La Danza de la realidad - Angèle
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La Danza de la realidad - Angèle
La Danza de la realidad de Alejandro Jodorowsky (Chili, 2h10min) par Angèle P. La danse de la réalité: une chorégraphie de corps entremêlés "Un film ne représente pas un pays, mais l'âme humaine. Celui-ci doit être une expérience pour le spectateur" déclare Alejandro Jodorowsky lors de la première projection de son film La danza de la realidad à la Quinzaine des réalisateurs. Cette œuvre est tout d'abord un film familial. Jodorowsky a mis en scène sa famille sous les traits de ses personnages, qui ont également pris part au film, en composant la musique, créant les costumes... "Ce film est une bombe psychologique très forte pour ma famille, à travers celui-ci je me réconcilie avec mon père". Les personnages sont également ancrés dans un schéma familial complexe. Au début du film ils sont tous enfermés dans la caricature de leur place au sein de la famille. La mère projette tous les attributs exacerbés du corps féminin : elle s'exprime en chantant avec une voix de soprano et exhibe en permanence son imposante poitrine. Elle se soumet au père qui est colérique et irrationnel. Le petit garçon est craintif et timide. Au début du film, c’est encore un jeune enfant qui reste dans les jupes de sa mère. Sa longue chevelure dorée n’est pas, comme pour Samson, un symbole de sa puissance physique, mais au contraire un signe de soumission face à l’emprise de sa mère. Cette chevelure est, pour elle, celle de son père mort prématurément. En proie à ce transfert sentimental, le jeune garçon ne peut pas se développer et entrer dans l’adolescence car la découverte de son propre corps ne peut alors pas se faire. En arrachant la perruque de la tête de son fils, le père le libère de cette emprise étouffante et lui permet, à sa manière, en sortant de l’imagination malsaine de sa mère, de quitter l’enfance pour entrer dans l’adolescence. Au fur et à mesure, les personnages vont évoluer et briser les carcans imposés par les types de personnages. Le symbolisme des cheveux revient comme un refrain au cours du film, la perte des cheveux est une renaissance, un renouveau pour chaque personnage. Le fils qui entre dans sa vie de jeune adulte et se libère ainsi de l’emprise de sa mère ; la mère qui, à son tour, se libère de l’emprise du père grâce à la perte de ses cheveux. Elle se les coupe elle-même lorsqu’il part dans sa quête pour tuer le dictateur. Dans La danse de la réalité le corps du spectateur comme celui des acteurs est mis à l'épreuve de diverses façons. Le film se déroule dans un Chili pauvre, soumis à la dictature d'Ibanez, dans le contexte de l'après-guerre. La misère est présente à travers les corps de différents personnages: le petit cireur de chaussures, pieds nus, qui meurt car on lui offre une paire de chaussures neuves ainsi que les mineurs aux corps mutilés, mis en marge de la société. La force du corps et la virilité se dégagent alors comme des signes extérieurs de richesse. Le personnage du père sous l'emprise du système totalitaire prône le contrôle du corps et la résistance à la douleur, son fils doit gagner son amour et son admiration grâce à son endurance à la douleur. Le corps est ainsi mis à l'épreuve par les sentiments. Le film s’ouvre sur une manifestation de la virilité du père. Deux clowns rappellent sa force passée et le pousse à en faire une démonstration devant son fils. Le corps du père devient alors un symbole de virilité et de force pour le fils. Angèle P.