait penser à ce réflexe que j’ai toujours
de me mordre la lèvre quand je suis nerveuse. Juste à y penser, je me
retrouve en train de la mordre. Grrr! Il faut que j’arrête ça! J’ai les lèvres
en sang! Et en plus, en hiver, c’est le pire temps pour se tuer les lèvres
comme ça!
J’arrête de me mordiller la lèvre puis je relève mon regard vers
le… visiteur? L’inconnu?
— T’as pas l’air d’un pauvre!
— Je ne suis pas pauvre… c’est que…
— J’ai pas de place, désolé! Ma maison ce n’est pas un toit pour
sans-abri.
L’inconnu a vraiment eu l’air blessé par les derniers mots de mon
père. Je ne sais pas pourquoi, mais ça m’a touché.
Ma mère monte à son tour l’escalier pour venir voir ce qui prend
tant de temps. Elle doit trouver elle aussi qu’il commence à faire froid
dans la maison!
Ah, l’hiver! *soupire
— Qu’est-ce qu’il y a?
— Bonjour madame, dit le garçon en la voyant arriver.
— Salut, mais… qu’est-ce qu’il y a?
Je ne sais pas pourquoi, mais ce jeune homme-là affiche un air
morne dans le genre ; c’est la fin du monde demain! Mais ça, c’était en
décembre 2012, pas cette année! Qu’est-ce qui lui est arrivé alors? Il fait
pitié!... Mais papa a raison pour un truc… Avec le manteau qu’il a, il n’a
pas l’air d’un pauvre et encore moins d’un robineux! Alors je me
demande pourquoi il l’a traité de sans-abri. C’était peut-être son moyen
de le faire partir?!
— Je n’ai pas d’endroit où dormir. Si vous… voulez, je vais vous
expliquer… c’est une longue histoire…
— On n’a pas de place, répète mon père sévèrement.
— Mais, il y a le divan!
Papa me jette un regard dur et lève les yeux au ciel… même s’il
me dit toujours de ne pas faire ça! « Fais ce que je te dis, pas ce que je
fais. » C’est toujours la même chose. Soupire*
Le garçon croise mon regard un instant puis le tourne vers mon père.
— Ça ne me dérangerait pas…
Mes parents se regardent en hésitant légèrement. Je me demande
s’ils vont flancher! C’est long… Si ça continue, la maison va devenir un
igloo, puis un glaçon, puis nous aussi on deviendra des glaçons!!! C’est
horrible!
Je dois les aider à faire un choix! Là, tout de suite! Donc, je veux
le faire entrer ou pas? Dilemme… dilemme… dilemmmmmme!
Il n’a pas l’air méchant ce gars… ni d’un tueur échappé de prison qui
viendrait nous étrangler durant la nuit… ni d’un monstre… Et il est prêt
à nous expliquer pourquoi il n’a pas de maison! Tout un deal ça! Ma
curiosité l’emporte! Je dois l’aider!
— Tu te rappelles maman cette histoire de la petite vendeuse
d’allumettes, d’Anderson, que j’aimais tant que tu me racontes quand
j’étais plus jeune? Celle où une jeune fille qui n’avait pas d’argent
essayait de vendre des allumettes le soir de Noël pour survivre. Elle a
sonné à plusieurs portes en demandant de l’aide, pieds nus dans la neige
froide, mais personne n’est venu l’aider. Elle souffrait! Elle pleurait! Elle
utilisait ses allumettes pour se réchauffer en sachant très bien qu’elle ne
réussirait pas. Elle est MORTE! Tu te rends compte? Et… et… je t’avais
demandé si toi tu l’aurais sauvé cette enfant, même si tu ne savais pas que
son triste sort serait de mourir, même si elle avait l’air pauvre, même si
tu ne la connaissais pas! Tu m’as répondu oui… tu aurais sauvé sa vie!
Pourquoi pour lui serait-ce différent?
Je regarde mes parents presque en les suppliants. Ce n’est pas
vraiment mon habitude de faire ça, mais je dois être fatiguée!
— Non! Dit papa. Voyons, ce n’est plus un enfant!
— Oui, mais papa… Il a presque mon âge! Si ça avait été moi qui
aurais sonné à la porte ce soir, sans un sou et aucun endroit où dormir, tu
m’aurais vraiment laissée dehors?
— Non, tu es ma fille!
— Papa!
Je lui fais un petit air de pitié. Il soupire puis inspecte le gars de
la tête au pied.
— As-tu une arme?
— Non!
— D’autre chose d’illégal?
— Non…
— As-tu peur des chiens?
— Non…
Papa! Je suis découragée! Il est en train de lui faire un
questionnaire complet! Il dit à mon chien d’aller le sentir. Papa a toujours
dit que les chiens avaient une certaine capacité pour savoir si une
personne était « bonne » ou « mauvaise ». Je n’ai jamais vraiment cru à
cette histoire… mais si ça peut le sécuriser…
Gérard, mon gros chien, est très difficile d’habitude… Il déteste
même la voisine! OK, la voisine n’est pas tout à fait normale non plus,
mais bon…
Mon chien va se frotter sur la jambe du garçon pour se faire
flatter. Le jeune homme lui flatte la tête. Gérard se laisse flatter. Il
ronronnerait presque… s’il était un chat!
— OK, entre, ajoute papa.
— Merci, monsieur…
Wow! Je ne savais pas que mon histoire sentimentale sur la
vendeuse d’allumettes allait vraiment fonctionner! Je devais être
vraiment convaincante. Peut-être viens-je de me découvrir un don en
théâtre?
Quoi? J’ai le droit de rêver!
Le jeune homme me jette un regard reconnaissant en entrant dans la
maison puis il lève un peu le coin de ses lèvres en ce qui semble être un
micro sourire. Semble, parce que je dois dire que c’est à peine si j’ai vu
son visage changé d’émotion depuis qu’il est arrivé! Sait-il seulement
sourire? J’espère! Avec un si beau visage…
Enfin, la porte d’entrée se referme. Il était temps! On gèle dans
la maison maintenant! C’est presque devenu la maison de glace!... En
moins glacé.
Je monte les yeux au ciel.
Le garçon enlève son manteau et l’accroche sur un des crochets
sur le côté de la porte. Il enlève ensuite sa tuque et ses gants.
— Je les mets où? Il demande en les tenants au bout de ses doigts.
— Dans l’escalier! Répond maman en lui faisant un petit sourire.
— D’accord.
Sans tuque, mitaines et tout le reste, il est vraiment beau! Beau
dans le sens WOW. Je ne peux pas croire qu’un gars aussi beau se
retrouve à dormir chez moi! Il est tellement beau!
Attends… attends… Ai-je précisé qu’il est beau?
Je sens le regard de papa me fixer comme s’il avait remarqué que
je dévore le « Beau » des yeux… En fait, je crois qu’il a vraiment
remarqué… Je me sens un peu gênée tout d’un coup…
Mes joues sont en feu… Oups…
Personne ne parle ce qui fait en sorte que la maison est assez
silencieuse. Malaise! On pourrait entendre une mouche voler… si on
n’était pas en plein hiver. Mes parents regardent le garçon tandis que ce
dernier fixe le sol et que moi je regarde mes parents, dans l’attente d’une
réaction de leur part. Mais rien. On dirait une piètre comédie. Trop de
silence pour moi!
— Alors bienvenue à toi! Je m’appelle Keïla et toi, qu’elle est ton
petit nom?
Ton petit nom?! J’ai l’air ridicule. J’y vais peut-être un peu fort.
J’ai l’impression de m’adresser à un enfant. J’ai tellement de la difficulté
en matière de gars.
Il me regarde en jetant ses yeux noisette dans les miens.
Wow, j’adore ses yeux! Ils sont… il n’y a pas de mot pour expliquer ça.
— Umm… Alexis…
Je baisse les yeux vers le plancher pendant une fraction de
seconde pour les retirer de ses belles prunelles. Quand je relève les yeux,
je regarde maman. Elle me sourit avant de se présenter à Alexis à son
tour.
— Lilianne!
Elle serre la main du jeune homme et papa fait pareil. Je me
tourne avec fierté avant d’aller m’asseoir près du foyer qui crépite
toujours.
— Vous venez?
— Oui, oui! répond maman.
Elle invite Alexis à descendre avant elle comme si elle voulait le
surveiller de près… ou peut-être a-t-elle peur de lui tourner le dos?! Qui
sait ce qui peut nous arriver lorsque nous avons le dos tourné?
Je crois que j’écoute trop de films.
Mes parents auraient dû être engagés par la police avec toute leur
surveillance! On dirait deux policiers qui s’occupent d’un suspect.
Voyons! OK, on ne le connaît pas, on ne sait rien de lui, de sa vie, et
tout… mais ça ne veut pas dire qu’il est méchant! Au contraire!
Le suspect de mes parents s’assoit à une bonne distance de moi sur le
tapis du salon. Mon père vient se mettre entre nous deux puis fixe Alexis
en attendant qu’il déclare son innocence.
— Alors, c’est quoi ton histoire?
… Ou bien il est aussi curieux que moi et il attend de savoir ce qu’il fait
seul dans la période des fêtes!
— J’ai… Je ne veux plus retourner habiter chez moi parce que…
ils… Désolé, c’est dur…
Il regarde le feu crépiter, mais je réussis quand même à voir son
visage triste. Un air encore plus déprimé que l’expression qu’il affichait
avant d’entrer dans la maison. Ses mains tremblent légèrement avant qu’il
ne les ferme solidement en deux poings.
Peut-être qu’il s’est chicané avec ses parents!... Ou avec sa
blonde, car évidemment, à sa beauté, il est évident qu’il doit avoir une
petite amie! Ou peut-être que… est-ce qu’il aurait fugué?
Ce n’est pas bon ça!
— Pourquoi? demande papa en buvant une gorgée de bière, sans
aucune compassion.
— Mes parents… ils sont… hum… décédés… il y a deux jours
de ça…
Ma gorge se serre. C’est pire que ce que je croyais. Comment…?
Je n’arrive pas à y croire! C’est épouvantable!!! Horrible! Désastreux!
Le silence est complet dans la maison et on le regarde tous
tristement. Un autre malaise…
Il prend une grande respiration puis continue.
— Je… n’ai donc plus de famille… Je ne veux plus habiter chez
moi, car ça me rappelle trop de souvenirs et… j’aimerai… ne plus me
sentir aussi mal… et comme je suis encore jeune, je n’ai pas vraiment
d’argent…
— Tu as quel âge? L’interrompt papa.
— J’ai 17 ans…
17 ans? Il a seulement un an de plus que moi?! J’étais proche
alors…
— OK… tu peux continuer.
Alexis se tait pendant un instant avant de continuer.
— Tout ce que j’avais économisé en travaillant cette année, je
l’ai mis pour ma voiture il y a un mois… Je n’avais jamais eu dans l’idée
que j’en aurais besoin… aussi rapidement. Je sais qu’ils m’ont laissé un
héritage, mais… pour l’instant… et puis, ils n’étaient pas millionnaires…
je ne sais plus quoi faire… je ne peux pas croire… il n’y a pas si
longtemps… et maintenant…
Il secoue la tête d’un côté à l’autre en se mordant la lèvre puis
regarde de nouveau le feu.
— Je suis désolé pour tes parents, dit papa sincèrement. C’est
correct pour cette nuit, tu peux rester. Mais, qu’est-ce que tu comptes faire
après?
Il semble réfléchir quelques instants.
— Je vais essayer de me trouver un travail demain pour pouvoir
me payer à manger et un endroit où dormir...
— Si tu veux, tu peux rester un peu plus longtemps, ajoute maman. Le
temps que tu te fasses un peu d’argent pour un appartement…
Il se tourne vers ma mère et lui fait le même genre de petit
sourire qu’il m’a fait plus tôt. Il a l’air reconnaissant de l’offre de ma
mère.
— Merci madame.
— Appelle-moi Lilianne!
— Lilianne… il répète.
— Mais, il y a des règlements! Intervient papa avec conviction.
Je le regarde sans savoir vraiment ce qu’il va dire. Des
règlements? Quel genre de règlements? J’ai des règlements moi? Je sais
plus… Peut-être…
— Le premier, NE TOUCHE PAS À MA FILLE… et les autres
vont suivre.
Il est sérieux là? Oui! Très sérieux même! La HONTE!!!!
Je me sens rougir de la tête aux pieds et j’ai envie de me cacher
sous une cape d’invisibilité comme dans Harry Potter! Mon Dieu que ça
serait pratique ce truc-là! Pourquoi ça n’existe que dans les livres???
— Euh… OK.
Alexis me jette un coup d’œil rapide puis retourne son regard vers
le feu.
La phrase de mon père « Ne touche pas à ma fille » me revient en
tête. Je me souris à moi-même en levant les yeux au ciel. Ah, les papas!

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