LE DÉVELOPPEMENT DES MODÈLES DE BIG BANG
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LE DÉVELOPPEMENT DES MODÈLES DE BIG BANG
MOOC HISTOIRE ET EPISTÉMOLOGIE DES SCIENCES LE DÉVELOPPEMENT DES MODÈLES DE BIG BANG *Il s’agit d’une transcription directe de la vidéo 3 de la semaine 6 à 7 intitulée « Le développement des modèles de Big Bang» et non d’un texte destiné à la publication ou à la diffusion. Les années 1930 valident les modèles de l’Univers en expansion. Lemaitre tire les conséquences de ses modèles. La même quantité de matière est contenue dans un espace qui grandit : elle se dilue. Le contenu matériel de l’Univers se dilue. Selon les lois physiques, la dilution implique refroidissement. Le modèle se caractérise ainsi par le trio expansion, dilution, refroidissement. Il en résulte que plus l’on remonte dans le passé, plus le contenu de l’Univers était dense et chaud. C’est la base de ce que l’on appellera plus tard les modèles de Big Bang. Une fois établie l’expansion, la question est d’établir sa dynamique: se déroule-t-elle à taux constant, se ralentit-elle, accélère-t-elle ? Dure-t-elle depuis toujours ou depuis une durée finie ? Diverses variantes des modèles répondent différemment, et les cosmologues privilégient l’une ou l’autre. En 1931, Lemaître propose un scénario, capable de reconstituer l’histoire passé de l’Univers mais qui déroute la communauté. Il imagine que, dans un passé lointain mais fini (depuis une durée que l’on baptisera désormais âge de l’univers), l’univers s’est présenté dans un état tellement concentré et chaud, que l’on peut l’assimiler à une sorte de gigantesque atome unique, un « quantum » qu’il baptise « Atome Primitif ». Par la suite, celui-ci se serait progressivement scindé (désintégré) sous l’effet de l’expansiondilution, jusqu’à donner la diversité du monde actuel. La plupart des collègues de Lemaitre (en particulier Einstein) grimacent : l’idée ressemble trop au dogme chrétien de la création, au Fiat Lux des écritures saintes. Lemaître (qui avait été ordonné prêtre catholique) est soupçonné de concordisme, désir de vouloir faire coïncider récit scientifique et récit religieux. Il a pourtant toujours clairement séparé les deux domaines et sa cosmologie est construite de manière tout à fait scientifique. Pie XII, 1951 « ... il semble en vérité que la science d’aujourd’hui, remontant d’un trait des millions de siècles, ait réussi à se faire le témoin de ce "fiat lux ! » initial, de cet instant où surgit du néant, avec la matière, un océan de lumière et de radiations, tandis que les particules des éléments chimiques se séparaient et s’assemblaient en million de galaxies. » « ...Avec le concret qui est la caractéristique des preuves en physique, (la science) a confirmé la contingence de l’univers et aussi le bien-fondé des déductions sur l’instant où le cosmos est sorti des mains du créateur. Aussi, la création est apparue dans le temps. Donc il y a eu un Créateur ! Donc Dieu existe ! Bien qu’elle ne soit ni explicite ni complète, c’est la réponse que nous attendions de la Science et que la génération présente attendait d’elle ! » Georges Lemaître, 1958 : « Pour autant que je puisse juger, cette théorie reste en dehors du champ de la métaphysique ou de la religion. Elle laisse les matérialistes libres de dénier tout être transcendant. » Par ailleurs, la plupart des physiciens se désintéressent de la cosmologie, considérée comme trop abstraite, pure spéculation dépourvue de pertinence concrète et sans confirmations observationnelles possibles. Elle tombe dans l’oubli jusqu’à ce que l’intérêt soit ravivé dix ans plus tard… La physique nucléaire commence à se développer. George Gamow, physicien russe émigré aux Etats-Unis, se prend d’intérêt pour l’« univers chaud » de Lemaître : les densités et températures élevées des périodes primordiales constituent les conditions idéales pour des réactions nucléaires. Celles-ci auraient pu, soupçonne-t-il, fabriquer les éléments chimiques présents dans l’univers. Les calculs montrent finalement que quelques noyaux d’atomes légers seulement - deutérium, hélium, lithium - auraient été fabriqués par des réactions de nucléosynthèse primordiale, quelques minutes après le début de l’expansion, la température cosmique avoisinant le milliard de degrés. C’est peu mais cela constitue un premier succès car les observations montrent effectivement, pour ces éléments, les abondances universelles prédites par ces calculs, inexplicables autrement. Mais il faudra attendre les années 1960 pour une confirmation convaincante et indubitable. Gamow et ses collaborateurs avaient prédit l’existence d’un rayonnement diffus, très intense, baignant tout l’univers, reliquat des époques primordiales. C’est d’une manière fortuite qu’il fut découvert en 1965 par les deux radioastronomes américains Arno Penzias et Robert Wilson (prix Nobel de physique 1978). Sa présence, et ses propriétés établies par la suite, correspondent exactement aux prédictions des modèles, et aucune explication rivale n’a pu jusqu’à aujourd'hui en être proposée. Ce résultat entraîna l’adhésion définitive aux modèles, ironiquement rebaptisés « big bang » par le physicien Britannique Fred Hoyle en 1948. Depuis lors, ce rayonnement diffus cosmologique (notamment son spectre en longueurs d’onde, sa distribution sur le ciel, sa polarisation) a été observé par des méthodes très diverses, de plus en plus précises. Les modèles de Big Bang sont les seules à pouvoir expliquer ce rayonnement diffus cosmologique. Un des grands domaines de la cosmologie depuis 1960 est d’observer ce rayonnement cosmologique sous toutes ses formes. Ce rayonnement possède différentes caractéristiques : Homogène : son intensité est toujours la même (au millionième près), peu importe le lieu de l’observation sur Terre. Son spectre correspond à une loi de corps noir1 Les traces de la naissance des galaxies apparaissent dans ce rayonnement diffus cosmologique. Ces traces ont été observées par le satellite Cobe. Depuis les années 1960, les modèles de Big Bang se sont imposés et ont été parfaitement compris avec toutefois encore quelques inconnus. La cosmologie s’exerce donc aujourd’hui dans le cadre de ces modèles. 1 Un spectre de corps noir désigne un objet dont le spectre électromagnétique ne dépend que de sa température