Le traitement de la maladie de raynaud
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Le traitement de la maladie de raynaud
LES pages bleues Le traitement de la maladie de Raynaud Maurice Raynaud a décrit ce phénomène pour la première fois en 1862. Malgré plus de 140 années de recherche, plusieurs de ses caractéristiques, telles que la prévalence, la pathophysiologie et les traitements optimaux, demeurent méconnues. Cet article révisera ce qui est connu sur ce phénomène ainsi que les différents traitements disponibles. Le phénomène de Raynaud (PR) est caractérisé par une vasoconstriction épisodique transitoire des artérioles périphériques. Les doigts et les orteils sont le plus souvent atteints, les oreilles, le nez et les lèvres peuvent l’être aussi, mais plus rarement. Cette vasoconstriction est provoquée par une exposition au froid ou un choc émotionnel1,2 . L’épisode est caractérisé par une pâleur (blanchiment) de la peau du membre affecté, causée par un vasospasme, suivie d’une cyanose reflétant la désoxygénation, puis d’une rougeur à la suite d’une hyperémie lors de la revascularisation1,3. Le patient peut également ressentir de la douleur ou des paresthésies, et l’épisode peut entraîner des complications telles qu’ulcération ou gangrène1,2. La prévalence réelle du phénomène de Raynaud (PR) est difficilement évaluée. Elle varie selon le climat, la couleur de la peau, l’ethnie et la profession1,4. La prévalence mondiale est estimée à entre 3 % et 10 % de la population adulte, allant jusqu’à 20 % chez les jeunes femmes2,4. Environ 15 % des enfants de 12 à 15 ans en seraient atteints5. Il y a plus de risques de souffrir Cas clinique Ella se présente à la pharmacie avec une nouvelle ordonnance pour de l’Adalat XL 30 mg po die. Lors de votre consultation, vous apprenez que le médecin lui a diagnostiqué un problème de circulation. Il a parlé de maladie de Raynaud. Elle vous explique que ses doigts deviennent souvent très blancs lorsqu’elle est exposée au froid. L’hiver, ces épisodes peuvent survenir jusqu’à trois fois par semaine et peuvent être très douloureux. Elle vous demande si cette ordonnance est vraiment nécessaire, car elle est par ailleurs en bonne santé et n’aime pas l’idée de prendre des médicaments régulièrement. Vous consultez son dossier : ■Ella N. 27 ans. ■Allergies : aucune connue ■PSN/MVL : Oméga-3, 1 cap bid ■ Médicaments : ■ Yasmin 28, 1 co die x 21 jours, arrêt de 7 jours ■Nicoderm 21 mg die x 6 semaines/ 14 mg die x 4 semaines/7 mg die x 2 semaines (mis en attente il y a 3 mois) www.professionsante.ca de PR si un membre de la famille en est déjà Texte rédigé par Thanh-Thao Ngo, atteint6. De plus, ce phénomène affecte quatre pharmacienne, B. Pharm., M.Sc., travailleurs sur 10 000 au Canada7. Il n’existe pas Hôpital de Montréal pour enfants. de test diagnostique standardisé4. Classification Le phénomène de Raynaud peut être classifié en deux catégories : primaire (maladie de Raynaud) ou secondaire (syndrome de Raynaud)1,8. Il est important de distinguer ces deux catégories, car leur pathophysiologie est différente, influant alors sur la gravité de la maladie, la thérapie et le pronostic. Le tableau I résume les principales différences entre le PR primaire et secondaire. Le phénomène de Raynaud primaire, ou idiopathique, n’est pas associé à une maladie concomitante et est considéré comme une réaction exagérée de la vasoconstriction normalement observée à la suite d’une exposition au froid1,4,8,9. Le premier épisode survient habituellement avant l’âge de 30 ans1,4,8. Tous les doigts peuvent être impliqués de façon symétrique et la douleur qui y est associée est minime8. L’examen clinique est normal entre les épisodes3. Les personnes atteintes sont généralement en bonne santé, mais certaines comorbidités (comme l’hypertension, l’athérosclérose ou le diabète) peuvent aggraver les symptômes d’un épisode4. Les complications secondaires sont extrêmement rares1. Des périodes de rémission sont fréquentes et la résolution spontanée du phénomène peut même survenir4. Texte original soumis le 18 juillet 2011. Texte final remis le 12 septembre 2011. Révision : Odette Grégoire, pharmacienne, Pharmacie Christian Ouellet, et André Roussin, MD, professeur agrégé de médecine et chercheur clinicien, chef adjoint du service de médecine interne, Hôpital Notre-Dame, CHUM. Tableau I Classification du phénomène de Raynaud1,3,8 Caractéristique PrimaireSecondaire Âge lors de la présentation initiale < 30 ans > 30 ans Associé à d’autres affectionsNonOui Capillaires péri-inguéauxNormaux Dilatés Présence d’anticorps antinucléaires Souvent positifs lorsque Absents (AAN), ENA et FA collagénose sous-jacente Associé à des complications Jamais en principeFréquent Selon l’incapacité Selon l’incapacité Nécessité de traitement pharmacologique fonctionnelle et l’atteinte fonctionnelle tissulaire Oui, surtout chez Peut devenir moins symptomatique les femmes après Occasionnel mais rare avec le temps la ménopause octobre 2011 vol. 58 n° 6 Québec Pharmacie 29 LES pages bleues Le syndrome de Raynaud (ou PR secondaire) implique les personnes souffrant du PR associé à une maladie ou à un état de santé pouvant précipiter un épisode. Puisque plusieurs facteurs peuvent nuire à la circulation sanguine digitale, le nombre de maladies associées au PR est vaste. Les maladies du tissu conjonctif sont les plus fréquemment associées, suivies des maladies vasculaires occlusives et des désordres hématologiques34. Par exemple, le phénomène de Raynaud est un symptôme présent chez presque tous les patients souffrant de sclérodermie, maladie auto-immune caractérisée par une fibrose des tissus et une vasculopathie des petits vaisseaux sanguins8,11. Les médicaments peuvent causer des épisodes de PR3,4. Le syndrome de Raynaud peut également être lié à une exposition professionnelle3,4,7. Tous les outils ou appareils vibrants qui déclenchent un picotement ou un engourdissement dans les doigts après cinq minutes d’utilisation continue peuvent entraîner le PR (par exemple, les perforatrices pneumatiques, les riveteuses et les meuleuses)7. La prévalence du PR chez les travailleurs utilisant des outils ou des appareils vibrants peut atteindre 90 % après 10 ans d’exposition soutenue3. Les dactylographes et pianistes sont également fréquemment atteints3. Une cause secondaire devrait être soupçonnée lorsqu’un premier épisode de PR survient après l’âge de 40 ans. Le tableau II résume les cas souvent propices à l’apparition du PR. Les symptômes du PR secondaire sont plus importants que ceux du PR primaire, et les complications sont fréquentes, comme l’ulcération des doigts et les changements ischémiques8. De plus, le syndrome est souvent caractérisé par des anomalies de certaines valeurs de laboratoire : par exemple, anticorps antinucléaires (AAN), anticorps anti-ENA (extractable nuclear antigens), facteur rhumatoïde (FR)1,3,4,10. Pathophysiologie Pour conserver la chaleur, l’organisme réduit, au besoin, la circulation sanguine dans les extrémités, particulièrement dans les mains et les pieds. Cette réaction met en cause un système complexe de nerfs et de muscles qui ralentit la circulation sanguine dans les plus petits vaisseaux digitaux. Ainsi, la vasoconstriction exagérée caractéristique du PR est le résultat de plusieurs mécanismes régulateurs. La pathogenèse du PR, bien que non encore totalement élucidée, impliquerait des anormalités des systèmes vasculaire, neuronal et intravasculaire8,11. On note deux types d’irrégularité vasculaire impliqués dans la maladie, soit un défaut fonctionnel et un défaut structurel. Le PR primaire implique principalement un défaut fonctionnel de l’endothélium des vaisseaux sanguins. Le PR secondaire implique non seulement des défauts fonctionnels, mais surtout des défauts dans la structure des vaisseaux. Le défaut fonctionnel est caractérisé par une fonction endothéliale altérée. En effet, l’endothélium sécrète des médiateurs vasodilatateurs et vasoconstricteurs8,11. La figure 1 décrit les médiateurs impliqués dans la fonction vasculaire. Un déséquilibre dans la présence de ces médiateurs contribue à l’apparition d’un épisode de PR. Les prostaglandines et l’oxyde nitrique sont les principaux médiateurs vasodilatateurs étudiés dans la Tableau II Affections associées au phénomène de Raynaud1,3,8 Problèmes médicaux ■ Maladies du tissu conjonctif (sclérodermie, lupus, vasculites, syndrome de Sjögren) ■ Maladies vasculaires occlusives (artériosclérose, athéroembolie, thromboangéite oblitérante) ■ Déséquilibres hématologiques (polycythémie, cryoglobulinémie) ■ Maladies infectieuses (parvovirus 19, hépatites B et C, mycoplasme) ■Engelures Médicaments pouvant causer le PR ■Amphétamines ■Antinéoplasiques (bléomycine, cisplatine vinblastine) ■Bloqueurs β-adrénergiques ■Cyclosporine ■ Dérivés de l’ergot ■Interférons alpha ■ Œstrogènes Médicaments pouvant exacerber le PR ■Cyclosporine ■Cocaïne ■Nicotine ■Opioïdes ■Agents sympathomimétiques Autres ■Exposition continue aux vibrations (exposition professionnelle) ■Trauma vasculaire 30 Québec Pharmacie vol. 58 n° 6 octobre 2011 pathogenèse du PR. L’oxyde nitrique agit sur les muscles lisses pour causer une vasodilatation par une modulation de la GMP cyclique (GMPc) indépendante de la fonction endothéliale8,20. La vasoconstriction est, quant à elle, médiée par l’endothéline et l’angiotensine. L’endothéline est un peptide responsable non seulement de la vasoconstriction mais également de l’inflammation et de l’hypertrophie vasculaire. C’est un médiateur qui jouerait un rôle important dans la pathogenèse du PR et de l’hypertension pulmonaire artérielle secondaire aux maladies des tissus conjonctifs. Il existe deux types de récepteurs pour l’endothéline : l’ETA, qu’on retrouve principalement dans les vaisseaux des muscles lisses, et l’ETB, surtout présent dans l’endothélium, mais également dans les muscles lisses. L’activation des récepteurs des cellules des muscles lisses engendre une vasoconstriction et une prolifération de ces vaisseaux. Le rôle du système rénine-angiotensine dans la pathogenèse du PR est encore sous investigation, mais il semble que les concentrations circulantes d’angiotensine II, un puissant vasoconstricteur, soient plus élevées chez les personnes atteintes de sclérodermie que chez les sujets sains8,31. Enfin, les récepteurs alpha-2 adrénergiques jouent un rôle important dans la régulation de l’activité sympathique et donc dans la vasoconstriction au niveau des artères digitales, plus particulièrement les récepteurs alpha-2 adrénergiques de type C, également impliqués dans la thermorégulation14. Chez les patients atteints de sclérodermie, il y aurait environ 300 fois plus d’activité α2- adrénergique dans les tissus lisses, expliquant ainsi la réponse excessive de leurs vaisseaux sanguins8. Les défauts structurels liés au PR sont surtout dus aux maladies sous-jacentes8, 12. Ainsi, les changements structurels des petites artères et artérioles causés par certaines maladies associées au syndrome de Raynaud contribuent à la pathophysiologie. Ces artères peuvent développer une lésion fibreuse et concentrique, pouvant être associée à des caillots intravasculaires, voire à une occlusion du vaisseau. La circulation sanguine serait ainsi diminuée8. Cette observation laisse sous-entendre une implication du système intravasculaire (altérations de la fonction plaquettaire, de la circulation et de la fibrinolyse) dans l’exacerbation des vasospasmes, mais l’importance de ce phénomène et le mécanisme d’action ne sont pas bien compris8,20. Plusieurs patients souffrant de PR rapportent des épisodes de vasospasmes induits par un facteur de stress émotionnel, suggérant une implication du système nerveux central dans la pathogenèse. Cette implication serait plus importante dans le développement du PR primaire. Dans une série d’études observationnelles, les patients souffrant de PR primaire ne Le traitement de la maladie de Raynaud pouvaient s’habituer à des stimuli provocateurs aussi facilement que les personnes du groupe contrôle13. Ainsi, étant incapables de s’adapter à des conditions néfastes, ces patients subiraient des vasoconstrictions cutanées répétées lorsqu’ils sont exposés à des stimuli stressants et nouveaux. Chez les patients sains, cette réponse est habituellement atténuée avec le temps. Enfin, une concentration circulante plus élevée de vasodilatateurs, tels que le CGRP (calcitonin gene-related peptide) et le neuropeptide Y, de même qu’une action réflexe excessive du système nerveux sympathique par les récepteurs α-adrénergiques, la sérotonine et l’angiotensine II contribueraient à la vasoconstriction excessive caractéristique du PR1,8,14. D’autres facteurs pouvant expliquer le PR ont été étudiés. Sur le plan intravasculaire, on observe une activation et une agrégation plaquettaire excessives, une activité moindre du système fibrinolytique et un niveau de stress oxydatif plus élevé chez les patients souffrant de PR. Enfin, l’œstrogène et les facteurs génétiques sont probablement également impliqués dans la pathogenèse du PR1,6,8,15. Critères de diagnostic déterminer la présence de signes de maladies sous-jacentes. Une nouvelle apparition après 40 ans peut laisser soupçonner un PR secondaire. Il n’est pas recommandé d’effectuer des tests qui pourraient induire une attaque (par exemple, mettre les doigts dans l’eau froide), car les résultats ne sont pas consistants, même chez des patients ayant déjà reçu un diagnostic définitif de PR. Des tests sanguins sont souvent effectués pour éliminer d’éventuelles causes sous-jacentes et différencier un PR secondaire d’un PR primaire. Ainsi, une formule sanguine complète ainsi qu’un titrage d’anticorps-antinucléaires (ANA), d’anticorps anti-ENA et FR sont recommandés10. Une évaluation de la vitesse de sédimentation érythrocytaire (ESR) et de la créatinine ainsi qu’une analyse d’urine peuvent également faire partie des analyses, mais les résultats de ces examens sont peu spécifiques1,4,10. Des outils diagnostiques, notamment la capillaroscopie péri-unguéale évaluant la réponse vasculaire, peuvent aussi être utilisés1,4. Principes de traitement Cas clinique (suite) Vous rassurez Ella en lui disant que son problème est relativement commun, généralement bénin, et que les risques de complications sont très faibles. Vous vérifiez si elle connaît les mesures non pharmacologiques et lui expliquez qu’elles demeurent la pierre angulaire du traitement. Si elle le désire, elle pourrait tout d’abord tenter de modifier ses habitudes de vie avant de commencer un traitement pharmacologique. Vous lui recommandez donc d’éviter l’exposition au froid et lui rappelez l’importance de s’habiller chaudement en tout temps et de garder ses mains au chaud, dans des moufles de préférence. Vous lui indiquez également que l’arrêt du tabac pourrait s’avérer utile et l’encouragez à considérer sérieusement cette option. Ella décide donc de laisser son ordonnance en attente et d’opter pour les mesures non pharmacologiques pendant un mois avant de commencer le traitement. Les objectifs de traitement du PR primaire diffèrent de ceux du PR secondaire. En effet, puisque les symptômes sont généralement moins importants et les risques de complications, très faibles dans les cas de PR primaire, une rémission complète est envisageable mais rare. Par contre, pour traiter définitivement le PR secondaire, une résolution de l’affection sous-jacente est nécessaire, ce qui n’est souvent pas possible. Quelle que soit la classification, les objectifs de traitement du PR sont donc de diminuer la fréquence et la gravité des crises afin d’améliorer la qualité de vie des patients atteints et de prévenir les complications. de PR, mais leur impact serait plus important dans les cas de PR primaire. En effet, ces patients ont généralement une maladie moins sérieuse, qui affecte peu leur qualité de vie; des mesures prudentes sont donc privilégiées, mais le recours à des agents pharmacologiques peut être nécessaire. Les patients souffrant de PR secondaire ont des crises plus prononcées et la pharmacothérapie s’avère la pierre angulaire du traitement17. Il est fortement recommandé aux patients atteints d’éviter l’exposition à la fumée de cigarette. Même s’il n’existe pas d’études randomisées, contrôlées, sur l’effet de la cigarette dans le Mesures non pharmacologiques phénomène de Raynaud, la présence de pluLes mesures non pharmacologiques devraient sieurs substances vasoconstrictrices dans la être mises en place chez tous les patients atteints cigarette pourrait exacerber la maladie1,17. Un diagnostic de PR est facilement posé, malgré l’absence d’analyse universellement reconnue. Une anamnèse rigoureuse incluant des interrogations sur les antécédents professionnels et médicaux d’un patient suffit souvent. Un diagnostic de PR peut être posé si le patient présente une histoire de symptômes soudains, caractéristiques d’un épisode de Raynaud, à la suite d’un facteur de stress (froid ou psychologique)1,3,14 : 1. Phase syncopale : pâleur, refroidissement et impression de doigts morts (durée de quelques minutes à plus d’une heure). La décoloration est bien marquée. 2. Phase asphyxique : cyanose et coloration bleutée (durée de 15 à 30 minutes). 3. Phase d’hyperémie réactionnelle : coloration rouge, réchauffement, picotements et Tableau III sensation de brûlure (durée de quelques Mesures non pharmacologiques pour le traitement du PR minutes, mais peut varier). ■Protéger Certains critères diagnostiques décrivent le degré de certitude du diagnostic16 : ■ PR définitif : épisodes répétés de changement de couleur biphasique à la suite d’une exposition au froid. ■ PR possible : changement de couleur uniphasique et engourdissement ou paresthésie à la suite d’une exposition au froid. ■ Absence de PR : aucun changement de couleur à la suite d’une exposition au froid. Pour différencier un PR primaire d’un PR secondaire, un examen physique complet est nécessaire afin d’évaluer l’état général du patient et de www.professionsante.ca son corps contre les basses températures, surtout les variations rapides de température, par exemple éviter de marcher dans la section réfrigérée d’une épicerie. ■S’assurer que le corps au complet est au chaud en portant tous les vêtements nécessaires pour se protéger du froid et mettre plusieurs couches de vêtements. ■Ne pas exposer ses mains au froid extrême, porter des gants pour travailler au froid ou saisir des aliments dans un congélateur. Les moufles sont plus efficaces que les gants pour préserver la chaleur. ■ Éviter toute lésion aux mains et aux pieds ainsi que l’utilisation d’outils vibrants. ■Connaître les moyens pouvant cesser une crise, tels que tremper ses mains dans de l’eau chaude ou dans un milieu chaud (sous les aisselles, par exemple) et frotter les mains ensemble. ■ Limiter les sources de stress et d’anxiété. ■ Éviter la consommation de boissons caféinées (café, thé, boissons gazeuses). ■ Éviter l’utilisation de médicaments sympathomimétiques (par exemple, décongestionnants et amphétamines). octobre 2011 vol. 58 n° 6 Québec Pharmacie 31 LES pages bleues puncture20, mais leur efficacité réelle reste à dans le traitement du PR secondaire à la sclérodémontrer. dermie. La fréquence des crises était réduite d’environ quatre par semaine et la gravité, d’enMesures pharmacologiques viron 35 %22. Puisque la pathogenèse du PR n’est pas encore Les BCC agissent en causant une vasodilatacomplètement élucidée, plusieurs classes tion directe des muscles vasculaires lisses ainsi d’agents pharmacologiques ont été étudiées. Les qu’en inhibant l’activité plaquettaire20. Ils pourétudes portant sur ces traitements sont souvent raient améliorer la fonction endothéliale grâce à de petite envergure et les résultats, mitigés. De des propriétés antioxydantes20. Il existe trois clasplus, il n’existe pas de lignes directrices claires ses de BCC qui diffèrent selon leur cardiosélectipour orienter le médecin dans ses choix théra- vité relative : les dihydropyridines (amlodipine, peutiques. L’utilisation d’agents pharmacologi- félodipine, nifédipine) sont les moins cardioséques est surtout guidée par l’expérience clinique lectives, les benzothiazépines (diltiazem) ont une sélectivité intermédiaire et les phénylalkylamiplutôt que par des données probantes. nes (vérapamil) sont les plus cardiosélectives. Traitements de première intention Les BCC les moins cardiosélectifs (ou plus Bloqueurs des canaux calciques (BCC) vasoactifs) sont plus efficaces dans le traitement Les BCC ont été utilisés pour le traitement du PR8,20. depuis plusieurs années et demeurent la classe La nifédipine est le BCC qui a été le plus étudié médicamenteuse la plus fréquemment utilisée dans le PR. Elle peut n’être utilisée qu’au besoin et la plus efficace3,8,20. En effet, une récente méta- chez les patients ayant des crises occasionnelles. analyse totalisant 18 études menées sur l’effica- Dans ces cas, une dose de 10 à 20 mg de nifédicité des BCC dans le traitement du PR primaire pine à libération immédiate peut être recoma démontré une diminution de 2,8 à 5 crises par mandée, 30 à 60 minutes avant l’exposition à un semaine (la moyenne étant d’environ 10,8 crises facteur déclencheur comme le froid3. Pour les par semaine) et une réduction de leur gravité patients souffrant de crises plus fréquentes ou d’environ 33 %21. Les auteurs stipulent que les qui ne toléreraient pas les formulations à libéraBCC pourraient avoir une meilleure efficacité tion immédiate, des doses de 20 mg à 180 mg que celle démontrée dans cette méta-analyse par jour de la formulation prolongée de nifédipuisque les doses utilisées dans la plupart des pine pourraient être nécessaires1,3,20,21. La félodiétudes étaient faibles. Une revue d’étude a éga- pine à raison de 2,5 à 20 mg par jour ou l’amlolement révélé une efficacité modérée des BCC dipine 2,5 à 20 mg par jour peut également être utilisée3,20. Les effets secondaires des BCC peuvent empê Figure 1 cher une augmentation des doses et donc limi Déséquilibre du système vasculaire impliqué ter l’efficacité de ces agents. Ainsi, l’hypoten dans la pathogenèse du phénomène de Raynaud sion, l’œdème périphérique, les étourdissements et la constipation (surtout avec le vérapamil) Médiateurs impliqués dans la fonction vasculaire (adapté de la référence 8) peuvent entraîner leur arrêt pur et simple. L’utilisation de formulations à libération prolongée peut diminuer le risque de ces effets secondaires. De plus, les BCC doivent être utilisés avec GTP2 précaution chez les patients souffrant de scléroα2 dermie avec hypertension pulmonaire modérée Guanylate cyclaseETA à sévère puisqu’ils peuvent entraîner un collapNO sus cardiovasculaire8. GMPcETB Ca2+ Dans la méta-analyse, l’effet des BCC sur la gravité des crises semblait s’atténuer avec le Vasodilatation Vasoconstriction temps. Il se peut que cet effet soit le résultat d’une meilleure compréhension des mesures non AMPc Angiotensine I pharmacologiques par le patient, entraînant ainsi une diminution des doses de BCC, ou Adénylate cyclaseECA Prostaglandines même l’arrêt de l’agent21. L’éducation du patient sur les facteurs précipitant une crise et les mesures préventives ou d’interruption de cette dernière est primordiale. L’effet placebo à lui seul procure une réduction de 10 % à 40 % de la fréquence et de la gravité des crises chez les patients, tant chez ceux souffrant de PR primaire que secondaire17. Une attitude positive, un encadrement attentif et une bonne éducation générale du patient sur son affection sont donc des facteurs importants pour la maîtrise de la maladie. Plusieurs précautions peuvent être prises pour réduire la fréquence et l’intensité des crises1,8,17 : Les mesures non pharmacologiques sont énumérées dans le tableau III. Des interventions comportementales peuvent être utilisées dans le but d’entraîner les patients atteints de PR à contrôler volontairement leur circulation périphérique, mais elles sont souvent inefficaces17. Par la technique du biofeedback, on demande aux patients d’altérer la température de leurs doigts en lisant des indicateurs visuels ou auditifs suggestifs de changement de température17. La preuve de l’efficacité de cette technique est faible, plusieurs études favorisant même les groupes témoins18. La technique du biofeedback peut être combinée à des techniques de relaxation, où le patient répète des phrases lui rappelant la chaleur lors des crises. De petites études ont également rapporté une diminution de la fréquence19 et de la gravité des crises grâce à l’acu- ATP Angiotensine II Abréviations : ET : endothéline; α2 : récepteur α2-adrénergique; ECA : enzyme de conversion de l’angiotensine; GTP : guanylate triphosphate; GMPc : guanylate monophosphate cyclique; ATP : adénosine triphosphate; AMPc : adénosine monophosphate cyclique; NO : oxyde nitrique; Ca2+ : ions calcium. 32 Québec Pharmacie vol. 58 n° 6 octobre 2011 Nitrates Même si le rôle de l’oxyde nitrique (NO) est encore méconnu dans la pathogenèse du PR, des données suggèrent que son effet vasodilatateur puisse être utile dans le traitement des crises8, 20. La supplémentation en NO par des nitrates peut être effectuée oralement ou de façon topique. Il a été démontré que l’onguent de Le traitement de la maladie de Raynaud nitroglycérine 1 % à 2 %, les timbres transdermiques (0,1 à 0,8 mg/hr) et les comprimés sublinguaux étaient efficaces dans de très petites études, mais leur place dans l’arsenal thérapeutique du PR est encore controversée puisque leur utilisation est souvent combinée à d’autres traitements pharmacologiques et non pharmacologiques22,23,24. Leur utilisation demeure limitée par leurs effets secondaires, soit les maux de tête, l’hypotension et la tolérance à long terme. Ainsi, bien que la nitroglycérine topique ait été un des premiers agents utilisés dans le traitement du PR, elle est maintenant rarement prescrite compte tenu des risques d’effets secondaires graves. Une nouvelle formulation de nitroglycérine topique, préparée dans une base de propylène glycol, est présentement à l’étude au Canada et aux États-Unis. Le MQX-503 aurait une faible absorption systémique, ce qui lui conférerait un profil d’innocuité plus acceptable. Dans une étude26, l’application de MQX-503 0,5 % et 1,25 % lors des crises a réduit la gravité des crises, mais pas leur fréquence ni leur durée. L’incidence des effets secondaires était similaire à celle du groupe placebo. similaire a été observé avec le tadalafil 20 mg par jour et le vardénafil 10 mg deux fois par jour15,27,29,30. Les maux de tête, la congestion nasale et le flushing sont les effets secondaires les plus fréquemment observés27. Ces agents n’ont pas l’approbation de Santé Canada pour cette indication. Traitements de deuxième intention L’administration d’IECA et d’ARA a été tentée pour traiter le PR. Une étude de 12 semaines comparant la nifédipine (40 mg par jour) au losartan (50 mg par jour) a conclu à une réduction statistiquement significative de la fréquence des crises chez les patients recevant le losartan, ainsi qu’une amélioration des symptômes32. Dans une étude réunissant 15 patients, le captopril à raison de 25 mg trois fois par jour a amélioré la circulation aux extrémités, mais n’a pas diminué la fréquence ou la gravité des crises33. Bien que plusieurs rapports de cas aient conclu à l’efficacité des IECA et des ARA dans le traitement du PR, des études de grande envergure n’existent pas, limitant ainsi leur rôle dans la pharmacothérapie du PR. Inhibiteurs des phosphodiestérases (PDE) L’oxyde nitrique exerce ses effets vasodilatateurs et son inhibition de l’activité plaquettaire en générant de la GMPc. Les phosphodiestérases sont des enzymes qui régulent les concentrations intravasculaires de GMPc en les dégradant rapidement in vivo. Les inhibiteurs de PDE augmentent les concentrations de GMPc, produisant ainsi une relaxation des muscles lisses et une vasodilatation15,20. Plus récemment, les inhibiteurs des PDE-5 ont été l’objet de plusieurs études à cause de leurs effets potentiels sur la circulation microvasculaire et macrovasculaire. En effet, des concentrations plus faibles de PDE-5 ont été retrouvées non seulement dans le corpus cavernosum, mais également dans d’autres tissus, comme les plaquettes, les muscles squelettiques et les muscles lisses vasculaires et viscéraux. Une augmentation de l’effet antiplaquettaire du NO in vitro et in vivo, ainsi qu’une dilatation vasculaire et artérielle in vitro peuvent être observées lors de l’inhibition de PDE-5 par le sildénafil, le tadalafil ou le vardénafil27. Bien que plusieurs rapports de cas semblent démontrer un effet très favorable des inhibiteurs des PDE-5, les études cliniques sont de faible envergure (moins de 40 patients et d’une durée moyenne de quatre semaines) et les résultats ne sont pas toujours concluants15, 17. Leur efficacité semblerait par contre plus importante dans les cas de PR secondaire27. Le sildénafil est l’agent le plus étudié à ce jour. À des doses de 25 à 150 mg par jour, il permettrait une diminution de la fréquence et de la durée des crises28. Un effet www.professionsante.ca Antagonistes des récepteurs alpha-adrénergiques Puisque la vasoconstriction caractéristique des crises de Raynaud est en partie liée à une stimulation du système nerveux sympathique, une inhibition de cette activité pourrait s’avérer efficace dans la résolution des crises. Il a été démontré que des antagonistes alpha-adrénergiques, comme la prazosine et le méthyldopa, sont efficaces dans le traitement du PR. Par contre, ce ne sont pas des antagonistes spécifiques des récepteurs alpha-2c adrénergiques et leur utilisation est limitée par leur risque d’hypotension, surtout posturale1,31. Inhibiteurs de l’enzyme de conversion de l’angiotensine (IECA) et antagonistes des récepteurs de l’angiotensine (ARA) Inhibiteurs sélectifs du recaptage de la sérotonine (ISRS) Le rôle de la sérotonine dans la pathogenèse et le traitement du PR n’est pas encore complètement élucidé. Ce neurotransmetteur a des propriétés de vasoconstriction sélective ainsi que d’activation plaquettaire8,20. Quelques rapports de cas ont été publiés, appuyant des effets bénéfiques dans le PR, plus particulièrement avec la fluoxétine, l’escitalopram et la sertraline, mais peu d’études cliniques existent à ce sujet15,20. En effet, la fluoxétine diminuerait de 95 % la concentration de sérotonine plaquettaire20. Une étude menée sur 53 patients a comparé la fluoxétine à la nifédipine34; 26 patients avec un PR primaire et 27 autres atteints de PR ont reçu soit de la fluoxétine 20 mg par jour, soit de la nifédipine 40 mg par jour, pendant six semaines. Après une période de deux semaines sans traitement Cas clinique (suite) Quatre mois plus tard, Ella revient afin de renouveler son ordonnance d’Adalat XL et de Nicoderm, traitement qu’elle a entamé le mois précédent. Elle vous confie qu’elle a essayé les mesures non pharmacologiques pendant un mois, mais qu’il n’y a pas eu une réduction suffisante de la fréquence de ses crises. Elle a donc décidé de commencer le traitement et a remarqué une différence non seulement dans la fréquence des crises, mais également dans la douleur qui y est associée. Par contre, elle se plaint que, durant le dernier mois, elle a eu deux épisodes d’étourdissements. De plus, elle a pris sa pression artérielle aujourd’hui. Elle était de 105/75. Vous lui expliquez qu’une réduction de la pression artérielle est attendue avec ce médicament. Vous lui conseillez de joindre son médecin afin d’ajuster la dose et vous la rassurez en lui disant que si la réduction de dose n’est pas suffisante, un autre agent, tel que le losartan, pourrait être une autre option. pharmacologique, chaque patient enrôlé recevait alors l’agent alternatif. Une diminution de la fréquence et de l’intensité des crises a été observée dans les deux groupes, mais la différence n’était statistiquement significative que dans le groupe traité par la fluoxétine. L’effet bénéfique était plus significatif chez les patients atteints de PR primaire que chez ceux atteints de PR secondaire. Par contre, les résultats de ces études n’ont jamais été reproduits8. Paradoxalement, plusieurs rapports de cas ont aussi décrit des exacerbations des symptômes à la suite de l’instauration d’un ISRS et d’agonistes partiels de la sérotonine15. Traitement des complications Prostaglandines Les prostaglandines inhibent l’agrégation plaquettaire et exercent des actions vasodilatatrices et antiprolifératives sur la vasculature. Les formulations orales ou par inhalation n’ont pas été étudiées dans le traitement du PR14, mais les prostaglandines administrées par voie intraveineuse peuvent être utilisées surtout dans le traitement des crises sévères, dans le but de prévenir ou de traiter une ischémie digitale14,31. Par contre, les résultats des études cliniques sont contradictoires. L’iloprost (non commercialisé au Canada), un analogue de la prostaglandine I2 , est l’agent de cette classe qui a été le plus étudié. Parmi sept études randomisées, à double aveugle contre placebo, cinq ont conclu qu’une infusion intraveineuse intermittente à raison de 0,5-2 ng/kg/minute durant 6 heures et pendant 3 à 5 jours pouvait réduire la fréquence et la gravité des crises, mais seulement deux études ont pu démontrer octobre 2011 vol. 58 n° 6 Québec Pharmacie 33 LES pages bleues une réduction de la durée de chaque crise15. Des résultats similaires ont été observés dans des études et rapports de cas avec l’alprostadil, un analogue de la prostaglandine E131. Bosentan Le bosentan, un antagoniste des récepteurs de l’endothéline, principalement du sous-type ETA, réduit la vasoconstriction causée par l’endothéline. Ce médicament n’a été étudié que chez des patients souffrant de sclérodermie, dans le but de prévenir des ulcérations digitales à la suite de crises de Raynaud. Dans une étude de 122 patients35, les patients recevaient soit du bosentan 62,5 mg deux fois par jour pendant quatre semaines, puis 125 mg deux fois par jour pendant 12 semaines, soit le placebo pendant 16 semaines. Les patients traités par le bosentan ont développé en moyenne 1,4 ulcère durant cette période, contre 2,7 ulcères dans le groupe placebo, ce qui représente une réduction statistiquement significative de 48 % des nouveaux cas d’ulcères. Par contre, le bosentan n’a pas été bénéfique dans la guérison des ulcères et il n’y a pas eu de diminution dans la fréquence ou l’intensité des crises de Raynaud. Une autre étude36 similaire, mais de plus longue durée, soit 32 semaines, a démontré une diminution de l’apparition de nouveaux ulcères à la semaine 24 (1,9 dans le groupe bosentan contre 2,7 dans le groupe placebo), mais pas à la fin de la période de suivi. Les paramètres de guérison des ulcères n’étaient encore une fois pas différents d’un groupe à l’autre. Par contre, plusieurs rapports de cas ont démontré une efficacité du bosentan à réduire le risque d’ulcération et à améliorer la fréquence et la durée des crises, même si d’autres n’ont pas rapporté d’amélioration quant à la circulation microvasculaire, à la pression systolique digitale ou aux scores d’invalidité15. Au RoyaumeUni et en Irlande, le bosentan a été approuvé pour la prévention des ulcérations digitales chez les patients souffrant de sclérodermie, tandis qu’aux États-Unis, sa distribution est limitée en raison des toxicités hépatiques importantes et du risque de graves malformations congénitales37. Au Canada, le bosentan n’a pas été approuvé pour cette indication. Autres options Toxine botulinique de type A La toxine botulinique de type A est un agent paralysant du fuseau neuromusculaire. Lorsqu’elle est injectée dans les doigts affectés, elle paralyse les muscles des artères digitales, bloque la stimulation des fibres nerveuses afférentes, accélère le réchauffement des doigts après une exposition au froid et améliore la dou- Figure 2 Algorithme de traitement1,8,10,14 Le phénomène de Raynaud Mesures non pharmacologiques BCC à longue durée d’action au besoin avant exposition au froid (PRN) : ■ Nifédipine XL 20-120 mg ■ Félodipine 2,5-20 mg ■ Amlodipine 2,5-20 mg Efficacité non optimale Non toléré, changer pour : ou aggravation des symptômes : Prazosine 1-5 mg po bid ou ■ Utiliser quotidiennement (et non PRN)Sildénafil 12,5-50 mg po bid ou ■ Augmenter la dose Nitroglycérine 1 % topique ou ■ Changer le traitement Diltiazem CD 180-240 mg po die ou Losartan 25-50 mg po die ou Fluoxétine 20 mg po die Complications Non Oui Continuer le traitement Ulcères digitaux Traitement : Complications : Prévention : Analogues des prostaglandines IVTraitement des infections,Bosentan 62,5 mg po bid chirurgie ou amputation pendant 1 mois, puis 125 mg po bid 34 Québec Pharmacie vol. 58 n° 6 octobre 2011 Le traitement de la maladie de Raynaud L'utilisation d'agents pharmacologiques est surtout guidée par l'expérience clinique plutôt que par des données probantes. leur provoquée par un vasospasme8. In vitro, elle a également diminué l’amplitude de vasoconstriction à la suite de stimuli électriques et favorisé la vasodilatation. Dans un rapport de cas portant sur 11 patients atteints de PR et résistants à plusieurs traitements énergiques, neuf d’entre eux ont rapporté une diminution de la fréquence et de la gravité des crises, une réduction significative de la douleur et une guérison des ulcères digitaux39. plusieurs années, consiste en l’injection d’un anesthésique local, comme la bupivacaïne ou la lidocaïne sans épinéphrine. Cette intervention permet de renverser le vasospasme et la douleur qui en découle, mais seulement de façon temporaire. La sympathectomie chirurgicale localisée peut également être utilisée dans les cas réfractaires, mais l’efficacité dépend de l’expertise du chirurgien. Une reconstruction vasculaire peut améliorer la circulation sanguine chez les patients souffrant de PR secondaire à la scléroProduits naturels dermie. Enfin, le débridement des tissus ischéL’huile d’onagre et les huiles de poisson ont été miques nécrotiques peut être nécessaire, mais étudiées dans des études randomisées contre pla- l’amputation est inévitable dans les cas de gancebo puisqu’elles sont des précurseurs de la pros- grène à la suite d’une ischémie prolongée8,31. taglandine et pourraient donc être intéressantes dans le traitement du PR par leur effet vasodilata- Algorithme de traitement teur. Ces huiles permettent de retarder le début Les mesures non pharmacologiques suffisent des symptômes après une exposition au froid et fréquemment dans les cas de PR primaire et diminueraient la fréquence des crises1,18. Le demeurent la première ligne de traitement. gingko biloba, une herbe souvent utilisée dans Chez les patients atteints de PR secondaire, les plusieurs troubles de la circulation, a fait l’objet mesures non pharmacologiques sont également d’une étude randomisée, contrôlée, contre pla- recommandées d’emblée, mais l’instauration cebo40. Les patients traités recevaient un extrait de d’agents pharmacologiques s’avère souvent gingko biloba 120 mg trois fois par jour ou le pla- nécessaire dès le début. Ainsi, il faut tout d’abord cebo pendant 10 semaines. Une réduction signifi- conseiller à tout patient atteint de PR d’éviter les cative de la fréquence des crises a été observée, facteurs précipitants (froid, stress, médicaments mais pas de la durée ou de la gravité. Par contre, pouvant causer de la vasoconstriction) et d’arrêaucun patient n’a rapporté d’effets secondaires ter de fumer. Tel que mentionné précédemsignificatifs. Les acides gras essentiels ont égale- ment, il n’existe pas de lignes directrices claires ment été étudiés, mais les résultats ne sont pas pour le traitement du PR. L’algorithme de traiteconstants à travers les études17. Comme pour plu- ment proposé dans la figure 2 est une synthèse sieurs pathologies chroniques, peu d’études sou- des données actuelles ainsi qu’une interprétatiennent l’utilisation systématique des produits tion selon les données d’efficacité et d’innocuité naturels pour le traitement du PR. disponibles. Il ne repose pas sur les données probantes et ne constitue pas une ligne direcChirurgie trice à la suite d’un consensus. Les BCC de la Lorsque les traitements pharmacologiques classe des dihydropyridines à longue durée échouent, souvent dans les cas de PR associés à d’action constituent souvent le premier choix de des maladies des tissus conjonctifs et d’ischémie traitement puisqu’ils ont été les plus étudiés. La digitale sévère, restent les options chirurgicales. nitroglycérine topique peut être utile dans cerLa sympathectomie chimique, utilisée depuis tains cas d’ischémie localisée et lorsque les cri- ses ne sont pas fréquentes. Par contre, les patients à qui une telle option est présentée doivent être choisis méticuleusement afin d’éviter les risques d’effets secondaires graves. Si ces agents s’avèrent inefficaces ou non tolérés, les autres agents discutés dans cet article peuvent être essayés, même si moins d’études les appuient. La manifestation d’une ischémie sévère est une urgence médicale puisque le doigt peut être en danger8,14. Des mesures générales, telles que le réchauffement de l’environnement, le repos et l’analgésie, doivent être instaurées. Les doses de BCC doivent être maximisées. Si toutes ces mesures s’avèrent inefficaces, l’administration de prostaglandines par voie intraveineuse demeure le principal traitement. Une antibiothérapie doit souvent être instaurée rapidement, car les infections sont fréquentes. Chez les patients qui présentent plusieurs ulcères digitaux à la suite de l’ischémie sévère, le bosentan peut être envisagé afin d’éviter la récurrence, sous supervision dans une clinique spécialisée toutefois8. Conclusion Le phénomène de Raynaud primaire est commun et fréquemment bénin, affectant peu la qualité de vie et ne nécessitant souvent que des changements d’habitude de vie faciles. Le PR secondaire est souvent plus sérieux, exigeant des traitements pharmacologiques dont l’effet est souvent moindre que dans les cas de PR primaire. L’éventail des symptômes du PR est toutefois large et leur degré d’intensité peut varier grandement d’une personne à l’autre. Les BCC ont longuement été considérés comme la pierre angulaire du traitement du PR, mais puisque la pathogenèse de cette maladie est de plus en plus étudiée et comprise, plusieurs autres cibles thérapeutiques pourraient être au moins aussi efficaces. Par contre, les études concernant ces agents restent de faible envergure et ne sont pas encore concluantes pour soutenir leur utilisation. ■ Références 1. Pope JE. The diagnosis and treatment of Raynaud’s phenomenon : A practical approach. Drugs. 2007; 67: 517-525. 2. Varga J, Denton CP. Systemic sclerosis and scleroderma-spectrum disorders. [book auth.] Budd RC, Harris ED, McIness IB, Ruddy S, Sergent JS Firestein GS. Kelley’s Textbook of Rheumatology. Philadelphia : Saunders Elsevier, 2009; 1329-30. 3. Olin JW. Other peripheral arterial disease. Dans : Ausiello D. Goldman L. Cecil Medicine : 23rd edition. Philadelphia : Saunders Elsevier, 2009; 568-74. 4. Wigley FM. Clinical manifestations and diagnosis of the Raynaud Phenomenom. 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Les récepteurs β2-adrénergiques jouent un rôle important dans la régulation du système nerveux sympathique et, par conséquent, de la vasoconstriction au niveau des artères digitales. B. L’activation des récepteurs de l’endothéline provoque une vasodilatation des muscles lisses. C. Le rôle du système rénine-angiotensine dans la pathogenèse du PR a été bien étudié. D. L’oxyde nitrique et les prostaglandines ont des propriétés vasodilatatrices. 9) Parmi les inhibiteurs des canaux calciques suivants, lequel n’est pas privilégié dans le traitement du phénomène de Raynaud ? A. Amlodipine B. Nifédipine C. Vérapamil D. Félodipine 10) Parmi les énoncés suivants, lequel est faux ? A. L’efficacité du sildénafil a été bien démontrée dans les études cliniques et son utilisation pour le traitement du PR devrait être plus répandue. B. La prazosine est peu utilisée malgré son efficacité à cause de son risque d’hypotension orthostatique. C. Le bosentan ne diminue pas la fréquence ou l’intensité des crises de PR. D. Les prostaglandines sont efficaces dans la prévention des complications. 11) Parmi les énoncés suivants, lequel est vrai ? A. Les mesures non pharmacologiques ne sont pas nécessaires chez les patients souffrant de PR secondaire. B. Les anomalies dans les valeurs de laboratoire sont fréquentes chez les patients atteints de PR idiopathique. C. La nicotine de la cigarette provoque des crises de PR. D. Un traitement définitif du syndrome de Raynaud est rarement possible. Répondez maintenant en ligne. Voir page 46. 36 Québec Pharmacie vol. 58 n° 6 octobre 2011