Le Gone du Chaâba - collegeaucinema37.com
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Le Gone du Chaâba LE GONE DU CHAABA de Christophe Ruggia Année scolaire 2000/2001 Rencontre avec Mohamed El Malqi, sociologue, médiateur, animateur et adulte relais dans le quartier des fontaines à Tours, auteur d'une thèse sur l' Echec scolaire des enfants maghrébins. Mohamed El Malqi avait accepté d'emblée avec enthousiasme notre invitation à la préprojection du film Le Gone du Chaâba aux "Studio" le mercredi 21 mars 2001. A la fin de la projection, il nous a fait part avec simplicité de son bouleversement, ayant éprouvé tout au long du film des émotions qui le ramenaient à sa propre histoire de jeune émigré marocain arrivant en France à l'âge de 23 ans dans les années 1970. Il a animé le débat avec un grand souci de vérité et de dialogue. Certains enseignants s'inquiétaient de la vision quelque peu misérabiliste que les élèves pourraient avoir de la 1 / 13 Le Gone du Chaâba vie des immigrés montrés dans le film et des immigrés en général. N'allaient-ils pas prendre la vie difficile au Chaâba comme un mode de vie habituel de cette communauté d'étrangers ? Allaient-ils percevoir le décalage entre le contexte des années soixante et le contexte d'aujourd'hui ? Certains remarquent que les conditions d'hygiène de l'époque étaient souvent mauvaises pour beaucoup de familles modestes, sans être aussi difficiles qu'au Chaâba cependant. De même, la "raclée" n'était pas seulement utilisée au Chaâba pour corriger les enfants ; elle était à l'époque parée de vertus éducatives, voire pédagogiques... La question de la circoncision a été évoquée : cette séquence semblant éprouvante, elle allait peut-être choquer certains enfants. Il semble qu'elle soit pratiquée aujourd'hui sur les bébés et les jeunes enfants par un acte chirurgical. Bien souvent, les jeunes immigrés d'origine maghrébine issus de la 2 / 13 Le Gone du Chaâba deuxième génération ne connaissent pas les circonstances qui ont amené leurs grands parents à quitter leur patrie et ils ignorent tout des conditions dans lesquelles leur installation en France s'est faite. M. El Malqi nous a parlé d'un projet qu'il a réalisé aux Fontaines autour du documentaire de Yamina Benguigui, Mémoires d'immigrés, l'héritage maghrébin. Après la projection de ce film, les trois générations ont pu se rencontrer et échanger sur leur histoire. Ce film donne également des pistes pour un travail en prolongement avec les collégiens. Mohamed El Malqi a évoqué également une évolution récente : la difficulté de travailler après l'école avec des jeunes du quartier qui ne sont pas disponibles parce qu'ils suivent souvent un enseignement religieux. Peu de jeunes d'origine algérienne suivent les cours de langue arabe qui leur sont proposés 3 / 13 Le Gone du Chaâba par un professeur marocain, les relations entre communautés étant parfois difficiles. Son travail de médiateur, essentiel, consiste à essayer de nouer le dialogue entre les milieux de la famille et de l'école, entre les générations et entre les communautés maghrébines. Il propose d'intervenir dans les collèges aux côtés des enseignants qui lui en feront la demande. A propos d’Azouz Begag : Je suis né de parents analphabètes, c'est cela qui a tout déclenché. Mes parents, comme la majorité des immigrés du Maghreb qui vinrent en France dans les années d'après-guerre, ne sont jamais allés à l'école. Au Chaâba, enfant, c'est moi qui essayais d'apprendre à mon père à lire et à écrire. Un monde à l'envers. Il rechignait à cet effort. A quoi bon, disait-il, nous ne sommes là que pour quelques années, après nous allions rentrer chez nous, bien au chaud, dans la maison que ses économies allaient 4 / 13 Le Gone du Chaâba permettre de bâtir. Il me forçait à bien travailler à l'école de Charlemagne, parce que son instinct paysan lui avait permis de saisir l'importance de l'éducation pour réussir une vie. Et puis il nourrissait également un rêve qu'il me susurrait parfois à l'oreille : il m'imaginait en classe premier devant les Français ! Une belle revanche sur sa misère à lui. Alors moi, tous les matins, sur le chemin de l'école, j'apprenais par coeur les histoires des rois Louis, les affluents de la Seine, les récitations de Paul Verlaine. J'essayais d'oublier les baraques pourries de mon bidonville, la saleté, le froid, la pauvreté, pour me concentrer sur ma piste d'envol : l'école. Grâce à mes poings serrés, je n'ai jamais oublié les règles d'accord du complément d'objet direct, ni combien font neuf fois huit, ni le mot Sarrazin. C'est drôle, hier, ma maîtresse d'école maternelle, Georgette, m'a téléphoné. Trente-cinq ans après ! 5 / 13 Le Gone du Chaâba J'en avais des frissons partout. Elle m'a tutoyé comme si j'étais encore l'élève à qui elle racontait des histoires, le soir, à l'étude. Je lui ai dit que c'était grâce à elle que j'étais devenu écrivain. Au bout du fil, je l'ai entendue pleurer. Nous sommes restés silencieux, tous les deux. Ma mère prétend que si je suis devenu écrivain, c'est que mon mektoub l'avait prévu ainsi. Mektoub en arabe veut dire ce qui est écrit. Oui, il fallait que j'écrive un jour Le Gone du Chaâba qui dormait en moi, pour expliquer pourquoi, comment j'ai pu aller à l'école, au lycée, à l'université. Pourquoi moi et pas les autres ? Il fallait que j'écrive les joies et les peines d'une telle trajectoire, les greffes sur un monde nouveau habité par Molière et Zola, le deuil de mon exil social, communautaire. Fallait que ça sorte. Aujourd'hui, tel un troubadour, je parcours les Zones d'Éducation Prioritaires à la rencontre des collégiens et je conte les aventures du Gone, le temps de nos parents qui se sont sacrifiés pour 6 / 13 Le Gone du Chaâba que leurs enfants connaissent un meilleur sort qu'eux. Je fais revivre la mémoire. Je le sais en regardant dans les yeux de mes jeunes lecteurs, dans les banlieues. Désormais, nous sommes dans les rayons de la mémoire de ce pays, gravés dans son histoire, l'Histoire de la France. Propos d’Azouz Begag Publié en 1986 aux Éditions du Seuil, Le Gone du Chaâba raconte l'enfance de son auteur, Azouz BEGAG, qui n'a pas connu l'Algérie dans son enfance, puisqu'il a passé les neuf premières années de sa vie dans un bidonville de Villeurbanne durant les années 60. Né en 1957 de parents analphabètes comme la majorité des immigrés du Maghreb de cette époque, Azouz BEGAG, devenu docteur en économie, écrivain et chercheur au CNRS, ne voit pas uniquement 7 / 13 Le Gone du Chaâba comme tragique et cruelle la vie au bidonville qui, malgré la dureté de la vie, lui a laissé plein de souvenirs de bonheur. L'adaptation de son roman par Christophe RUGGIA ne l'a nullement déçu : il y retrouve les mots, les décors, les visages. L'école des années 90 ne diffère pas fondamentalement de celle des années 60, en laquelle il a mis toute son espérance et son énergie. Ce qui a changé en trente ans, c'est que ceux de sa génération avaient un ferme espoir dans la perspective d'avoir "un bon travail", de connaître et apporter aux leurs, anciens comme descendants, un "avenir meilleur'. Bibliographie : 1984 L'immigré et sa ville - Presses Universitaires de Lyon 1986 Le Gone du Chaâba -Éditions du Seuil, coll. "Point Virgule" Réédition 1997 8 / 13 Le Gone du Chaâba 1996 Les Chiens aussi -Éditions du Seuil, coll. "Point Virgule" 1997 Place du Pont - Autrement, La Médina de Lyon, coll." Monde" Dis Oualla - Fayard, coll. "Libres" Zenzella -Éditions du Seuil, coll. " Cadre Rouge" A propos de Christophe Ruggia : Je ne suis pas Algérien et je n'ai jamais vécu dans un bidonville ! C'est la première évidence qui m'est venue à l'esprit en refermant le roman autobiographique d'Azouz BEGAG. La deuxième, aussi claire que la première, était que j'allais passer les prochaines année de ma vie à en faire un film. La solitude d'OMAR ... L'absolue nécessité d'apprendre, chaque jour un peu plus ... L'exclusion, autant subie que provoquée ... Le refuge, trouvé auprès des livres puis l'évasion dans l'écriture ... Et 9 / 13 Le Gone du Chaâba tous ces sentiments qui se bousculent dans la tête d'Omar aussi bousculés, un jour, dans la mienne. Ce qui m'intéresse avant tout, dans cette histoire librement adaptée, c'est le parcours initiatique qui, au travers des livres, va donner à Omar, ce fils d'immigrés dont les racines seront à jamais enfouies au coeur de son bidonville, un regard décalé sur sa vie et sur le monde qui l'entoure. Ce parcours qui le conduira à ce jour où il se retrouvera seul, face à lui-même, et où l'impossibilité de communiquer deviendra tellement insupportable que l'écriture s'imposera à lui comme une évidence. L'écriture, un monde à part entière, qui l'empêchera de finir comme la plupart de ses amis, broyés entre la culture de leurs parents et celle d'un pays qui ne fait que les supporter. Voilà. Le reste n'est que recherche et travail pour essayer de se rapprocher toujours un peu plus de la 10 / 13 Le Gone du Chaâba vérité. Et travail encore pour trouver les mots justes qui permettront de faire mieux connaître, et donc mieux accepter, la différence de l'autre ... Mais si j'étais algérien, alors je n'aurais inscrit que deux mots qui résument à eux seuls la nécessité de l'existence d'un tel film : Mémoire et Racines. Né en 1965 de père pied-noir et de mère bretonne, Christophe RUGGIA a passé son enfance dans la région de Marseille. Ayant grandi avec les enfants maghrébins des bidonvilles, il se sent très proche de l'enfance du romancier Azouz BEGAG, mais il n'a mis le pied sur le sol algérien qu'en 1999, pour y présenter Le Gone du Chaâba. Non algérien, il n'a eu aucune difficulté à se faire accepter par cette communauté sur le tournage en 1994. Il affirme même avoir été "porté par eux" et s'être "senti protégé par les femmes qui faisaient 11 / 13 Le Gone du Chaâba de la figuration, venues en grand nombre". Christophe RUGGIA reconnaît avoir "besoin de parler de la période où les gamins perdent l'enfance sans être encore adolescents, sur ce qui fait qu' après ils grandissent en marge, un peu différemment" Il se souvient avoir vécu ce moment de bascule (variable selon les enfants) à sept ans et demi, à la mort accidentelle de son père en voyage à Alger, et retrouve ses sensations chez beaucoup d'enfants de pays en guerre et de foyers d'accueil : il a besoin de chercher à comprendre ce qui se passe alors. Filmographie : 1990 Sové l'Anmou 1993 L'Enfance Égarée 1996 Le Gone du Chaâba actuellement en préparation : Les Diables 12 / 13 Le Gone du Chaâba 13 / 13