le messie - Opéra de Lyon

Transcription

le messie - Opéra de Lyon
GEORG FRIEDRICH HAENDEL
LE MESSIE
Messiah
Livret de Charles Jennens
Oratorio
HWV 56
1742
OPERA de LYON
LIVRET
2
Charles Jennens compose le livret du Messie, un montage
d’extraits de l’Ancien et du Nouveau Testament, auxquels il
apporte parfois de légères retouches.
Charles Jennens avait déjà donné à Haendel les livrets de
Saül (1738), d’Israël en Égypte (1738) et de L’Allegro, il
Penseroso ed il Moderato (1740) ; il signera celui de Belshazzar en 1744.
PARTITION
On sait qu’Haendel a commencé son travail de composition
le 22 août 1741 pour le terminer le 14 septembre de la même
année. Il est à noter qu’il n’existe aucun texte définitif de
la partition, et que Haendel a dirigé lui-même différentes
versions, selon les effectifs vocaux et instrumentaux dont
il disposait.
VOIX
1 Soprano
1 Alto*
1 Ténor
1 Basse
Chœur : Sopranos / Altos / Ténors / Basses
* 2 Altos solistes sont requis si le numéro 38 de la partition
(Air : How beautiful are the feet) est confié non à un soprano
mais au chœur et à deux altos.
ORCHESTRE
2 hautbois
1 basson
2 trompettes
Timbales
Cordes
Clavecin
Orgue
DURÉE MOYENNE
2 heures 25 minutes
3
CRÉATION
13 avril 1742. Music Hall de Fishamble Street à Dublin.
Direction musicale. Matthew Dubourg
Avec entre autres, Christina Maria Avoglio, Mrs Maclaine
(sopranos), Susanna Maria Ciber (alto)
Fiche technique rédigée sur la base de l’édition critique du Messie
réalisée par Clifford Bartlett aux éditions Oxford University Press
Le Messie, lu comme un sermon, se divise en trois parties :
LA NATIVITÉ
L’ordre de Dieu.
La paix de la brebis dans le troupeau.
La douceur du sacrifice accepté.
Dégagé de sa division traditionnelle en numéros, le dessin de la première partie est clair. Si le thème officiel en est
la Nativité et son annonce à travers des textes prophétiques
tour à tour effrayants et exaltants, le message personnel de
Haendel est encadré entre deux grandes promesses de réconfort : aria du ténor au début, duo soprano-alto à la fin. À
côté de ce message humain, le musicien retient du texte
biblique trois éléments essentiels : la lutte de l’obscurité
(rôle de la basse), l’émerveillement devant Celui qui va
venir (confié aux chœurs), le récit même de la naissance,
précédé d’une longue introduction orchestrale. Le soprano, à
qui échoit ce récit, lui garde une grande simplicité, que
vient couronner l’éclat de joie des chœurs. La fonction de
ceux-ci est essentielle. Le chœur n’est plus, comme dans les
Passions, l’expression d’un groupe d’hommes participant à
une action ou méditant sur les événements qui se déroulent
5
devant eux ; il est devenu directement personnage, unissant
la terre et les cieux ouverts, partie chœur d’anges, partie
chœur d’hommes ; on ne lui demande plus de commenter,
mais de chanter la louange et de dire en termes humains des
vérités qui passent l’entendement. On est beaucoup plus
près du chœur antique, comprenant la volonté des dieux
mieux que les héros eux-mêmes, que des chœurs de Bach et
de ses contemporains, réunion d’hommes comme les autres,
assistant ou participant à des événements dont ils ne savent
que rarement à quel point ils les dépassent.
6
LA PASSION
L’indicible douleur du sacrifié.
L’ordre de Dieu refusé.
Le combat du bien et du mal.
La victoire finale.
Alléluia.
La deuxième partie du Messie se découpe tout naturellement en deux actes. Les cinq premières scènes sont centrées
sur la Passion de l’Homme-Dieu et sur notre participation à
cet événement ; les quatre dernières scènes parlent des
peuples de la terre, de l’annonce qui leur a été faite, de leur
résistance à Dieu et de leurs désordres ; le combat qui s’ensuit ne peut se terminer que dans le chant qui célèbre la victoire finale du règne de Dieu, l’Hallelujah. [...]
La structure de la seconde partie du Messie est relativement simple. Elle repose sur l’opposition entre deux pôles
bien différents. La pieuse méditation individuelle sur la douleur du Christ, tout le récit de la Passion jusqu’à la gloire de
l’Ascension, forment un ensemble homogène centré sur
« l’aventure » divine. À l’autre bout, l’Hallelujah vient couronner le triomphe de l’humanité associée à son Dieu dans Sa
victoire. C’est l’heureuse fin d’un combat dont nous sommes
acteurs directs, non plus seulement les spectateurs ou les participants indirects, à travers la religiosité haendélienne : com-
passion et contemplation émue d’un côté, et de l’autre
triomphe d’un militantisme dans un combat aux dimensions
super-humaines. C’est d’ailleurs la figure même de la culture
religieuse baroque en pays catholique, et précisément à
Rome. La plus anglaise des œuvres musicales (« C’est un
Anglais qui parle », aurait dit Stendhal) retrouve dans sa
construction dramatique les secrets du grand art baroque
romain ; nous sommes devant l’œuvre d’un Bernin musicien.
LA MORT DÉPASSÉE
La rédemption posthume dans le sang de l’agneau.
La félicité de l’Amen et les Bénédictions.
Le découpage de cette troisième partie du Messie est plus
simple que celui des deux premières. Les difficultés proviennent de ce que le sujet en est plus abstrait. Il ne fait en effet
plus appel à des épisodes de la vie terrestre du Christ. Le lieu
théâtral est exclusivement le monde incertain de l’après-mort.
Aucune scène ne peut venir intéresser directement notre goût
du récit, même par allusion. L’origine des textes choisis par
Jennens et Haendel a changé. Nous avons quitté le monde
prophétique de l’Ancien Testament pout un choix de textes à
tendance apologétique, essentiellement tirés de saint Paul,
avec une forte proportion d’extraits de la Première Lettre aux
Corinthiens. C’est en effet un des textes scripturaux qui attachent le plus d’importance et donnent le plus de précisions
sur la conception chrétienne de la résurrection des morts et la
vie dans l’au-delà. Ce point central de la méditation haendélienne dans la dernière partie du Messie est aussi le domaine
qui se prête le moins à la traduction dans le langage concret
et dramatique qui doit être celui de l’opéra. [...]
L’architecture de cette dernière partie est très simple ;
contrairement aux deux autres, elle ne comporte pas de passages de combat, de luttes contre des facteurs négatifs. Elle
est tout entière consacrée à rassurer le chrétien qui va mourir,
c’est-à-dire nous. Les joies, les douleurs, les gloires qui nous
7
ont été racontées en prennent un intérêt capital. C’est notre
destin qui était en jeu. Aussi Haendel, pour nous parler de
cette mort dont on n’ose pas à l’ordinaire faire un sujet de
théâtre s’est-il employé à utiliser des moyens simples. En trois
degrés, il s’est appliqué à nous délivrer de toute terreur ; le
raisonnement n’a eu qu’une faible part dans cette démarche –
simplement l’utilisation de quelques mots, de quelques symboles connus depuis toujours, auxquels l’éclairage de théâtre
a rendu tout leur éclat.
Dernière remarque : les chœurs qui terminent les trois
parties de l’œuvre forment une progression. À la fin de la première partie, nous n’en sommes encore qu’à la Nativité : le
plus lourd de notre tâche est encore devant nous. Le chœur
correspondant nous donne du courage en nous rappelant que
« Son joug est doux et Sa loi légère ». À la fin de la seconde
partie, nous avons assisté au drame de la Passion et au combat des disciples du Christ contre les forces du refus. Il est
normal qu’éclate l’Hallelujah de la victoire et de la gloire. La
troisième partie nous a ramenés à notre propre drame et à ce
qui nous tourmentait le plus. La consolation nous a été prodiguée. Le chœur final est bien et logiquement un Amen.
JEAN-F RANÇOIS L ABIE
Extrait de Georges Frédéric Haendel
© Robert Laffont / Diapason, 1980
Retrouvez l’intégralité
du livret-programme en vente
au guichet et au 0826 305 325
(0,15€/mn)
7e