SNOW-CAKE

Transcription

SNOW-CAKE
01/02/07
P. 11
Entracte
Dans la tête d’une autiste
CINÉMA
SNOW CAKE
de Marc Evans
Avec Sigourney Weaver,
Alan Rickman
Tous droits réservés − Les Echos − 2007
« SNOW CAKE », c’est d’abord
une bande-son superbe, signée
« Broken Social », un groupe de
rock canadien, pour entrer de
plain-pied dans l’univers des autistes, incarnés par une Sigourney
Weaver sublime. « Snow Cake »
est un huis clos de deux êtres
étrangers l’un à l’autre.
Alex Hughes a la cinquantaine,
un faux air du philosophe Louis
Althusser et un accent britannique
marqué. Les habitants de Wawa,
un village de l’Ontario hibernant
sous laneige,ne manquent pas une
occasion de lui faire remarquer,
mi-admiratifs, mi-goguenards. On
ne sait pas bien pourquoi Alex est
dans la campagne canadienne. Les
aléas de la vie, sans doute. Il n’est
pas du genre à s’épancher. Mutique, sinistre, il semble promener
avec lui une blessure mystérieuse.
Mais ce solitaire finit par céder,
mi-curieux, mi-séduit, au babil insistant de Vivienne (Emily Hampshire), une jeune auto-stoppeuse
pétant de vie.
Quelques kilomètres plus loin,
c’est le drame : sa voiture est percutée de plein fouet par un de ces
DR
Un film délicat avec pour personnage central une femme autiste,
interprétée par une actrice
époustouflante, Sigourney Weaver.
« Snow Cake » doit beaucoup à la prouesse dramatique de Sigourney Weaver.
immenses poids lourds sillonnant
le continent nord-américain. La
jeune fille meurt sur le coup.
Rongé par la culpabilité, Alex
Hughes sefait un devoir d’aller à la
rencontre de la mère de la victime.
Il découvre une femme au comportement étrange, une « folle »,
dirait-on, qui semble n’en avoir
rien à faire. Il s’agit d’autre chose.
Linda (Sigourney Weaver) est ailleurs, dans son monde : elle est
autiste.
Sigourney Weaver est époustouflante dans ce rôle à hauts
risques. Elle campe une femme
tour à tour minée par une souf-
france insondable, obsédée par la
saleté,effrayée àl’idée du moindre
contact physique, souriant sur une
musique, se roulant dans la neige,
adorant les faux gâteaux en glace
(d’où le titre), inventant ses
propres règles au Scrabble, dénonçant les normes sociales avec une
rationalité imparable.
Le ton juste
LeGallois MarcEvans,réalisateur
de télévision avant tout, a trouvé le
ton juste. Il a évité la compassion
qui donne bonne conscience à peu
de frais. L’empathie du spectateur
pour Linda ne cesse de grandir au
fur et à mesure de ce long-métrage
délicat. Le scénario d’Angela Pell,
mèred’un enfant autiste, yest pour
quelque chose. La prouesse dramatique de Sigourney Weaver
aussi.
L’actriceafréquentédes établissements spécialisés, des autistes,
en particulier Ros, une jeune Anglaise, qui fut en quelque sorte son
conseiller technique. D’elle, Sigourney Weaver a notamment appris que les autistes ne regardaient
pas les interlocuteurs. Dans le film,
jamais les regards deLinda et Alex
ne se croisent.
EMMANUEL HECHT

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