Archéologie et idéologie à Jérusalem

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Archéologie et idéologie à Jérusalem
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Esprit 410 (Décembre 2014)
pages 76-90
Archéologie et idéologie à Jérusalem
Marius Schattner*
B
« IENVENUE à l’endroit où tout a commencé. » Le message adressé
aux visiteurs de la Cité de David, au pied de la muraille de la vieille
ville de Jérusalem, leur offre ni plus ni moins de « voir de leurs
propres yeux les personnages et lieux de la Bible ».
En fait de héros bibliques, ils sont conviés à voir des tunnels de
drainage, des conduites d’eau souterraines, des amas de pierres, des
fragments de murailles et autres vestiges antiques dont la datation
fait l’objet depuis cent cinquante ans d’âpres controverses entre
archéologues.
Du roi David, en revanche, nul signe dans la Cité qui porte son
nom, Ir David (en hébreu), qu’il avait choisie pour capitale selon la
Bible. S’il apparaît, c’est sur un film en 3D qui se focalise sur la
période biblique et ignore le passé romain, byzantin, arabe, croisé,
mamelouk, ottoman. Le tout résumé dans la formule lapidaire :
« Jérusalem est passée en deux mille ans de main en main. »
Nulle référence non plus au roi David dans les inscriptions sur
pierre, sur les fragments de poterie ou encore sur les sceaux, en
caractères paléo-hébreux, déterrés par les archéologues sur place.
S’il est mentionné, c’est uniquement dans des versets bibliques
gravés au long du parcours, reliant les découvertes archéologiques
à l’Ancien Testament puisqu’on est censé se trouver au « seul
endroit sur terre où le seul guide touristique nécessaire est la Bible
elle-même1 ».
* Journaliste, coauteur avec Frédérique Schillo de La guerre du Kippour n’aura pas lieu.
Comment Israël s’est fait surprendre, Paris, André Versaille éditeur, 2013.
1. http://www.cityofdavid.org.il/fr/node/1431
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Il est vrai que la seule trace archéologique de David à ce jour,
du moins reconnue par une majorité de chercheurs, est la stèle de
Tel Dan. Découverte il y a vingt ans, loin de Jérusalem, tout au nord
d’Israël, elle porte une inscription en araméen attribuée à un roi en
Syrie se vantant d’avoir vaincu un roi de la « Maison de David ».
Comme la Bible raconte que David jouait si bien de la lyre qu’il
calmait par sa musique les tourments du roi Saul (Samuel 1,16-16),
une lyre en bronze a été placée à l’entrée de la Cité de David et lui
sert de sigle. Et ce sont les notes apaisantes d’une harpe qui
accueillent le visiteur, une fois franchi le portique blindé, surmonté
de caméras de surveillance, gardé nuit et jour par des vigiles, à
l’entrée du site classé parc national par Israël.
Le site lui-même se trouve dans le quartier palestinien de
Silwan, qui fait partie de Jérusalem-est, annexée suite à la guerre
des Six Jours de juin 1967. Depuis ces dernières années, il a été le
théâtre d’incidents violents, dont l’un s’est soldé en septembre 2010
par la mort d’un Palestinien, après que des Israéliens s’y sont
implantés sous haute protection policière dans le but « de redonner
vie à la Cité de David ».
Cela n’empêche pas les visiteurs – enfants des écoles, militaires,
touristes – d’affluer en nombre grandissant, au point qu’avec un
demi-million d’entrées par an, la Cité de David est classé par Israël
comme deuxième site touristique, juste après celui de Massada2.
Étrange sérénité quand on tient compte du fait que la Cité de
David se trouve juste au sud de l’esplanade des Mosquées, le mont
du Temple, haut lieu de tensions religieuses et nationales, opposant
juifs et musulmans, Israéliens et Palestiniens… C’est dire qu’on ne
se trouve pas exactement en terrain neutre.
Ici comme ailleurs, l’archéologie est bien utile pour exalter un
passé national et lointain, dont forcément l’Autre est exclu. Ce lieu
de mémoire aménagé comporte une dimension religieuse propre à
une ville sainte aux trois religions monothéistes. Les rêves des uns
peuvent être le cauchemar des autres quand une minorité – mais très
agissante – au sein de la population juive fantasme à propos de la
reconstruction du Temple biblique sur l’esplanade des Mosquées,
le Noble Sanctuaire.
Avec une telle proximité, quand le mythe se mêle à un tel point
à l’histoire, comment s’étonner des passions que suscitent les
2. La forteresse hérodienne surplombant la mer Morte, site d’un célèbre siège par les
Romains, en l’an 73 de notre ère. Elle accueille environ 750 000 visiteurs par an.
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fouilles archéologiques ? Les chercheurs censés obéir aux seuls
impératifs d’une discipline scientifique sont-ils eux-mêmes libres
de tout a priori ? Peuvent-ils dégager leur responsabilité de l’instrumentalisation faite par d’autres de leurs travaux ?
Ces questions ne sont pas nouvelles : cela fait cent cinquante ans
que le rationnel et l’imaginaire s’imbriquent dans cette saga sans fin.
D’une certaine façon, elles ont accompagné les premières fouilles
en Terre sainte au XIXe siècle.
Depuis, dix-sept campagnes de fouilles se sont succédé dans un
véritable acharnement archéologique, sur un espace pourtant très
réduit de seulement six hectares, qui en ont fait le site archéologique
le plus fouillé en Terre sainte, voire peut-être le plus fouillé au
monde. Leur principal résultat, pas très spectaculaire, mais capital
d’un point de vue historique, aura été de localiser sur cette colline
au-dessus de la source du Gihon le site original de la Jérusalem
cananéenne d’il y a près de quatre millénaires.
À la recherche de l’Arche perdue
Que des archéologues aient été guidés par la passion religieuse
ou nationaliste, par la soif de la découverte ou le désir de gloire, par
des motifs extravagants et parfois peu avouables, ils auront contribué
à leur façon à éclairer le passé de la ville.
Au départ, les fouilles effectuées en Palestine étaient non seulement inspirées par la Bible mais censées faire la démonstration sur
le terrain de sa vérité historique. Cela semblait d’autant plus
possible que venaient d’être découverts dans les années 1840 des
vestiges de l’ancienne Assyrie dont les récits de conquêtes hantent
la Bible.
Cela était devenu d’autant plus nécessaire dans une époque où
les avancées de la science semblaient menacer les fondements de
la foi. La découverte de l’homme du Neandertal en Europe et la
publication de la théorie de Darwin au milieu du siècle remettaient
en effet en question le récit biblique d’une création remontant à
moins de six mille ans3. L’archéologie en Terre sainte contribuerait
à renforcer les fondements de la foi, dans une vision d’une religion
rationnelle propre au monde protestant.
3. Voir Estelle Villeneuve, « Depuis quand les archéologues font-ils la loi ? », Le Monde
de la Bible, 2012, no 200, p. 9-12.
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On ne s’étonnera pas que le premier à fouiller à Jérusalem fût
un jeune officier britannique, le lieutenant du génie, Charles Warren,
envoyé en 1867 par le Palestine Exploration Fund. Présidée par
l’archevêque de York, placée sous le haut patronage de la reine
Victoria, cette association s’était fixé pour objectif de réaliser une
étude la plus systématique possible de la Terre sainte en vue d’une
« illustration de la Bible4 ».
Warren avait pour instruction de creuser sous l’esplanade des
Mosquées, site du temple détruit en l’an 70 par Rome, mais se
heurta à l’opposition catégorique des autorités ottomanes. Déjà
inquiètes de l’intervention croissante des grandes puissances dans
leur empire, elles voyaient d’un mauvais œil la présence de militaires dans une expédition censée entre autres dresser des cartes
précises de la région. Espions ou non, il n’était pas question de leur
permettre de fouiller ce lieu sacré pour les musulmans. Warren dut
se rabattre sur d’autres sites, non sans se heurter à de nouvelles
tracasseries, se plaignant à son retour à Londres de ce que « presque
toutes les ruines à Jérusalem revêtent pour les musulmans un
caractère sacré » et en deviennent intouchables5.
Warren tenta d’explorer les fondations du mont du Temple via
des tunnels secrets et des puits creusés près des murs qui
l’entourent. Il employa par la suite ces mêmes méthodes à hauts
risques pour prospecter la colline voisine, l’Ophel, qui comprend la
Cité de David. Les fouilles mirent au jour les premières pièces
archéologiques trouvées à Jérusalem : des tessons de poteries datés
du roi Ézechias (VIIe siècle avant J.-C.), des jarres et des lampes à
huile d’époque mamelouke. Surtout Warren découvrit l’ancien
réseau hydraulique de Jérusalem et le tunnel de Siloé, qui court sur
cinq cent trente-trois mètres de la source du Gihon à la piscine de
Siloé, mentionnée dans le Nouveau Testament comme le lieu où
Jésus a accompli un miracle en guérissant un aveugle (Jean 9,7). Il
découvrit aussi un puits, qu’il crut reconnaître comme le passage
emprunté par les soldats du roi David pour s’emparer par surprise
de la Jérusalem cananéenne, selon la Bible (Samuel 2,5,6-8).
Il n’était pas question pour les Allemands de demeurer en reste.
Ils fondèrent en 1877 une société d’exploration (Deutscher
Palästina-Verein). Ses travaux permirent de décrypter l’inscription
du Siloé, découverte quelques années plus tôt dans le tunnel du
4. Kathleen M. Kenyon, Digging Up Jerusalem, Londres, Ernest Benn Ltd, 1974, p. 2.
5. Charles Warren, Underground Jerusalem, Londres, Bentley & Sons, 1876, p. 11.
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même nom par un missionnaire allemand. Gravée sur pierre, la stèle,
aujourd’hui au musée d’Istanbul, relate son creusement à partir de
ses deux extrémités. Elle est en règle générale datée au règne du roi
Ézéchias, la Bible relatant qu’il avait fait « construire la piscine et
le canal pour amener l’eau dans la ville » avant le siège de Jérusalem
par les Assyriens (2 Rois 20:20).
Une troisième expédition, menée dans des conditions les plus
rocambolesques, devait identifier une fois pour toutes le site comme
la Cité de David, la Jérusalem originelle de l’âge de bronze qui allait
s’étendre vers le nord après le Xe siècle avant J.-C. (âge de fer I et II)
et dont les limites exactes font jusqu’à ce jour l’objet de débats.
À vrai dire, c’est à tout autre chose que s’intéressait le chef de
l’expédition, « l’honorable Montague Parker », aristocrate anglais et
escroc patenté. Un hurluberlu finlandais, le docteur Valter Juvelius,
lui avait certifié connaître l’emplacement de l’Arche d’alliance
renfermant les Tables de la Loi reçues par Moïse sur le mont Sinaï.
Selon lui, l’Arche avait été cachée sur le mont du Temple pour ne
pas tomber entre les mains des armées de Nabuchodonosor, lors de
la prise de Jérusalem et de la destruction du premier Temple en 586
avant J.-C. Féru de spiritisme, Juvelius prétendait avoir éventé le
mystère en décryptant un message codé du livre d’Ézéchiel.
Il ne restait plus qu’à recueillir les fonds nécessaires, se rendre
à Jérusalem, distribuer les bakchichs pour que les autorités ferment
les yeux, et au moment propice, ouvrir un passage souterrain, sous
l’esplanade des Mosquées pour découvrir le plus fabuleux trésor de
l’humanité.
Las, l’aventure tourna au désastre. En 1911, Parker et ses
complices furent découverts par un vigile du Noble Sanctuaire au
moment où ils allaient creuser à coups de pioche sous la mosquée
du Dôme du Rocher. Musulmans et juifs s’indignèrent de ce
sacrilège, les premiers déclenchant de véritables émeutes antibritanniques. Parker et ses compagnons ne durent leur salut qu’à
une fuite précipitée vers le port de Jaffa où un yacht les attendait.
Si, malgré ce fiasco, l’expédition a néanmoins contribué à la
connaissance historique, c’est qu’un savant authentique s’y était
joint, le père dominicain Louis-Hugues Vincent, de l’École biblique
de Jérusalem tout juste créée. Pendant que ses compagnons étaient
occupés à la course au trésor, il dressait un relevé topographique très
précis des tunnels de la Cité de David, sans trop se soucier apparemment de savoir en quelle compagnie il effectuait ses recherches.
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Les mésaventures de la mission Parker devaient avoir une autre
conséquence inattendue et à long terme profitable pour le sionisme :
convaincre le baron français Edmond de Rothschild, qui avait
acquis dès 1907 une grande partie du terrain de la Cité de David,
d’y dépêcher une nouvelle expédition qu’il finançait. La tâche fut
confiée à Raymond Weill, le premier archéologue juif à creuser dans
la Ville sainte, lors d’une première campagne en 1913. Contrairement à la précédente, l’expédition se voulait scientifique, bien que
le baron de Rothschild eût lui aussi quelque peu cédé au mirage de
l’Arche perdue, du moins s’il faut en croire le leader sioniste Chaim
Weizmann.
Son objectif était de retrouver l’Arche d’alliance, croyant qu’elle
était enterrée là-bas. Je lui ai demandé très sérieusement ce qu’il
pensait faire de cette Arche. Il m’a répondu : « Les fouilles, je m’en
fiche : c’est la possession ! »
écrira, près de quarante ans plus tard, le premier président de
l’État d’Israël6.
Weill, qui dans son mémoire de fouilles ne fait aucune mention
de ce fantasme, projetait quant à lui de retrouver le tombeau de
David et de sa cour. Il crut à tort les localiser dans une grotte de la
colline. En fait, hormis un relevé très précis des lieux, sa principale
découverte fut une inscription en grec prouvant l’existence d’une
synagogue à l’époque hellénistique.
Il faudra attendre plus d’un demi-siècle pour que l’archéologue
britannique Kathleen Kenyon procède avec les méthodes scientifiques modernes de la stratigraphie à des fouilles plus systématiques. Elle mettra au jour dans les années 1961-1967 une portion
de deux murs datés du bronze ancien (environ 1800 avant notre ère),
dont une partie avait été découverte dans les années 1920 sous le
mandat britannique, prouvant que la ville originelle était déjà fortifiée.
Elle découvrira également des lots de figurines féminines (brisées) de
l’époque des royaumes d’Israël et de Juda (VIIe siècle avant J.-C.), ce
qui montrerait la persistance d’un culte païen de la fertilité.
6. Chaim Weizmann, Trial and Error, Philadelphie, Jewish Publication Society of America,
1949, p. 139.
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Oublier Silwan…
Après la guerre des Six Jours, ce sera au tour des chercheurs
israéliens de reprendre les fouilles sur un terrain dont l’accès leur
était interdit de 1948 à 1967, quand la partie orientale de Jérusalem
était sous pouvoir jordanien. En revanche, des équipes internationales s’abstiendront de fouiller dans ce territoire occupé.
Il faut cependant attendre encore dix ans pour qu’en 1977 le
maire travailliste de Jérusalem Teddy Kollek prenne l’initiative
d’un nouveau chantier, après qu’on l’a averti de « l’état lamentable
du site, lieu de naissance du premier État juif7 ».
Ironie de l’histoire : l’opposition la plus vive contre la reprise des
travaux archéologiques à la Cité de David ne proviendra pas des
Palestiniens mais d’ultraorthodoxes juifs. Au nom du respect des
morts, un noyau dur de ces haredim (littéralement « craignant
Dieu ») va mener une campagne acharnée contre les fouilles.
Porteurs d’une vérité transcendantale, a-historique, ils se moquent
éperdument de savoir si les archéologues confirment ou non le
récit biblique.
Ils soutiennent – malgré les dénégations des chercheurs – que
le site est un cimetière juif antique établi avant celui du mont des
Oliviers. La campagne atteint son paroxysme en 1981, quand des
manifestations violentes parviennent un temps à stopper les travaux.
Leur bête noire est le responsable de la fouille, le professeur Yigal
Shiloh. Traité de « malfaisant », il est voué aux gémonies pour avoir
« profané les tombes des ancêtres » et, circonstance aggravante à
leurs yeux, en compagnie d’archéologues non juifs.
En fin de compte, un compromis sera trouvé, permettant la
reprise des fouilles tout en restreignant leur étendue. L’accord ne mit
pas pour autant un terme à la vindicte contre Shiloh. Au point qu’à
sa mort de maladie en 1987, à l’âge de cinquante ans à peine, son
décès fut attribué à une malédiction divine. Les haredim les plus
radicaux célébreront la « disparition d’un ennemi de Dieu », d’autres
feront courir la rumeur que sur son lit de mort il avait demandé
pardon aux rabbins8.
7. Mendel Kaplan, avant-propos de l’ouvrage de l’archéologue Ronny Reich, Excavating
in the City of David, Jérusalem, Israel Exploring Society, 2011, p. XI.
8. Voir l’article d’Ehud Sprinzak dans Martin E. Marty et R. Scott Appleby (sous la dir. de),
Fundamentalisms and the State: Remaking Polities, Economies, and Militance, Chicago,
University of Chicago Press, 1993, p. 468.
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Apparemment, Shiloh a laissé un meilleur souvenir parmi les
Palestiniens. « Ses fouilles faisaient partie du village et lui étaient
bénéfiques », relève un panneau du Centre d’information de Wadi
Hilweh, à Silwan, établi dans un bâtiment préfabriqué des plus
modestes, à l’image de ce quartier pauvre et délaissé par la municipalité, tout à côté de l’entrée de la Cité de David. Mais on est dans
un autre monde.
Tout en considérant qu’au regard du droit international, toute
fouille entreprise par Israël en territoire occupé est illégale, le
professeur palestinien Hamad Salem, chef du département d’histoire
et d’archéologie de l’université palestinienne de Bir Zeit en
Cisjordanie, et par ailleurs résident de Silwan, admet lui aussi
qu’il y a une grande différence entre celles menées par Shiloh et
celles opérées de nos jours. Les premières s’inscrivaient dans le
cadre d’un travail scientifique alors que celles d’aujourd’hui relèvent d’une archéologie politique, au sens où elles sont censées
fournir la justification suprême à la colonisation9.
Les travaux de Shiloh, entrepris de 1978 à 1985, ont notamment
permis la découverte d’une cinquantaine d’empreintes de sceaux
(bulles) du VIIe siècle avant notre ère, dont l’une portant l’inscription
« Gemaryahou fils de Shaphan », nom d’un chancelier d’un roi de
Judas, cité dans le livre de Jérémie10.
À vrai dire, la différence d’avec les fouilles entreprises de nos
jours ne tient pas tant à la qualité des chercheurs ou à leur méthode
de travail, mais au fait que le site est géré depuis 2005 par l’association Elad (acronyme de « Vers la Cité de David » et aussi « Pour
l’Éternité ») en coopération avec les parcs nationaux. D’un côté,
l’association finance les travaux des archéologues et expose leurs
découvertes. De l’autre, elle installe des colons juifs au cœur de la
population arabe de Jérusalem-est.
Elad a été fondée en 1986 par David Bééri, un ancien officier
de réserve, qui, durant la Première Intifada, était commandant
adjoint d’un commando opérant en habits de Palestiniens, notamment à Silwan. Surnommé familièrement Davidélé, ce petit homme
moustachu, approchant la soixantaine, la kippa sur la tête, à l’allure
9. Entretien, 28 mars 2014. La Conférence générale de l’Unesco de New Delhi du
5 décembre 1956 stipule qu’« en cas de conflit armé, tout État membre qui occuperait le territoire d’un autre État devrait s’abstenir de procéder à des fouilles archéologiques dans le territoire occupé ». Mais il ne s’agit que d’une « recommandation »
10. Voir Yigal Shiloh, Excavations at the City of David, 1978-1982. Interim Report of the
First Five Seasons, Qedem 19, Monographs of the Institute of Archaeology, the Hebrew
University of Jerusalem, 1984.
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débonnaire, a une apparence des plus modestes. Elle est trompeuse,
vu que ce personnage est depuis vingt-huit ans l’inspirateur et le
maître d’œuvre d’un des organismes de colonisation les plus puissants d’Israël.
Elad dispose à cet effet de fonds considérables, qui proviennent
principalement de donateurs juifs américains, et sans doute aussi
d’oligarques russes. S’ajoutent les droits d’entrée perçus sur le site
et des contributions d’organismes privés ou publics en Israël. Au
total, les revenus déclarés d’Elad atteignent l’équivalent de dix
millions d’euros par an11.
La réussite matérielle n’est pas l’essentiel, bien qu’elle ait son
importance : Elad est parvenue auprès d’une large partie de l’opinion
publique en Israël à donner l’image d’un organisme « apolitique »
voué à la mise en valeur du passé, là « où tout a commencé ».
Ce succès tient entre autres à un réseau d’influence comprenant
des personnalités de renom, comme l’écrivain Elie Wiesel, Prix
Nobel de la paix, qui a félicité publiquement l’association pour une
action qui « fait revivre le passé en allant bien au-delà du politique ». À noter qu’Elie Wiesel préside le Comité de soutien à la Cité
de David aux côtés d’anciens chefs du Mossad, de la police, des
Renseignements militaires et de juges de la Cour suprême d’Israël à
la retraite12.
Quand il est question d’archéologie, Elad opère au grand jour.
La moindre découverte est annoncée avec fracas, sans attendre une
contre-expertise ou la publication des résultats finaux de la
recherche. Et lorsqu’il s’agit du passé d’Israël, elle est brandie
comme un titre de propriété, comme s’il fallait faire encore et
encore la preuve d’une antériorité juive sur les Arabes. L’exemple
le plus frappant a été l’annonce en août 2005 par l’archéologue Eilat
Mazar de la découverte de murs antiques qu’elle a aussitôt identifié
comme ceux du « palais du roi David ». Une opinion qui n’a jusqu’à
ce jour pas été étayée par un rapport de fouilles définitif et est
contestée par la grande majorité des archéologues.
11. Selon les données publiées par le ministère israélien de la Justice, chargé de superviser
le budget d’organismes sans but lucratif, Elad a bénéficié en 2011 d’entrées d’un montant de
55 795 000 shekels et dispose d’avoirs d’un montant de 262 millions de shekels, soit plus de
50 millions d’euros (http://www.guidestar.org.il/organization/580108660). Selon l’office des
impôts américain, l’IRS, l’association Friends of Ir David, qui finance Elad, a déclaré en 2010 avoir
recueilli 5,5 millions de dollars de dons déduits d’impôts. Voir “Return of Organization Exempt
From Income, Form 990”. La loi américaine n’oblige pas à révéler l’identité des donateurs.
12. Entretiens télévisés diffusés en novembre 2011 (http://www.youtube.com/watch?v=HkiUY079AU [hébreu], http://www.youtube.com/watch?v=EpGmY4jWf2M [anglais]).
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En revanche, la colonisation à Silwan ou dans d’autres quartiers
de Jérusalem-est, qui a commencé pour Elad en 1991, s’effectue de
la façon la plus discrète possible, du moins dans sa phase préparatoire. Elle s’inscrit dans la stratégie du « pas à pas » mise en œuvre
par le mouvement sioniste avant la création de l’État d’Israël en
1948, quand il était sous direction travailliste.
La Rédemption de la terre consistait à l’époque à établir patiemment des faits accomplis sur le terrain en vue de dessiner les frontières du futur État juif. À présent, il s’agit de se prémunir contre
toute nouvelle division de la Ville sainte, « réunifiée » par la guerre
de juin 1967, autrement dit de s’assurer que la partie orientale et plus
particulièrement le « bassin sacré » comprenant la vieille ville et ses
alentours, parsemés de lieux saints, ne revienne pas aux Palestiniens.
Dans ce contexte, il importe de ne pas faire de vagues, ne pas
provoquer inutilement la population palestinienne. Au point qu’en
avril 2010, Elad dénonçait une manifestation d’extrémistes de
droite juifs à Silwan, venus « affirmer la souveraineté juive sur la
ville13 ».
Elad juge plus utile de procéder à des achats de terrains ou de
maisons, quitte à y mettre le prix fort. Les transactions à vrai dire
plutôt rares s’opèrent par le biais de sociétés écran, dans des conditions souvent douteuses, les résidents palestiniens concernés se plaignant d’avoir été bernés ou même d’avoir été victimes de faux en
écritures. Mais il faut savoir que la vente de biens fonciers à des
Israéliens est passible de mort selon les lois de l’Autorité palestinienne et de la Jordanie.
Elad a en outre récupéré des biens à Silwan ayant appartenu
avant 1948 à des instances sionistes ou à des particuliers juifs.
Enfin, Elad a obtenu des autorités israéliennes des ordres d’expropriation à l’encontre de résidents palestiniens en jouant de la loi des
« propriétaires absents » ou du fait que leurs habitations ont été
construites sans permis14.
13. « Nous sommes contre les provocations de l’extrême droite dans notre quartier qui
mettent en danger les bonnes relations de voisinage que nous tentons de conserver depuis des
années » avec les Palestiniens, déclarait le porte-parole d’Elad, Oudi Ragonas (dépêche AFP
du 25 avril 2010).
14. Selon l’ONG israélienne Ir Amim (« Une ville pour les peuples »), les Palestiniens n’ont
le plus souvent d’autre choix que de construire sans permis, vu le faible nombre d’autorisations
délivrées par la municipalité et l’absence de plan de développement urbain pour une population
palestinienne en pleine croissance démographique. La loi des « propriétaires absents », promulguée en 1950, permet à l’État de saisir les biens d’un propriétaire absent depuis trois ans, même
contre sa volonté. Massivement employée en ce qui concerne les biens arabes laissés en Israël
après 1948, notamment à Jérusalem-ouest, elle n’a été que rarement étendue à Jérusalem-est
jusqu’en 1977.
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Une cinquantaine de maisons ont été démolies en vingt ans à la
suite d’ordres d’expulsion. Des dizaines de familles ont été expulsées
manu militari. Beaucoup d’autres ont reçu des ordres d’expulsion,
pour l’heure suspendus, le plan de la mairie de raser vingt-deux
maisons à Silwan dans le cadre de l’établissement d’un parc archéologique, dit « jardin du roi », étant gelé.
Ici et là, des recours en justice ont freiné les opérations. Pas pour
longtemps, tant Elad jouit du soutien des autorités, que ce soit
l’administration des Domaines, l’office des parcs nationaux (dirigé
par un ancien président d’un bloc d’implantations en Cisjordanie
occupée) ou encore la mairie de Jérusalem, entre les mains de la
droite nationaliste. Grâce à quoi Elad a pu installer quelque quatre
cents Israéliens dans Silwan, au milieu de plus de quarante mille
Palestiniens, et un autre groupe de colons sur le mont des Oliviers,
vivant eux aussi sous bonne garde dans un environnement hostile.
L’association a en outre acquis auprès d’une société d’État des
droits pour gérer la partie sud du mur des Lamentations. Mais la
transaction est pour l’heure gelée par le gouvernement du fait de
l’opposition de courants religieux juifs non orthodoxes. Ils craignent
de voir l’accès à ce secteur entravé, considérant Elad comme une
association à la fois ultranationaliste et religieuse orthodoxe.
En revanche, Elad a obtenu le feu vert à la construction controversée d’un énorme complexe touristique, face à l’entrée de la Cité
de David. Le projet, baptisé « centre Kedem » (« antique » en
hébreu), prévoit la construction d’un bâtiment de six à sept étages
comprenant des boutiques, un auditorium, des bureaux, un restaurant et un musée. Le terrain, acheté par Elad, qui a longtemps servi
de parking, se trouve à vingt mètres à peine de la muraille de la
vieille ville. Il a fait l’objet de fouilles archéologiques de sauvetage
mettant au jour d’importants vestiges de l’époque helléniste,
romaine, byzantine et abbasside. Des tombes musulmanes anciennes
ont été trouvées et les ossements ont été évacués en catimini, sans
que cette fois les ultraorthodoxes s’en émeuvent.
Le 3 avril 2014, la Commission de planification du district de
Jérusalem, relevant du ministère de l’Intérieur, a approuvé le projet,
soutenu par la mairie. Formellement, tout s’est passé selon les
règles. Les promoteurs ont expliqué que le projet générerait un essor
touristique bénéfique aussi bien aux Juifs qu’aux Arabes avec la
venue attendue d’un million de visiteurs. Ils ont promis que les
vestiges archéologiques de toutes les strates seraient préservés.
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Archéologie et idéologie à Jérusalem
Des opposants, parmi lesquels trente-cinq universitaires, urbanistes et architectes israéliens, ont dénoncé un projet « mégalomane » portant atteinte à l’aspect traditionnel de la Ville sainte. Les
représentants des Palestiniens ont élevé à leur tour leurs protestations. « Vous prétendez être apolitiques alors que vous aidez Elad
à judaïser Jérusalem-est. Vous dites que ce projet va contribuer au
développement de la vieille ville, mais les Arabes et les musulmans
n’y ont aucune place », a lancé l’avocat Mahmoud Massalha. En
vain. Si conformément à la loi, la commission a bien enregistré
toutes les contestations, ce fut au bout du compte pour les repousser,
se bornant à exiger de réduire de quelques mètres la hauteur du
bâtiment.
Sûre de son bon droit, très méfiante envers les journalistes, Elad
ne se donne même pas la peine de réfuter les accusations. Quand
on demande à sa porte-parole, Oria Passberg, quels sont les objectifs
à long terme de l’association, elle renvoie aux statuts de 1986,
vagues à souhait. Ils stipulent qu’Elad a pour but « de renforcer le
lien juif avec Jérusalem à travers les générations au moyen de
visites guidées, de cours, d’installation d’habitants et de la publication de textes explicatifs15 ».
Certains responsables d’Elad se laissent parfois aller à en dire
plus. Ainsi Adi Mintz, membre depuis plus de vingt ans de sa
direction, partisan affiché du droit des juifs à prier sur l’esplanade
des Mosquées/mont du Temple, déclarait en 2006 : « Notre objectif
est de créer une situation irréversible dans le bassin sacré. » Un an
plus tard, il expliquait que dans la « région de Benjamin », au nord
de Jérusalem, il fallait s’inspirer du précédent d’Elad : « Mon
modèle est la Cité de David ; dans le passé on l’appelait Silwan,
aujourd’hui c’est un concept qu’on n’entend plus16. »
Les explications fournies par les guides d’Elad à la Cité de David
ne sont pas moins révélatrices. Avant toute chose, le visiteur est
invité à tourner son regard vers le mont du Temple et les autres
collines qui surplombent la ville tandis que le guide cite le verset
biblique : « Jérusalem, les montagnes t’entourent, ainsi l’Éternel
entoure son peuple » (psaume 125). En un sens, rien n’aurait changé
depuis les temps immémoriaux, si ce n’est que l’ancienne Siloé
(Shiloach en hébreu) est devenue Silwan.
15. Entretiens avec l’auteur des 3 et 24 avril 2014.
16. Journal Haaretz, 3 avril 2014 ; déclaration au journal Besheva, 8 novembre 2007
(http://www.inn.co.il/Besheva/Article.aspx/6977).
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Marius Schattner
La bataille des archéologues
C’est une vision très différente de Jérusalem qu’offrent au
visiteur les archéologues contestataires de l’association Emek
Shaveh. Eux aussi commencent la visite en désignant le mont du
Temple mais c’est pour montrer les coupoles des mosquées en
rappelant que le Haram esh Sharif site est depuis 1 400 ans le troisième lieu saint de l’Islam.
Emek Shaveh prône une archéologie alternative, qui « renforcerait les liens entre différents peuples et différentes cultures » et
pourrait contribuer à un règlement du conflit israélo-palestinien.
Elle dénonce « l’usage fait des découvertes archéologiques pour
prouver que telle ou telle nation, religion ou groupe ethnique détient
un droit sur une terre ». Elle s’alarme particulièrement de ce qu’à
Jérusalem le culte du passé « risque de tuer lentement la ville en
tentant d’en faire un musée17 ».
Rien d’étonnant à ce que les visites effectuées (discrètement) sur
le site par Emek Shaveh mettent l’accent sur la variété et l’extrême
complexité des strates archéologiques, sans privilégier le passé
biblique. Ces visites, qui comportent, elles, une halte à Silwan, sont
surtout l’occasion d’une dénonciation en règle de la mainmise
d’Elad sur un site d’une importance universelle, et plus généralement contre l’imbrication entre colonisation et archéologie.
Il serait tentant de réduire le débat entre archéologues en Israël
à une opposition frontale entre un groupe de chercheurs affichant
des convictions nationalistes face à un groupe bien moins influent,
qui lutte contre l’instrumentalisation de l’archéologie par le camp
ultranationaliste.
Mais ce serait une vue simplificatrice, car la plupart des archéologues n’appartiennent à aucun des deux camps. Sans dénier au récit
biblique toute valeur historique, ces chercheurs s’en servent tout au
plus comme source d’inspiration. Ils se veulent avant tout des
professionnels et affirment agir pour le seul bien de la science en
toute indépendance d’esprit. Du moment qu’on ne dicte pas les
conclusions de leurs fouilles, ils ne se soucient guère de qui les
finance, dans quel contexte elles s’opèrent ni de l’exploitation qui
en est faite.
17. Brochure d’Emek Shaveh, From Shiloh to Silwan, Visitor’s Guide to Ancient Jerusalem
(City of David) and the Village of Silwan, Jérusalem, Keter, juillet 2011.
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Archéologie et idéologie à Jérusalem
Le professeur Ronny Reich de l’université de Haïfa, qui préside
le Conseil l’archéologie en Israël, incarne parfaitement cet état
d’esprit. Archéologue de renom, Reich a récemment mis au jour
dans la Cité de David une imposante fortification cananéenne datant
de l’âge de bronze moyen (vers 1700 avant J.-C.) protégeant la
source du Gihon. « Je ne fouille pas dans la Cité de David pour
prouver quoi que ce soit », dit-il, affirmant que ses recherches, qui
portent notamment sur des périodes antérieures à la présence israélite, n’oblitèrent aucune part du passé.
Sur le plan politique, il se dit en faveur d’un accord de paix avec
les Palestiniens « même si pour y parvenir il faudrait diviser à
nouveau Jérusalem et renoncer à la Cité de David ». Ce ne sont pas
du tout les opinions professées par Elad, ni par le gouvernement, ni
même par une majorité d’Israéliens. Il laisse entendre qu’il aurait
préféré que ses travaux ne soient pas financés par un organisme politiquement marqué. Mais l’essentiel est que la recherche se poursuive. Si l’État ou les universités ne remplissent pas leurs
obligations, il faut bien chercher ailleurs. Ce n’est peut-être pas un
hasard s’il professe une grande admiration pour le pragmatique père
Vincent qui, « par son travail de documentaliste, a fait des découvertes remarquables tout en étant embarqué sans avoir son mot à
dire dans une expédition de chasseurs de trésor ».
Visiblement agacé par les critiques provenant de ses confrères
contestataires, inspirés par la « nouvelle archéologie » américaine,
Reich dresse un parallèle entre son travail et celui des pionniers de
la physique nucléaire : « Auraient-ils dû stopper leurs recherches
à cause du mauvais usage qui en serait fait par la suite ? »
Mais il n’épargne pas davantage sa collègue Eilat Mazar et tous
ces archéologues qui « travaillent la Bible à la main, comme si un
texte édifiant, écrit bien des années après les événements qu’il
relate » pouvait servir de référence. « Il y a dix-sept ans déjà elle
se fondait sur la Bible pour affirmer que le palais de David se trouvait au sommet de la colline. Pas étonnant qu’elle ait cru l’avoir
trouvé18 ! » ironise-t-il.
Paradoxalement, le jugement que porte l’un des fondateurs
d’Emek Shaveh, Rafi Greenberg, est moins sévère : « Le problème
n’est pas tant qu’Eilat Mazar ait tiré des conclusions hâtives dans
sa recherche. Du moins a-t-elle le mérite de ne pas avancer masquée
et d’afficher ses convictions », estime ce professeur d’archéologie de
18. Entretien avec l’auteur du 2 avril 2014.
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Marius Schattner
l’université de Tel Aviv. Bien plus grave à ses yeux est le fait que
des archéologues sans motivation idéologique particulière acceptent
de travailler dans un site géré par un mouvement de colonisation qui
s’intéresse à l’archéologie « avant tout comme un instrument de
propagande ».
Il ne pardonne pas à ces archéologues de ne « s’intéresser qu’à
dater des murs ou des débris de poterie en fermant les yeux sur tout
ce qui se passe autour, sur les pressions que subissent les habitants
de Silwan, les harcèlements dont ils sont victimes de la part de la
police ou de colons ». Car même si ces menaces ne sont pas
forcément mises à exécution, c’est l’intention qui compte. Le
message est clair : « Le sous-sol est déjà à nous. Vous n’êtes que de
passage, sans passé, sans avenir19. »
Il a lancé une pétition en décembre 2012 contre la participation
pour la première fois de l’université de Tel Aviv à un chantier de
fouilles dans la Cité de David. La pétition a recueilli près de cent
signatures d’universitaires en Israël et à l’étranger. Très peu
d’archéologues israéliens l’ont signée.
Marius Schattner
19. Entretien avec l’auteur du 12 mars 2014.
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