79 ans sans García Lorca, le poète fusillé... VIVE LE POÈTE

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79 ans sans García Lorca, le poète fusillé... VIVE LE POÈTE
79 ans sans García Lorca, le poète fusillé...
VIVE LE POÈTE !!!
Hommage de l’Association culturelle FESTINHUMOUR Suisse, avec siège à Genève au Poète fusillade,
à sa mémoire… compendium poétique et son engagement humaniste-transformateur du realité…
Articles divers publiés en différentes dates…
Federico Garcia Lorca
Brève biographie
Federico Garcia Lorca est né, le 5 juin 1898 à Fuente Vaqueros près de Grenade. Son père était
propriétaire d'une ferme et d'un château. Sa mère que Lorca a idolâtrée, était une pianiste douée.
Après avoir obtenu son diplôme de lycée, Garcia Lorca s'incrivit à la Faculté de droit de l'Université
du Sacré Coeur. Son premier livre, paru en 1919, était Impresiones y Viajes.
En cette même année 1919, Garcia Lorca se rendit à Madrid où il est resté quinze ans. Il abandonna
l'université pour se consacrer exclusivement à son art comme écrivain et peintre.
Il organisait des représentations théâtrales, lisait ses poèmes en public, et collectionnait des
chansons folkloriques.
Il écrivit Maleficio de la mariposa à El (1920), une pièce de théâtre qui déclencha un grand scandale,
et Libro de poemas (1921), un recueil poétique basé sur le folklore espagnol.
Garcia Lorca a été largement inspiré du flamenco et de la culture des gitans. Il est devenu l'ami de
Salvador Dali et de Luis Bunuel qui l'ont initié au surréalisme. En 1928, son Romancero Gitano lui
apporta la célébrité.En 1929, il alla à New York où il séjournait surtout à Harlem.
Un an plus tard, il rentra Espagne après la proclamation de la république et participa au second
Congrès Ordinaire de l'Union Fédérale des Étudiants Hispaniques en novembre 1931. Le congrès
décida de construire une "Barraca" dans le centre de Madrid pour y jouer des pièces de théâtre
importantes. "La Barraca " est devenue une compagnie de théâtre de voyage qui visitait villes et
villages, pour y donner des pièces en public. Les pièces de Garcia Lorca lui-même, y inclus ses trois
grandes tragédies Bodas de sangre (1933), Yerma (1934), et La Casa de Bernarda Alba (1936), ont
ainsi été produites par cette compagnie.
Quand la guerre civile éclata, Garcia Lorca séjournait à de Callejones Garcia, sa maison de campagne.
Vers la fin juillet 1936, il fut arrêté par des soldats franquistes qui l'assassinèrent quelques jours plus
tard. Personne ne sait où repose son corps. Ses livres furent brûlés sur la place publique à Grenade et
bientôt interdits.
Dans l'Etat fasciste de Franco, il n'y avait pas de place pour le plus grand poète et auteur dramatique
espagnol du siècle.
Bibliographie
Poésie
Impresiones y viajes (1918-19)
Libro de poemas (1921)
Canciones (1927)
Romancero Gitano (1928)
El poema del Cante Jondo (1932)
Llanto por Ignacio Sanchez Mejias (1935)
Poeta en Nueva York (1940)
Drames
El malificio de la mariposa (1920)
Mariana Pineda (1927)
La zapatera prodigiosa (1930)
Amor de Don Perlimplin con Belisa en su jardin (1931)
Bodas de sangre (1933)
Yerma (1934)
La casa de Bernarda Alba (1936)
Source : http://www.mikis-theodorakis.net
Les meurtriers de Garcia Lorca peut-être identifiés
Les meurtriers de Garcia Lorca peut-être identifiés 75 ans après
Par Elodie Cuzin | Journaliste | 18/07/2011
(De Madrid) Un militaire au regard froid, un lointain parent haineux, un soldat rongé par les remords
et trois autres hommes restés muets à jamais sur ce qu'ils avaient fait dans la sombre nuit du 16 au
17 août 1936. Pour la première fois, un historien affirme avoir découvert l'identité des membres du
peloton d'exécution du poète espagnol Federico Garcia Lorca.
Symbole de la cruelle répression franquiste, sa mort aurait en fait été motivée par de vieilles
rancœurs familiales. « Je lui ai mis deux balles dans sa grosse tête. » Le seul a s'être jamais vanté, à
avoir même osé parler de l'exécution de Federico Garcia Lorca parmi les six hommes qui
l'exécutèrent il y a bientôt 75 ans, avait le visage gras, un large front et lui portait une rancœur toute
personnelle.
Antonio Benavides n'était pas un inconnu. Parent éloigné de la première épouse du père de Lorca, il
était aussi le cousin de José Benavides, moqué par le poète sous le nom de Pepe El Romano dans « La
Maison de Bernarda Alba ».
« Il va y avoir des surprises dans les familles : les autres n'ont jamais confessé ce qu'ils avaient fait,
même à leurs proches », assure Miguel Caballero, historien originaire de la région de Grenade, où est
né Lorca, et auteur de l'ouvrage qui vient de paraître en espagnol, « Les Treize dernières heures de la
vie de Garcia Lorca ».
Le dernier voyage dans une Buick rouge cerise
Après une enquête de trois ans et demi, Miguel Caballero assure avoir découvert pour la première
fois l'identité des membres du peloton d'exécution qui attendaient le poète, les deux banderilleros
anarchistes Francisco Galadí Melgar et Juan Arcollas Cabezas, et le maître d'école boiteux, Dióscoro
Galindo, à leur descente de la Buick décapotable rouge cerise où ils venaient de parcourir leurs
derniers kilomètres à travers la campagne « granadina ».Vers quatre heures du matin, à la lumière
d'une lune voilée par les nuages, le sergent Mariano Ajenjo Moreno chef du peloton « au caractère
froid, apte à fusiller », a placé ses hommes en ordre pour l'exécution. Armés de fusils Mauser et de
pistolets Astra, on leur avait promis 500 pesetas et de monter en grade.
Une fois les corps tombés à terre, les militaires eux-même les auraient jeté dans une fosse creusée là,
peut-être pour trouver une source d'eau fraîche, raconte l'historien.
Sur les cadavres, l'un d'eux aurait lancé la béquille du maître d'école.
«Ce ne sont pas des bourreaux »
« Mais ce ne sont pas des bourreaux », proteste Miguel Caballero, lorsqu'on l'interroge sur le rôle
des six hommes.
« Seul Benavides a pu appuyer sur la gâchette avec un certain plaisir. Il venait de l'“escadron noir”
(une milice sévissant à Grenade) qui était formé de véritables criminels.
Mais les autres hommes qui ont fusillé Lorca appartenaient à une hiérarchie et obéissaient aux
ordres. Eux aussi risquaient leurs vies s'ils refusaient. »
« Ça me rendra fou », se serait lamenté l'un d'entre eux, Juan Jiménez Cascales, militaire et champion
de tir dans les fêtes foraines. Et le seul à avoir publiquement exprimé des remords.
« Il a demandé à quitter le peloton pour être envoyé au front peu après », précise Miguel Caballero.
« Ceux qui en savaient le moins ont été les plus bavards »
Malgré la passion que suscite la mort de Lorca depuis des décennies, en Espagne et ailleurs, c'est la
première fois que l'on découvre l'identité des membres du peloton.
Comment expliquer que cela ait pris si longtemps ? Selon Miguel Caballero, qui a épluché actes de
naissance et archives policières, militaires et de la Guardia civil pour son enquête, le travail des
historiens n'était pas aisé :
« Personne n'avait encore jamais mené d'enquête historique scientifique. On se basait jusqu'ici sur
les témoignages oraux. Or dans cette histoire, ceux qui en savaient le moins semblent avoir été les
plus bavards »
Mais c'est avant tout l'ouvrage « Les derniers jours de Garcia Lorca », truffé de témoignages, écrit par
un membre de l'organisation fasciste Phalange espagnoleEduardo Molina Fajardo, qui l'a guidé vers
ces six hommes.
« On avait comme annulé son travail parce qu'il était d'extrême-droite.Mais c'est justement parce
que ceux qui savaient ce qui s'est passé lors de cette nuit de 1936 étaient des phalangistes comme lui
que son recueil de témoignages est le plus proche de la réalité. »De vieilles querelles familiales
L'enquête de Miguel Caballero conclut que Federico Garcia Lorca n'a pas été assassiné par conviction
politique mais à cause de vieille rancœurs familiales.
La haine du « républicain » et l'homophobie, – « Il lui a mis deux balles dans le cul à ce pédé », aurait
fanfaronné un proche de Benavides –, ont bien entendu aussi joué leur rôle.
Mais c'est finalement la rivalité ancienne entre trois puissantes familles, les Lorca, les Roldán et les
Alba (immortalisés dans « La Maison de Bernarda Alba »), qui mène trois notables andalous
fascisants à frapper à la porte de la maison des amis de Federico Garcia Lorca, les Rosales, le 16 août
à 13h30 pour l'arrêter. L'historien déploie sa théorie :
« La mort de Lorca s'explique par de vieilles querelles familiales qui apparaissent au XIXe siècle entre
son père et les deux autres familles.En écrivant »La Maison de Bernarda Alba », Federico Garcia Lorca
se venge contre l'une d'entre elles. Et sa mort marque le sommet de ce conflit. »
Tuer le « joyau de la famille »
« Les deux familles ennemies des Lorca étaient proches du pouvoir et soutenaient le soulèvement
militaire (le coup d'État des 17 et 18 juillet 1936). Elles ont tiré les fils en coulisse pour leur faire du
mal. »
Si l'on s'en prend à Federico plutôt qu'à son père, c'est qu'il est déjà perçu comme étant « le joyau de
la famille. » Ses ennemis le sentent, même s'ils ne savent pas tous à quel point ils s'apprêtent à tuer
l'une des plumes espagnoles les plus célèbres. Miguel Caballero l'explique simplement :
« Il était déjà reconnu parmi les élites mais la diffusion littéraire était encore très limitée dans les
villages. »
Dans la fosse, une béquille
L'enquête de Miguel Caballero pourrait également permettre de découvrir enfin où sont enterrés le
poète et ses compagnons d'infortune.
Un capitaine interrogé par Eduardo Molina Fajardo avait en effet indiqué précisément l'emplacement
de la fosse, non loin d'une ferme alors baptisée Gazpacho.
Accompagné d'un sourcier, car il pense que les trous avaient été creusés pour découvrir de l'eau de
source, Miguel Caballero a identifié le lieu.
Il ne se trouve qu'à « 400 mètres en direction de Víznar » des fouilles lancées en vain en 2009 par le
gouvernement andalou sur les indications de l'historien spécialiste de Lorca, Ian Gibson, qui a
consacré plus de quarante ans à ses recherches sur le poète.
Si les témoignages recensés par Miguel Caballero disent vrai, la fosse sera facilement identifiable. Sur
les quatre squelettes, devrait reposer une béquille en bois, rongée par le temps.Les six membres du
peloton d'exécution Mariano Ajenjo Moreno, chef du peloton « au caractère froid, apte à fusiller » ;
Antonio Benavides, ancien membre du cruel « Escadron noir » de Grenade, c'est un lointain parent
de Federico Garcia Lorca et le seul membre du peloton à s'être vanté de l'avoir tué ;
Juan Jiménez Cascales, champion de tir, c'est le seul à avoir exprimé à haute voix ses remords. La
labeur du peloton le rendait fou. Il demanda à partir sur le front ;
Fernando Correa Carrasco, champion de tir, son père avait été assasiné ;
Salvador Varo Leyva, orphelin originaire de la région de Cadix ;
Antonio Hernández Martín, a passé la fin de sa vie à jouer aux cartes dans un café de Grenade sans
jamais confesser son sinistre rôle.
Vidéos
Source : http://www.rue89.com/ibere-espace/2011
SUISSE
Il y a 75 ans federico garcia lorca meurt fusillé…
Summertime aout 12, 2011
Ceci n'est pas une "révélation poétique" mais un hommage à un poète magnifique...
Federico Garcia Lorca né le 5 juin 1898 à Fuente Vaqueros près de Grenade, est exécuté le 19 août
1936 exactement, à Víznar. Miguel Caballero-Perez, un historien qui avec passion, a consacré sa vie à
décortiquer la vie du grand poète, a récemment publié un livre ( « Les treize dernières Heures de
Garcia Lorca »), dans lequel il affirme avoir trouvé l’identité des tireurs.
Il relate donc les conditions de la mise à mort du poète mais aussi sa vie, et ce qu’il raconte éclaire un
peu plus aussi la montée du franquisme en Espagne.
Les raisons de cette mise à mort ? d’une part, pour ses exécuteurs phalangistes (quatre champions
de tir…), une aversion haineuse pour quelques-unes des œuvres de Lorca dans lesquelles il brocarde
une certaine société traditionnelle espagnole et d’autre part son homosexualité, intolérable dans le
contexte de l’époque…
Politiquement Federico Garcia Lorca a été décrit par son ami Salvador Dali (pour lequel il éprouva
une passion dévorante mais non partagée…), comme l’homme le plus apolitique de la terre. Le corps
du grand poète n’a jamais été retrouvé...
De Lorca, un si beau poème…
Si mes mains pouvaient effeuillerJe prononce ton nom
Au cœur des nuits obscures,
Lorsque viennent les astres
Boire à l’eau de la lune
Et que dorment les feuilles
Des secrètes ramures.
Je me sens tout sonore
De passion, de musique,
Folle horloge qui chante
Les heures de jadis.
Je prononce ton nom
En cette nuit obscure
Et je l’entends sonner
Plus lointain que jamais,
Plus lointain que toutes les étoiles,
Et plus plaintif que le bruit de la pluie.
Pourrai-je un jour t’aimer
Comme je fis naguère?
Mon cœur, où est la faute?
Si le brouillard s’éclaire,
Aurai-je une nouvelle
Passion, tranquille et pure?
Ah, si mes doigts pouvaient
vous effeuiller, ô lune
quelle bonne idée, Summer ! relisons ensemble ce grand poète !
(un poème en couleurs...toi qui les aime...)
*****
Couleurs
Au-dessus de Paris
la lune est violette.
Elle devient jaune
dans les villes mortes.
Il y a une lune verte
dans toutes les légendes.
Lune de toile d’araignée
et de verrière brisée,
et par-dessus les déserts
elle est profonde et sanglante.
Mais la lune blanche,la seule vraie lune,
brille sur les calmes
cimetières de villages.
Federico Garcia Lorca, Chansons sous la lune
Très bonne idée ce post, il faut toujours rendre aux mages l'hommage qu'ils méritent
Un poème en couleur aussi, mais uniquement la couleur verte!
Romance somnambule
Vert et je te veux vert.
Vent vert. Vertes branches.
Le bateau sur la mer,le cheval dans la montagne.
L'ombre autour de la ceinture,
elle rêve à son balcon,
chair verte,
verts cheveux avec des yeux d'argent froid.
Vert et je te veux vert.
Dessous la lune gitane,
toutes les choses la regardent
mais elle ne peut pas les voir.
Vert et je te veux vert.
De grandes étoiles de givre
suivent le poisson de l'ombre
qui trace à l'aube son chemin.
Le figuier frotte le vent à la grille de ses branches
et la montagne,
chat rôdeur,hérisse ses durs agaves.
Mais qui peut venir?
Et par où?
Elle est là sur son balcon,
chair verte,
cheveux verts,
rêvant à la mer amère.
L'ami,
je voudrais changer mon cheval pour ta maison,
mon harnais pour ton miroir,
mon couteau pour ta couverture.
L'ami,voilà que je saigne depuis les cols de Cabra.
Si je le pouvais,
petit,l'affaire serait déjà faite.
Mais moi je ne suis plus moi
et ma maison n'est plus la mienne.
L'ami,
je voudrais mourir dans mon lit,
comme tout le monde.
Un lit d'acier, si possible,avec des draps de hollande.
Vois-tu cette plaie qui va de ma poitrine à ma gorge?
Il y a trois cents roses brunes sur le blanc de ta chemise.
Ton sang fume goutte à goutte aux flanelles de ta ceinture.
Mais moi je ne suis plus moi et ma maison n'est plus la mienne.
Laissez-moi monter au moins jusqu'aux balustrades hautes.
De grâce, laissez-moi monter jusqu'aux vertes balustrades.
Jusqu'aux balcons de la lune là-bas où résonne l'eau.
Ils montent déjà, tous les deux,vers les balustrades hautes.
Laissant un sentier de sang.
Laissant un sentier de larmes.
Sur les toitures tremblaient des lanternes de fer-blanc.
Mille tambourins de verre déchiraient le petit jour.
Vert et je te veux vert,vent vert, vertes branches.
Ils ont monté, tous les deux.
Le vent laissait dans la bouche un étrange goût de fiel,de basilic et de menthe.
L'ami, dis-moi, où est-elle?
Où est-elle, ta fille amère?
Que de fois elle t'attendait!
Que de fois elle a pu t'attendre,
frais visage, cheveux noirs, à la balustrade verte!
Sur le ciel de la citerne la gitane se berçait.
Chair verte, cheveux verts avec ses yeux d'argent froid.
Un petit glaçon de lune la soutient par-dessus l'eau.
La nuit devint toute menue, intime comme une place.
Des gardes civils ivres morts donnaient des coups dans la porte.
Vert et je te veux vert.
Vent vert.
Vertes branches.
Le bateau sur la mer,le cheval dans la montagne.
FEDERICO GARCIA LORCA // Romancero gitan,
Poème du chant profond : Traduction de Claude EstebanL’ Ode à Salvador Dali de Frederico Garcia
Lorca avait paru en avril 1926 dans « Revista de Occidente ». Lorsque Paul Eluard et Parrot le
traduisirent en 1938, il y avait deux ans que l’auteur, artiste et écrivain, avait été fusillé.
En voici un extrait :
Ode à Salvador Dali
Une rose dans le haut jardin que tu désires.
Une roue dans la pure syntaxe de l’acier.
Elle est nue la montagne de brume impressionnistes.
Les gris en sont à leurs dernières balustrades.
Dans leurs blancs studios, les peintres modernes
Coupent la fleur aseptique de la racine carrée.
Sur les eaux de la Seine, un iceberg de marbre
Refroidit les fenêtres et dissipe les lierres.
L’homme, d’un pas ferme, foule les rues dallées
Et les vitres esquivent la magie du reflet.
Le Gouvernement a fermé les boutiques de parfums.
La machine éternise ses mouvements binaires.
C’est une absence de forêts, de paravents, d’entre-sourcils
Qui rôde par les terrasses des maisons antiques.
Et c’est l’air qui polit son prisme sur la mer,
C’est l’horizon qui monte comme un grand aqueduc.
Les marins ignorant le vin et la pénombre
Décapitent les sirènes sur des mers de plomb.
La Nuit, noire statue de la prudence,
Tient le miroir rond de la lune dans sa main.
Un désir nous gagne, de formes, de limites.
Voici l’homme qui voit à l’aide d’un mètre jaune.
Venus est une blanche nature-morte.
Voici que les collectionneurs de papillons s'effacent.
..........................................................
Le poisson dans le vivier, l’oiseau dans la cage,
Tu ne veux pas les inventer dans la mer ou le vent.
Après les avoir, de tes honnêtes pupilles, bien regardés,
Tu stylises ou copies les petits corps agiles.
Tu aimes une matière définie et exacteOù le champignon ne puisse dresser sa tente.
Tu aimes l’architecture qui contruit dans l’absent
Et tu prends le drapeau pour une simple plaisanterie.
Le compas d’acier rythme son court vers élastique.
La sphère déjà dément les îles inconnues.
La ligne droite exprime son effort vertical
Et les cristaux savants chantent leurs géométries.
*
Mais encore et toujours la rose du jardin où tu vis.
Toujours la rose, toujours ! nord et sud de nous-mêmes !
Tranquille et concentrée comme une statue aveugle,
Ignorante des efforts souterrains qu’elle cause.
Rose pure, abolissant artifices et croquis
Et nous ouvrant les ailes ténues du sourire.
(Papillon cloué qui médite son vol).
Rose de l’équilibre sans douleurs voulues. Toujours la rose !
*
Ô Salvador Sali à la voix olivée !
Je dis ce que me disent ta personne et tes tableaux.
Je ne loue pas ton imparfait pinceau adolescent,
Mais je chante la parfaite direction de tes flèches.
Je chante ton bel effort de lumières catalanes
Et ton amour pour tout ce qui explicable.
Je chante ton cœur astronomique et tendre,
Ton cœur de jeu de cartes, ton cœur sans blessure.
Je chante cette anxiété de statue que tu poursuis sans trêve,
La peur de l’émotion qui t’attend dans la rue.
Je chante la petite sirène de la mer qui te chante,
Montée sur une bicyclette de coraux et de coquillages.
Mais avant tout je chante une pensée commune
Qui nous unit aux heures obscures et dorées.
L’art, sa lumière ne gâche pas nos yeux.
C’est l’amour, l’amitié, l’escrime qui nous aveuglent.
Bien avant le tableau que, patient, tu dessines,
Bien avant le sein de Thérèse, à la peau d’insomnie,
Bien avant la boucle serrée de Mathilde l’ingrate,Passe notre amitié peinte comme un jeu d’oie.
Que des traces dactylographiques de sang sur l’or
Rayant le cœur de la Catalogne éternelle !
Que les étoiles comme des poings sans faucon t’illuminent,
Pendant que ta peinture et que ta vie fleurissent.
Ne regarde pas la clepsydre aux ailes membraneuses,
Ni la dure faux des allégories.
Habille et déshabille toujours ton pinceau dans l’air,
Face à la mer peuplée de barques et de marins.
Frederico Garcia Lorca
Saint Michel
Sur la pente, pente, pente,
depuis les balcons on voit
des ânes et l'ombre d'ânes
qui sous les tournesols ploient.
Leurs yeux sont dans la pénombre
embués d'immense nuit.
Et dans les détours de l'air,
l'aurore saumâtre bruit.
Un ciel de mulets blancs clôt
ses paupières de mercure
donnant une fin de cœursau tranquille clair-obscur.
Pour ne pas être touchée,
l'eau se fait plus froide alors
sur la pente, pente, pente,
une eau découverte et folle.
Dans la chambre de sa tour,
saint Michel plein de dentelles
montre à tous ses belles cuisses
entourées par les lanternes.
Cet archange apprivoisé
quand il semble indiquer douze,
tous plumes et rossignols
feint une colère douce.
Le saint chante dans le verre
éphèbe aux trois mille nuits,
il sent bon l'eau de Cologne
et les fleurs sont loin de lui.
La mer danse sur la plage
un poème de balcons.
Sur les rives de la luneplus de voix et moins de joncs.
Des trottins vont en mangeant
des graines de tournesol
comme des astres de cuivre,
leurs grands fessiers se dérobent.
Saint Michel était bien sage
dans la chambre de sa tour,
ses jupons sont parsemés
de paillettes et de jours.
Saint Michel, roi des ballons
et roi des chiffres impairs,
dans la merveille orientale
de cris et de belvédères.
Federico Garcia Lorca
Les peupliers d’argent
Les peupliers d’argent
Qui s’inclinent sur l’eau
Savent tout, mais ne parleront jamais,
L’iris de la fontaine
Ne crie pas sa tristesse,
Tout est plus digne que l’Humanité !
La science du silence face au ciel étoilé
N’appartient qu’à la fleur et à l’insecte.
La science du chant pour le chantHabite les bois murmurants
Et les flots de la mer.
Le silence profond de la vie sur terre
C’est la rose qui nous l’enseigne
Au rosier épanouie.
Il faut répandre le parfum
Que nos âmes encloses !
Il faut être musique,
Tout lumière et bonté.
Il faut s’ouvrir entier
A l’obscur de la nuit
Pour nous emplir d’immortelle rosée !
Il faut coucher le corps
Dans notre âme inquiète !
Aveugler nos regards du jour de l’au-delà.
Nous devons nous pencher
Sur l’ombre de nos cœurs
Et bannir les étoiles que Satan nous donna.
Il faut imiter l’arbre
Constamment en prière
Et l’eau de la rivière
Fixe en éternité !
Il faut blesser son âme aux griffes des tristesses
Pour qu’y entrent les flammes
De l’horizon astral !
Alors dans l’ombre de l’amour rongé
Jaillirait une aurore
Tranquille et maternelle.
Des cités dans le vent disparaîtraient
Et Dieu sur un nuage
Devant nous passerait.
Federico Garcia Lorca
Mai 1919
Petit air du premier désir
Dans la matinée verte ,
je voulais être un cœur
Un cœur.
Et dans la soirée mûre
Je voulais être un rossignol
Un rossignol.
( Mon âme
rougis comme l’orange
Mon âme
rougis comme l’amour.)
Dans la matinée vive
Je voulais être moi
Un cœur.
Et dans le soir tombé
Je voulais être ma voix.
Un rossignol.
Mon âme
rougis comme l’orange !
Mon âme
rougis comme l’amour. !
Federico Garcia Lorca
À Federico García Lorca
Le crime
On le vit, avançant au milieu des fusils,
Par une longue rue,
Sortir dans la campagne froide,Sous les étoiles, au point du jour.
Ils ont tué Federico
Quand la lumière apparaissait.
Le peloton de ses bourreaux
N’osa le regarder en face.
Ils avaient tous fermé les yeux ;
Ils prient : Dieu même n’y peut rien !
Et mort tomba Federico
du sang au front, du plomb dans les entrailles –
… Apprenez que le crime a eu lieu à Grenade
pauvre Grenade ! -, sa Grenade…
Le poète et la mort
On le vit s’avancer seul avec Elle,
sans craindre sa faux.
Le soleil déjà de tour en tour ; les marteaux
sur l’enclume – sur l’enclume des forges.
Federico parlait ;
il courtisait la mort. Elle écoutait
« Puisque hier, ma compagne résonnait dans mes vers
les coups de tes mains desséchées,
qu’à mon chant tu donnas ton froid de glace
et à ma tragédie
le fil de ta faucille d’argent,
je chanterai la chair que tu n’as pas,
les yeux qui te manquent,
les cheveux que le vent agitait,
les lèvres rouges que l’on baisait…
Aujourd’hui comme hier, ô gitane, ma mort,
que je suis bien, seul avec toi,
dans l’air de Grenade, ma Grenade ! »
On le vit s’avancer…
Élevez, mes amis,
dans l’Alhambra, de pierre et de songe,
un tombeau au poète,
sur une fontaine où l’eau gémira
et dira éternellement :
le crime a eu lieu à Grenade, sa Grenade !
Antonio Machado
NOCTURNE DE BROOKLYN BRIDGE
Personne ne dort dans le ciel. Personne, personne.
Personne ne dort.
Les créatures de la lune flairent et rôdent autour de leurs cabanes.Viendront les iguanes vivants
mordre les hommes qui ne rêvent pas
et celui qui fuit, le cœur brisé, trouvera aux coins des rues
l’incroyable crocodile tranquille sous la tendre protestation des astres.
Personne ne dort dans le monde. Personne, personne.
Personne ne dort.
Il y a un mort au cimetière le plus lointain,
Qui se plaint trois ans
Parce qu’il a un paysage sec dans un genou ;
Et l’enfant qu’on a enterré ce matin pleurait si fort
Qu’il fallut appeler les chiens pour le faire taire.
La vie n’est pas un songe. Alerte ! Alerte ! Alerte !
Nous roulons en bas des escaliers pour manger la terre humide
ou nous montons au fil de la neige avec le chœur des dahlias morts.
Mais il n’y a oubli ni songe ;
chair vive. Les baisers lient les bouches
dans une broussaille de veines récentes
et qui a mal à son mal aura mal sans repos
et qui a peur de la mort la portera sur ses épaules.
Un jour
les chevaux vivront dans les tavernes et les fourmis furieuses
attaqueront les ciels jaunes qui se réfugient aux yeux des vaches.
Un autre jour
nous verrons la résurrection des papillons disséqués
et même en marchant dans un paysage d’éponges grises et de bateaux muets
nous verrons briller notre anneau et sourdre des roses de notre langue.
Alerte ! Alerte ! Alerte !
Ceux qui gardent encore trace des griffes et de l’averse,
ce garçon qui pleure parce qu’il ignore l’invention du pont
ou ce mort qui n’a plus que la tête et un soulier,
il faut les mener au mur où attendent iguanes et serpents,
où attend la denture de l’ours,
où attend la main momifiée de l’enfant
et où la peau du chameau se hérisse dans un violent frisson bleu
Personne ne dort dans le ciel. Personne, personne
Personne ne dort.
Mais si quelqu’un ferme les yeux,
fouettez-le, mes fils, fouettez-le !
Qu’il y ait un panorama d’yeux ouverts
et de plaies amères enflammées.
Personne ne dort par le monde. Personne. Personne.
Je l’ai déjà dit.
Personne ne dort,Mais si quelqu’un, la nuit, a trop de mousse aux tempes,
ouvrez les écoutilles afin qu’il voie sous la lune
les fausses coupes, le poison et la tête de mort des théâtres.
(Le poète à New-York). Traduction: Pierre Darmengeat
SOURCE : http://www.amicalien.com
La mort de García Lorca remise en lumière – Le Point
Publié le 24 juillet 2011 par samichaiban
Un historien dévoile les noms des six hommes qui ont exécuté, dans la nuit du 16 au 17 août
1936, le poète espagnol.
Federico Garcia Lorca, en signant « La maison de Bernarda Alba », attaquait directement
l’une des familles de Grenade ennemies de la sienne.©Sipa
Par Marion Cocquet
On avait besoin d’imaginer une scène de tragédie, noble et terrible, dit l’écrivain espagnol Antonio
Muñoz Molina. La nuit bleutée sur Grenade, une voiture noire, et un homme, pâle sous ses boucles
brunes, entouré de miliciens, allant à la mort par de larges rues désertes. « Je lui ai mis deux balles, à
cette grosse tête« . La phrase est d’Antonio Benavides, le seul à s’être vanté de l’exécution de
Federico García Lorca, le 17 août 1936. Et, dans son obscénité, elle semble aujourd’hui bien plus
proche de ce que le poète, dont la dépouille n’a jamais été retrouvée, a vécu il y a 75 ans.
Les 13 dernières heures de la vie de García Lorca, publié fin juin par l’historien Miguel Caballero
Pérez, jette en effet sur l’épisode une lumière nouvelle, et bien plus crue que celle sous laquelle
l’histoire l’a reconstitué. Ce sont en effet de tenaces rancoeurs personnelles, économiques et
politiques entre trois grandes familles locales (les García Lorca, les Roldán et les Alba) qui ont causé,
selon l’historien, la mort de García Lorca. Bien davantage que l’attachement du poète au camp
antifasciste : « Il était un fervent républicain, mais n’a milité dans aucun parti politique », souligne
Miguel Caballero Pérez, qui estime en conséquence que la gauche espagnole s’est indûment
appropriée la figure du poète.
« Vengeance littéraire »
En signant La maison de Bernarda Alba, qui attaquait directement l’une des familles ennemies, Lorca
s’offre en 1936 une « vengeance littéraire » qui jette sur le feu la mesure d’huile de trop : lorsque la
même année il quitte Madrid pour rentrer à Grenade, « les couteaux sont déjà prêts à régler les
comptes », écrit Miguel Caballero Pérez. Dans la nuit du16 au 17 août, six hommes viennent chercher
le poète : Mariano Ajenjo Moreno, chef du peloton, Juan Jiménez Cascález, Fernando Correa
Carrasco, Salvador Varo Leyva et Antonio Hernández Martin. Et Antonio Benavides, membre du clan
Alba.
Ensemble ils ont éliminé plus de cent opposants durant ce même été. En échange de ces basses
oeuvres, il leur a été promis de l’argent, et une promotion. Miguel Caballero Pérez se refuse à les
appeler des « meurtriers ». Certains, dit-il, n’étaient que des policiers de carrière, qui auraient euxmêmes risqué leur vie à refuser d’exécuter les ordres. Et tous ne connaissent pas alors l’identité de
García Lorca, tué le 17 août avec deux autres hommes. L’exécution a lieu avant 4 heures du matin.
Non pas à l’endroit qui avait été identifié par un précédent biographe, et excavé en vain en 2009,
mais 500 mètres plus loin, entre les villages de Viznar et d’Alfavar, près d’une ferme appelée « Cortijo
de Gazpacho ». Un archéologue, Javier Navarro, y a identifié une zone qui pourrait cacher une
tombe.
Archives
Pour arriver à ces conclusions, l’historien a mené un travail d’archives de plusieurs années, fouinant
dans les documents des militaires et des policiers, dans ceux de la famille García Lorca, qui attestent
d’une haine vieille de plusieurs décennies entre les trois familles. Dans ceux, enfin, d’Eduardo Molina
Fajardo, membre des phalanges franquistes dans les années trente qui avait essayé de tirer au clair
les circonstances de la mort de García Lorca, et dont le travail avait été dédaigné en raison de ses
sympathies politiques. Selon Miguel Caballero Pérez, les historiens et les biographes avaient jusqu’à
maintenant commis l’erreur de ne se fier qu’aux témoins « autorisés », en excluant les personnes
liées au franquisme. Alors, dit-il, que ce sont ceux qui ont le plus parlé à l’époque qui en savaient le
moins.
Le livre donnera-t-il lieu à de nouvelles fouilles en Andalousie ? Peut-être. Il rouvrira aussi, sans
doute, des plaies anciennes. D’abord parce que des six hommes dont le livre donne les noms et les
photographies, seul Benavides reconnaissait sa culpabilité : les descendants des cinq autres ignorent
peut-être quel rôle a été le leur. Aussi et surtout parce que le travail de Miguel Caballero Pérez, en
réintégrant à l’historiographie de la guerre civile un regard franquiste, met le doigt sur une fracture
de la société que l’Espagne contemporaine peine encore à soigner.
Source : http://samichaiban.wordpress.com
CULTURE
LITTÉRATURE Vendredi12 août 2011
Federico Garcia Lorca, chronique d’une mort retrouvée
Par Caroline Christinaz
Federico Garcia Lorca, le poète assassiné
Le poète Federico García Lorca a été exécuté il y a tout juste 75 ans. Un historien a découvert
l’identité de ses bourreaux. Il raconte les conditions de sa mise à mort Le soleil n’est pas encore levé
sur le village andalou de Víznar. 19 août 1936. Federico García Lorca a 38 ans. Il se tient debout, à
côté de deux anarchistes et d’un professeur d’école boiteux. Face à eux, six hommes armés de fusils
Mauser et de pistolets Astra. Ils sont arrivés dans une Buick rouge cerise.
Plus tard, un seul d’entre eux se vantera publiquement de ce qu’il a fait: «García Lorca, je lui ai mis
deux balles dans sa grosse tête!» Les autres ont préféré l’anonymat et les jeux de cartes au fond de
bodegas grenadines. Leur silence s’est transformé en un long oubli, 75 ans. Ils ont tué le poète
Federico García Lorca.
Tout cela, c’est ce qu’affirme l’historien Miguel Caballero Pérez, dans son livre Les treize dernières
heures de García Lorca, sorti cet été*. Cet enfant de Grenade dit avoir retrouvé l’identité des tireurs.
Miguel Caballero Pérez est fasciné par l’auteur de La casa de Bernarda Alba. Il habite dans le village
de naissance du poète. Joint par téléphone, il raconte: «Ici García Lorca fait partie de notre mémoire
collective. Il est en chacun de nous.» Si Caballero Pérez a voué sa carrière à la vie de l’écrivain, s’il a
étudié les moindres détails de son existence, c’est pour la valeur «onirique» de son œuvre, bien sûr.
Mais c’est aussi parce que sa vie – et surtout sa mise à mort – éclaire la montée du franquisme en
Espagne. Les dernières années de García Lorca sont ancrées dans les prémices de la guerre civile. Son
histoire et son œuvre s’entremêlent à l’actualité enflammée des années 1930 espagnoles.
Il a fallu trois ans et demi à Miguel Caballero Pérez pour écrire Les treize dernières heures de García
Lorca: «J’ai parcouru les archives de l’armée, celles de la garde civile et celles de la famille de García
Lorca. Un ancien soldat franquiste, Eduardo Molino Fajardo avait récolté des témoignages dont je me
suis emparé et qui m’ont fourni de bonnes pistes.» L’historien privilégie les archives plutôt que les
témoignages. «Tout le monde veut dire quelque chose et tout le monde ne dit pas la vérité.» Surtout,
il a été l’un des premiers à prendre au sérieux le livre de Molino Fajardo, jusqu’alors discrédité par la
recherche pour son adhésion aux idées franquistes et ses tentatives de disculper la phalange qui
exécuta le poète: «Ceux qui connaissaient le mieux les détails de la nuit d’août 1936 étaient
justement les phalangistes comme Molino Fajardo.»
Mais qui étaient les six tireurs? «Pas tous volontaires. Certains répondaient aux ordres de la
hiérarchie, d’autres avaient de réelles rancœurs envers García Lorca», répond Caballero Pérez. En
récompense, on leur avait promis 500 pesetas et l’espoir de monter en grade.
Parmi eux se trouvait un certain Antonio Benavides. Parent de la première femme du père du poète,
il appartenait à l’«escadron noir», une milice de criminels qui semait la terreur. Il sera le seul à
revendiquer fièrement son acte. Le seul à évoquer un certain plaisir au moment d’appuyer sur la
gâchette. Même si une partie de la ville andalouse haïssait le poète.
Les raisons de cette haine sont diverses. Dans sa dernière œuvre théâtrale, La casa de Bernarda Alba,
García Lorca brocardait les travers d’une certaine société traditionaliste espagnole. L’écrivain n’avait
pas choisi ses personnages au hasard, il s’était inspiré de sa famille éloignée, celle de la première
femme de son père. Le 24 juin 1936, à Madrid, les lectures publiques de la pièce auraient embrasé
les terres espagnoles jusqu’à Grenade et la famille rivale des Lorca, proche de la droite espagnole, s’y
serait reconnue. Les deux clans étaient déjà en conflit en raison de leurs choix politiques divergents.
La pièce est venue mettre de l’huile sur le feu. A cela s’ajoute un troisième motif qui a poussé les
phalangistes à vouloir la peau de l’écrivain: son homosexualité intolérable dans le contexte.
Politiquement, le poète était pourtant décrit par son ami Salvador Dalí comme l’homme le plus
apolitique de la terre. «Il était un fervent républicain, mais n’a jamais adhéré au parti», précise
Miguel Caballero Pérez. Et l’historien d’ajouter: «La gauche l’a adopté comme emblème malgré lui.»
Les cinq autres tireurs obéissaient aux ordres. L’un d’eux, un certain Juan Jiménez Cascales,
champion de tir, demandera à quitter le peloton et à être envoyé au front. «Ça me rendra fou»,
déplorait-il. Trois autres – Fernando Correa Carrasco, champion de tir également, Salvador Varo
Leyva, originaire de Cadix, et Antonio Hernández Martín – se sont tus. «Nada!
Ils n’ont rien dit! Rien à leur famille, rien à leurs amis!» s’exclame Miguel Caballero Pérez. Inutile de
décrire la surprise de leurs descendants quand le livre est sorti. Un douloureux réveil du passé tant
les plaies ouvertes par le franquisme sont encore mal cicatrisées, estime l’historien.Le corps du Poète
assassiné n’a jamais été retrouvé. Les recherches de Miguel Caballero pourraient susciter de
nouvelles fouilles en Andalousie. Grâce à son enquête, l’historien a pu préciser le lieu de la fosse: un
site entre Víznar et Alfacar, dans la province de Grenade. Un quatrième livre peut-être? L’historien
possède des pistes. L’instituteur boiteux, compagnon d’infortune du poète resté jeune, marchait à
l’aide d’une canne. Dans les oliveraies andalouses, 75 ans après l’assassinat, on cherchera: une fosse,
quatre squelettes et un bâton rongé par le temps.
* Les treize dernières heures
de García Lorca, de Miguel
Caballero Pérez, est sorti cet été
aux Editions La Esfera de los libros.
Actualisé 2015

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