La Course du Cœur, Entretien avec Olivier Coustère, directeur de la
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La Course du Cœur, Entretien avec Olivier Coustère, directeur de la
événement cets11-4a7 26/04/07 12:46 Page 4 La Course du Cœur, “4 jours, 4 nuits, pour faire courir la vie” Entretien avec Olivier Coustère, directeur de la course La 21e édition de la Course du Cœur est partie du Trocadéro, à Paris, le 28 mars dernier et s’est s’achevée à Courchevel le 1er avril. Cette performance sportive, à laquelle ont participé une vingtaine d’équipes, dont une de coureurs greffés, vise à promouvoir la nécessité du don d’organes et le bénéfice de la pratique d’une activité physique et sportive pour les transplantés et dialysés. Cardio & Sport a voulu donner la parole au directeur de cet événement généreux. Propos recueillis par le Dr Jean-Claude Verdier (Institut Cœur Effort Santé, Paris) 1. La réhabilitation des greffés et dialysés par l’activité physique et sportive. Dr Jean-Claude Verdier : Olivier Coustère, pourriez-vous présenter “Trans-Forme” et vous-même, le Directeur de cette association ? Olivier Coustère : Trans-Forme a été créée en 1989, avec 3 objectifs. Cardio&Sport • n°11 L’originalité de ce projet était l’idée d’incorporer les dialysés dans une démarche de retour à une qualité de vie. En effet, les dialysés sont des futurs, voire des ex-greffés : c’est l’histoire continue de l’insuffisance rénale. L’originalité consistait aussi à amener l’activité physique à la transplantation : à l’époque, on parlait de transplantation en terme de survie et l’on m’a tantôt traité de suicidaire, tantôt de héros. Enfin, l’originalité a été de proposer une activité physique et sportive à tous les greffés (tout organe), car il n’y avait pas d’association en France qui les représentait et personne avant n’avait considéré l’activité physique assez cruciale pour justifier la création d’une fédération de santé sur ce thème. Je suis très content que l’on ait créé Trans-Forme à cette époque, cela nous a laissé tout 4 le temps nécessaire pour approfondir vraiment ce sujet énorme. 2. La sensibilisation du public à la greffe et au don d’organes. A la création de notre association, nous nous sommes rendus compte que l’image innovante de dialysés et de greffés pratiquant du sport plaisait aux médias. Nous avons donc rapidement décidé d’exploiter ce phénomène pour sensibiliser le public à la réussite de la greffe. On ne parlait pas encore directement de promotion du don d’organes, mais de sensibilisation à la réussite de la greffe et de son corollaire, la promotion du don. A l’époque, l’appel au don était mené par les médecins et non pas par les patients. Cette démarche a posé problème au moment de l’affaire du sang contaminé : on pensait que l’on donnait les organes aux médecins et comme ils Page 5 Les enfants participent massivement à l’opération “10 000 cœurs pour l’hôpital”. ont été diabolisés, le don d’organes a chuté. Immédiatement, nous nous sommes donc positionnés en tant que receveurs de ces organes, c’est-à-dire parmi les meilleurs ambassadeurs de l’utilité du don, derrière, tout de même, les donneurs et leur famille eux-mêmes. 3. L’accompagnement et le soutien des médecins dans notre démarche. Certains médecins, comme vousmême, Jean-Claude Verdier, nous ont accompagnés dès la création de TransForme : les greffés exprimaient le désir de se prendre en main et ils ont choisi de les y aider. Parmi ceux-là, je me souviens très bien de Christian d’Anzac, néphrologue, qui avait déclaré : « de toutes façons, vous allez faire des conneries, alors je préfère vous accompagner plutôt que de vous laisser faire seuls. » Le 3 e objectif a donc été d’inventer la médecine du sportif transplanté et du dialysé, ce qui n’existait pas à l’époque. JCV : Combien d’adhérents y a-t-il à Trans-Forme ? OC : Il y a environ 1 000 adhérents aujourd’hui. Je ne connais pas le nombre de greffés cardiaques, mais maintenant, certains siègent au conseil d’administration. A l’époque et pendant 15 ans, les greffés du cœur ne se sont pas mobilisés à TransForme : on les retrouvait plutôt dans d’autres associations. Aujourd’hui, sur 150 participants aux Jeux Nationaux, nous comptons une trentaine de greffés du cœur. Avec la mucoviscidose, les greffés cœur-poumons nous rejoignent. Je vois, dans ce phénomène, les bienfaits de toutes les campagnes de lutte contre la mucoviscidose et, en même temps, les bienfaits de l’activité physique que ces greffés commencent à pratiquer, même si c’est de manière très particulière chez eux. JCV : Tous les médias entendent parler de la Course du Cœur, mais ne savent pas forcément de quoi il s’agit… Alors finalement, pouvezvous nous dire ce qu’est cet événement ? OC : La Course du Cœur existe depuis 1986 et nous venons de clore cette année sa 21e édition. C’était ParisLa Plagne pendant 16 ans, ParisCourchevel ensuite. Cette opération vise à rassembler des équipes d’entreprises (Renaud, Dassault, Roche, Gaz de France, SAP…), autour d’une équipe de greffés tout organe - même si historiquement, il s’agissait de greffés du cœur - pour courir pendant 4 jours et 4 nuits (à peu près 750 km), avec, au-delà de l’événement sportif, une seule mission : promouvoir le don d’organes à travers les départements traversés. C’est donc le prétexte, pour Trans-Forme, d’aller à la rencontre du public pour informer, sensibiliser et mobiliser (distribution de documents d’information et de cartes de donneurs, stands, affiches). En parallèle de la 5 course, Trans-Forme organise l’opération “10 000 cœurs pour l’hôpital” vers les enfants. Cette action consiste à solliciter toutes les écoles des communes traversées pour que les enfants fabriquent des cœurs en papier. Ce travail manuel est l’occasion de leur expliquer ce qu’est la transplantation et de les sensibiliser dès le plus jeune âge à la générosité et à la solidarité. Ces cœurs sont ensuite collectés et envoyés aux praticiens des unités de greffe en France avec le message : « donnez ces cœurs des enfants à vos patients, en guise d’encouragement avant la greffe ». La Course du Cœur mobilise à peu près 340 personnes, en comptant toute l’organisation logistique autour des coureurs, et rassemble 14 équipes, nombre record atteint cette année. L’événement échouerait dans sa mission s’il se contentait d’être sportif. Toutes les équipes engagées représentent le fer de lance des entreprises: elles ont mené en leur sein même des actions de sensibilisation et les coureurs sont devenus des complices de distribution de l’information. D’ailleurs, depuis 4-5 ans, nos interlocuteurs ne sont plus les mêmes : alors qu’il s’agissait de sportifs et des comités d’entreprise à nos débuts, ce sont maintenant les directions générales qui s’investissent. JCV : Quelles sont les caractéristiques du coureur de la Course du Cœur ? OC : Entraîné : la Course du Cœur ne s’improvise pas. On demande, comme prérequis, qu’ils soient capables de courir à 12 km/h, chaque coureur parcourant l’équivalent d’un semi-marathon par 24 heures. L’effort de la Course du Cœur est très atypique : les problèmes qui lui sont corrélés ne sont pas ceux d’un marathon ou d’un semi-marathon classique. Il y a une répétition de l’effort quotidien, à des heures totalement variables (jour ou nuit), sous les conditions climatiques variables. Cardio&Sport • n°11 événement 12:46 Trans-forme 26/04/07 Trans-forme cets11-4a7 événement cets11-4a7 26/04/07 12:46 Page 6 JCV : Quels sont les accidents que vous avez rencontrés et parmi ceux-ci, y at-il eu des problèmes cardiaques ? OC : Les coureurs sont assez euphoriques et ne se ménagent pas. Même s’ils sont entraînés, ce sont des amateurs : ils ne savent pas forcément gérer un effort répétitif sur 4 jours et 4 nuits et peuvent donc rencontrer des ennuis gastriques sérieux et des hypothermies. Par contre, nous n’avons pas rencontré de problèmes cardiaques. D’abord parce qu’il y a une équipe médicale vigilante autour de la course et, surtout, parce que les coureurs présentent un dossier médical avant la course, qui exige un certain nombre de précautions et de tests. Parmi ceux-ci, on oblige les coureurs de plus de 40 ans, y compris ceux détenteurs d’une licence de la fédération française d’athlétisme, à passer un test d’effort. Ce test est ensuite agréé par l’équipe médicale encadrant la sécurité de la course. Ils reçoivent aussi un courrier de prévention, spécifiant les efforts très particuliers qu’exige la course. Nous n’oublions pas qu’ils restent des amateurs. Trans-forme JCV : Est-ce que vous avez pu profiter de cette course très particulière pour faire quelques travaux scientifiques, améliorer l’approche de ce type d’activité auprès des populations à risque ? OC : Effectivement, nous avons déjà réalisé quelques prises de mesure sur l’équipe de greffés pendant la course, L’équipe des greffés 2006. Cardio&Sport • n°11 qui ont donné lieu à des publications. Et nous sommes demandeurs de projets d’étude sur des thèmes particuliers, qui nécessiteraient d’être approfondis. Par exemple, il serait très intéressant de comparer les mesures des greffés avec celles des coureurs “normaux”pendant la course… JCV : Vous avez parlé des résultats déjà réalisés sur les transplantés, cœur notamment. Vous parlez d’études potentielles sur les coureurs pour ce type d’effort répétitif, qui ne peuvent être faites sur les grandes classiques comme le marathon des sables. Disposez-vous d’une équipe médicale qui pourrait gérer ces études ? OC : Oui, nous disposons d’une équipe médicale au “cœur” de la course, qui assure une présence jour et nuit. Cette équipe comporte 8 médecins, 4 véhicules avec, à leur bord, 1 anesthésiste réanimateur chacun, 1 ambulance et 2 ambulanciers, plus 25 kinésithérapeutes. La répétition des efforts est fondamentale à traiter. A chaque fois que les greffés font une étape (en général, ils ne font pas les étapes de nuit), un des véhicules est plus particulièrement affecté aux greffés. Nous n’avons jamais rencontré d’incidents et c’est rassurant pour tout le monde. Les médecins présents sur la course sont tout à fait à même de mener ces études : ce sont des cardiologues et médecins du sport, qui disposent d’un plateau technique permettant de faire les mesures. Mais nous apprécierions de recevoir des renforts sur des sujets bien précis qui l’exigent. Par exemple, certains greffés sont porteurs de fistules artério-veineuses et nous aurions besoin d’études pour juger d’une éventuelle incidence de ce type d’effort. JCV : Quels sont les messages de Trans-Forme sur le plan cardiovasculaire ? OC : Cet après-midi, je vais interve- 6 nir auprès de visiteurs médicaux afin qu’ils puissent démarcher les chefs de service des unités de greffe et les convaincre des bienfaits de l’activité physique à l’hôpital. Nous souhaiterions que se mettent en place des protocoles de réadaptation à l’effort, prescrits par les praticiens de transplantation eux-mêmes, qui dirigeraient les patients vers des structures capables de les mettre en place. Nous aimerions faire entendre que la pratique d’une activité physique n’est pas une option pour un greffé : c’est une thérapie auxiliaire, qui maximise les chances de succès de la greffe. Le corps a été meurtri par la maladie. Il est important que les greffés reconquièrent leur corps, ainsi qu’une certaine qualité de vie, à tous les niveaux : “bien dans son corps, bien dans sa tête”. De plus, le sport facilite les liens sociaux et permet donc une meilleure réintégration. Il permet aux greffés de se réadapter à l’effort et de sortir de la spirale de déconditionnement du dialysétransplanté et de la période d’attente. Enfin, la pratique d’une activité physique permet de protéger le système cardiovasculaire, mais aussi rénal (avec la dialyse, des dépôts phosphocalciques rigidifient les artères et peuvent entraîner des infarctus), et de prévenir les problèmes ostéo-articulaires, respiratoires, neurologiques et musculotendineux. J’ajouterais également que chaque année, au moment des Jeux Nationaux, Trans-Forme organise une session médico-sportive d’environ une heure. Tous les médecins qui souhaiteraient communiquer auprès des greffés sont les bienvenus. Des sujets tels que « Qu’apporte le V’O2max aux sportifs ? », « Quel bilan CV pour quel sportif ? » devraient intéresser les greffés, bien souvent très demandeurs d’informations médicales sur le sport les concernant. 26/04/07 12:46 Page 7 JCV : Vous-même, quelle activité sportive pratiquez-vous ? OC : Je dois m’y remettre, mais je pratique le badminton. J’ai été en compétition et je suis classé. Mais je dois me cacher : pour pratiquer en compétition, il faut solliciter une licence à un club. Or, étant moi-même greffé, si je commence à décliner mon CV médical, je ne l’obtiendrais sans doute jamais. Je ne suis donc pas très sécurisé en pratiquant et si je fais un tournoi, l’organisateur de ce tournoi et mon club ne sont pas complètement sûrs d’être assurés. Sans compter que je prends des médicaments interdits car dopants... C’est toute l’ambiguïté : nous disons, à Trans-Forme, qu’il faut faire du sport normalement, pour retrouver une qualité de vie normale. Mais même si la société nous assure que nous sommes redevenus normaux grâce à la greffe, dans la réalité, nous ne retrouvons pas de travail, n’obtiennent pas de crédit bancaire et ne peuvent pas pratiquer du sport normalement. Il y a du chemin à faire... JCV : Faisant partie de l’association française de lutte contre le dopage, je sais qu’il existe maintenant des demandes de dérogation avec les AUT (Autorisation à Usage Thérapeutique), auxquelles les médecins répondent de plus en plus favorablement quand il s’agit d’une transplantation. C’est en train de se normaliser… OC : Voilà maintenant 17 ans que l’on réclame, auprès des ministères successifs, un véritable statut physique et sportif du greffé. Le paraolympique et l’olympique ont leur statut. Entre les deux, c’est le vide juridique total. L’AUT, pourvu qu’elle intègre l’interdisciplinarité, devrait représenter un outil utile. Mais actuellement, il s’agit d’un dossier annuel, pour une demande annuelle, pour une seule discipline. Il faudrait un renouvellement automatique, ce qui est le cas je crois pour les maladies chroniques, et un même dossier pour plusieurs sports : les greffés, contrairement aux sportifs non greffés, très spécialisés, pratiquent plusieurs sports. ❚ Avec la collaboration de Marjorie Andrès La course du cœur, c’est... 750 km de course à pied en relais non stop, en quatre jours et quatre nuits, entre Paris et Courchevel Entre 12 et 15 équipes de 14 coureurs dont 1 équipe de personnes transplantées (cœur, foie, rein, moelle osseuse) ● Plus de 200 communes traversées par une caravane de 95 véhicules Des épreuves de 10 à 80 km et des épreuves spéciales : bike and run, relais volants… ● ● Une équipe médicale spécialisée de 8 médecins et de 25 kinésithérapeutes (bénévoles), dotée du matériel médical approprié ● Un escadron moto de la Garde Républicaine et des commissaires pour la sécurité de l’épreuve ● Plus de 120 bénévoles au service des coureurs ● Des animateurs et des musiciens pour supporter les coureurs Plus de 3 000 repas servis en auberge, restaurants ou paniers-repas, de jour comme de nuit, aux arrivées d’étapes ● Une équipe de communication qui assure la promotion et la sensibilisation au don d’organes tout au long du parcours Une opération spécifique de sensibilisation au don d’organes pour les enfants : “10 000 cœurs pour l’hôpital” tout le long du parcours de la course 7 Cardio&Sport • n°11 événement cets11-4a7