Laurent Goldring - Espace Culture Lille 1
Transcription
Laurent Goldring - Espace Culture Lille 1
LNA#65 / au programme / exposition Laurent Goldring du 13 janvier au 28 février En coréalisation avec l’Espace Pasolini, laboratoire artistique / Valenciennes Conférence de Laurent Goldring suivie du vernissage de l’exposition lundi 13 janvier à 18h30 Espace Culture / Entrée libre C ette exposition comprend 8 boucles noir et blanc et couleur. Les premières datent des années 95 et les dernières sont récentes. Elles proposent des démonstrations de similitudes entre diverses parties du corps, entre le corps et le crâne et entre le corps nu et le corps habillé. Ces symétries et similitudes sont importantes parce que ce sont précisément celles-là que la tradition du nu a réussi à dénier. La représentation du corps (et plus précisément du nu) a régulièrement réagencé les différentes parties selon les hiérarchies de l’époque : la Rome antique ne différencie pas entre l’épaule et le coude ; le nu actuel a oublié que le genou existe ; le cou a disparu depuis le Romantisme et les organes génitaux sont en train de venir au premier plan. On peut Laurent Goldring, normalien, philosophe, plasticien et chorégraphe, travaille depuis 1995 sur le nu en questionnant la domination actuelle de l’image analogique (photo, cinéma, vidéo) par la mise en évidence de sa très grande pauvreté. Ce qui le conduit à démontrer que le corps n’a jusqu’ici que très peu été vu ou montré. Son travail se poursuit aujourd’hui autour du portrait, et du paysage – principalement urbain – avec les mêmes attendus et les mêmes effets. Ces images ont intéressé de nombreux chorégraphes aux questionnements similaires : elles ont permis l’émergence d’un nouveau corps dans le champ de la danse avec des spectacles devenus des références. 32 même dire, à rebours, qu’une époque se définit aussi par les hiérarchies de l’espace corporel qu’on trouve dans l’art. Il y a des invariants dans ces hiérarchies : ce sont les organes porteurs de significations qui organisent le reste du corps comme simple liant. La main et les doigts indiquent, parlent, pointent ; le bras est là pour les soutenir. Et l’ensemble bras/main se distingue le plus possible des jambes qui supportent le tout. L’homologie anatomique bras/jambes comme l’homologie fesse/épaule, tout comme la ressemblance du crâne et du cul, ne doivent pas se voir. Les constructions représentationnelles servent ainsi de modèle à l’hominisation des postures et des gestes. Cette hominisation est toujours différentielle ; il n’y a pas de geste neutre, le questionnaire de Mauss a mis en lumière que toute technique du corps indique une place d’abord dans l’éventail des cultures et, ensuite, dans le groupe. L’art est garant de la norme bien plus qu’il ne la questionne. L’accent mis aujourd’hui sur les genitalia est moins une transgression que l’illustration répétée de ce que Foucault avait pointé : la sexualité est un dispositif de pouvoir. L’interdit contemporain sur les nouvelles représentations qui s’exprime par cette idée que tout a déjà été fait et qu’il ne s’agit plus que de jouer avec les représentations préalables ; les pratiques d’importation des images des cultures populaires, publicitaires et virtuelles ; la mise en circulation du patrimoine mondial de la représentation en dehors des fonctions propres à chaque culture ; toutes ces tendances lourdes conduisent au même effet : l’art, contrairement à ce qu’il proclame, renonce une fois de plus à élaborer son au programme / exposition / LNA#65 propre territoire et ses propres logiques. Il renonce à questionner les logiques dominantes, au double sens de logiques majoritairement acceptées et de logiques de la domination. WORKSHOP avec Laurent Goldring Mardi 14 janvier de 14h à 17h Pour échapper à ce qu’il semble impossible d’éviter dans la représentation, il s’agit de rejouer le processus de construction d’une organisation corporelle par le rapport aux images de façon à montrer comment le corps « naturel ? », celui de tout un chacun, s’est lui-même construit dans des jeux de miroirs avec les images modèles. Pour construire mes images, il faut construire le corps qui est filmé ; cette construction se fait par des mots, des indications, mais des indications qui ne sont pas données directement au sujet du corps mais à l’image en train de se faire dans le moniteur. Et c’est dans les impossibilités et les décalages que la déconstruction du corps peut s’accomplir et que le sujet peut se récupérer dans une nouvelle organisation, d’abord à l’aveugle, puis de plus en plus consciente. À l’Espace Pasolini 2 rue Salle Le Comte - Valenciennes Gratuit sur inscription au 03 27 32 23 00 ou [email protected] Ces images ont été faites avec des artistes dont le trajet pouvait croiser mes interrogations : Anne Laurent, Chiara Gallerani, Xavier Le Roy, Andrea Stotter, Franco Senica, Nuno Bizarro, Isabelle Schad, Heide Kinzelhofer. Certains d’entre eux ont utilisé ces corps pour des spectacles et des performances démontrant ainsi que les images ne peuvent se comprendre que si on les considère comme des organes, avant de les analyser comme des représentations. Laurent Goldring Bonnes nouvelles L’image n’est pas une représentation, elle est d’abord un organe et une fonction biologique. Ce n’est que lorsque l’image devient prothèse technique qu’elle peut se définir comme représentation. Depuis que le corps ne se conçoit plus sans ses multiples prothèses, l’image prend le contrôle et réorganise le rapport de soi à soi. Une nouvelle définition de la personnalité juridique ne pose plus le sujet en propriétaire de son image, mais en auteur de son image. Première bonne nouvelle, tout sujet est un artiste. Symétriquement, dans un monde entièrement technique, la technique prétend à l’esthétique avec comme résultat des images de moins en moins nombreuses, des corps de plus en plus semblables et la mode en argumentaire d’une révolution industrielle qui, deux cents ans après avoir vidé le travail manuel de toute créativité, est en train d’inventer le travail intellectuel sans pensée. Seconde bonne nouvelle, plus besoin d’être un sujet pour être artiste. 33