Promethé Orphée et le Pavé Mosaique

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Promethé Orphée et le Pavé Mosaique
PROMETHEE ORPHEE ET LE PAVE MOSAIQUE
Vous connaissez tous ce pavé mosaïque, cet ensemble de carrés blancs et noirs
qu’entourent les trois colonnes.
La littérature en donne souvent des exégèses relatives à ses origines, son
évolution ou sa correspondance avec nos prédécesseurs opératifs. Je retiendrai
ce soir un seul de ses aspects, les deux couleurs, ces deux couleurs bien
marquées, bien opposées qui me conduisent à Prométhée et Orphée.
Dans notre tradition le pavé mosaïque symbolise les contraires, tout comme nos
deux héros mythiques symbolisent deux attitudes face à tout ce qui nous
entoure.
Je vais donc pour débuter vous rappeler à grands traits les deux mythes.
Prométhée et frère Épiméthée, d’origine divine, sont chargés par les dieux de
l’Olympe de distribuer aux hommes et aux animaux les dons nécessaires à leur
survie. Pour la bonne compréhension du mythe il faut souligner que Prométhée
signifie le « prévoyant » et Épiméthée « qui voit après coup ».
Ce dernier répartit donc entre les animaux le courage, la force, l’agilité, la
rapidité et ainsi les moyens de se protéger et de se nourrir. Mais il se rend
compte qu’il ne reste plus rien à donner quand il convient de doter l’homme.
Alors intervient Prométhée qui décide de voler un rayon au char du soleil et de
le donner aux hommes afin qu’ils puissent développer outils et techniques pour
survivre.
Zeus mécontent de la transgression , décide tout d’abord d’infliger un terrible
supplice à Prométhée, en le faisant enchaîner en haut du Caucase, où un aigle
lui dévore le foie qui repousse sans cesse.
Zeus décide aussi de faire le malheur de l’humanité en permettant à Pandore
femme d’Épiméthée, d’ouvrir la jarre (et non la boite) contenant tous les maux
que nous connaissons . Mort, vieillesse, maladies, guerre, désespoir et tristesse
se répandent sur la terre.
Mais respirons un peu et passons à Orphée qui lui est un poète et un musicien.
Fils d’une muse et d'Apollon, il est un musicien sans égal chez les mortels.
Avec la lyre qui accompagne son chant il envoûte les êtres et les forces
naturelles.
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Il convole avec la jolie nymphe Eurydice qui meurt peu après le mariage à la
suite d’une morsure de vipère. Accablé de chagrin, Orphée décide de descendre
aux enfers et grâce à ses talents il en charme le maître, Hadès, qui accepte de lui
rendre Eurydice à la condition qu'il ne se retourne pas pour la regarder jusqu'au
retour sur terre.
Mais Orphée ne respecte pas l’injonction en se retournant trop tôt et Eurydice
disparaît. Inconsolable il dédaigne l’amour des femmes et n’arrête plus de jouer
de sa lyre. Il croise le chemin des Bacchantes, accompagnant Dionysos, qui le
tuent car il reste insensible à leur charme.
Pourquoi ai-je donc relié le pavé mosaïque à ces deux mythes, vous demandez
vous ?
Eh bien comme vous avez pu le noter le mythe prométhéen est caractérisé par la
prévoyance et l’imprévoyance, la séparation du monde entre dieu et mortels, la
suprématie des uns sur les autres , un climat de défiance où se mêlent ruse et
vengeance, un monde de conflits et de défis, entre les hommes et les animaux et
surtout entre les hommes et les dieux.
Nous voici donc avec notre pavé mosaïque, fait de contraire, en plein monde
prométhéen.
Le monde orphique est un monde de médiation. Le héros a pénétré aux enfers et
en est ressorti vivant. Il a franchi la barrière entre les deux mondes. Pas besoin
de ferrailler pour ce faire, son chant et sa lyre ont suffi. Il propose une vision du
monde où les conflits et la violence disparaissent, un monde ou existent des
outils de médiation et une volonté de médiation.
Nous sommes maintenant placés sur la ligne de séparation de deux cases de
notre pavé mosaïque en train de regarder les deux couleurs.
C’est ce qu’illustre Victor HUGO dans les contemplations:
« Orphée est courbé sur le monde ;
L'éblouissant est ébloui ;
La création est profonde
Et monstrueuse autour de lui… ».
Mais nos prédécesseurs en cette tradition nous ont enseigné à déposer le
tableau de loge sur le pavé mosaïque. Il comporte force symboles et outils qui
nous sont confiés. Ils nous sont confiés afin que nous apprenions à fuir le vice et
pratiquer la vertu. Vaste programme n’est-ce pas ?
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Et là vous pensez que votre lecteur a une vision orphique du monde. Mais tout
n’est pas si simple.
En effet Prométhée par sa désobéissance, par sa transgression a apporté le feu,
c’est à dire le progrès aux hommes. Il leur montre aussi que sa raison le conduit
à désobéir à l’ordre établi.
Et là vous pensez que votre lecteur a une vision prométhéenne du monde.
En réalité votre lecteur ne cesse de se déplacer d’une case à l’autre. Lorsqu’il
contribue à créer cette loge il s’engage dans un combat prométhéen avec son
ancienne obédience, et lorsqu’il rédige cette planche il est dans un processus
orphique avec ses frères.
Notre perception du monde est double : l’une faite de défi et de conflits, l’autre
faite d’harmonie désirée ou à construire.
Pour illustrer ce propos et compliquer un peu plus notre affaire je vous dirai que
la lecture de ces deux mythes peut être toute autre que celle que je vous en ai
faite.
Prométhée est associé à la démesure de l’homme poursuivant le progrès,
cherchant finalement à se substituer aux dieux et s’en trouvant puni.
De même certains interprètent le mythe d’Orphée comme une métaphore du
manque de force d’âme et qu’il en paye à juste titre les conséquences.
Que penser ?
Pour ma part je nous vois mes FF, installés sur la ligne qui sépare le blanc du
noir courbé, comme Orphée sur le monde symbolisé par les pavés noirs et
blancs ou blancs et noirs si vous préférez.
Je nous vois tout comme Orphée éblouissants puisque nous avons reçu la
lumière, mais éblouis par la création sur laquelle nous sommes penchés puisque
ces pavés ont vocation à s’étendre du zadir au nadir et de l’orient au septentrion;
Je nous vois mes FF penser que la création est profonde et mystérieuse et non
point monstrueuse comme le pensait l’Orphée d’Hugo.
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