Jean Gynse BOLIVAR - Les articles du bulletin PMI Lévis

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Jean Gynse BOLIVAR - Les articles du bulletin PMI Lévis
COMMENT INTÉGRER LE DEVELOPPEMENT DURABLE AUX OUTILS
METHODOLOGIQUES EN GESTION DE PROJET ?
Jean-Gynse BOLIVAR1, M Sc.
Pierre CADIEUX2, Dr Sc.
Université du Québec à Rimouski
Janvier 2009
____________________________________________________
Résumé : Cet article constitue une première étape dans la démarche de l’intégration des
questions de développement durable pour aboutir à une bonne planification des programmes et/ou
projets dans les collectivités locales. Nous avons donc mis en évidence la méthode cadre logique, basée
sur l’analyse des parties prenantes, l’analyse des problèmes, l’analyse des objectifs et l’analyse des
solutions possibles, laquelle se situe au centre de notre réflexion. Ce modèle, que nous envisageons ici, ne
saurait remplacer les autres approches de gestion. Il ne peut être qu’un guide d’accompagnement pour le
gestionnaire de projet. À la lumière de ce qui précède, il apparaît clairement que l’intégration des
objectifs du développement durable est un processus complexe, influencé par beaucoup de
facteurs qui peuvent intéragir entre eux ou perçu différemmrnt par les gestionnaires de projet. Le
message est alors clair : il faut d’abord changer la façon de penser avant de changer la façon
d’agir. Il n’y a guère de cadres opératoires pour penser le développement durable dans les
organisations, à l’exception de la théorie des groupes d’intérêts. Le modèle universel n’existe
pas. L’implantation d’un projet nécessite aujourd’hui de comprendre les particularités locales, les
attentes des parties prenantes et le contexte sociopolitique.
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Mots clés : Développement durable - Cadre logique -Responsabilité sociale – Parties prenantes
1
Agroéconomiste et consultant, détenteur d’un diplôme de maîtrise en gestion de projet à l’Université du Québec à
Rimouski (UQAR). Monsieur Bolivar est aussi économiste et conseiller en développement durable à la firme
québécoise d’AGGroupe Consultants inc.
2
Professeur et directeur du programme aux sciences avancées en gestion de projet à l’Université du Québec à
Rimouski, et responsable du groupe d’intérêt local PMI Lévis-Québec à Rimouski.
INTRODUCTION
Depuis quelques années, on assiste à d’importants mouvements sociaux conduisant au
boycottage de nos projets, dont la construction des barrages hydroélectriques, le développement de
réseaux routiers, la production porcine, etc. Ces mouvements n’épargnent pas également d’autres
projets moins sensibles, malgré tout le support des groupes d’écologistes dont bénéficient ces
projets (éoliennes, biocarburants, etc.). Il est de plus en plus évident que les meilleurs résultats des
entreprises à long terme seront assurés par celles qui arrivent à conjuguer simultanément
l’environnement, l’économie et une responsabilité vis-à-vis des communautés locales. Il est donc
clair que cette responsabilité n’a de raison d’être et de pérennité que si elle ne s’inscrive dans une
approche « gagnant - gagnant ». L’intégration du développement durable aux outils
méthodologiques en gestion de projet représente aujourd’hui un impératif stratégique pour assurer
la survie des projets dans les collectivités locales.
Au regard de grands débats entourant cette question épineuse, comment un gestionnaire peut-il
intégrer les objectifs du développement durable aux outils méthodologiques en gestion de projet?
De quelles manières un projet peut-il être «socialement et écologiquement responsable» tout en
ayant une efficacité économique, alors que les intérêts des acteurs concernés par le projet sont
souvent divergents, voire contradictoires. Ce sont ces questions qui nécessitent des réponses
urgentes en vue d’une reconfiguration des pratiques de gestion d’une entreprise qui souhaite
s’engager volontairement sur la voie du développement durable.
Le but principal de cet article est de proposer un cadre de réflexion utile au gestionnaire, c'est-àdire capable de penser le développement durable dans les organisations.
1.- L’INTÉGRATION
STRATÉGIQUE
DU
DÉVELOPPEMENT
DURABLE :
UN
IMPÉRATIF
L’objectif du développement durable est de définir des schémas viables et conciliant les trois
aspects économique, social et environnemental des activités humaines; « trois piliers » à prendre
en considération par les entreprises et les individus. Le développement durable est un processus
continu et suppose un équilibre entre trois piliers indissociables, tel qu’indiqué la figure 1
suivante :
•
•
•
Économique : performance « classique », mais aussi capacité à contribuer au
développement économique de la zone d’implantation de l’entreprise;
Social : conséquences sociales du projet envisagé au niveau des principaux acteurs
concernés : employés (conditions de travail, niveau de rémunération, …), fournisseurs,
clients, groupes de défense, communautés locales et société en général;
Environnemental : compatibilité entre le maintien de la biodiversité et des écosystèmes et
l’activité sociale de l’entreprise dans le milieu. Il comprend une analyse des impacts du
développement social des entreprises et de leurs produits en termes de consommation de
ressources, difficilement ou lentement renouvelables, ainsi qu’en termes de production de
déchets ou encore d’émissions polluantes, ect.
Fig. 1.- Les trois piliers du développement durable
environnemental
1/3
DD
1/3
économique
1/3
social
2
Au regard de ces trois piliers (réf.fig.1) s’ajoute un enjeu transversal, indispensable à la définition
et la mise de politiques et d’actions relatives au développement durable : la gouvernance. La
gouvernance consiste en la participation de tous les acteurs concernés (citoyens, entreprises,
…c’est une forme de démocratie participative). Le développement durable correspond au point
central DD défini par l’intersection des trois (3) médianes du triangle équilatéral formé. Il
représente alors la juxtaposition des trois piliers indissociables (économique, environnemental et
social). Plus l’entreprise se rapproche du point central DD, plus que celle-ci se rapproche du stade
de l’excellence durable.
Intégrer les objectifs du développement durable signifie donc pour un gestionnaire de veiller à la
rentabilité économique de son projet tout en diminuant ses impacts négatifs sur l’environnement
physique et sur le plan social. En d’autres termes, le chef d’une entreprise socialement responsable
(c'est-à-dire une entreprise qui prend en compte le développement durable) doit évaluer toute
décision à l’aune de ces trois piliers sans en privilégier aucun par rapport à l’autre. L’équilibre de
ces trois piliers ne va pas toujours de soi et se situe au plein cœur du défi de la responsabilité
sociale et environnementale des entreprises, sujet que nous n’abordons pas dans le cadre de cet
article. Selon Lauriol en 2003, cette situation a entraîné une prolifération de réflexions autour des
outils de gestion. À ce stade, nous ne disposons guère de cadres opératoires pour penser le
développement durable dans les entreprises, exception faite de la théorie des groupes d’intérêts
(Dontenwill, 2005).
2.- COMMENT LE GESTIONNAIRE PEUT-IL INTÉGRER LE DÉVELOPPEMENT
DURABLE DANS LA PLANIFICATION D’UN PROJET?
L’analyse des questions du développement durable tout au long du cycle d’un projet doit être
intégrée comme le processus à l’image du cadre opératoire présenté ci-dessous (Fig.2). À
l’exemple d’une approche de management plus responsable, il parvient désormais d’intégrer les
intérêts de l’ensemble des parties prenantes dans les processus décisionnels. Les groupes d’intérêts
locaux, dont les citoyens, les regroupements politiques, les associations locales, etc. doivent
participer et être informées régulièrement de l’évolution du projet durant toutes les phases de
réalisation de celui-ci, telles que l’analyse de faisabilité, la gestion des processus décisionnels, la
phase d’exécution ou même l’analyse à posteriori, etc.
Fig. 2.- Intégration du développement durable tout au long du cycle d’un projet
Programmation
Évaluation
Environnement
Acteurs locaux
Groupes d’intérêts
Partenaires
Économie
Équité sociale
Identification
Conception
Exécution
En comparaison avec la grille d’analyse du professeur Claude Villeneuve, une telle démarche
implique une réévaluation des phases du projet sur une base régulière afin de valider si le projet se
range correctement dans le sens souhaité, soit celui du développement durable. À l’égard des
études initiales, cela permettra de vérifier si l’acquisition des connaissances et l’analyse des
besoins des groupes cibles sont suffisantes et d’identifier les ajustements à faire. Les sections qui
suivent illustrent en quoi les bases méthodologiques de l’approche cadre logique pourraient
constituer un cadre de réflexion utile au gestionnaire pour incarner le développement durable.
3
3.- LA MÉTHODE CADRE LOGIQUE : UN OUTIL DE PLANIFICATION DE PROJET
La méthode du cadre logique est l’une des bonnes et nombreuses approches utilisées pour la
planification d’un projet ciblée sur les objectifs, plus particulièrement sur les résultats
(Commission européenne, 2001). Selon l’expert Jean-Pierre Ledant, 2005, le cadre logique devrait
se situer au centre de la démarche d’identification d’un projet. En même temps, les bases
méthodologiques du modèle logique constituent un cadre de réflexion utile au gestionnaire pour
incarner le développement durable. La méthode cadre logique est l’une des approches scientifiques
couramment utilisées en gestion de projet et se fonde sur quatre outils d’analyse : l’analyse des
parties prenantes, des problèmes, des objectifs et des solutions possibles. Comme l’indique la
figure 3, ces outils d’analyse sont liés entre eux et définissent une relation d’interdépendance,
depuis les études initiales jusqu’à la planification du projet.
Fig. 3.- Typologie des outils d’analyse
ANALYSE DES
PARTIES PRENANTES
ANALYSE DES
PROBLÈMES
ANALYSE DES
OBJECTIFS
É
T
U
D
E
S
I
N
I
T
I
A
L
ÉLABORATION
DU MODÈLE DE
PLANIFICATION
E
S
ANALYSE DES
SOLUTIONS POSSIBLES
Interdépendance
Analyse des parties prenantes
Une « partie prenante » se définit comme étant : « tout individu, tout groupe qui peut affecter ou
être influencé par les objectifs de réalisation d’une entreprise » (PMBOK, 2004). L’analyse des
parties prenantes est la phase la plus importante de l’utilisation de la méthode cadre logique. Celleci est étroitement liée à l’analyse des problèmes. Pour plusieurs spécialistes de gestion de projet,
elle est composée de cinq (5) étapes.
• Identification des groupes d’intérêts
À cette première étape d’analyse, il convient d’identifier puis de caractériser tous individus,
groupes et institutions qui peuvent avoir un rapport avec la problématique afin de déterminer leurs
intérêts et points de vue sur la situation existante. Les relations et le positionnement de ces acteurs
avec un éventuel projet sont également soumis à l’analyse. Les parties prenantes concernées par la
problématique sont alors réunies si possible pour une réflexion commune au cours d’un atelier de
planification. En général, l’analyse des parties prenantes est effectuée durant la phase préparatoire
du projet. Une analyse à priori sur l’ensemble des acteurs locaux peut être menée afin de mieux
cibler les problèmes posés et faciliter la réflexion. Une analyse commune en atelier des parties
prenantes peut également être utile pour préciser l’éventail des acteurs.
4
• Mesure de potentiel de menace ou de collaboration
Après avoir identifié les principaux acteurs liés au projet, nous devons être capable de mesurer
l’influence de chacune de ces parties prenantes identifiées par rapport au projet. L’objectif de cet
exercice est d’évaluer surtout la capacité d’influence que peuvent avoir ces parties prenantes sur le
déroulement des différentes phases du projet.
Cet examen nécessite une attention considérable de les étudier soigneusement afin de prévoir les
actions et les stratégies qui doivent être adoptées à l’égard de ces parties prenantes stratégiques,
comme l’indique le tableau 1 suivant.
Tableau 1 .- Mesure de potentiel de menace ou de collaboration des groupes d’intérêts
Caractéristiques
Groupes d’intérêts
au projet
sociales/politiques/culturelles,
économiques,
réligieuses/statut juridique
structure organisationnelle
Intérêt/
Objectifs/
Attentes
Sensibilité visà-vis des
aspects
transversaux
- environnement
- genre, minorités
Potentialités/
Faiblesses
Implications/
Contributions
-connaissances
- communication
- actions nécessaires
- expériences
- ressources
Gouvernement fédéral
Gouvernement provincial
Autorités municipales
et locales
Institutions financières
Citoyens, activistes,
minorités ethniques,
Organismes de défense
Partis politiques, …etc.
Universités, écoles
Secteur privé, corporation
Média, presse écrite
Autres
… à remplir de façon indicative
• Processus d’accompagnement des groupes d’intérêts
L’accompagnement des parties prenantes est esssentiel pendant trois périodes de la vie d’un
projet . Il devrait se faire dans les périodes suivantes :
- Lors des audiences publiques, ou lors de l’instruction du permis de construire;
- Éventuellement, pendant la construction ou la mise en travaux ;
- Tout au long du fonctionnement du projet.
• Plan de communication
Il est important de développer un plan efficace de communication, car celui-ci permet de :
- Soutenir le projet auprès des citoyens dans la zone d’implantation de celui-ci;
- Informer, impliquer et rassurer les citoyens de l’importance et l’impact du projet
- Limiter les recours juridiques.
• Processus d’intégration
L’intégration des parties prenantes devient l’étape la plus importante dans la gestion des processus
décisionnels. Cette étape ne fait pas toujours l’unanimité chez la plupart de nos décideurs. Il
faudrait donc envisager :
- Leur intégration dans les groupes de travail pour « dégonfler » leurs oppositions
systématiques. Puisque la contestation permet de concevoir des projets de meilleure
qualité, même si cette contestation peut freiner le développement du projet ;
5
- L’invitation des parties prenantes stratégiques à des visites de sites existants. Une bonne
partie d’entre eux sont susceptibles de changer d’avis en acceptant l’invitation ;
- La formation d’associations locales de soutien. Le projet devrait bénéficier le support de
ce genre d’associations; elle doit associer largement les élus et les habitants ; sa création
peut être le fait de particuliers ou d’élus, mais jamais de l’opérateur lui-même.
Analyse des problèmes
Une des raisons pour lesquelles nous développons des projets dans les collectivités locales est
donc pour contribuer à un processus de changement d’une situation considérée comme
insatisfaisante ou problématique par un important groupe de parties prenantes en une situation
satisfaisante. Un projet réussira plus aisément à assurer ce changement s’il commence par des
analyses de la situation problématique. L’analyse des problèmes identifie les aspects négatifs de la
situation existante et établit les relations de causes à effets entre les problèmes.
Ce deuxième type d’analyse est important puisqu’il vise à identifier les goulots d’étranglements
réels que les parties prenantes locales considèrent comme prioritaires et qu’elles tentent de
résoudre. Cette démarche d’analyse est composée de trois étapes :
- Définir avec précision le cadre et le sujet de l’analyse;
- Identifier les problèmes réels rencontrés par les groupes cibles et les bénéficiaires;
- Visualiser le problème dans un diagramme, appelé «arbre des problèmes» afin d’établir la
relation cause - effet.
Analyse des objectifs
L’analyse des objectifs identifie et vérifie des situations futures souhaitées, prioritaires pour les
bénéficiaires du projet. La hiérachie des objectifs résulte de cette analyse. Dans une démarche
méthodologique, l’analyse des objectifs permet donc ici :
- Décrire la situation future qui prévaudra lorsque le problème aura été résolu, avec la
participation des parties prenantes;
- Vérifier la hiérarchie des objectifs;
- Visualiser les objectifs dans un diagramme, appelé «arbre des objectifs» afin d’établir la
relation moyens- fins.
Ce troisième type d’analyse indique un aperçu clair d’une situation future recherchée. De telle
analyse rapporte également certains objectifs qui ne peuvent pas être réalisés par le projet. Ces
objectifs doivent être traités dans le cadre d’autres projets, même si certains d’entre eux pourraient
se révéler peu réalistes.
Analyse des solutions posssibles
Ce type d’analyse consiste à sélectionner la (ou les) solution(s) qui doivent être appliquée(s) en
vue d’atteindre les objectifs souhaités. Cette analyse requiert donc des critères clairs qui
permettent de choisir des solutions, puis l’identification des différentes solutions pour atteindre les
objectifs, et finalement le choix de la solution optimale à adopter pour le projet :
- Des critères clairs qui permettent de choisir des solutions;
- L’identification des différentes solutions pour atteindre les objectifs fixés;
- Le choix de la solution optimale à adopter pour le projet.
Dans la hiérarchie des objectifs, les différentes « familles » d’objectifs de même nature sont des
stratégies. Il faut choisir la (ou les) stratégie(s) de l’intervention future. La stratégie la plus
pertinente et faisable est sélectionnée sur la base d’un certain nombre de critères. Parmi ces
critères, il faut citer les priorités des parties prenantes (disparités sociales, environnement,
inégalités économiques, …), les chances de succès, le budget disponible, la pertinence de la
stratégie sélectionnées, le délai exigé, la contribution à la réduction des inégalités, y compris celles
liées au genre et à l’environnement, etc.
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CADRE LOGIQUE D’INTERVENTION D’UN PROJET
Titre du projet :________________________________________________________________________
Date de début :_________________________ Date de fin ___________________________-_________
Budget (estimation) :__________________________Financement local :__________________________
LOGIQUE HORIZONTALE
L
O
G
I
Q
U
E
V
E
R
T
I
C
A
L
E
Niveaux
descriptifs du projet
Logique
d’intervention
Indicateurs
Objectivement
Vérifiables (I.O.V.)
Moyens de
vérification
Hypothèses
Objectifs
généraux
Objectif
Spécifique
Résultats
attendus
Moyen(s) :
Intrants
-physiques & non physiques
-composition, provenance,
etc.
Coût(s) :
- social
- environnemental
- redressement, etc.
Conditions
préalables
Source : Bolivar, nov. 2008, mémoire de maîtrise en gestion de projet, UQAR, pp.182-183
4.- DÉCOUPAGE DU PROJET AU REGARD DE CE MODÈLE
L’exemple de projet, considéré dans cet exercice, suit un découpage en quatre (4) phases
d’activités interdépendantes: la phase de programmation, la phase d’identification, la phase
d’exécution, et la phase d’évaluation et de fermeture (Bolivar, 2008, pp 90-91). Les activités
suivent une séquence logique et définie selon chaque phase considérée. Pour illustrer notre
démarche, l’analyse porte sur un projet fictif.
• Phase de programmation
Pour la première phase du projet, il importe de définir les orientations et principes généraux de
coopération entre le promoteur et les acteurs locaux. Sur la base de l’analyse des problèmes et des
potentialités de la région, et en tenant compte des priorités locales et de l’entreprise, des actions
mises en oeuvre par les autres partenaires ainsi que des capacités locales et de l’entreprise, des
idées de projets sont exposés dans les grandes lignes. C’est donc à cette étape ou après que doit se
produire le document préliminaire du projet (Mémoire d’Identification du Projet, etc.).
• Phase d’identification
Une fois le document préliminaire établi, les problèmes, les besoins et les intérêts des parties
prenantes doivent être analysés. Les idées de projet et d’autres opérations sont identifiées et
examinées en vue d’être éventuellement approfondies. Des études sectorielles, thématiques ou de
pré-faisabilité du projet peuvent être réalisées afin d’identifier, de sélectionner ou d’examiner les
idées spécifiques, et de définir quelles sont les études supplémentaires éventuellement nécessaires
pour la formulation d’un projet ou d’une action. Il en résulte ensuite une décision pour étudier plus
en détail ou non l’/les option(s) élaborée(s).
Durant la phase d’identification, l’idée du projet est pour la première fois présentée de façon
encore sommaire. Une décision déterminante pour la suite doit alors être prise. Il faut en effet
répondre à la question de savoir si oui ou non il va falloir continuer la préparation du projet. Pour y
arriver, les décideurs ont besoin d’informations fiables qui leur permettront de répondre aux deux
questions suivantes : le projet répond-t-il à des problèmes réels d’un groupe social clairement
ciblé ? le projet est-il faisable compte tenu du contexte sociopolitique ? Cette décision doit se
focaliser sur la pertinence et la faisabilité du projet. À ce stade, les décideurs ont également besoin
d’informations sur les objectifs globaux, l’objectif spécifique et les résultats intermédiaires qui
sont définis dans la première proposition du projet. Par ailleurs, les promoteurs du projet doivent
être capables d’appréhender les influences des facteurs contextuels sur le projet. Pour avoir une
bonne compréhension de la faisabilité du projet, quelques activités essentielles doivent être
formulées. De même, des indications sur les moyens et les coûts qu’exige le projet seront
nécessaires et les initiateurs doivent préciser les contraintes qui peuvent peser sur le projet.
• Phase de conception
La phase de conception est parfois synonyme de : « instruction, préparation, formulation ou
évaluation ex ante ». Dans cette phase, tous les aspects importants de l’idée de projet sont
examinés, en tenant compte des orientations du document préliminaire de projet, des facteurs de
qualité clés et les points de vue des principales parties prenantes (entreprises locales, citoyens,
communautés locales, etc.). Les bénéficiaires et autres partenaires participent activement à la
description détaillée de l’idée du projet.
La pertinence de ce projet par rapport aux problèmes et de sa faisabilité doivent être des questions
clés à étudier. Une fois le rapport d’identification approuvé, le projet sera élaboré plus tard durant
la phase de conception sur base des informations recueillies durant la phase précédente, soit celle
de l’identification. C’est ainsi à cette phase, les décideurs doivent prendre toutes les informations
nécessaires pour décider sur la pertinence, la faisabilité et la durabilité du projet. Les études
d’impact doivent être revisées conjointement avec les partenaires ou les représentants des
communautés locales. Ils doivent également se faire une idée de l’efficience du projet.
• Phase d’exécution
Durant la phase d’exécution, l’évolution du projet doit être continuellement contrôlée. Ce contrôle
ou suivi se focalise sur l’exécution effective des activités. Les résultats du suivi peuvent entrainer
des changements au niveau du cadre logique. Les ressources convenues sont utilisées pour
atteindre l’objectif spécifique, le(s) groupe(s) cible(s) perçoit (vent) les bénéfices prévus) et les
objectifs plus larges, généraux. Cette phase implique généralement la passation de contrats
d’études, d’assistance technique, de services ou de fournitures. L’état d’avancement du projet fait
l’objet d’un suivi régulier permettant de l’ajuster à l’évolution de la situation. À la fin de la mise
en œuvre, la décision de clôturer ou de prolonger le projet devrait être prise. À tout changement
dans les phases du projet, le plan initial de projet devra par contre être révisé et adapté.
• Phase d’évaluation et de terminaison
L’évaluation est une fonction qui consiste à porter une appréciation, aussi systématique et
objective que possible, sur un projet en cours ou achevé, un programme ou un ensemble de lignes
d’action, sa conception, sa mise en œuvre et ses résultats. Il s’agit de déterminer au cours de cette
phase la pertinence des objectifs et leur degré de réalisation, l’efficience, l’efficacité, l’impact et la
viabilité par rapport au développement. L’évaluation fournit des informations crédibles et utiles,
permettant d’intégrer les enseignements tirés aux mécanismes d’élaboration des décisions tant des
acteurs partenaires que des bailleurs de fonds. Cette évaluation peut avoir eu lieu au cours de la
mise en œuvre du projet (« évaluation à mi-parcours »), à la fin du projet (« évaluation finale ») ou
après son achèvement (« évaluation ex post»), soit pour réorienter le projet ou pour tirer des leçons
pour les projets comparables. L’exercice d’évaluation peut aussi conduire à une décision de
continuer, de rectifier ou de terminer le projet.
Durant la phase d’évaluation, l’accent doit être mis sur l’analyse de l’efficience et de l’efficacité
de l’intervention et spécialement sur le niveau des résultats atteints, sur l’objectif spécifique et les
objectifs globaux. Ceci s’explique principalement dans le cas de l’évaluation à mi-parcours. Si
l’évaluation ex-post est réalisée, celle-ci se focalisera également sur l'impact et devra être suivie
par un plan de transfert des responsabilités. Dans ce cas, les conclusions et recommandations
doivent être prises en compte pour la planification et la mise en œuvre de projets comparables.
5.- AUTRES CONSIDÉRATIONS IMPORTANTES
Bien que ce modèle offre un cadre de réflexion utile et opératoire pour intégrer le développement
durable au sein des entreprises, il faut souligner que celui-ci ne peut à lui seul garantir le succès
d’un projet étant donné les spécificités de chaque projet ou encore les particularités de chaque
région. Le bon sens doit cependant être au rendez-vous. Ce modèle ne peut constituer qu’un outil
d’accompagnement pour le gestionnaire de projet. Son utilisation nécessite l’implication d’autres
éléments pour parvenir à un cadre d’analyse structuré et adapté. Comme le rapporte l’Union
européenne, il importe également d’intégrer les principaux facteurs suivants :
• Partenariat et dialogue avec les parties prenantes écologiques et sociales – la mesure
dans laquelle les groupes cibles et bénéficiaires du projet participent à sa conception et sont
impliqués. Le projet doit obtenir alors leur appui pour qu’il soit viable, une fois le
financement terminé ;
• La part de la main-d’œuvre locale dans l’élaboration du projet – le projet doit être
générateur d’emplois pour les citoyens de la zone d’implantation du projet ;
• Politique de soutien – la qualité de la politique ou de lois en vigueur, et la mesure dans
laquelle le gouvernement prouve son soutien pour la continuation des activités du projet. Il
est important de recevoir pleinement le soutien de la haute direction ;
• Innovation et technologie appropriées – il s’agit de s’assurer que les technologies
utilisées par le projet peuvent continuer de fonctionner à long terme (p. ex. la disponibilité
des pièces de rechange, réglementations suffisantes en matière de sécurité, les capacités
locales des femmes et des hommes en termes de fonctionnement et d’entretien).
Proprement dit, une technologie qui utilise les ressources locales ;
9
•
•
•
•
Protection de l’environnement – la mesure dans laquelle le projet préserve ou nuit
l’environnement, et dès lors, favorise ou entrave la réalisation des bénéfices à long terme.
Aspects socioculturels – il s’agit de savoir : comment le projet prendra en compte les
normes et attitudes socioculturelles locales ; et quelles sont les mesures mises en place pour
que les groupes bénéficiaires puissent accéder de manière appropriée aux services et
bénéfices découlant du projet pendant et après la mise en œuvre ;
Analyse des intérêts des femmes, des hommes et des minorités ethniques – il s’agit de
savoir : comment le projet tiendra compte des besoins et des intérêts spécifiques des
femmes et des hommes ; si le projet contribuera à atténuer les inégalités liées au genre et
aux différents groupes ethniques sur une période de plus ou moins long terme ;
Efficacité économique et viabilité financière - la mesure dans laquelle les avantages
retirés sur le projet dépassent les coûts, et le projet représente un investissement viable et
sécuritaire sur le long terme pour tous les acteurs.
6.- CONCLUSION
L’objectif de cet article est de mettre en évidence une stratégie d’intégration du développement
durable quant aux outils méthodologiques en gestion de projet. L’approche cadre logique nous a
servi de fondements méthodologiques et utilisée comme l’outil de communication nécessaire entre
les parties prenantes, tout au long le cycle du projet. À la lumière de ce qui précède, il apparaît
clairement que l’intégration des objectifs du développement durable est un processus complexe,
influencé par beaucoup de facteurs qui peuvent intéragir entre eux ou perçu différemmrnt par les
gestionnaires de projet. Le message est alors clair : il faut d’abord changer la façon de penser avant
de changer la façon d’agir. Il n’existe guère de cadres théoriques valables pour penser le
développement durable dans les organisations, à l’exception de la théorie des groupes d’intérêts.
Cette modèle de gestion, décrit dans cet article, semble offrir aux intéressés une base de réflexion
utile pour opérationnaliser les questions de l’environnement et du développement durable dans
l’ensemble des méthodologies de la gestion de projet. Néanmoins, il ne saurait remplacer les autres
approches de gestion, telles que la technique PERT, la méthode du chemin critique ou CPM,
l’analyse d’efficacité et de la qualité d’un projet, etc.
BIBLIOGRAPHIE
BOLIVAR, Jean-Gynse. (2008) « Comment intégrer l’environnement et le développement durable dans l’ensemble
des méthodologies de la gestion de projet. Une démarche conceptuelle orientée vers un modèle de planification de
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