Cinq méditations sur la beauté

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Cinq méditations sur la beauté
Acceptons de nous pencher une bonne fois sur la
rose. Commençons par nous rappeler ce distique
d’Angelus Silesius, un poète du XVIIe siècle originaire
de Silésie, qu’on affilie aux mystiques rhéno-flamands,
tels que Maître Eckhart ou Jacopo Boehme :
La rose est sans pourquoi, fleurit parce qu’elle fleurit ;
Sans souci d’elle-même, ni désir d’être vue.
Vers connus, admirables, devant lesquels on ne peut
que s’incliner. En effet, la rose est sans pourquoi, comme
tous les vivants, comme nous tous. Si toutefois un naïf
observateur voulait ajouter quelque chose, il pourrait dire
ceci : être pleinement une rose, en son unicité, et nullement une autre chose, cela constitue une suffisante raison
d’être. Cela exige de la rose qu’elle mette en branle toute
l’énergie vitale dont elle est chargée. Dès l’instant où sa
tige émerge du sol, celle-ci pousse dans un sens, comme
mue par une inébranlable volonté. À travers elle se fixe
une ligne de force qui se cristallise en un bouton. À partir
de ce bouton, les feuilles puis les pétales vont bientôt se
former et s’éployer, épousant telle courbure, telle sinuosité, optant pour telle teinte, tel arôme. Désormais, rien ne
pourra plus l’empêcher d’accéder à sa signature, à son
désir de s’accomplir, se nourrissant de la substance venue
du sol, mais aussi du vent, de la rosée, des rayons du soleil. Tout cela en vue de la plénitude de son être, une plénitude posée dès son germe, dès un très lointain
commencement, de toute éternité, pourrait-on dire.
© ISBN 978-2-253-13326-1

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