Votre GSM va-t-il devenir votre portefeuille ?

Transcription

Votre GSM va-t-il devenir votre portefeuille ?
En pratique
Mobilité à la
caisse
Votre GSM va-t-il devenir votre portefeuille ?
Utiliserez-vous bientôt votre GSM pour payer à la caisse ? C’est chaque jour plus
probable, à mesure que les commerçants, banquiers, opérateurs et autres entrepreneurs,
mais surtout les consommateurs, découvrent les avantages des paiements mobiles et
apprennent à les apprécier.
L’argent mobile inclut tous les services qu'autorisent les
transactions financières par téléphone mobile. Ces services
sont actuellement en progression partout dans le monde.
Dans un nombre croissant de pays, le téléphone mobile est
utilisé à grande échelle pour effectuer des transactions bancaires et des virements. Mais c’est à la caisse que nous attend
la véritable percée, car l’argent mobile pourra, à terme, y
remplacer les espèces sonnantes et trébuchantes.
Lointain… mais proche
Si l’on va au fond des choses, les paiements mobiles sont déjà
bien ancrés chez nous. De plus en plus souvent, nous payons
notre stationnement ou notre billet de transport en commun
à l’aide de notre GSM. Mais ce n’est qu’un avant-goût de ce
qui nous attend. Aujourd’hui, la quasi-totalité de nos compatriotes disposent d’un GSM et à terme, il ne fait aucun doute
que les téléphones intelligents supplanteront les GSM ‘ordinaires’. L’International Data Corporation a constaté récemment
qu'au premier trimestre 2011, un peu plus de la moitié (52%)
des téléphones vendus en Europe étaient déjà des smartphones. Aujourd’hui, neuf Européens sur dix ont accès à
l’internet via leur GSM. Le marché prospère, et le potentiel est
immense. “Nous prévoyons un mode de paiement aussi sûr,
et de préférence plus convivial, que ce que nous connaissons
aujourd’hui”, anticipe Tim Wulgaert, qui suit l'évolution des
paiements mobiles en tant que directeur chez Ernst & Young
Advisory. “Et si possible, encore moins cher. Les commerçants, principalement, ont de bonnes chances à ce niveau.”
“L'argent mobile permettra aux commerçants d’accroître
le nombre de paiements électroniques”, poursuit-il.
“Ils géreront moins de cash et limiteront les risques de fraude ainsi que les coûts de logistique
et de distribution qui s’y rattachent. L’argent
mobile pourra aussi réduire les files à la
caisse.” À titre de comparaison, une
transaction en espèces prend en
moyenne 34 secondes, une
transaction par carte 27
secondes et une transaction sans contact
12,5 secondes.
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En pratique
 Starbucks a prouvé qu’il ne s’agit pas de
chiffres théoriques. L’entreprise a conçu
une solution permettant à ses clients de
payer au moyen d'une application mobile.
Elle économise ainsi 10 secondes par
client. Depuis le lancement de l’application
voici quinze mois aux USA, Starbucks a enregistré plus de 42 millions de paiements
mobiles. Au final, cela représente un gain
de temps – et donc d’argent – considérable.
À l’heure actuelle, le cash coûte encore
très cher. La banque centrale des PaysBas estime à 300 euros par famille et par
an les pertes qu’entraîne son utilisation,
tandis que la plupart des États membres
européens estiment le coût social du cash
à 0,5% de leur produit national brut. Bien
entendu, en plus d’économies, les paiements mobiles peuvent représenter une
belle plus-value. “Ils offrent aux commerçants des possibilités d’intégration intéressantes, par exemple avec les programmes de fidélisation qu’ils offrent à leurs
clients”, précise Tim Wulgaert.
Étroitement lié au smartphone
De leur côté, les clients peuvent économiser du temps et de l’argent grâce à
un téléphone portable on ne peut plus
classique : de l’argent grâce aux programmes de fidélisation, du temps à la caisse.
“L’intérêt de l’argent mobile est peut-être
encore plus significatif pour les utilisateurs
que pour les commerçants”, poursuit Tim
Wulgaert. “Un appareil mobile permet
de tout concentrer en un seul endroit.
Par-dessus le marché, un paiement mobile
peut être plus avantageux que le cash.”
Mais dans la perspective de la migration
du cash vers le mobile, le prix de l’argent
mobile est un problème délicat. “Pour que
cette transition réussisse pleinement, il
faut qu’elle soit au moins aussi bon marché
que les alternatives, et ce pour toutes les
parties”, admet Tim Wulgaert. Virtuellement, la transition est évidente. “Les
gens sont déjà plus vite perdus sans leur
GSM que sans leur portefeuille.” Outre
leur caractère littéralement portable, les
smartphones ont aussi un lien très étroit
avec leurs utilisateurs : un autre atout
pour ancrer, à terme, les paiements mobiles dans les mœurs. Mais d’une manière
Ernst & Young
impulse 11 - 2012
ou d’une autre, la transition aura lieu.
Gartner estime qu’à l’échelle mondiale, les
paiements mobiles pèseront pas moins de
245 milliards de dollars en 2014. D’autres
bureaux d’étude sont même plus optimistes, et citent des chiffres jusqu'à quatre
fois plus élevés.
Pour l’instant, le numéraire et les cartes
restent prépondérants dans les commerces. Les parties prenantes – commerçants, banquiers, opérateurs, organismes
de crédit, etc. – attendent les résultats
des projets en cours pour se lancer au bon
moment. À l’heure actuelle, c’est la Near
Field Communication (NFC) qui a le plus de
chances d’être le catalyseur des paiements
mobiles. Elle rassemble une série de technologies mobiles permettant de simplifier
les connexions et les échanges de données
à des distances de quelques centimètres.
La NFC représente des opportunités
inouïes pour les transactions financières, y
compris au niveau de l’embarquement, des
coupons et des programmes de publicité
ou de fidélisation. Mais les mobiles qui
en sont équipés sont rares. Le bureau
d’étude américain Yankee Group en estime
le nombre à 16 millions pour 2012, tout
en prévoyant une forte croissance : 38
millions en 2013, 87 en 2014 et 203 en
2015. Au vu de ces prévisions optimistes,
l’avenir de la NFC apparaît donc prometteur. Après une expérience-pilote réussie,
le pays pionnier qu’est Singapour a lancé
un marché public pour l’introduction de la
NFC à l’échelle nationale.
Plus sûr que votre portefeuille
Dans notre pays, le paiement mobile reste
limité, dans l’univers commercial, à des
tentatives prudentes comme celles de De
Lijn, Mobile For et P-Mobile (voir encadré),
même si à l’échelon international, on rapporte déjà de nombreuses success stories
dans les pays en développement, où la
population moins bancarisée représente
un gigantesque potentiel pour les services
financiers mobiles. Dans des pays comme
le Mexique, le Kenya ou les Philippines, les
virements et les paiements mobiles sont la
chose la plus naturelle du monde.
La Belgique, en revanche, est victime
d’un ‘avantage contreproductif’. “Nous
disposons déjà de facilités extrêmement
étendues pour les paiements et les transactions bancaires”, constate Tim Wulgaert.
“C'est une situation qui pèse sur la demande de renouvellement. Le potentiel ‘winwin’ est beaucoup plus important dans un
pays en développement sous-bancarisé.”
Tim Wulgaert fait l’énumération suivante :
“Le nombre moyen de cartes par Européen de plus de 18 ans est supérieur à
un. Le nombre de guichets automatiques
par personne et par kilomètre carré est lui
aussi énorme en Europe. Chez nous, tout
le monde a un compte en banque et une
carte, ainsi que de très nombreuses possibilités de faire des paiements en ligne.”
Mais en matière de paiements, surtout
mobiles, la sécurité reste pour chacun la
priorité absolue. La crainte de la transition
du cash à l’argent mobile est manifestement élevée parmi les clients potentiels,
mais elle est infondée. “Il est vrai que les
paiements mobiles véhiculent une image
d’insécurité”, analyse Tim Wulgaert, “mais
le smartphone permet au contraire de
multiplier les protections par rapport à une
carte qui, en fin de compte, n’est protégée
que par un code PIN de quatre chiffres à
peine. Le smartphone, lui, nous permet
d’ajouter d’autres couches de protection
de meilleure qualité.”
La transition, c’est pour bientôt
Peut-être la transition du cash à l’argent
mobile sera-t-elle spontanée, à mesure
que l’internet mobile rattrape l’utilisation
fixe. Cette transition est pour très bientôt.
Déjà, les jeunes paient massivement pour
du contenu numérique, notamment au
moyen de jeux, par exemple avec Facebook Credits. Les utilisateurs plus âgés apprennent eux aussi à apprécier l’utilité des
paiements mobiles, comme par exemple
pour l’achat d’un journal numérique sur
une tablette via iTunes. En fin de compte,
une partie de plus en plus importante du
processus de vente finira immanquablement par faire appel à un appareil
mobile (tablette ou smartphone), depuis le
marketing utilisant des coupons mobiles
jusqu’à la commande de marchandises
via, par exemple, l'application Collect&Go
de Colruyt ou la fourniture d’applications
Delhaize en cas de contenu numérique, en
passant par les codes QR sur les affiches
publicitaires ou les comparateurs de prix
en ligne mobiles. Le paiement mobile est
donc la prochaine étape logique. Le potentiel lié à l’argent et aux paiements mobiles
grandira inévitablement avec le temps.
Réussites belges
Les paiements mobiles commencent à s’ancrer
chez nous. Déjà, nous pouvons utiliser notre GSM
pour payer notre stationnement ou acheter un
billet dans les transports en commun. Mais ce
n’est qu’un aperçu virtuel de ce qui nous attend à
la caisse.
“Prenez l’exemple de De Lijn”, explique Tim
Wulgaert, directeur chez Ernst & Young. Depuis
2007, il est possible d'acheter un billet par sms.
“Pour De Lijn, c’est aussi un canal de distribution
supplémentaire. Les passagers paient rapidement, simplement et convivialement à l’aide d’un
simple sms. De plus, les chauffeurs ne doivent
plus emporter autant d’argent, De Lijn doit moins
investir dans des automates coûteux, et certains
passagers qui voyageaient jadis sans titre de
transport parce qu’ils n’avaient pas de carte sur
eux, ont recommencé à payer pour prendre le
tram ou le bus. Les paiements mobiles sont tout
aussi attrayants pour les commerçants que pour
les utilisateurs, et c'est pourquoi leur usage s’est
généralisé chez De Lijn.” En 2011, De Lijn a
vendu 3 millions de billets par sms.
P-mobile et Belgacom Mobile For sont les prestataires de service qui permettent de payer
le stationnement par sms dans les villes. Tout
comme De Lijn, ces deux moyens de paiement
mobiles utilisent les sms. Le succès est immense.
À elle seule, Mobile For a vendu 3,5 millions de
tickets en 2011. “Dans des villes comme Gand et
Anvers, c’est un véritable succès”, constate Tim
Wulgaert.
Les réussites de De Lijn, Mobile For et P-Mobile
ne sont que des aperçus virtuels du potentiel de
l’argent mobile à la caisse physique. Les clients
potentiels ne craignent pas d’utiliser leur GSM
pour payer leurs billets de bus ou de stationnement. À long terme, l’argent mobile se propagera
aux caisses. Toutefois, pour que cette évolution
s’accompagne des avantages indispensables, il
faudra sans doute passer par de nouvelles technologies comme la NFC.
Tim Wulgaert