Stratégie d`affaires : jamais sans mon conseil d`administration

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Stratégie d`affaires : jamais sans mon conseil d`administration
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stratégies
26 avril 2014
les affaires
Stratégie d’affaires :
jamais sans mon conseil d’administration
Gouvernance
Série 1 de 5
La gouvernance a été sous les feux des
projecteurs au cours des derniers mois,
notamment avec la commission
Charbonneau. Découvrez des exemples
de meilleures pratiques dans le domaine.
Nathalie Vallerand
La stratégie d’affaires est le moteur de la croissance et de la compétitivité d’une entreprise.
À cet égard, un conseil d’administration qui
joue bien son rôle ne se limite pas à approuver
le plan stratégique soumis par la direction. Il
participe aux grandes orientations, challenge la
direction sur les actions à prendre et suit la mise
en œuvre de la stratégie. Dans une PME, il peut
même carrément mettre la main à la pâte.
« Une petite entreprise du domaine alimentaire
n’arrivait pas à faire entrer ses produits dans les
supermarchés, raconte Jean-Daniel Brisson, premier directeur principal, groupe-conseil stratégie
et performance chez Raymond Chabot Grant
Thornton. L’un de ses administrateurs, qui avait
travaillé dans le secteur, a fait jouer ses contacts
et l’a aidée à percer ce marché. »
Souvent, le dirigeant d’une PME a des idées
pour faire croître son entreprise, mais il n’a
pas toujours les ressources, les connaissances
et l’expérience pour les structurer et les mettre
en application. José Mathieu est à même de
le constater, lui qui porte à la fois les chapeaux
de président et chef de la direction d’une PME,
Plastube, et d’administrateur d’une autre PME,
Alta Précision, spécialisée dans la fabrication
de composants pour l’industrie aérospatiale.
« Alta a un premier projet d’expansion à l’international, et les membres de son conseil, qui
ont de l’expérience en la matière, lui sont d’un
grand soutien. » Lui-même fournit un apport
important, ayant travaillé 23 ans pour Bombardier, dont quelques années aux États-Unis et
en Europe.
De plus, il bénéficie des lumières de son conseil
pour mener à bien l’implantation d’une nouvelle
technologie de production dans l’usine de
fabrication de contenants pour cosmétiques de
Plastube, à Granby. « Dans ce cas, c’est moi
Pour Jean-Daniel Brisson, de Raymond Chabot Grant Thornton, le conseil représente
une police d’assurance pour le développement et la croissance d’une entreprise.
l’entrepreneur enthousiaste. Le conseil a soulevé une foule de questions logistiques sur mon
projet. Je suis en train de refaire mes devoirs et
je leur présenterai un projet encore plus solide. »
Une police d’assurance
Pour Jean-Daniel Brisson, le conseil représente
une police d’assurance pour le développement
et la croissance d’une entreprise. « Avec ses
questions, il aide le dirigeant à déterminer les
risques et les occasions. Il lui permet de voir la
forêt et non seulement les arbres. »
Mais pour bien jouer leur rôle à l’égard de la
stratégie, les administrateurs doivent allouer
du temps au suivi de celle-ci à chaque réunion.
Un bon point de départ est de s’informer de
l’avancement des actions qui contribuent à la
mise en œuvre de la stratégie. « Si les administrateurs s’intéressent uniquement aux opérations courantes et à la reddition de comptes,
c’est comme s’ils regardaient seulement une
photo jaunie », compare Richard Dancause,
formateur au Collège des administrateurs de
sociétés (CAS) de l’Université Laval.
Comme d’autres fonds de capital de risque,
Desjardins Entreprises Capital régional et
coopératif est convaincu que le conseil d’administration peut contribuer à la croissance et
au rendement d’une entreprise. Il fait même
de la mise en place d’un conseil une condition
avant d’investir. « Quand l’entrepreneur est bien
entouré, son entreprise est plus forte et en
meilleure santé », affirme Anne-Marie Poitras,
vice-présidente, gouvernance des PME et des
fonds sous gestion.
Encore faut-il avoir les bonnes personnes
autour de la table du conseil. Desjardins trie
sur le volet les administrateurs qui la représentent dans les conseils des entreprises où
elle place ses billes. Sélection en fonction des
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Des profils complémentaires
Un bon mélange de compétences et une complémentarité des profils s’imposent. « On mentionne souvent l’importance d’avoir des administrateurs spécialisés dans le droit, la finance
et la comptabilité, mais pour une PME, il est
également très important d’avoir une expertise
dans le domaine commercial », écrit Jean-Daniel
Brisson dans son blogue.
Outre une meilleure sélection des adminis­
trateurs, le partage de l’information est un autre
enjeu. Selon Yvan Allaire, président de l’Institut
sur la gouvernance d’organisations privées et
publiques, les administrateurs se limitent trop
souvent à l’information fournie par la direction,
ce qui peut compromettre leur capacité de comprendre et de participer aux enjeux stratégiques.
Il donne l’exemple du Canadien Pacifique
qui était, jusqu’à tout récemment, l’une des sociétés les moins efficaces de son secteur. Pourtant, son conseil, composé du « gratin du monde
des affaires », ne remettait pas en question la
stratégie de la direction. Est arrivé en 2011
un fonds de couverture, le new-yorkais Pershing
Square, qui a mené une bataille pour remplacer
le pdg et imposer de nouveaux administrateurs.
Depuis, l’action a triplé. Le conseil précédent
faisait-il bien son travail ?
Pour Richard Dancause, une bonne pratique
pour les administrateurs consiste à aller sur
le terrain, dans les bureaux, les usines, pour
sentir le pouls de l’entreprise. Il est bon également de s’intéresser aux stratégies des concurrents et aux tendances du secteur. « En étant
mieux informé et en comprenant bien le marché,
le conseil est capable de poser les bonnes questions, de challenger davantage la direction. Et si,
malgré les explications de la direction, il a des
réserves ou des doutes sur la stratégie, il peut
demander un avis externe. »
Photo : Jérôme Lavallée
compétences et de la valeur ajoutée qu’ils
peuvent apporter, enquête de crédit, rencontres
avec les autres membres du conseil et l’équipe
de direction, le processus est rigoureux. Mais
c’est loin d’être le cas partout. « Le beau-frère
de l’expédition fait encore trop souvent partie
des conseils », illustre de façon imagée José
Mathieu qui est administrateur de sociétés
certifié, titre accordé par le programme de
certification en gouvernance de sociétés du CAS.