il y a quelques années, Xavier Emmanuelli avec qui j`avais

Il y a quelques années, Xavier Emmanuelli avec qui j’avais fait un long parcours à Médecins
sans Frontières m’avait demandé au SAMU social de réfléchir un peu à ces questions là. Et
on n’avait pas beaucoup avancé, là aussi on avait ouvert plus de pistes qu’autre chose. Mais
on avait quand même eu le temps de faire une enquête en montrant que bien évidemment,
les bénéficiaires du SAMU social avaient cette problématique de l’alcool et qu’elle jouait à
bien des titres.
Et c’est mon deuxième point sur « alcool et institutions ».
Dans un centre qui va accueillir sous un même toit, dans une même chambre, autour d’une
même table, des sujets qui ont un statut avec l’alcool qui est différent, certains sont alcoolo-dépendants, d’autres sont peut être abstinents, d’autre sont dans une situation intermédiaire. Et bien, il faut probablement un certain nombre de règles, parce-que ce qui est inquiétant sur la situation c’est bien évidement le vivre ensemble. Et le vivre ensemble, pourquoi
l’alcool est un produit qui paradoxalement, alors qu’il est là investit comme un élément de
convivialité, il peut ne pas permettre de vivre ensemble, c’est que bien évidement au cours
de l’ivresse il y a des troubles du comportement, une agitation, une logorrhée, qui vont interférer dans le lien social et qui va rendre les uns et les autres insupportables et surtout qui va
exacerber, parce qu’il y a une perte du jugement, les conflits, voire les provoquer et donner
de la violence à ce conflit. Et il va falloir le gérer, on peut imaginer qu’une équipe qui est en
charge d’un centre d’hébergement a à régler tout ça. Mais il y a la règle commune et puis il
y a prendre en compte l’individu.
Or ce qui est compliqué, c’est qu’un alcoolo-dépendant c’est un sujet qui peu ou prou, se
lève tous les matins en se disant : aujourd’hui je ne vais pas boire ou moins boire et tous les
soirs il se couche en se disant : « t’es vraiment un nul, t’es vraiment un naze, t’as bu autant,
si ce n’est plus, en tout cas tu as bu et tu n’y es pas arrivé. » Et ça c’est important, parce
que quand on prend en charge des sujets en difficulté, en addictologie en général et avec
l’alcool en particulier, on travaille énormément sur cette question qui est l’estime de soi et
ce qu’on appelle le « self-efficacy » - je suis désolé pour le jargon anglo-saxon - c’est-à-dire,
la capacité de se dire qu’on peut être efficace pour soi-même, c’est-à-dire qu’on peut faire
quelque chose, qu’on a du ressort à l’intérieur de soi pour changer. Ce ressort là sur lequel on
va travailler est probablement le petit fil qu’on va essayer de tisser au fur et à mesure dans la
prise en charge d’un alcoolo-dépendant pour le faire grandir et pour pouvoir le rendre à un
moment opérant et pour pouvoir permettre le changement. Ce petit fil là, il est cassé tous
les jours chez un sujet alcoolo-dépendant parce qu’il est dans l’échec de la modification de
son comportement dans la maladie.
Et ça, il faut aussi le prendre en compte, parce qu’il y a un problème physiologique important qu’il faut poser là. Le problème physiologique, c’est que dans les alcoolo-dépendances
sévères, on peut imaginer que quand on est dans la rue, la plupart des sujets dans la rue
ont des alcoolo-dépendances sévères. Dans alcoolo-dépendance sévère, il y a un niveau
d’alcoolisation, c’est-à-dire qu’il y a un taux d’alcoolémie, un taux dans le sang d’alcool, qui
sur la journée va se modifier avec les prises mais qui est relativement haut toute la journée. Et il y a peu de sevrage, le seul sevrage qui existe, c’est quand on est plus éveillé et
qu’on dort, puisque de toute façon une ivresse ça se termine toujours par le fait de dormir. Et
bien pendant le sommeil l’alcoolémie va décroitre, surtout si on n’a pas mangé, va décroître
très vite et au lever il va y avoir un syndrome de sevrage. Parce-que l’alcool c’est un produit
très neurotoxique et son impact sur les neurones, c’est qu’il va rigidifier les membranes des
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