Les Arabes de Detroit et la « guerre contre le terrorisme » de l

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Les Arabes de Detroit et la « guerre contre le terrorisme » de l
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Les Arabes de Detroit et la « guerre
contre le terrorisme » de l’Amérique
La remise en question
de leur citoyenneté américaine
Hérodote, n° 109, La Découverte, 2e semestre 2003.
Andrew Shryock*
Il est difficile aujourd’hui de dresser un portrait de la population arabe de
Detroit sans tenir compte des conséquences du 11 septembre 2001. Il n’y a pas si
longtemps, les Arabes de Detroit étaient perçus comme culturellement bien intégrés, certains étant sénateurs, comme Abraham Spencer, patrons de syndicat tel
Steve Yokich, président de l’Union des travailleurs américains (UAW), ou encore
pontes de l’industrie comme Jacques Nasser, membre du comité exécutif de Ford.
Mais cette représentation a basculé au cours des quelques heures de l’attaque du
11 septembre. Soudain, les Arabo-Américains sont apparus comme une menace
potentielle, on douta de leur loyauté envers l’Amérique. À Dearborn, banlieue où
vivent 30 000 Arabo-Américains, on commença, après le 11 septembre, à qualifier
leurs quartiers de « ghettos » ou d’enclaves, terminologie qui marque l’altérité et
qui était très employée au XIXe siècle dans la presse à propos des nouveaux immigrants qui arrivaient du Liban. C’est pourquoi certains Arabo-Américains disent
que les attaques du 11 septembre les ont ramenés cent ans en arrière.
L’effondrement du 11 septembre est une métaphore intéressante pour évoquer
ce qui se passe à Detroit.
La communauté arabe a joué un rôle essentiel dans le développement économique et culturel de Detroit au cours du XXe siècle, et son influence dans les
* Maître de conférences, département d’anthropologie, University of Michigan, codirecteur
de Arab Detroit : from Margin to Mainstream, Wayne State University Press, Detroit, 2000.
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hautes sphères de la politique et sur la vie quotidienne des pays arabes dont elle
est originaire est incontestable par le biais des envois d’argent, d’informations,
d’idées et de population.
Cependant, alors que la guerre contre le terrorisme menée par l’administration
Bush s’étend, cette riche histoire d’intégration nationale et de relations transnationales des Arabo-Américains est tronquée, questionnée, repolitisée, occultée de
manière sélective. Cette transformation radicale est liée à une profonde anxiété : à
Detroit, Arabes et musulmans sont clairement avec « nous », mais leurs cœurs sont
peut-être restés « là-bas » avec « eux ». Ce qui est encore possible pour nombre
d’Américains ethniques dans une époque de tolérance multiculturelle d’être « ici »
et « là-bas » est devenu impossible aux Arabes d’Amérique.
En effet, après le 11 septembre, ces Américains d’origine arabe et musulmane
ont été contraints, et à plusieurs reprises, de s’excuser pour des actes qu’ils n’ont
pas commis, de condamner des actes qu’ils n’ont jamais ordonnés et de jurer
ouvertement fidélité et dévouement, ce que l’on considère comme allant de soi
pour la plupart des Américains. De plus, les Arabes de Detroit ont été contraints
de prendre leurs distances avec les mouvements politiques, les idéologies, les
causes, les organisations religieuses et les points de vue arabes opposés à la politique américaine. C’est contre cette situation coercitive, qui paralyse le chercheur
autant que l’activisme politique, que nous écrivons.
L’estimation de la population immigrée arabe de Detroit par les organisations
arabo-américaines, toujours controversée parce que souvent exagérée, est de
370 000 personnes ; cela dit, même les estimations les plus basses évoquent
120 000 personnes. Les Arabes de Detroit vivent en banlieue et surtout à Dearborn,
où Libanais, Yéménites, Irakiens et Palestiniens, presque tous musulmans, ont
installé mosquées, centres commerciaux, services sociaux, comités d’action politique, clubs de vacances et associations de quartier. On trouve une seconde
concentration beaucoup moins importante de population arabe le long de la Seven
Mile Road de Detroit, où se sont installés des immigrés irakiens, presque tous
chrétiens chaldéens, et une minorité parlant araméen venue du nord de l’Irak. Dès
qu’ils en ont les moyens financiers, ils quittent ce quartier pour rejoindre les
banlieues nord, où les Chaldéens et les immigrés parlant arabe sont nombreux et
très actifs. Plus de 5 000 magasins (épiceries, drogueries, spiritueux, stationsservices), selon la chambre arabo-américaine de commerce, sont tenus par des
Arabes dans le grand Detroit. À cette immigration récente s’ajoute une immigration beaucoup plus ancienne venue de la Syrie ottomane, arrivée à Detroit dans les
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Histoire et cartes
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LA POPULATION ARABO-AMÉRICAINE
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Yéménites
Yéménites, Palestiniens,
Libanais, musulmans
Libanais et Irakiens chiites
Irakiens chaldéens
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Lincoln
Park
Palestiniens de Ramallah
Coptes égyptiens,
Palestiniens, Syriens-Libanais
Chrétiens, Syriens-Libanais
Wayne
County
D’après Sameer ABRAHAM et Nabeel ABRAHAM (éds), Arabs in the New World : Studies on
Arab-American Communities, Center for Urban Studies, Wayne State University, Detroit, 1983.
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années 1890, et du Liban, majoritairement des commerçants chrétiens. D’autres
Syriens sont arrivés en 1974, quand Henry Ford commença à payer ses ouvriers
5 dollars la journée. Enfin, la plus importante et récente vague d’immigration libanaise est liée à la guerre civile au Liban, qui débuta en 1975. Dans les années
1980, 30 000 Libanais ont quitté le Liban pour Detroit et 10 000 sont arrivés du
Canada, d’Afrique et d’Europe. Les Libanais sont de loin la plus grande communauté arabe de Detroit, mais l’agglomération compte aussi les communautés
yéménite et irakienne les plus importantes des États-Unis et une population arabe
venue d’Israël, de Palestine, d’Égypte, du Soudan, de Syrie. Leur immigration
étant liée à l’instabilité politique et économique de leur pays, le profil démographique de ces populations est à l’opposé de celui de leur pays. Par exemple, les
chrétiens ne représentent que 5 % de la population arabe au Moyen-Orient, mais
50 % de la population arabo-américaine de Detroit. La population irakienne de
Detroit est principalement chrétienne. Quant à la population libanaise, qui a été
très majoritairement chrétienne, elle est désormais à moitié musulmane et essentiellement chiite.
La communauté arabo-américaine est très hétérogène, ce qui explique qu’elle
ait quelque difficulté à se faire représenter. Ce n’est pas simplement une communauté ethnique américaine classique. Même si l’identité de certains de ses membres
se trouve dans les montagnes du Yémen, dans la campagne libanaise ou dans les
zones ravagées par la guerre du nord de l’Irak, le Detroit arabe ne fait pas partie
du monde arabe. La majorité des Arabo-Américains de Detroit ne parlent pas
l’arabe, ne sont jamais allés au Moyen-Orient et sont extrêmement divisés : Irakiens
chiites arrivés après l’échec de leur révolte proaméricaine contre Saddam Hussein
en 1991, Palestiniens hostiles à la politique américaine pro-israélienne, Arabes
chrétiens et Arabes musulmans.
Pourtant, l’interface entre les nouveaux immigrés arabes, les Arabo-Américains
de longue date et la société non arabe est gérée par des organisations communautaires qui représentent une identité arabo-américaine séculaire, évolutive et pluraliste, mais dont la religion (chrétienne ou musulmane) reste la clef de voûte. À la
suite du 11 septembre, cette communauté a été perçue comme pouvant être une
menace et a donc été régulièrement mise à l’épreuve, avec des conséquences
inquiétantes et contradictoires sur les populations arabes de Detroit.
Nouvelles de la zone en guerre
Plus d’un an après le 11 septembre, les populations arabes et musulmanes de
Detroit ont été transformées par un arsenal de moyens légaux ou illégaux en un
front interne de la guerre contre le terrorisme que mène l’administration Bush. La
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banlieue de Dearborn a été la première ville américaine à avoir ses propres
bureaux de sécurité. Personne ne l’a dit officiellement, mais le Detroit arabe est
maintenant perçu comme une zone de menace, et ses habitants ont de bonnes
raisons de se sentir menacés au vu des messages ambigus qu’ils reçoivent. Les
premiers mois qui ont suivi le 11 septembre virent se perpétrer des « crimes de
haine 1 » et des intimidations, mais aussi un désir de comprendre et de protéger
Arabes et musulmans. Ainsi le gouvernement fédéral a vite pris des mesures
(avant le 15 septembre 2001) pour éviter une riposte dont les populations araboaméricaines auraient pu être les victimes. « Toutes menaces de violence ou de
discrimination envers les Arabo-Américains ou les Américains musulmans ou les
Américains d’origine sud-asiatique ne sont pas seulement immorales et antiaméricaines, mais elles sont aussi illégales et seront traitées comme telles », a prévenu
le bureau du procureur général John Ashcroft (mémorandum 01 408 du département de Justice américaine, 13 septembre 2001).
Cette attitude pouvait laisser croire qu’une décennie de conditionnement multiculturel avait finalement payé. Ce qui fut le cas au sens littéral du terme puisque
le Centre communautaire arabe pour l’économie et les aides sociales (ACCESS),
la plus grande agence d’aides sociales de ce genre aux États-Unis, a reçu plus de
5 millions de dollars en dons venant principalement de sponsors d’entreprises et
de fondations de charité privées, afin de mettre sur pied des programmes culturels
et éducatifs.
Durant les quelques jours qui ont suivi l’attaque du 11 septembre, les mosquées
de Detroit ont simultanément reçu une montagne de menaces de mort, par courrier
et par téléphone, et de nombreuses visites de membres des paroisses chrétiennes
locales offrant leur soutien et leur amitié. Plusieurs mosquées ont tenu des journées
portes ouvertes, qui rencontrèrent un immense succès. Inversement, la fréquentation des restaurants moyen-orientaux et des magasins tenus par des Arabes a
baissé. Le maire de Detroit, Kwame Kilpatrick, a cependant soutenu les responsables du monde des affaires en accueillant une délégation d’ambassadeurs et de
ministres du Commerce de la Ligue arabe, en novembre 2001, pour discuter
de projets d’investissements et d’échanges entre Detroit et le monde arabe.
Les organisations arabes et musulmanes les plus importantes ont dénoncé sur
leur site web les attaques du 11 septembre. Les leaders de la communauté déclarèrent que Ben Laden n’était pas un bon musulman, ou même pas du tout un
musulman, et qu’il n’y a « absolument rien dans la culture arabe ou musulmane
qui cautionne ou encourage la violence » [ACCESS, 2002].
1. Hate crimes, crimes ayant pour motif des préjugés négatifs portant sur la race, la religion,
l’appartenance ethnique, l’orientation sexuelle ou le handicap de la victime.
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Le déploiement exagéré de drapeaux américains par les Arabes de Detroit sur
leurs vêtements, à même leur peau, sur leurs voitures, leurs maisons, les vitrines
de leurs magasins et leurs lieux de culte [Shryock, 2002] faisait partie d’un désir
intense, courant chez tous les immigrés, d’être perçus comme appartenant à la
nation américaine ou, en l’absence d’un tel sentiment d’appartenance, d’être au
moins protégés des violentes conséquences de cette non-appartenance. Le fait de
chanter The Star Spangled Banner devint pour un temps l’occasion de briller
pour certains chanteurs arabo-américains. Ils rivalisèrent pour monter sur tous les
podiums de Detroit, de jeunes chanteuses portant le hijab avaient les honneurs
des médias, et l’une d’elles fit même l’objet d’un court documentaire vidéo
[Mandell, 2002].
Nombre d’observateurs arabo-américains et musulmans crurent, dans les mois
qui suivirent le 11 septembre, que leur communauté était soumise à une sorte de
cérémonie collective de citoyenneté [Mattawa, 2002]. Comme l’a dit un imam
de Dearborn à une délégation visitant sa mosquée en 2002 : « Depuis le 11 septembre, les signes positifs envers notre communauté sont plus nombreux que les
signes négatifs. Les gens n’ont jamais été aussi curieux de l’islam. Nous ne pouvons satisfaire toutes les demandes de conférences. » Cette position indique la
volonté de ne pas s’affoler et comment des imams et une communauté installée
depuis plus d’un siècle ont réagi face à la crise.
Mais cette position s’est fortement affaiblie lorsque les États-Unis se sont préparés à attaquer l’Irak. Le passage de l’US Patriot Act et les décisions politiques
prises par le ministère de la Justice, le service d’immigration et de naturalisation
et le ministère des Finances ont créé un climat qui laisse croire que les gens venus
du Moyen-Orient et de l’Asie du Sud sont des populations particulières ne pouvant bénéficier des droits civiques garantis par la Constitution. Cette politique a
conduit 1 200 personnes en détention, sans que leur nom ni les accusations retenues contre elles n’aient été révélés. Plus de la moitié de ces détenus ont été
déportés, des milliers de résidents étrangers venus de pays arabes ont été interrogés alors qu’une déclaration arbitraire (car fondée sur des preuves confidentielles) affirmait que certaines organisations religieuses ou politiques soutenaient
activement le terrorisme, en particulier celles accusées d’avoir des liens avec les
opposants à l’occupation par Israël de la bande ouest de Gaza, ce qui légitime le
blocage de leurs biens financiers et la criminalisation de leurs membres.
Le Patriot Act II, sur lequel le ministère de la Justice travaille désormais, étend
le pouvoir du gouvernement à retirer la citoyenneté américaine, là encore sur une
preuve qui reste confidentielle. Ainsi, une personne mise en accusation peut se
trouver privée de l’accès aux cours de droit civil et aux protections légales, déportée
ou détenue indéfiniment, jugée par un tribunal militaire et même exécutée. Contre
des pouvoirs de cette ampleur, Hobbes lui-même n’aurait pas pu imaginer un plus
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puissant Léviathan. La menace des « camps d’internement » semble, au XXIe siècle,
inefficace et obsolète. À l’époque des ordinateurs et des cartes de crédit, les Arabes
et les musulmans d’Amérique n’ont pas besoin d’être détenus dans des camps
comme l’ont été les Japonais d’Amérique lors de la Seconde Guerre mondiale. Ils
peuvent être placés dans des « maisons d’arrêt » logistiquement souples, surveillés
dans l’intimité de leurs foyers ou dans leurs déplacements. Leurs achats, leurs
intérêts intellectuels et leurs contacts personnels peuvent être enregistrés. Ils peuvent être observés chaque fois qu’ils montent dans un avion ou entrent dans un
bâtiment fédéral. Si le besoin s’en fait sentir, des groupes visés peuvent être arrêtés
et, sans le moindre processus légal, être embarqués dans un charter et débarqués
discrètement dans leur pays d’origine (ou dans une tierce nation, où ils peuvent
être alors soumis à un « interrogatoire poussé »).
Bien sûr, tout le monde ne peut pas être suivi à la trace de cette façon. La
patrouille de la frontière américaine du Michigan effectue désormais des contrôles
imprévus afin de trouver des étrangers en situation illégale, de la drogue, des terroristes. Et si vous doutiez que les Arabes soient spécifiquement visés, le FBI vous
rassurerait en expliquant que la taille de son bureau de Detroit a plus que doublé
l’an passé et que ses agents reçoivent la pleine coopération des « leaders vigilants
de la communauté qui agissent en tant que guides culturels au sein du monde arabe
local ». Mark Corallo, porte-parole du ministère de la Justice à Washington DC,
dit de l’opération : « C’est la plus grande enquête de l’histoire des États-Unis »
(The Detroit Free Press, 12 novembre 2002). Le résultat, jusqu’ici, consiste en
des dizaines d’arrestations principalement pour escroquerie, falsification d’identité, contrebande de cigarettes et autres délits liés au marché noir, une découverte
présentée comme celle d’une « cellule secrète de combat opérationnel » de quatre
« terroristes d’Al-Qaida » (qui pourraient juste être quatre immigrés malchanceux
ayant le profil adéquat, la preuve de leur culpabilité n’ayant pas été rendue
publique).
Les appels à la citoyenneté commune avec les Arabes et les musulmans se font
rares en ces temps de guerre et du fait de la rhétorique de la suspicion. Les révisions de l’histoire sont de plus en plus fréquentes. Howard Coble, directeur du
Comité de la sécurité nationale, justifiait récemment l’internement des Japonais
américains. Il a aussi déclaré qu’il n’était pas favorable à l’internement des
Arabes, mais son discours n’était guère convaincant : « Nous étions en guerre. Ils
[les Japonais américains] étaient une espèce en danger. Pour nombre d’entre eux,
il n’était pas prudent de rester dans la rue. Il est probable que certains d’entre eux
désiraient s’en prendre à nous, tout comme il est probable que certains AraboAméricains ont l’intention de s’en prendre à nous » (Associated Press, 5 février
2003). Les médias, notamment les réseaux câblés, la presse à gros tirage et la
radio – les remarques de Coble furent émises lors d’une émission de radio où les
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gens sont libres d’appeler –, ont été un relais efficace des opinions antiarabes et
antimusulmanes, auxquelles adhère un réseau complexe de porteurs d’idées
conservatrices, de pontes pro-israéliens, de personnalités parlant au nom du gouvernement américain, de militaires retraités et d’officiels du Département d’État.
Il est ironique et plus que déprimant d’apprendre, selon les enquêtes nationales,
que les Arabo-Américains ont une cote de popularité « supérieure à celle qu’ils
avaient avant le 11 septembre ». Apparemment, ils n’ont jamais été considérés
avec autant d’affection. Cependant, les Arabes de Detroit, en dépit des dons, de la
publicité et des souhaits de bonheur qui continuent à pleuvoir sur les leaders et les
organisations de leur importante communauté, doivent trouver des moyens d’interpréter la démonstration, chaque jour plus claire, que leur place aux États-Unis est
plus vulnérable qu’elle ne l’a jamais été.
Les preuves de cette vulnérabilité abondent dans les liens qui unissent le
Detroit arabe au monde arabe. Le gouvernement américain est bien décidé à
désormais contrôler les échanges culturels, religieux, financiers, commerciaux, tout
ce qui fonde les liens entre la diaspora et le monde arabe, quitte à les supprimer
lorsqu’il n’est pas possible de les contrôler. Les dons aux organisations musulmanes internationales ont de ce fait fortement chuté, et les effets se font également
sentir dans le domaine commercial, secteur rempli d’hommes d’affaires conservateurs qui ont contribué à l’élection de George W. Bush en 2000.
Avant le 11 septembre, le succès des entrepreneurs arabes à Detroit contribuait
à relancer le secteur immobilier, revitalisant les économies locales moribondes.
Des entrepreneurs immigrés avaient investi leurs revenus, dans les années 1980,
dans l’immobilier, l’achat de voitures, l’aide financière à des parents résidant aux
États-Unis ou à l’étranger et les dons aux églises ou aux mosquées. Ils commençaient à jouer un rôle politique, finançant les campagnes municipales, soutenant
ou s’opposant aux maires, plaçant leurs alliés dans les conseils d’écoles et d’administration. Ces progrès économiques et politiques attirèrent l’attention des gouvernements arabes et de leurs représentants commerciaux, qui virent dans Detroit le
seul point d’entrée aux États-Unis. Cette situation particulière de Detroit, lien
entre le monde arabe et l’Amérique du Nord, est désormais utilisée par les autorités fédérales comme un moyen efficace pour récompenser ou punir les entrepreneurs arabes et les communautés qu’ils soutiennent. La chambre américano-arabe
de commerce, association importante de Dearborn, a travaillé ces derniers mois à
l’organisation d’un sommet économique qui devait réunir des dignitaires des États
arabes, des hommes d’affaires de Detroit et des officiels du gouvernement pour
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Les faillites de la diaspora
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LES ARABES DE DETROIT...
y négocier de nouvelles relations et de nouveaux contrats d’investissements.
Le Département d’État, le ministère du Commerce, la Ligue des États arabes et le
Conseil de coopération du Golfe y sont associés en tant que partenaires. La
chambre de commerce arabo-américaine, en assurant une forte promotion pour ce
sommet, a cherché à lui conserver un caractère aussi apolitique que possible. Mais
un sommet aux allures de show, avec la venue des familles royales des pays du
Golfe alliés des États-Unis et, pire que cela, un sommet programmé pour coïncider avec l’invasion et l’occupation de l’Irak par les États-Unis, est une perspective
que les hommes d’affaires arabes de Detroit ne peuvent approuver. Hamoud Rizk
(pseudonyme), un leader important des affaires arabo-américaines, nous a dit :
« Les gens ont gelé tous leurs projets. Ils n’investissent plus. Ils ont peur et se
demandent s’ils sont vraiment en sécurité. » Ce climat est désastreux pour les
affaires. La peur des camps d’internement et de la confiscation des biens est partagée par tous ses amis et collègues, qui redoutent que l’IRS (les services fiscaux)
se penche sur leurs revenus, cherchant la fraude fiscale. « Les gens commencent à
penser à retourner au Moyen-Orient, explique Rizk, ils craignent qu’à l’avenir les
Arabes ne soient plus traités comme les autres Américains, ils ont perdu confiance
dans le système légal des États-Unis. Ils voyaient ce pays comme le pays de la
liberté individuelle, l’Amérique en faisait d’ailleurs sa fierté, mais maintenant
la liberté est incertaine car elle dépend de qui vous êtes. Nous ne sommes plus
innocents jusqu’à ce que nous soyons reconnus coupables, maintenant. Au sein
même de votre propre communauté, vous devez prouver votre innocence. »
De plus en plus, les informations locales et nationales montrent des AraboAméricains arrêtés lors des enquêtes criminelles. L’opération Green Quest
conduite par le bureau des douanes américaines vise clairement à décourager, par
la propagande ou par décision politique, tout envoi d’argent à de la famille ou à
des partenaires commerciaux du monde arabe. Depuis 1991, les Irakiens n’ont
plus le droit d’envoyer de l’argent à leurs familles, mais les autorités n’ont renforcé les contrôles qu’après le 11 septembre. Des arrestations ont eu lieu parmi les
Irakiens de Detroit, les autorités fédérales disant que cette communauté envoyait
plus de 20 millions de dollars à des parents en Irak – une somme étrangement
inférieure aux 30 millions de dollars envoyés par des ouvriers non qualifiés – via
des routes détournées en Jordanie. James Dinkins, agent spécial en charge des
enquêtes menées par les douanes américaines à Detroit, a déclaré : « Une partie de
cet argent tombe dans les mains de Saddam Hussein » (Detroit News, 21 janvier
2003). Quand on sait que la plupart des Irakiens de Detroit sont de fervents opposants à Saddam Hussein, on s’étonne de ces affirmations. « Une des raisons de
l’embargo est de faire pression sur le gouvernement et la population afin qu’ils
changent leur pratique. Or le gouvernement ne changera que si les gens font assez
pression sur lui » (ibid.). Les flux financiers et commerciaux internationaux ne
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sont acceptables que s’ils sont liés à des régimes soutenus par les États-Unis,
autrement ils doivent être bloqués avec le but explicite de susciter la souffrance
humaine et une instabilité politique nécessaire.
Les Arabes de Detroit, qui suivent ces questions de près, réalisent que ces
nombres sont délibérément exagérés. Ils réalisent aussi qu’il est devenu routinier
de clamer que les Arabes en Amérique soutiennent matériellement le terrorisme,
bien que ce ne soit jamais démontré. L’augmentation de la surveillance et de la
suspicion, l’instabilité économique aux États-Unis et dans le monde arabe et le
boycottage considérable, bien que peu rendu public, des produits américains au
Moyen-Orient ont créé selon Hamoud Rizk « une franche répugnance à faire des
affaires. Quand le fait d’envoyer 50 dollars à un parent à l’ouest du pays peut
entraîner une enquête fédérale, vous vous interrogez sur tout ».
Des pressions immenses fondées sur la délégitimation ou la criminalisation
vont de pair ; par exemple, en échange de l’organisation du sommet économique,
la chambre américano-arabe de commerce recevra des fonds généreux du gouvernement américain, des autorités de l’État et des autorités locales. Cela consolidera
son rôle d’intermédiaire entre l’élite commerçante de Detroit et les importants
intérêts politiques et sociaux au sein du monde arabe, tout particulièrement dans
les États du Golfe. Le but final est d’augmenter les investissements arabes aux
États-Unis, qui s’élèvent à 200 milliards de dollars, et de faire converger une plus
grande part de ces sommes vers la région de Detroit (à l’heure actuelle, seulement
10 millions de dollars sont investis dans cette région). On fait miroiter que
General Motors et Ford Motors Company, ainsi que Daimler Chrysler Corp, pourraient accroître leurs parts de marché dans le monde arabe (The Detroit Press,
20 septembre 2002). On évoque en revanche peu les intérêts américains ou araboaméricains à investir dans le monde arabe. C’est le résultat de la tendance, depuis
le 11 septembre, à resituer les intérêts arabo-musulmans dans un cadre de référence et de contrôle strictement américain.
L’argent envoyé auparavant dans les pays arabes est désormais investi sur
place dans des institutions ethniques et religieuses américaines. Les dons au
centre de charité islamique sont en baisse, mais l’affluence dans les mosquées est
en hausse. De nouvelles mosquées et des écoles coraniques sont construites dans
l’ensemble de Detroit et dans le reste du pays ; les groupes de défense des musulmans tels que le CAIR (Conseil des relations américano-islamiques) et l’AMC
(Conseil américano-musulman) ploient sous les contributions et se payent de
pleines pages de publicité : « Nous sommes musulmans, nous sommes des Améri124
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Conclusion : la carotte et le bâton
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LES ARABES DE DETROIT...
cains musulmans. » Dans le New York Times, ils se décrivent comme des musulmans modérés modernistes. Le 11 septembre a rendu possible, pour les musulmans
« modernistes », la création d’un islam qui se veut sans complexes américain. Et
cette création est trop souvent légitimée par opposition à un islam considéré
comme mauvais, associé au fanatisme mais aussi, symboliquement et géographiquement, aux Arabes et au Moyen-Orient. Le CAIR a ainsi précisé qu’il n’y a
qu’environ 18 % de musulmans qui vivent dans les pays de langue arabe. La plus
grande communauté musulmane est l’Indonésie, une importante partie de la population africaine et asiatique est musulmane et d’importantes minorités existent en
ex-Union soviétique, en Chine et en Amérique du Nord ainsi qu’en Europe.
Mais toutes les transactions quotidiennes, qui ont leurs équivalences dans les
autres communautés immigrées, sont maintenant rendues délicates, difficiles,
voire dangereuses pour les Arabes de Detroit.
Désormais, les leaders de la communauté arabo-musulmane ont le souci de
réinventer leur communauté afin de la protéger, de la sécuriser et de la faire représenter efficacement. Il existe désormais des documentaires de grande qualité qui
présentent de façon sympathique les Arabes et l’islam en Amérique. Des programmes de recherche ont été lancés par des fondations ou des universités, de
nombreux ouvrages sur l’islam sont publiés aux États-Unis. Il n’est donc pas surprenant, en ces temps de redéfinition identitaire, que les Arabes de Detroit soient
avides de ressentir un sentiment d’appartenance nationale et d’américanité, ce qui
leur est à la fois demandé et refusé. Ce qui est inattendu, en revanche, c’est la
manière étrange dont chaque tentative de ressentir un sentiment d’identité américaine se doit d’être accompagnée d’une forte stigmatisation de l’identité arabe et
de ce qui s’y rapporte, à savoir l’identification à des croyances religieuses, des
idéologies ou des pratiques culturelles intrinsèquement différentes de celles qui
prévalent aux États-Unis. Pour réaffirmer leur statut de citoyens « bons » et
« loyaux », les Arabo-Américains doivent prendre leurs distances non seulement
avec les stéréotypes négatifs mais aussi avec les populations auxquelles se rapportent ces stéréotypes.
Cependant, la situation créée par le 11 septembre offre une opportunité de se
redoter d’une « américanité », comme le montre Jim Zogby [2001], directeur de
l’Institut arabo-américain : « On découvre les Arabo-Américains, ou mieux on les
redécouvre, par les mêmes journaux et réseaux qui nous découvrirent par deux
fois durant la dernière décennie. Tandis que je m’adressais à ceux chargé d’écrire
notre histoire, ils redécouvrirent la diversité de ma communauté : le fait que nous ne
soyons pas une nouvelle communauté ethnique (nous sommes ici depuis cent
vingt ans) ; que la plupart des Arabo-Américains ne soient pas en fait des musulmans (seuls 20 % d’entre eux le sont), que la plupart des Arabo-Américains n’aient
pas émigré récemment, en fait plus de 80 % d’entre eux sont nés aux États-Unis, et
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que nombre d’Arabes américains aient réussi à s’intégrer et à s’accomplir en
Amérique (deux Arabo-Américains et fiers de l’être, Spencer Abraham et Mitch
Daniels, sont membres du cabinet de George Bush, et Donna Shalala fut membre
du cabinet de Clinton). »
Zogby démontre parfaitement le sentiment d’altérité dans lequel nombre
d’Arabo-Américains vivent aujourd’hui, particulièrement ceux qui sont à Detroit.
La communauté arabe à laquelle Zogby ne s’adresse pas et à laquelle il n’encourage pas le lecteur à s’intéresser est nouvelle, musulmane, née au Moyen-Orient
inconnu, non acceptée, étrange culturellement et politiquement intouchable. Dans
le Detroit arabe, les gens appartenant à ce champ de l’altérité doivent faire profil
bas et se taire, tandis que les leaders de leur communauté négocient les termes sur
lesquels les populations arabes et musulmanes seront tolérées par les populations
américaines.
Ainsi, lors des élections nationales de mi-terme en novembre 2002, qui eurent
lieu pendant le ramadan, devoirs civiques et religieux s’étalaient dans tout le
Detroit arabe et à travers tous les États concernés. Le 5 novembre, George et
Laura Bush envoyèrent leurs vœux aux musulmans faisant le ramadan : « L’islam
est une foi de paix et d’amour pratiquée par plus d’un milliard de gens, y compris
des millions d’Américains musulmans. Ces honorables citoyens contribuent à la
diversité qui fait de notre pays une nation forte, et les États-Unis sont reconnaissants de l’amitié et du soutien de tant de nations musulmanes qui sont des partenaires vitaux dans la coalition mondiale combattant le terrorisme » (publication du
service de presse de la Maison-Blanche).
Le 5 novembre 2002, Imad Hamad, directeur du Comité antidiscrimination
(ADC) de Detroit, vota pour la première fois. Il a passé sept ans à se défendre
contre des attaques en justice, l’usage de preuves secrètes contre lui et des
menaces de déportation. Lorsqu’il prêta serment pour devenir citoyen américain,
des officiels du FBI étaient présents et le félicitèrent pour sa coopération au cours
des derniers mois.
Le 6 novembre, l’ADC demanda que les musulmans détenus pour le moment
dans les prisons puissent bénéficier de l’hébergement nécessaire au jeûne durant
le mois sacré du ramadan. L’ADC et l’Institut arabe américain (AAI) demandèrent
conseil à la Maison-Blanche pour savoir à quels organismes de charité pouvaient
être versés des fonds d’aide aux vacances pour les plus démunis. Personne ne voulait plus voir ses biens confisqués, ses comptes bloqués, ni être détenu ou expulsé
pour avoir donné de l’argent aux mauvaises personnes.
Le 6 novembre, l’AAI annonçait sur son site web que 70 % des quarante
candidats arabo-américains étaient sortis vainqueurs des élections nationales à mimandat. Ismael Ahmed, candidat démocrate à la chaire de l’université du Michigan,
n’en faisait pas partie. Un activiste républicain a fait campagne contre lui, direc126
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LES ARABES DE DETROIT...
teur de la Communauté arabe pour l’économie et les aides sociales (ACCESS). Le
candidat républicain avait affirmé qu’Ahmed soutenait financièrement des
groupes terroristes islamiques. Une lettre de soutien à Ahmed, provenant de
membres juifs de la délégation du Congrès démocrate, était arrivée trop tard pour
faire taire la rumeur.
Le 7 novembre, plus de trente activistes arabo-américains, venus de tout le
pays, se rendaient à ACCESS pour discuter les plans d’un musée américano-arabe
national (budget : 9 milliards de dollars). Ce musée, le premier du genre dans le
pays, sera conçu et réalisé par le cabinet Jack Rousse, entreprise connue pour
réaliser des zoos, des salons d’exposition, des parcs à thème. Il sera consacré aux
Arabes en Amérique et non aux liens avec le monde arabe, une séparation qui
gêne certaines personnes engagées dans ce projet, même si elle en enthousiasme
d’autres. « C’est le grand divorce, selon un observateur, ils vont remplacer deux
mille ans de culture par quarante meilleurs Arabes américains de Casey Kasem. »
Un autre commentait : « Il est temps pour nous de définir qui nous sommes et où
nous sommes, c’est-à-dire en Amérique. C’est mon pays, je ne suis pas un étranger, nous avons une histoire de plus de cent ans dans ce pays, les gens ont besoin
d’entendre cela plus que jamais. »
Edward Saïd disait, dans l’un de ses récents – et plus pessimistes – essais : « Je
ne connais pas un seul Arabo-Américain ou un seul Américain musulman qui ne
se sentent pas comme appartenant au camp ennemi. Être aux États-Unis en ce
moment nous fait vivre une expérience particulièrement déplaisante d’aliénation
et d’hostilité qui nous touche tous » [Gabriel, 2002, p. 23]. Les groupes de défense
des Arabo-Américains nous rappellent fréquemment que, bien que les conditions
que nous étudions soient effrayantes, la majorité des Arabo-Américains n’a pas
souffert d’abus directs (bien que la plupart d’entre eux en connaissent un
exemple). Néanmoins, l’aliénation que Saïd décrit a conduit beaucoup d’AraboAméricains à une position de double conscience, que W. E. B. Du Bois voyait
comme une caractéristique majeure de la condition des Afro-Américains au début
des années 1900. Selon Du Bois, cette situation difficile a conduit à un « déchirement de l’âme, un sentiment particulier de doute et de confusion » [Du Bois, 1903].
Le champ des possibilités décrit ici n’est pas du tout séduisant, en grande
partie parce qu’il est fortement limité par la contrainte effective d’une société
blanche au pouvoir déterminant et méprisant. Le pluralisme multiculturel et transnational qui devint accessible aux populations minoritaires des États-Unis à la fin
du XXe siècle était un moyen efficace d’atténuer les effets déchirants de la double
appartenance.
Cependant, les Arabes et les musulmans d’Amérique n’ont jamais pu complètement bénéficier de la citoyenneté multiculturelle pour des raisons profondément
enfouies dans la logique de la politique étrangère américaine au Moyen-Orient.
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Alors que les États-Unis entrent en guerre et se préparent peut-être à une série de
guerres contre les peuples arabes musulmans, les habitants de Detroit sont de plus
en plus perçus et se perçoivent de plus en plus à travers un double objectif.
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Bibliographie

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