septembre 2009 : Adoration d`une idole ou de Dieu, quelles

Transcription

septembre 2009 : Adoration d`une idole ou de Dieu, quelles
Chronique @ mensuelle
Septembre 2009
Adoration d’une idole ou de Dieu, quelles différences ?
Peut-être avez-vous vu la publicité du parfum Idole d’Armani ? Dans le spot sur internet,
on entend un homme dire à une magnifique femme : « Tu es mon idole ». Celle-ci répond
alors : « C’est lui mon idole » et elle exhibe dans sa main une bouteille de parfum supportant
l’inscription : « Idole d’Armani. » Outre l’idolâtrie mise en avant pour un objet, cette publicité
me fait penser à l’idolâtrie en général et à celle des stars en particulier. Souvenez-vous de
l’énigmatique roi de la pop, Michaël Jackson, décédé tragiquement il y a peu. Je pense encore à
la provocante Mylène Farmer, qui a tenu la vedette au Stade de France pendant deux jours, et
en d’autres temps à Elvis Presley ou encore à John Lennon ouvertement anti-chrétien1. Mais au
fait, quelles différences fait-on entre l’adoration d’une idole et celle de Dieu ?
Car après tout, bien de nos contemporains pensent que ce qu’on peut reprocher aux
idolâtres, qui ne vivent qu’à travers l’image de leur idole ou qui se soumettent à l’attirance d’un
objet ou d’une passion (argent, voiture, jeu, culte du corps, domination intellectuelle, pouvoir,
etc.), peut également être reproché à tous ces chrétiens qui adorent Jésus-Christ, un homme
fait uniquement de chair et d’os selon l’esprit du monde, et je n’ose même pas parler pas du
culte rendu aux saints, qui, pour nous, n’est absolument pas de l’adoration.
Cette publicité anodine (peut-être pas tant que ça d’ailleurs) est donc l’occasion de
répondre à ceux qui nous reprochent notre adoration au Christ. Il me semble capital de justifier
notre foi dans un monde où l’idolâtrie va bon train et de comparer l’intérêt qu’il y a à adorer
Jésus-Christ ou une idole. Permettez-moi d’appuyer mon raisonnement à partir d’un extrait de
l’homélie de notre Saint-Père à Paris, sur l’esplanade des Invalides en septembre 2008 :
« “Fuyez le culte des idoles” » (1 Co 10, 14), écrit-il [saint Paul] à une communauté très
marquée par le paganisme et partagée entre l'adhésion à la nouveauté de l'Évangile et
l'observance de vieilles pratiques héritées de ses ancêtres. […] Cet appel à fuir les idoles reste
pertinent aujourd'hui. Le monde contemporain ne s'est-il pas créé ses propres idoles ? N'a-t-il
pas imité, peut-être à son insu, les païens de l'Antiquité, en détournant l'homme de sa fin
véritable, du bonheur de vivre éternellement avec Dieu ? C'est là une question que tout
homme, honnête avec lui-même, ne peut que se poser. Qu'est-ce qui est important dans ma
vie ? Qu'est-ce que je mets à la première place ? Le mot “idole” vient du grec et signifie
“image”, “figure”, “représentation”, mais aussi “spectre”, “fantôme”, “vaine apparence”. L'idole
est un leurre, car elle détourne son serviteur de la réalité pour le cantonner dans le royaume de
l'apparence. Or n'est-ce pas une tentation propre à notre époque, la seule sur laquelle nous
puissions agir efficacement ? Tentation d'idolâtrer un passé qui n'existe plus, en oubliant ses
carences, tentation d'idolâtrer un avenir qui n'existe pas encore, en croyant que, par ses seules
forces, l'homme réalisera le bonheur éternel sur la terre ! »
1
« Le christianisme disparaîtra. Il s’évaporera, rétrécira. Je n’ai pas à discuter là-dessus. J’ai raison, il sera prouvé
que j’ai raison. Nous sommes plus populaires que Jésus désormais. Je ne sais pas ce qui disparaîtra en premier, le
rock’n’roll ou la chrétienté. » John Lennon, In Evening Standard, périodique britannique, édition du 4 mars 1966.
Nous comprenons par ces propos la différence fondamentale entre Dieu et une idole,
quelle soit de chair et de sang ou qu’elle soit tirée d’une passion immodérée pour un objet ou
tout autre chose. L’idolâtrie nous aliène et nous aveugle sur nos comportements et finalement
nous coupe d’une juste réflexion sur notre destinée à l’issue de la mort. Seule la véritable
adoration de Dieu redonne à l’homme toute sa stature, c’est-à-dire celle d’un être doué d’une
intelligence du cœur capable de le détourner des passions et des tentations déstabilisantes qui
le clouent au sol et l’empêchent d’élever son esprit vers les réalités spirituelles.
Si nous comparons nos idoles de chair au Christ, nous constatons que ce dernier nous
propose un modèle de vie épanouissant fondé sur le respect de notre liberté, de notre
autonomie et surtout, que tout cela apporte la paix intérieure que tant de nos contemporains
essaient de trouver dans mille et un échappatoires. Son enseignement s’oppose à nos
mauvaises tendances qui, si elles peuvent apporter parfois une satisfaction immédiate, laissent
ensuite la place à une grande amertume car le fruit du péché est source de malheurs profonds
et de déséquilibres psychiques importants. L’homme, objectivement, ne peut s’y épanouir. Saint
Paul et saint Jacques en parlent clairement dans leurs épîtres.
L’idolâtrie est une singerie de l’adoration que tout être est invité à avoir envers Dieu, et
une piètre superstition. Elle est une fabrication personnelle d’un dieu sur mesure auquel on
s’attache pour combler (je ne peux même pas dire satisfaire) consciemment ou inconsciemment
différents manques d’amour. Une chose est l’admiration qu’on peut porter à une personne pour
des qualités qu’elle manifeste ou pour sa pensée, autre chose de l’idolâtrer au point de
s’identifier à elle et de l’imiter en tout (mode de vie, habillement), surtout lorsque ses
comportements sont excentriques et amoraux, ce qui, il faut bien le dire, est souvent le cas.
Si le Christ, c’est la force de l’amour désintéressé, le service de tous et particulièrement
des plus faibles, la sérénité dans l’épreuve, peut-on en dire autant de l’idole ? Certainement
pas. C’est plutôt un moyen de justifier ses propres débordements car elle permet de nous
identifier à quelqu’un dont le comportement est approuvé selon l’esprit du monde. En fait, avec
l’idole, nous ne vivons que d’illusion, mais tout cela ne dure qu’un temps, que le temps de la vie
de l’idole. Esclave de son image, comme ses fans eux mêmes sont esclaves d’elle, l’idole ne
peut lutter contre l’usure du temps et la déchéance physique. La plupart des idoles ne font
qu’étaler sous nos yeux des leurres d’un bonheur qu’elles cherchent mais ne trouvent déjà pas
au fond d’elles-mêmes. Alors je ne vois pas comment leurs fans pourraient ne pas s’illusionner
aussi. Je ne doute pas un instant que les idoles doivent faire face à de grande souffrances et à
une solitude redoutable (comme je l’évoquais dans la chronique précédente) car elles ne
peuvent pas arrêter la machine infernale de la notoriété, sous peine de perdre leur identité.
Elles n’existent que par leur fans et inversement. C’est de l’esclavage à l’état pur.
Avec le Christ, l’homme est aimé pour ce qu’il est et non pour être un faire valoir. Le
Christ ne recherche pas son intérêt en aimant l’homme. La preuve patente est le don gratuit de
sa vie non seulement pour des hommes de bien mais aussi pour les pécheurs. Qui peut en faire
autant ? Sûrement pas les idoles de chair. Avec le Christ, tout devient simple et limpide. Avec
les idoles rien n’est simple car c’est à partir de la bassesse qu’il peut y avoir en nous que
l’idolâtrie se développe et prend racine. Seul le Christ peut nous libérer si nous le voulons de cet
esclavage. Aussi, à l’expression idolâtrique concernant notre parfum, je préfère celle de saint
Thomas qui exprime toute notre adoration amoureuse envers Jésus-Christ : « Mon Seigneur et
mon Dieu. »
Vincent Terrenoir