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Fédération
Les femmes du troisième millénaire
Membre du Comité Français ONG/ONU
Compte-rendu du Café de Flore du 1° décembre 2009
Invitée : Michèle COTTA
Thème de la soirée : Michèle COTTA, ou presque quatre décennies de journalisme politique.
Un grand témoin et un regard acéré sur notre histoire contemporaine.
Par Monique Raikovic
Propos de Michèle Cotta en marge du troisième
tome de ses « Cahiers secrets de la Vème
République » consacrés à la période 1986-1997,
maintenant, en librairie:
Portrait d’une génération
de femmes journalistes
politiques
« En rédigeant ces chroniques
– plus de mille pages -, Je n’ai
fait qu’enregistrer ce que
j’observais, brossant du même
coup
le
portrait
d’une
génération
de
femmes
journalistes
politiques. »
Michèle Cotta.
« Je me suis dit très tôt que j’allais tenir une chronique
quotidienne de la vie politique. Certains ont qualifié ces
chroniques de journal intime alors que dans ces pages il n’y a
pratiquement pas trace de ma vie privée. J’ai pris beaucoup de
plaisir à rédiger ces chroniques. J’avais le sentiment d’écrire un
roman. J’en aime bien les personnages principaux, ces animaux
politiques que je ne cloue pas au pilori : en France, nous n’avons
pas à rougir de notre classe politique.
« Je sais que nos Politiques ne sont pas sincères, que, plus
précisément, ils ont des sincérités successives, notamment les
hommes. Les femmes me semblent plus dans la volonté de faire
que de plaire, Simone Veil m’étant apparue comme la plus
vertueuse d’entre elles. Mais, pour le moment, celles, encore
rares, qui atteignent les échelons élevés du pouvoir, sont des
femmes exceptionnelles ».
Michèle Cotta a aimé observer les confrontations entre
adversaires : « Je me souviens parfaitement de ce moment de télévision de 1988, où Mitterrand et
Chirac, tendus à l’extrême, mentaient l’un et l’autre, mentaient l’un à l’autre », rapporte-t-elle. Aussi
les périodes de cohabitation lui ont-elles paru « passionnantes à observer »… « Il y a eu Mitterrand et
Rocard, rappelle-t-elle. Mitterrand m’avait dit :’Votre Rocard ne tiendra pas un an !’.Non seulement
Rocard a tenu trois ans, mais il est parti au sommet de sa popularité !... Il y a eu le duel
Chirac/Balladur. Je suivais Chirac, Catherine Ney, Balladur. Quand nous nous croisions, nous nous
demandions : ‘Qu’est-ce que ‘le tien’ pense ?’ Chirac ne voyait pas en Balladur un homme politique.
Quant à Balladur, il pensait que Chirac était fini. Ce duel a été une des plus grandes batailles entre
hommes d’un même camp, à cette époque. Parallèlement, une connivence perverse contre Balladur
s’installait entre Mitterrand et Chirac, que tout séparait en dehors de leur ténacité et d’une mutuelle
reconnaissance de leurs tempéraments d’animaux politiques. Et, en 1995, à l’occasion de la mort de
Mitterrand, Chirac, qui n’était pas un grand orateur, a prononcé l’un de ses meilleurs discours. Ce qui
prouve combien l’humain a sa place en politique ».
Monique RAIKOVIC
« Femmes 3000 » rassemble les femmes du troisième millénaire pour augmenter leur participation dans la vie
publique, économique et sociale, développer des projets qui les rendent visibles, faire reconnaître leurs compétences.
Femmes 3000 56 Boulevard Diderot 7012 Paris- Tél. : 06 03 39 23 61
Email [email protected] – Site : www.femmes3000.fr
SIREN 42414395600030 – APE : 9499 Z
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Michèle Cotta : propos sur sa carrière de journaliste
« De 1947 à 1949, mon père a été maire SFIO de Nice. J’ai appris alors combien était dur le combat
politique. Et je n’ai jamais voulu faire de politique, mais du journalisme politique. C’est pour cela que
j’ai fait Sciences Po. Mais je suis entrée à l’Express par la section littéraire. Parce que c’était la place
qu’on me proposait et qu’une place à l’Express ne se refusait pas. Heureusement, Françoise Giroud et
Jean-Jacques Servan-Schreiber, ces formidables patrons de presse, se sont rapidement aperçus de
mon intérêt pour la politique.
« Nous étions trois jeunes femmes journaliste politiques à l’Express. Françoise Giroud nous avait mises
en garde : ‘JJ SS vous a choisies parce qu’en tant que jeunes femmes, vous êtes des appâts’. Or on ne
demeure pas longtemps un appât et, dans ce
Les ouvrages de Michèle Cotta
métier, il faut savoir durer, c’est-à-dire développer
 La collaboration (1940- 1944) ; éd. Armand-Colin,
un sens aigu de sa propre sauvegarde. Il faut aussi
1963,ouvrage tiré de sa thèse de
ème
faire ses preuves. On est petit journaliste à
 3 cycle (même titre),
l’Express, puis chef de rubrique, puis on est
 Les élections présidentielles de 1965 (en
collaboration avec Jean-François Revel) ;
débauché par ‘ Le Point’, puis l’ascension continue...

éd. Impr. Busson, 1966.
C’est une longue marche. Dans les parcours éclairs
 Les miroirs de Jupiter ; éd. Fayard, 1986.
il y a davantage de risque de chute. Journaliste au
 La sixième République ; éd.Flammarion, 1992.
long cours, c’est plus sûr. Mais ce qui m’a le plus
 Les secrets d’une victoire ; éd. Flammarion,1999.
aidée à me sentir à l’aise en tant que journaliste
 Carnets secrets de la présidentielle (mars
2001,mai 2002) ; éd.Plon,2002.
c’est de considérer que ce qui m’arrivait dans

Politic
Circus,
16
portraits
vérité ;
l’exercice de ma fonction n’avait aucune
éd.Archipel,2004.
importance.
 Cahiers secrets de la Vème République (tome I,
« Parce que, entre 20 et 35 ans, quand vous n’aviez
1965-1977) ; éd.Fayard, 2007.
pas encore de crédibilité professionnelle, quand
 Cahiers secrets de la Vème République(tome II,
1977-1986) ; éd. Fayard,2008.
beaucoup d’hommes pensaient que vous alliez vous
 Cahiers secrets de la Vème République(tome III,
marier rapidement et quitter le milieu journalistique
1986-1997) ; éd.Fayard, 2009.
politique, il n’était pas toujours facile d’être une
femme. Françoise Giroud avait connu cela avant
nous.
Plus que les hommes, il nous fallait prouver notre valeur professionnelle. J’ai rencontré Simone Veil en
1970 et nous nous sommes senties immédiatement complices en tant que femmes dans un milieu
d’hommes.
« Les journalistes politiques se doivent d’être proches des hommes politiques, comme les journalistes
sportifs doivent l’être des sportifs, les journalistes économiques, des patrons de l’industrie. Mais je ne
crois pas aux confidences des Politiques, notamment celles qu’ils vous font en spécifiant ‘Surtout ne le
répétez pas !’ Et aucun journaliste, pas même un Elkabbach, n’est capable de déstabiliser un
Politique ! C’est le fait même de les approcher tous qui rend le journaliste objectif, qui, plus
exactement, amène le journaliste à pratiquer la recherche de la vérité, à tendre vers le plus
d’objectivité possible. Parce que l’objectivité absolue, cela n’existe pas.
« Mais je me suis toujours sentie libre. Le jour où, à l’Express, Jean-Jacques Servan-Schreiber m’a dit
‘Il faut être gentille avec Deferre’, Françoise Giroud a fait un scandale !
« Néanmoins, il faut faire attention à ce qu’on dit. Je répète à mes élèves journalistes de Sciences Po
que, dans ce métier, on prend des risques tous les jours, qu’il faut sans cesse réfléchir à ce qu’on dit.
Heureusement le journalisme est un travail d’équipe. La direction de l’équipe de rédaction est là pour
prendre du recul, pour réfléchir. Ce que ne peut pas toujours faire le journaliste qui est dans l’action. »
« Femmes 3000 » rassemble les femmes du troisième millénaire pour augmenter leur participation dans la vie
publique, économique et sociale, développer des projets qui les rendent visibles, faire reconnaître leurs compétences.
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Michèle Cotta : propos sur la télévision et l’information politique
« Les hommes politiques accordent encore une grande importance à la télévision alors qu’en réalité,
le petit écran ne fait plus les élections ! C’était la rareté qui
La mode des femmes-alibis
faisait le prix d’un passage à l’antenne ! Mais,
« J’ai appartenu à la génération des
actuellement, une quarantaine d’hommes politiques
‘femmes alibis’. C’était l’époque où il
passent quotidiennement sur les divers média, de France
fallait montrer qu’on appréciait assez les
Culture à TF1. Cette banalisation ôte tout impact durable à
femmes pour confier à celles-ci des
l’événement. Le Président en exercice se plaint de la
postes importants. Je ne suis pas
télévision ? Il y a eu un temps où Mitterrand traitait de nuls
certaine que les femmes trentenaires
les journalistes de ce média. Ce genre d’incident fait parti
d’aujourd’hui aient autant de chance. Et
du relationnel entre hommes politiques et média audioj’ai apprécié les propos de Madame la
visuels !.
Présidente d’honneur de Femmes 3000 :
‘Les femmes doivent se manifester sans
« Ce que je reprocherais plutôt aux journalistes de
attendre qu’on vienne les chercher.’ En
l’Information de TF1 comme à ceux de France 2, c’est
effet, on trouve bien peu de femmes
d’avoir trop tendance à exprimer les mêmes opinions et à
dont les compétences soient sollicitées
traiter l’information de la même manière. Il faut se méfier
pour une fonction de haut niveau, une
des modes. Mais il n’y a pas de règle bien définie.
Anne Lauvergeon étant une exception
L’information pour le grand public n’est pas celle que
qui confirme la règle. Car une place
recherche le public d’Arté ou de France Culture. Et, pour
occupée par une femme, c’est une place
France 2, mettre de la culture dans le journal de 20h, c’est
prise à un homme. Cela est vrai en
condamné celui-ci à mort… De toute manière, selon moi, le
politique comme dans le monde des
journal de 20h, tel qu’il existe, est condamné à moyen
affaires, comme dans l’Administration. »
Michèle Cotta
terme. Il faudrait envisager une autre répartition de
l’information à la télévision
D’autant plus qu’à la télévision, 1 mn 30 dans le journal, c’est très réducteur, contrairement aux
grands reportages où on a le temps de revenir sur les événements.
« J’ajouterai que je n’ai jamais beaucoup aimé la télévision. Je préfère l’écrit qui est l’art de la
nuance. »
Monique RAIKOVIC
La carrière de Michèle Cotta
Michèle Cotta est née à Nice, le 15 juin 1937.
Elle est diplômée de Sciences politiques, Docteur es Sciences politiques.
Pigiste au journal Combat, elle est recrutée par Françoise Giroud à L’Express qu’elle quittera pour le Point.
Elle a collaboré à France Inter de 1976 à 1980, et à d’autres média audiovisuels.
Elle a été :

Présidente de Radio France entre 1981 et 1982,

Présidente de la Haute Autorité de la Communication audiovisuelle,

Directrice de l’Information à TF1 de 1987 à 1992,

Directrice générale de France 2 de 1999 à 2002.
Elle a été :

L’animatrice des débats télévisés du second tour des élections présidentielles en 1981 et en 1988 en compagnie
de Jean Boissonnat, puis d’Élie Vannier.

Chroniqueuse politique du magazine Le Nouvel Économiste

Présidente du Comité d’Histoire de la Télévision (CHTV) de 2003 à 2008
Elle est actuellement enseignante à l’École de journalisme de Sciences Po et Directrice générale de JLA Holding.
« Femmes 3000 » rassemble les femmes du troisième millénaire pour augmenter leur participation dans la vie
publique, économique et sociale, développer des projets qui les rendent visibles, faire reconnaître leurs compétences.
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