Scène prandiale/scène de bouffe. Banquets

Transcription

Scène prandiale/scène de bouffe. Banquets
Laboratoire
Scène prandiale/scène de bouffe.
Banquets, déjeuners sur l’herbe, orgies et autres casse-croûte :
Limites et débordements du repas dans la fiction.
Journée d’étude – jeudi 31 mars 2011
La présence du repas dans la fiction – littérature, arts plastiques et arts de la scène confondus –
n’est pas le simple reflet de la récurrence d’une fonction vitale et d’une pratique sociale quotidienne.
Ces pratiques, de même que les représentations liées au repas et à l’alimentation, se révèlent d’ailleurs
particulièrement complexes, comme l’ont montré de nombreuses études d’histoire culturelle, très
récemment encore1. La recherche littéraire s’est intéressée au discours « prandial », adjectif que
Geneviève Sicotte emprunte au vocabulaire médical mais qui peut renvoyer à tout ce qui concerne le
repas2 : dans Le Festin lu, l’auteur explore le traitement de ce moment spécifique dans le roman
français du XIXe siècle, en l’articulant au discours social et aux mœurs de l’époque.
Nous voudrions quant à nous voir dans quelle mesure il y a là une occasion de scène, au sens
qui a été théorisé dans les travaux de l’équipe LLA-CREATIS3 et qui se prolonge dans le programme
actuel sur les « dispositifs scéniques » autour de la scène érotique, de la scène de crime et de la scène
populaire4. Les scènes de repas, nombreuses en littérature (festins, imaginaire du menu, dérives
cannibales…), au cinéma (Le Festin de Babette, Festen, La Grande Bouffe, Delicatessen, etc…), dans
la peinture ancienne comme dans l’art contemporain, font scène par leur capacité à perturber des
rituels établis, à revêtir un caractère subversif voire proprement délirant : la scène prandiale dérive ici
vers la scène de bouffe.
Ce faisant, de telles scènes offrent un sujet aussi privilégié que paradoxal à la représentation.
Tout doit-il disparaître ? Les aliments sont promis à une ingestion qui en permettrait la transformation,
et comme à une transmutation, par le corps. Mais n’est-ce pas reprendre l’impératif nutritionnel
qu’une économie ménagère élève au rang de discipline – « Mange ta soupe » et « Finis ton assiette » ?
L’abondance excessive met en difficulté cette régulation. Il faut engloutir ou être englouti, mangé ou
être mangé, avalé(-es) des avalés, dans une alternative qui trouve peut-être son expression dans
l’enthousiasme carnavalesque5 et dans le dégoût contemporain : la fiction est travaillée par un
débordement qui la fait fonctionner à plein… quitte à parler la bouche pleine.
Nous vous invitons à nous transmettre jusqu’au lundi 17 janvier vos propositions portant ces
questions croisant les arts, les époques et les langues. (20 lignes).
Delphine Rumeau, Benoît Tane, MCF en littérature comparée
[email protected], [email protected]
1
Georges Vigarello, Les Métamorphoses du gras. Histoire de l’obésité, Paris, Seuil, 2010.
Geneviève Sicotte, Le Festin lu. Le repas chez Flaubert, Zola et Huysmans, Montréal, Liber, 1999, p. 14 n. 4.
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La scène met en relation des arts différents dont l’étude est souvent dissociée (littérature, arts visuels, musique,
théâtre, danse…) ; la scène circule aussi entre différents supports de représentation, au-delà de l’opposition
texte/image (textes, images fixes, images animées, arts du spectacle et de la scène, arts décoratifs…) ; elle
transgresse enfin les frontières entre les genres, entre les registres, entre les hiérarchies académiques du grand art
et des arts mineurs (chanson, formes théâtrales populaires de l’Antiquité, théâtre de marionnettes…), de l’œuvre
d’art et de la culture matérielle (objets et arts décoratifs…). La notion intéresse dans cette perspective des
chercheurs appartenant à des disciplines différentes et travaillant sur des époques variées (Voir par exemple
Brutalité et représentation, Marie-Thérèse Mathet dir., L’Harmattan, 2003, et La Scène. Littérature et arts
visuels, Marie-Thérèse Mathet dir., L’Harmattan, 2001).
http://lla-creatis.univ-tlse2.fr/24945344/0/fiche___pagelibre/&RH=1270124787537
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Voir les programmes en ligne, notamment sur la scène populaire et sur la scène érotique.
5
Revoir Bakhine, L’œuvre de François Rabelais et la culture populaire au Moyen Âge et sous la Renaissance
[1940, 1965], trad. française d’Andrée Robel, Gallimard, 1970.
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