Opérationséduction

Date : 14/10/2014
Opérationséduction
Baissedes taux d'intérêt, dispositifslégaux,ristournes...Lespromoteursveulent
à tout prix convaincreque le momentestpropicepour investirdans le neuf.
ParANNE-CLAIRE
GENTHIALON
Une
cuisine «équipée,
livrée et posée». Des
frais de notaires «of
ferts». Des remises de
1500euros pour lelancement d'un
programme à Pomponne (Seineet-Marne) chez BouyguesImmo
bilier. Oujusqu'à 10000 euros de
réduction chez Eiffage pour une
résidence située dans le centre de
Joinville (Val-de-Marne). Cet
automne, les gestes commerciaux
des promoteurs se multiplient. De
quoi appâter les acheteurs, primoaccédants et investisseurs, qui
manquent cruellement à l'appel
dans le neuf? «Vul'étatdu marché,
lespromoteurs sont obligésdéfaire
des efforts, reconnaît Thierry Tho
mas, du Conseil supérieur du no
tariat. Ilspeinent à vendrecertains
programmes, quand d'autres sont
tout simplement abandonnés. »
Fin mai, le nombre de mises en
chantier de logements neufs était
estimé à 312000, selon le minis
tère du Logement. C'est très loin
des 500 000 nécessaires pour
combler la pénurie, notamment
dans les grandes agglomérations.
Avecune construction en baisse et
des ventes qui plongent, la situa
tion n'est pas brillante. «Lepremiersemestre 2014s 'achèvesur un
reculde 2,3"A,desventeset de15,5"A,
desmisesen vente», relèvel'obser
vatoire de la Fédération des pro
moteurs immobiliers (FPI).
STABILITÉ.Est ce parce que le
marche est «enpanne sèche», «at
tentiste» voire carrément «sinis
tré» ? Requinqués par des annon
ces gouvernementales conformes
à leurs attentes, lesprofessionnels
de l'immobilier ne lésinent pas
pour faire passer leur message.
«Fenêtre de tir» , «vraies opportu
nités», «conditions optimales» : la
période serait propice à l'achat.
«Si l'on a envie d'acheter dans le
neuf, c'est le moment», assure
François Payelle, président de la
FPI. «La dynamiqueest bonne, tou
teslesconditionspour lesacheteurs
et les investisseurs sont réunies»,
renchérit Francis Mage, du site
Trouver un logement neuf.
Cela étant, même si lestaux d'in
térêts des crédits accordés aux
particuliers n'ont jamais été aussi
bas, à 2,657oen moyenne, lesprix
dans le neuf, eux, sont loin de
s'être écroulés. Dans leur ensem
ble, ils sont d'une «remarquable
stabilité», selonla FPI: 4700 euros
lemètre carré en Ile-de-France et
3600 en province. «Compte tenu
dufoncier rare et cher, des coûts de
constructionet de l'empilementdes
normes, nos prix sont incompres
sibles», insiste François Payelle.
Qui prédit qu'en plus, ils pour
raient bien monter. «Dans certains
endroits,nous constatonsdéjàde lé
gères hausses: ilfaut en profitertant
que lesprix sont encore stables. »
N'empêche, pour le moment, les
promoteurs proposent de vraies
ristournes. Ces «actions spécifi
ques» peuvent aller jusqu'à «3"A,
à 57od'avantages ponctuels selon
les programmes, explique Hervé
Manet, du pôlepromotion d'Icade.
Cen'est pas la braderie, mais pour
réussir nosprécommercialisations,
et en raison du taux d'écoulement
plus faible, nous accordons des ré
ductions pendant une période don née». Chez Nexity, on favoriseles
«pionniers», ceux qui achètent les
premiers, tandis que chez Eiffage,
on pratique une politique dite de
«prix sages» . «Les opérations que
nous avonslancéescette annéesont
au juste prix, assure ainsi Denis
Collot, directeur commercial et
marketing. En plus de renégocierle
prix du terrain, nous avons trans
formé de grands appartements en
studios ou en deux-pièces. »
Autre astuce : réduire le nombre de
parkings. Ou redimensionner
le programme. Dans sa résidence
Le Colisée à Toulouse, Hervé
Puybouffat, président de Tagerim,
a rogné «tout ce quin'étaitpas in
dispensable»pour afficherdes prix
moyen à 2 600 euros par mètre
carré, contre 3100 dans la ville
rose. «La résidenceest labelliséeRT
2012, mais nous n'appliquons pas
lesexigenceslocalescommeune toi
ture végétalisée ou des apparte
ments traversants. Aujourd'hui,
40 "/odelapopulation activeest in
solvableau regarddes prix du mar
ché. Si on ne ramène pas le prix du
logementaux revenusdes Français,
on ne vendra plus rien !»
DÉFISCALISATION.
En réalité, le
secteur ne mise pas tant sur la
clientèle qui cherche à se loger que
sur celle qui veut défiscaliser. Le
dispositif Pinel, qui remplace le
Duflot, est destiné à faire revenir
les investisseurs privés. «Ce sont
eux les vrais soutiens du marché
neuf, admet Francis Mage. Habi
tuellement,50 à 60 X des ventesse
font grâce à eux. Cesdernières an
nées, ce montant a chutéentre 30 X
et 40 X.» Revu par le gouverne
ment Valls, le Pinel permet aux
acheteurs d'un logement neuf de
le louer six, neuf ou douze ans en
déduisant de leur revenu impo
sable 127o, 187o ou 217, de son
prix. Une défiscalisation qui peut
s'appliquer pour loger ses enfants,
petits-enfants ou ascendants,
l'orientant clairement vers un pu
blic qui a déjà un patrimoine.
Les primo-accédants, eux, de
vront tabler sur le PTZ i , prêt à
taux zéro qui a été élargi et dont le
différé de remboursement est al
longé. «La baisse des taux d'inté
rêts et le PTZ entraînent des men
sualités
réduites pour les
acquéreurs», résume Denis Collot,
d'Eiffageimmobilier. «Lesvolumes
de crédit vont augmenter» , assure
Date : 14/10/2014
Nicolas Fecourt, du
Crédit Foncier.
Suffisant pour ache
ter? Pas pour tout
le monde. Si le loge
ment neuf offre une
garantie décennale et
de meilleures perfor
mances énergétiques, il reste cher.
«Seules les classes aisées peuvent
acheter pour se loger ou investir
dans le neuf, soutient Ulrich Maurel, d'Immoprêt. Les ouvriers et
employésainsi que lesfamillesmo
noparentalessontcomplètementex
clus de ce marché. Les aides de
l'Etat nepermettentpas de se lancer
dans un tel achat, car le budget
moyen dans le neuf est de
200000 euros.» -*-
«Sion ne ramène pas leprix
du logement aux revenus
des Français, on ne vendra
plus rien!»
Hervé Puybouffat
président de Tagerim
Un espace de
vente pour des
logements neufs
en construction
à Palaiseau, dans
l'Essonne. PHOTO
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