LA VOIE DES OS - Centre Imhotep

Transcription

LA VOIE DES OS - Centre Imhotep
Elsa Méline
Mémoire de fin d’études
Juin 2015
LA VOIE DES OS
Centre Imhotep
Centre de formation en acupuncture traditionnelle
Remerciements
A mes chers professeurs, qui transmettent leur précieux savoir avec patience et passion.
A Sophie, pour l’intérêt qu’elle a porté à ce sujet, pour ses conseils avisés, son temps et ses
encouragements.
A mes parents et amis, pour leur inconditionnel soutien.
A Michel, qui m’accompagne chaque jour sur le chemin de ma vie.
1
SOMMAIRE
INTRODUCTION
p3
1. EMBRYOLOGIE – Histoire de la construction du squelette
P5
2. OS, MOELLE ET SANG
p12
3. LE SQUELETTE HUMAIN
3.1. Le squelette appendiculaire
3.1.1. Les membres inférieurs
3.1.2. Les membres supérieurs
p22
p26
p28
p35
3.2. Le squelette axial
3.2.1. Le tronc
3.2.2. La tête
p39
p42
p50
4. OS ET MERVEILLEUX VAISSEAUX
p54
5. OS ET POINTS D’ACUPUNCTURE
p58
6. CAS CLINIQUE - Robert
p62
CONCLUSION
p76
BIBLIOGRAPHIE
p77
2
INTRODUCTION
A la question « qu’est-ce qui vous a menée à faire de l’acupuncture ? », je réponds souvent « le
hasard ». Ceci est sans doute une façon de couper court car qui s’immerge dans la philosophie
chinoise ne peut plus croire au hasard et à la fatalité. En tout cas moi je ne peux plus. Sans pour
autant envisager un total déterminisme, je pense que chaque individu avance sur son propre chemin
de vie. Celui-ci est certes semé de nombreuses embuches et dessiné avec ce qui apparaît être
comme de bien grands détours mais qui sont probablement nécessaires à la réalisation de cette vie.
De la même façon aujourd’hui, quand mon corps a un problème, je ne peux plus me satisfaire de
« c’est votre terrain, c’est ainsi, on ne peut rien faire, il faut vivre avec » ou bien « oui, en ce moment,
il y a un virus qui traine dans l’air, vous l’avez attrapé vous aussi, c’est normal, c’est l’hiver… ».
Non, la maladie n’est pas « normale », je ne suis plus d’accord.
Quand mon corps souffre, de quelque manière que ce soit, il y a une raison qui ne se résume pas au
symptôme visible, raison à laquelle il convient de réfléchir avant tout diagnostic brutal et définitif.
En m’immergeant dans ce bel art humaniste qu’est l’acupuncture, j’ai appris à réfléchir, à écouter ce
que le corps cherche à exprimer, à chercher la cause des maux et des souffrances. J’ai appris à
regarder, sentir, toucher, palper, prendre la mesure de la vibration énergétique du corps…
Les quatre temps de l’examen traditionnel permettent de récolter un nombre infini d’indices pour
comprendre les mécanismes énergétiques qui sous-tendent la maladie d’une personne et établir un
diagnostic. C’est tout ce processus d’analyse et de réflexion qui mène vers le traitement le plus juste
et le plus apte à résoudre un problème dans son intégralité, non à seulement faire taire l’expression
symptomatique du corps.
Réfléchir est passionnant, enrichissant, constructif. Mais ce qui l’est plus encore, c’est que pour un
diagnostic, il n’existe pas qu’une seule réponse. Dans le respect des règles et des logiques propres à
l’énergétique orientale, maints traitements peuvent être envisagés, selon le chemin d’approche et de
pensée propre à chaque thérapeute. Les points d’acupuncture offrent une telle richesse de
combinaisons, ils ont leurs fonctions, leur position, leurs connexions, leurs indications
symptomatiques… et ils ont leur(s) nom(s), chaque nom révélant tout un monde d’images et de
symboles qui peuvent entrer en résonnance avec la maladie d’un patient et enrichir la dialectique.
Dans cet univers où tout semble possible mais où il n’est pas toujours si simple de comprendre la
raison de la maladie et son processus énergétique de développement, je me suis rappelé que le corps
parle, certes au travers de sa douleur, mais également sans elle. Comme les points d’acupuncture,
chaque partie du corps a une fonction et un nom derrière lequel se cache une symbolique
particulière dont la connaissance et la compréhension peuvent s’avérer très utiles, notamment en
cas de douleur. La mise en rapport d’une douleur avec la symbolique de son emplacement sur le
corps doit raconter une histoire primordiale à entendre pour envisager le traitement le plus
pertinent, capable de mettre le patient sur le chemin de la guérison.
3
J’ai alors envisagé de réaliser mon mémoire sur ce sujet de la symbolique du corps humain. Et parce
qu’on dit souvent que « le mal est plus profond » que son symptôme, « qu’il faut aller chercher la
réponse au fond de soi », sans doute parce que mon chemin a croisé celui de Robert, un patient que
vous rencontrerez dans le dernier chapitre de ce document, j’ai choisi de m’intéresser à la
symbolique des os qui composent le squelette, cette trame qui est « au fond » de nous, qui fait notre
structure et notre force, support de toutes les autres trames du corps : musculaire, lymphatique,
sanguine… et bien sûr méridienne, cette trame qui fait que l’on est debout et vivant tel un trait tiré
entre la Terre et le Ciel, qui matérialise notre verticalité, notre axe chao yin.
Comment l’os se développe-t-il embryologiquement, que représente-t-il énergétiquement, quelle
symbolique s’y rapporte, comment mettre cette dernière en corrélation avec la douleur ou autre
problématique osseuse d’une personne, avec son nom, son histoire de vie et son état énergétique du
moment ? Autant de questions qui ont amené la réflexion que je vous livre dans les pages suivantes.
4
EMBRYOLOGIE
1. EMBRYOLOGIE – Histoire de la construction du squelette
Dans le chapitre 10 du Ling Tchou, il est écrit : « pour la génération de l’homme, le mécanisme
primitif se base sur la réunion des deux essences du yin et du yang en donnant naissance à l’essence.
A partir de celle-ci se développent le cerveau et la moelle, puis se forme au fur et à mesure le corps
humain. Celui-ci a ses os pour former le tronc et les membres, ses méridiens pour la circulation de
iong, du sang et de l’énergie, ses tissus tendino-musculaires solides et élastiques pour maintenir la
connexion de toutes les parties du squelette […] ».
Le développement d’un nouvel individu commence ainsi par la rencontre d’un spermatozoïde avec
un ovule, le principe masculin yang qui féconde le principe féminin yin. De la fusion de ces deux
principes résulte un œuf appelé zygote. Ce qui est nommé dans le Ling Tchou comme essence est
cette cellule biologique unique, encore indifférenciée mais qui représente la potentialité d’une vie,
petit boule cosmique de tous les possibles.
Pendant sa première semaine d’existence, ce minuscule germe de lumière va migrer dans les
trompes de sa mère pour aller s’installer dans son utérus, en même temps qu’il devient morula (et
non plus zygote). En effet, pendant son voyage et à l’intérieur même de son enveloppe, la cellule se
divise, dans un objectif de multiplication et de mutations futures, et ressemble désormais à une
petite mûre.
Dans la Chine ancienne, le mûrier est la résidence de la Mère des Soleils et l’arbre par où s’élève le
soleil levant. Une forêt de mûriers était plantée à la porte orientale de la capitale.
Encore composée de cellules toutes totipotentes, capable chacune de donner un individu complet
ainsi que ses annexes embryonnaires, la morula est un réel concentré de vie, comme le soleil levant
symbolise l’éveil d’un jour nouveau, comme le Bois est générateur de vie, mouvement créateur qui
fait sortir le yang du yin, l’être du néant.
Segmentation d’un œuf fécondé jusqu’au stade morula (e)
5
EMBRYOLOGIE
De la fécondation à la nidification
L’œuf devient morula au quatrième jour. Mais ce n’est pas la morula qui s’implante dans la paroi de
l’utérus, c’est un blastocyste. La morula a changé de nom suite à une importante modification
cellulaire ; alors qu’elle était jusqu’alors un amas de cellules totipotentes, celles-ci commencent à se
différencier : quelques-unes d’entre elles restent groupées, formant un petit bourgeon, le bourgeon
embryonnaire (embryoblaste) à partir duquel se développera l’embryon ; les autres vont constituer
pour et autour de ce bourgeon une poche protectrice remplie de liquide (trophoblaste).
Schéma et image du blastocyste
Il est intéressant de constater que la forme du blastocyste est tout à fait en accord avec son nom, qui
signifie étymologiquement bourgeon de vessie.
En Chinois, l’idéogramme de vessie est BAO ; il désigne également l’utérus, en tant qu’il représente
une enveloppe qui contient.
6
EMBRYOLOGIE
Cet idéogramme, c’est le corps maternel enveloppant l’embryon encore libre et informe, c’est
l’utérus où va s’implanter le blastocyste et où va se développer l’être, c’est le blastocyste lui-même,
enveloppe cellulaire contenant la potentialité d’une vie humaine.
Le blastocyste pourrait également être considéré comme un bourgeon d’humain, représentation de
l’enveloppe corporelle à l’intérieur de laquelle vont s’organiser et se développer les organes et autres
structures internes du corps.
Le développement proprement dit de l’embryon intervient dans le courant de la deuxième semaine,
une fois le bourgeon implanté dans la paroi de l’utérus et la circulation utéro-placentaire primitive
mise en place. Le blastocyste devient alors disque didermique : le bourgeon embryonnaire devient 2,
deux cavités superposées, l’épiblaste et l’hypoblaste, déterminant respectivement une face dorsale
et une face ventrale.
Disque embryonnaire didermique à 12 jours
En jaune, l’hypoblaste
En bleu, l’épiblaste
A la fin de la deuxième semaine, le disque didermique a encore la forme d’une sphère, image
parfaite de la totalité céleste en attente de ses mutations terrestres. Pendant la troisième semaine,
l’ensemble s’allonge pour devenir ovoïde, ce qui détermine deux orients, le nord et le sud, un haut et
un bas, la partie céphalique (la future tête) et la partie caudale (du latin cauda qui signifie queue).
Ensuite apparaît au niveau de l’épiblaste ce que l’on nomme la ligne primitive. Telle un trait tiré entre
ces deux orients, elle matérialise en partie l’axe nord-sud, constituant les prémices de l’axe chao yin
et déterminant une droite et une gauche, l’est et l’ouest. Les quatre orients sont alors en place et,
venant de ces orients, les cellules de l’épiblaste vont se jeter dans cette ligne du milieu, centrale, et
construire la Terre, le corps humain.
Les flèches rouges représentent
schématiquement la migration des
cellules épiblastiques vers leurs
territoires présomptifs respectifs.
7
EMBRYOLOGIE
Passée la ligne primitive, qui constitue comme une porte d’entrée menant à la constitution de
l’homme, les cellules vont créer un troisième feuillet embryonnaire, le mésoderme. Celui-ci va
s’insérer entre les deux feuillets existants, l’épiblaste et l’hypoblaste, qui changent alors de nature et
de nom pour désormais s’appeler respectivement ectoderme (ou ectoblaste) et endoderme (ou
entoblaste).
La constitution de ce troisième feuillet fait survenir le chiffre 3, chiffre de la manifestation entre Ciel
et Terre, chiffre du Bois yang qui caractérise l’intense activité cellulaire de cette 3ème semaine,
prolifération créatrice de 3 feuillets qui vont organiser le devenir de chaque cellule.
On peut se demander à ce stade si ce qui évoque dans l’homme né sa ligne primitive embryologique
n’est pas le 4TM, MingMen, la porte du destin. C’est là qu’est précieusement entreposée l’essence de
l’homme, le 3 résulté de la fécondation du principe yin par le principe yang. MingMen est ce qui
détermine l’homme et c’est bien cette porte, MingMen ou la ligne primitive, qui détermine le destin
de chaque cellule qui compose l’homme et donc la façon dont celui-ci se construit, avec les
informations données là, à cet endroit et à ce moment précis de l’embryogénèse.
D’autant plus que la ligne primitive n’est pas un simple carrefour sur le chemin de détermination des
cellules, elle est le plan général de la construction, formant l’axe principal nord-sud à partir duquel se
construisent les éléments du corps.
C’est ainsi que l’une des premières structures à se mettre en place est la colonne vertébrale (dans sa
forme primitive), élément essentiel de l’architecture humaine, axe de construction qui relie les trois
foyers, support qui garantit la solidité du tout, axe de notre verticalité terrestre.
Aux environs du dix-neuvième jour, les cellules du mésoderme commencent à constituer ce que l’on
nomme la notochorde (ou processus notochordal), fine baguette à la fois rigide et flexible, comme
une corde, qui se développe en même temps que régresse la ligne primitive, sur son emplacement
même, emplacement des futurs corps vertébraux. De façon concomitante, la notochorde joue un
rôle inducteur sur l’ectoblaste, feuillet responsable de la construction du système nerveux, qui
entame alors la formation du tube neural, forme embryonnaire de la future moelle épinière.
19
ème
jour
ème
23
jour
ème
25
jour
Régression de la ligne primitive à la faveur du processus notochordal ; la ligne primitive disparaît au 29
ème
jour.
8
EMBRYOLOGIE
Dans les jours qui suivent, de part et d’autre de la ligne médiane que représente la notochorde, le
mésoblaste prolifère et forme trois structures à l’aspect de colonnes longitudinales et de feuillets. Ce
processus débute à l'extrémité céphalique et progresse en direction caudale jusqu'à la fin de la
quatrième semaine. Le cylindre para-axial, c’est-à-dire celui jouxtant la notochorde, va se segmenter
au fur et à mesure de son évolution, ce qui va définir des somites, éléments dont dérive le squelette.
Apparition des somites
Fermeture du tube neural et segmentation du mésoblaste para-axial
J’ai été interpellée par ce nom, somite, qui m’a immédiatement fait penser à sommité. Selon sa
définition, une sommité désigne la partie la plus élevée de quelque chose. Ce nom vient du latin
summitas, dérivé de summus qui signifie le plus haut, suprême, ce qui est au-dessus de tout.
Comme énoncé précédemment, les somites sont la première forme embryologique des vertèbres, ils
constituent les premiers éléments du squelette et en cela leur importance est grande. C’est d’eux
dont dépend le développement futur du squelette, la segmentation étant donc une phase
primordiale dans le développement de l’embryon.
Le premier os qui en dérive, la vertèbre, n’est pas non plus sans importance. Elle associe dans mon
esprit le mot vert et le mot ténèbres. Le vert est la couleur de l’éclosion de la vie, elle correspond au
Bois qui marque le début d’un cycle comme la vertèbre est le premier élément du squelette en
9
EMBRYOLOGIE
devenir. Les ténèbres sont ce qui précède la vie, également ce qui lui succède. La vertèbre
contiendrait donc l’essence même de la vie qui est de naître et de mourir.
Et puis ce sont les vertèbres qui feront grandir l’embryon selon sa verticalité, c’est leur empilement
qui formera la colonne de l’être humain, cette colonne qui lui donnera la force de se tenir debout,
droit, et de faire le lien entre le Ciel et la Terre.
La colonne vertébrale constitue également le Fu de la moelle épinière qui se connecte au cerveau, les
deux premières entrailles précieuses indispensables à la génération d’un être, influx nerveux sans
lequel l’homme n’est qu’un amas de chair sans vie.
Il n’est alors pas anodin que les vertèbres, et l’ensemble des os qui constitueront le squelette,
dérivent du feuillet mésodermique, le même feuillet dont sont issus le Cœur et les Reins, les deux
organes de l’axe chao yin. Il est de plus à noter que si la moelle épinière, qui participe grandement à
la tenue verticale de l’être humain, est issue de l’ectoblaste, elle se développe sous le rôle inducteur
du mésoblaste qui peut ainsi être considéré comme responsable de l’intégralité de ce qui constitue
l’axe chao yin. La moelle est d’ailleurs sous la dépendance énergétique des Reins, de même que les
os.
Le feuillet mésodermique est aussi le feuillet du milieu. Il s’est constitué entre l’ectoderme, feuillet
externe responsable de tout ce qui est protection et sensibilité du corps, c’est à dire la peau, le
système nerveux (cerveau, moelle épinière…), les organes sensoriels, et l’endoderme, feuillet interne
responsable des fonctions nutritives de l’homme que sont la digestion, la respiration, la séparation
des substances inutiles, et donc à l’origine des organes du système digestif et respiratoire (poumons,
foie, rate, vésicule biliaire, estomac, intestins). Il est alors plutôt logique que les os, cette structure du
milieu, soient issus du mésoderme. Au niveau du tronc, les os sont entre la peau et les entrailles,
formant la cage thoracique. Au niveau des membres, Ils sont au cœur de l’ensemble des structures,
ils en forment le centre.
A noter que les structures musculaires sont également issues du mésoderme, structures directement
liées à celle des os puisqu’elles attachent fonctionnellement les os ensemble et assurent leur
mobilité. Le système sanguin est également issu du mésoderme, système en totale corrélation avec
les os (je détaillerai ce point ultérieurement), vecteur des fluides du Cœur.
Le mésoderme est aussi à l’origine du système urogénital, ce qui explique pour partie le lien
énergétique qui lie les Reins et la Vessie, de même que le lien entre les Reins et la vie sexuelle.
Concernant l’évolution de l’embryon, nous avons vu précédemment comment se formaient les
premières structures osseuses que sont les vertèbres. L’embryon entame à ce moment sa quatrième
semaine d’existence et il faut savoir qu’environ 90% des structures du futur être humain
apparaissent à l’état d’ébauche avant la fin de la huitième semaine, fin de la période embryonnaire.
Tout se développe donc ensuite assez rapidement et de manière concomitante : le dessin des corps
vertébraux s’affine tandis que commence dans leur prolongement la formation des arcs vertébraux,
les futures côtes, bandes de tissu cartilagineux qui vont croitre autour des viscères au fur et à mesure
que ceux-ci se constituent et qui fusionneront vers la fin de la huitième semaine avec l’ébauche du
sternum, également cartilagineuse.
Alors que jusque-là l’embryon n’était qu’un tronc et une tête en devenir apparaissent au 26ème et
28ème jour les bourgeons des membres, qui vont prendre forme pendant le second mois de la période
10
EMBRYOLOGIE
embryonnaire, en même temps que va s’esquisser leur structure osseuse, sous forme de cartilage
toujours.
A la fin de la période embryonnaire, l’ensemble de la structure osseuse n’est que cartilages, une
ébauche qui va tranquillement se développer pendant la période fœtale, période de croissance et de
maturation qui commence au début de la neuvième semaine et se termine avec la naissance de
l’enfant.
On notera des points d’ossification primaire, c’est-à-dire des points de durcissement des tissus se
transformant en os, en des endroits divers pendant la période fœtale mais à la naissance de l’enfant,
les os sont encore globalement mous. L’ossification secondaire est post-natale et va se faire
graduellement de l’enfance à la puberté. Elle ne sera complète qu’à l’âge adulte, quand la croissance
de l’individu sera totalement terminée.
Pour clore ce volet embryologique, j’aimerais revenir sur les chiffres. J’ai évoqué le 1 de la cellule
totipotente, le 2 de l’axe chao yin qui associe le nord et le sud, l’Eau et le Feu pour créer le 3, le 3ème
feuillet embryologique, feuillet qui engendre la création des vertèbres et donne l’élan menant à la
création de toutes les autres structures du corps. La vertèbre pourrait être le 4, intégrant le principe
de la mort sans lequel ne peut être la vie. Mais le 4 c’est surtout l’accouchement qui correspond à la
mort de la vie in utéro, petite mort qui amène vers la vie terrestre, le 5. C’est l’homme sorti des
ténèbres de la Terre qui devient complet en recevant la lumière céleste et en inspirant son premier
souffle.
11
OS, MOELLE ET SANG
2. OS, MOELLE ET SANG
Qu’est-ce qu’un os adulte ?
L’os est le tissu le plus yin du corps humain :
- parce qu’il est au plus profond du corps, en tant que structure primaire, élément de la
charpente qui supporte toutes les autres structures (musculaire, sanguine, lymphatique,
méridienne…), symbole de fermeté, de force et de vertu,
- parce qu’il s’agit de tissus conjonctifs solidifiés, ce qui en fait l’organe le plus dur du corps
humain.
L’os est aussi ce qui demeure quand la chair n’est plus. Il est le principe yin fondamental,
impérissable, quand le yang peut mourir, il porte en lui le principe de régénération. C’est l’élément
permanent et primordial de l’être, c’est le noyau de l’immortalité.
L’os est ainsi considéré dans de nombreuses cultures, l’os et sa "substantifique moelle".
En tant que « partie la plus durable, sinon impérissable, du corps humain, l’intérieur, le support du
visible », il symbolise l’essence de la création. D’où le grand respect qu’on lui porte.
Pour exemple des coutumes de chasseurs, qui reconstituaient le squelette du gibier après en avoir
consommé la chair, en prenant bien garde de ne briser aucun os. Leur retour à la nature, dans
l’intégralité du squelette, permettait selon leurs croyances d’assurer la continuité des espèces.
D’autres traditions reposent sur la crémation des os mais sont basées sur le même respect. Il est
considéré que l’âme réside dans les os. Ainsi brûler les os permet de libérer l’âme et de l’emmener
au ciel, sublimée, purifiée, le ciel étant le réceptacle originel de la vie.
L’image me vient alors du phœnix rouge, cet oiseau légendaire qui ne peut se reproduire. A chaque
fois qu’il sent la fin de sa vie arriver, il se consume et renaît de ses propres cendres. Il symbolise ainsi
les cycles de mort et de résurrection.
Une crémation pour la cré(m)ation d’une nouvelle vie.
Il est intéressant de constater que ce M, qui sépare d’une lettre crémation et création se compose
d’un V représentant la matrice féminine en tant que vase, symbole utérin, lieu de transformation, et
que ce V est soutenu par un double jambage qui ramène vers le sol. Ce qui donne à la crémation tout
son sens : brûler les os pour leur redonner vie, pour fusionner à nouveau le Feu, l’énergie du ciel, le
principe yang, et l’os, l’Eau, le yin immortel, ainsi fécondé dans la matrice créatrice, la Terre.
Cette importance donnée aux os est tout aussi particulière dans la pensée chinoise puisque les os
font partie des six entrailles curieuses avec le cerveau, la moelle épinière, le sang, la vésicule biliaire
et l’utérus.
Dans le Su Wen, il est dit : « le cerveau, la moelle épinière, les os, le pouls ou la circulation, la VB et
l’utérus sont nés de l’énergie de la terre et demeurent dans le yin. Ils manifestent leur énergie dans
la terre. Ainsi ils se conservent sans qu’une élimination se produise. On les appelle les fu
extraordinaires et éternels. »
12
OS, MOELLE ET SANG
En chinois, Fu extraordinaires se dit Qi Heng Zhi Fu.
L’idéogramme
recatégorisé par la clé organique
se traduit par entrailles ; l’idéogramme
seul désignant le palais, la résidence d’un grand personnage, un dépôt d’archives.
L’idéogramme Qi
signifie rare, surprenant, étrange ; il évoque un fonctionnement non
ordinaire, donc extraordinaire, voire merveilleux.
L’idéogramme Heng
a le sens de durable, permanent ; il évoque quelque chose qui a commencé
il y a longtemps et qui est fait pour durer longtemps, pour se perpétuer, dans une idée de
transmission ; il y a donc une idée de pérennité, de continuité de développement.
Ainsi les os sont appelés Fu mais leur idéogramme indique qu’ils fonctionnent d’une façon
extraordinaire.
Les Fu au comportement "normal", les entrailles, ont une fonction de transition et d’élimination alors
que les Fu extraordinaires entreposent mais n’éliminent pas. Ils fonctionnent donc plutôt comme les
Tsang, les organes.
Tsang signifie cacher un trésor et c’est ce que font ces Fu extraordinaires. Ils cachent un trésor au
plus profond de l’être, celui de la pérennité du principe de vie, ce principe durable et permanent, ils
thésaurisent le pouvoir de la régénération et le transmettent, on pourrait dire d’une forme périssable
à une autre.
La dénomination de Fu pour qualifier ces entrailles merveilleuses vient peut-être de cette idée de
transmission. Dans les Fu les choses déposées transitent mais avant d’être éliminées, elles sont
transformées. Il y a une idée de maturation, de fructification.
Et ce principe de vie caché dans les Fu extraordinaires n’est pas un simple trésor caché, c’est ce qui
permet le passage du ciel antérieur au ciel postérieur, de la vie informelle à la vie formelle, la
transformation de l’ineffable en un être humain.
Au regard de ces éléments, le lien énergétique des os avec les Reins est indéniable. Nous savons que
les Reins correspondent à l’orient Nord qui donne l’élément Eau. L’Eau, ce sont les eaux noires et
profondes de la mer, cette masse qui s’étend à l’infini comme les possibles qu’elle contient.
En chinois, mer se traduit par HAI :
L’idéogramme
représente une plante proliférante s’engendrant elle-même. Recatégorisé par la
clé des liquides , l’ensemble devient Eau, lieu de prolifération. En médecine chinoise, Hai est
souvent pris dans le sens de réservoir, réservoir du trésor de la vie, comme la femme qui devient
mère en portant dans son utérus un nouvel être.
13
OS, MOELLE ET SANG
Les os, les eaux, la sonorité est la même, la symbolique aussi. Ils renferment tous deux ce pouvoir de
régénérescence, ils sont sources potentielles de vie en attente du Feu fécondant qui viendra de
l’orient sud, orient qui avec l’orient nord forme le chao yin.
----------------------------------
A la naissance, le nourrisson a environ 270 os. L’adulte n’en compte plus qu’environ 206, certains os
fusionnant au cours de la croissance, principalement au niveau du crâne, de la colonne et du bassin.
La forme des os traduit leur adaptation évolutive aux fonctions qu’ils remplissent pour l’organisme.
Ils ont de fait des formes très variées. Il existe toutefois trois types d’os principaux :
-
Les os longs, tels le fémur, le tibia, l’humérus…
Il s’agit surtout des os principaux des 4 membres que sont les bras et les jambes.
Une de leurs dimensions est nettement plus grande que les deux autres.
-
Les os courts, tels les carpes (os du poignet), tarses (os du cou-de-pied)…
Ils ont leurs trois dimensions sensiblement égales.
-
Les os plats (ou larges) tels le sternum, la scapula, les os pariétaux, les os du crâne et ceux du
bassin.
Ils ont une dimension nettement plus courte que les deux autres.
De gauche à droite : coupe sur un os long, un os plat, un os court
14
OS, MOELLE ET SANG
Il existe également toute une série d’os intermédiaires qui n'appartiennent à aucun autre type d'os :
-
Les os allongés : la longueur prédomine sur les autres dimensions mais la taille de l'os est
plus petite que celle des os longs. Exemple : métacarpiens (main), métatarsiens (pied),
clavicule.
Métatarsien
-
Clavicule
Les os rayonnés : ils possèdent un corps duquel partent des expansions. Exemple : les
vertèbres.
Vertèbre
-
Les os arqués, qui peuvent être de deux formes :
. soit avec une simple courbure ; exemple : les côtes
. soit en forme de fer à cheval ; exemple : la mandibule
Mandibule
Côte
15
OS, MOELLE ET SANG
-
Les os papyracés : ils sont structurellement composés de fines lamelles osseuses. Exemple :
l’os palatin (os du palais)
Os palatin
-
Les os pneumatiques : ils sont percés de cavités appelées sinus. Exemple : les os de la face
(crâne).
Os pariétal
-
Les os sésamoïdes : il s’agit de petits os annexés à des ligaments. Exemple : patella (rotule).
La patella, os libre articulé avec tibia et fémur par les tendons
16
OS, MOELLE ET SANG
Quelle que soit leur forme, les os se composent schématiquement d’une partie périphérique très
compacte et d’une partie interne spongieuse.
Coupes sur les 3 types d’os principaux
Alors que la partie périphérique est très dense, protectrice, la partie spongieuse interne est très
friable, composée de fines lamelles osseuses disposées autour de petites cavités. Ces cavités sont
remplies de moelle osseuse, la moelle pouvant être de deux formes :
- moelle osseuse rouge : elle est responsable de l’hématopoïèse, processus physiologique
permettant la création et le renouvellement des différents types des cellules du sang, à
savoir les globules blancs, les globules rouges et les plaquettes ; elle est riche en vaisseaux
sanguins, très pauvre en matière graisseuse,
- moelle osseuse jaune : il s’agit d’un tissu adipeux, moins riche en vaisseaux sanguins que la
moelle rouge, plus riche en graisse.
A la naissance, tous les os de l’enfant sont remplis de moelle osseuse rouge. De fait, tous les os ont
une activité hématopoïétique.
Dès l’âge de trois ou quatre ans, la moelle perd peu à peu de son activité et se transforme en moelle
jaune, notamment dans le corps des os longs (un peu de moelle rouge subsistant dans les épiphyses).
A l’âge adulte, la moelle est donc majoritairement jaune, à cause de la graisse, et l’activité
hématopoïétique s’effectue essentiellement dans la moelle rouge des os courts et plats dits
spongieux ; plus précisément le sternum, les côtes (même si ce sont des os longs, arqués), les
vertèbres et les os du bassin (os coxaux ou iliaques).
Chez les personnes âgées, la moelle jaune est devenue grise.
17
OS, MOELLE ET SANG
A l’âge adulte, la cavité médullaire de la diaphyse des os longs est remplie de moelle jaune
----------------------------------
Ce changement de forme de la moelle est très intéressant.
Rouge, elle a la couleur de l’intense activité yang nécessaire à la croissance des os, elle est la couleur
du chao yin, énergie primordiale pour que les os deviennent robustes et qu’ils poussent droits, dans
le sens de leur juste forme, pour que l’homme ait la force de se tenir debout.
Jaune, elle a la couleur du tae yin, de la Terre que foule l’homme accompli. Mais le jaune est
également la couleur de l’été finissant, la couleur qui annonce le moment prochain où le yang devra
rentrer dans le yin avant que le froid ne s’installe, le futur retour à la Terre.
Grise, elle est ce moment venu, elle est le mélange de la couleur blanche du Métal qui tend vers les
ténèbres de l’Eau et annonce la mort prochaine. Celle de l’activité de la moelle, du yang et donc de
l’être dont il ne restera plus que les os, sans moelle, en attente d’une future potentielle
régénération.
Qu’est-ce alors que cette moelle si ce n’est l’essence de la vie ?
La moelle, cette "substantifique moelle", est le principe de vie symboliquement contenu dans l’os qui
a pris forme après la fécondation de l’Eau par le Feu ; elle est l’essence de la vie qui a germé et que
véhicule « la circulation », autre entraille curieuse toujours citée indissociablement de l’os (cf citation
du Su Wen reportée au bas de la page 10 : « le cerveau et la moelle épinière, les os et le pouls ou la
circulation, la VB et l’utérus… »)
Cette circulation, c’est celle du sang que fabrique la moelle, ce Feu liquide né dans l’Eau qui alimente
le Cœur et donne sa force à la manifestation. Doté du souffle céleste, elle pulse l’énergie et se palpe
au pouls de l’homme.
J’ai retenu cette phrase d’Annick de Souzenelle :
« Devenir un homme, passer de l’eau au sang, c’est aussi "consolider" son os. […] ».
18
OS, MOELLE ET SANG
Le processus de la vie est là : la fécondation de l’os mène à la fabrication du sang, par l’activité de la
moelle, sang qui fait la puissance et la vitalité du corps, puissance qui repose sur la bonne tenue du
squelette, vitalité qui nécessite une bonne circulation du sang et de l’énergie.
Illustrant bien ces propos, je retranscris également cette phrase du Su Wen : « Les os sont l’atelier de
la moelle osseuse, si la station debout pendant un certain temps n’est pas possible, la démarche sera
tremblante et vacillante et les os s’effondreront sûrement. Ainsi dit-on que si l’on obtient la
robustesse et la puissance de l’énergie du corps humain, c’est la vie. Inversement, c’est la mort. »
Les os sont ainsi le Fu de la moelle. On pourrait également dire qu’ils sont la voie où se déverse la
mer du sang et des 12 méridiens. Cette mer se déverse depuis l’orient Nord et se dirige en haut du
corps vers le 11V, en bas vers les 37E et 39E.
Le 11V porte le nom de DaZhu, traduit par grande navette. Les idéogrammes de ce point évoquent la
navette qui forme la trame d’un tissu, ici la trame des tissus de l’homme devenu grand, adulte. La
navette est en Bois, ce qui apporte une idée supplémentaire, celle du pouvoir de germination, celle
de l’éveil, Bois créateur et organisateur. De fait, la trame évoquée ne peut être que la trame osseuse,
parce qu’elle est la trame d’où s’écoule la vie, trame support de toutes les trames et de tous les
tissus. Ce point est d’ailleurs considéré comme Roe des os. Il participe à la bonne constitution des os,
à leur bonne croissance, à leur force.
Ce point appartient de plus au méridien du tsou tae yang, revers du tsou chao yin ; c’est le méridien
yang protecteur de l’Eau et des os. C’est aussi un méridien sanguin qui insuffle le mouvement dans
l’Eau, et par extension dans le sang des os.
Les 37E et 39E se nomment respectivement ShangJuXu et XiaJuXu.
Ils intègrent tous deux l’idéogramme JU qui représente une grande équerre qui sert à tracer les
canaux d’irrigation dans les champs. Equerre qui sert également à faire droit comme une flèche.
Ils intègrent aussi l’idéogramme XU qui évoque un lieu désert, vide, inoccupé à cause des tigres qui y
vivent. S’ajoute même une idée de faiblesse.
Cet idéogramme XU évoque la vacuité de l’être indifférencié, l’os encore vide en attente de la
substantifique moelle. C’est l’arrivée de la lumière, par ces deux points du tsou yang ming, qui va
féconder l’os et permettre la manifestation de l’être. Être qui ne peut exister que par la trame qui le
fait se tenir droit et qui véhicule en tous points l’énergie de la vie, la trame osseuse, d’où sourd la
circulation.
L’os n’est plus vide, il est rempli, il est fort.
Ainsi la mer de l’orient nord s’écoule dans la trame osseuse comme la sève circule dans le tronc et les
branches d’un arbre. Elle est la mer capable de régénérer l’essence de la vie qui s’élabore dans les os
et circule dans le corps. Elle est la mer du sang et des 12 méridiens.
19
LE SQUELETTE HUMAIN
20
LE SQUELETTE HUMAIN
21
LE SQUELETTE HUMAIN
3. LE SQUELETTE HUMAIN
Physiologiquement, les principales fonctions du squelette sont les suivantes :
- Le squelette est une tige à la fois solide et flexible, la trame primitive qui supporte toutes les
structures corporelles. C’est la charpente du corps.
- Le squelette est également la base de la mobilité du corps. Grâce aux articulations et aux
muscles auxquels il fournit des points d’accroche, les os permettent le mouvement et
déterminent l’étendue et la direction de ce mouvement.
- Le squelette est ainsi organisé qu’il fournit au corps des cavités protectrices pour les organes
internes et les centres nerveux. Pour exemple la cage thoracique qui protège le cœur et les
poumons.
- La moelle rouge contenue dans les os est à l’origine de la fabrication des cellules sanguines.
- Le squelette est un réservoir de minéraux (calcium, phosphore).
- Le squelette stocke les métaux lourds, assurant ainsi la protection de l’organisme.
Il est courant dans les textes traitant d’énergétique chinoise de diviser le corps en trois parties, que
représentent les trois champs de cinabres, inférieur, moyen et supérieur.
Pour le développement de ce chapitre, j’ai trouvé intéressant de faire une distinction du squelette en
deux :
- Le squelette axial, qui correspond à la tête et au tronc,
- Le squelette appendiculaire, qui correspond aux membres supérieurs et inférieurs ; ces
derniers sont rattachés à l‘axe médian (la colonne vertébrale) par la ceinture scapulaire (pour
les membres supérieurs), par la ceinture pelvienne (pour les membres inférieurs).
Il existe une différence singulière entre les os qui constituent le squelette axial et les os qui
constituent le squelette appendiculaire :
- Au niveau du squelette axial, les os, ce tissu que j’ai jusqu’alors décrit très yin, ont finalement
un rôle très yang ; ils s’articulent en effet tout autour des viscères, formant l’enveloppe
protectrice de nos précieux organes ; c’est d’ailleurs au niveau du tronc et de la tête que les
os ont des formes plus variées, plus compliquées, s’adaptant à leur double fonction de
structure à la fois porteuse et enveloppante.
- Au niveau du squelette appendiculaire, les os conservent leur rôle yin, constituant le cœur
des membres sur lequel s’accrochent et autour duquel s’organisent tous les autres tissus
constitutifs (vaisseaux sanguins, tendons, muscles, peau…) ; l’os est au milieu.
Cela étant dit, si l’os est structure, il apporte également mobilité au corps et de ce point de vue, la
construction osseuse des quatre membres permet une bien plus grande mobilité que celle du tronc
et aussi la possibilité d’envelopper certaines parties du corps au besoin, donc de les protéger. Ce qui
confère alors au squelette appendiculaire une qualité très yang et au squelette axial une qualité plus
yin.
Dans le monde manifesté, tout est toujours dualité et question de dialectique…
22
LE SQUELETTE HUMAIN
L’homme dans sa globalité a été dessiné ainsi par Léonard de Vinci :
Ce dessin est issu de l’étude des proportions du corps humain, dans lequel l’homme est considéré
comme le centre de l’univers, œuvre aux mesures parfaites distribuées par la nature.
Au-delà de toutes considérations mathématiques ou anthropomorphiques, ce dessin est très
intéressant car on peut y transposer les fondements de la pensée chinoise.
Pieds joints et bras en croix, l’homme entre dans un carré. Jambes écartées et bras levés (selon un
angle bien précis), il entre dans un cercle. Le carré symbolise la Terre, le cercle symbolise le Ciel,
l’homme représente alors la manifestation créée dans la perfection des relations établies entre le
Ciel et la Terre.
Je me suis permis de modifier le dessin de De Vinci de la façon suivante :
23
LE SQUELETTE HUMAIN
Schématiquement, tronc et tête représentent un rectangle, c’est-à-dire un carré allongé. Le squelette
axial représente donc la Terre quand les quatre membres représentent les orients, dans un passage
du ciel antérieur (au-delà du cercle) au ciel postérieur (à l’intérieur du cercle) par la manifestation.
L’idée de manifestation s’accompagne de l’idée de matérialisation, de solidification de quelque chose
d’auparavant indéfini, une idée de stabilisation, voire de stagnation. On retrouve alors cette notion
d’un centre plus immobile, le squelette axial, tandis que le squelette appendiculaire apporte la
mobilité qui permet l’évolution du corps dans le monde créé entre Ciel et Terre.
Appendice signifie d’ailleurs « toute partie qui semble ajoutée, qui sert de prolongement à une partie
principale », « tout accessoire qui dépasse de la forme générale ».
Bien sûr, le corps dans son intégralité est le symbole du monde stabilisé et ce sont les os en général
qui lui donnent la force de se mouvoir mais la distinction en deux du squelette me semble
intéressante et peut être poussée au-delà.
Le corps humain a été décrit comme une forteresse, dont la peau serait les remparts. J’ai retenu
l’image du château, un milieu clos, préservé d’un monde extérieur qui peut à tout moment devenir
hostile. A l’intérieur du château, le règne du Cœur se fait et une hiérarchie a été mise en place parmi
les organes, Fu et Tsang confondus, chacun ayant une place et une fonction bien définies.
Un château médiéval
L’image du château est elle-même très symbolique avec ses murs carrés et sa tour ronde, le Ciel et la
Terre réunis.
Toutefois, si la forteresse peut se résumer à « une fortification isolée et autonome », son sens peut
être étendu à « un lieu fortifié, organisé pour la défense d’une ville, d’une région ». Et c’est ce sens
que je retiens.
24
LE SQUELETTE HUMAIN
Chaque os, chaque point d’acupuncture me raconte un paysage comme dans un temps reculé. Le
corps devient un ensemble architectural, une ville fortifiée, une citadelle avec des lignes de remparts
successives, des rivières formant douves, des terres cultivées et des places de marché s’étendant aux
pieds de monts et de collines qu’il faut gravir par des chemins escarpés pour atteindre le château qui
surplombe l’ensemble et veille à son bon fonctionnement.
Dans cette analogie paysagère, le squelette axial représente le château dominant, avec le tronc carré
comme les murs et la tête ronde comme la tour. Les quatre membres constituent alors les premiers
bastions de protection de la forteresse, étendues de terres bien gardées, chaque articulation
constituant une nouvelle muraille à franchir.
Pour aider un peu l’imaginaire …
Le premier rempart se situe bien sûr au niveau des extrémités du corps, correspondant aux points de
pénétration des énergies externes. Au-delà, c’est le monde extérieur, sans lequel le monde intérieur
n’a pas de sens, l’un n’existant pas sans l’autre.
Car ce qui alimente la manifestation, ce qui nourrit la vie et permet la circulation, ce sont
effectivement les énergies venues de l’extérieur, les énergies célestes et les énergies terrestres, la
lumière du ciel et l’eau de la terre. Les membres sont chargés de les laisser entrer sur le territoire
humain et de les guider vers le cœur de la forteresse, s’assurant en chemin qu’elles se débarrassent
d’éventuelles perversités, qu’elles arrivent purifiées aux portes du château. Une fois autorisées à
pénétrer dans le domaine interne et protégé du tronc, elles peuvent déposer dans les organes leur
essence, le jing nécessaire au fonctionnement de la manifestation, le jing qui apporte sa force
profonde au corps et permet à l’homme d’être debout, d’exister.
25
LE SQUELETTE HUMAIN – Squelette appendiculaire
3.1. LE SQUELETTE APPENDICULAIRE
Les bras et les jambes qui constituent le squelette appendiculaire peuvent être considérés comme les
extensions du squelette axial qui abrite nos précieux organes. Leur croissance commence
embryologiquement après le début de la formation du tronc et de la tête, appendices qui
n’interviennent pas dans le fonctionnement organique du fœtus mais qui sont nécessaires à l’homme
né pour lui permettre d’évoluer dans le monde terrestre, d’agir et d’avancer, de se sociabiliser et de
se protéger.
L’étude de la structure osseuse des membres montrent que la composition structurelle des bras est
quasiment identique à celle des jambes.
Le os des membres inférieurs
-
Les os des membres supérieurs
1 os long dans la première partie du membre en partant du tronc
2 os longs dans la seconde partie du membre
3 + 4 os courts répartis en deux lignes = les 7 os du carpe / tarse
5 métacarpes / métatarses prolongés par 5 groupes de phalanges formant les doigts.
Une différence réside dans le fait que chaque membre intègre un os supplémentaire, la patella
(rotule) au niveau de l’articulation du genou, l’os pisiforme au niveau du poignet.
Cette différence ne change cependant rien au fait que le nombre total d’os est identique pour les
quatre membres, à savoir 30, en chinois 三十.
Le chiffre 3 三 est celui de la manifestation, l’homme entre le Ciel et la Terre.
26
LE SQUELETTE HUMAIN – Squelette appendiculaire
Le chiffre 10 十, c’est le chiffre sacré de la création universelle, l’image de la totalité en mouvement.
Ce chiffre 30, c’est le chiffre de l’achèvement de l’homme doté de ses membres, la perfection de la
création.
Par ailleurs, 30 est le résultat de 15*2, 15 étant la somme de 1 + 2 + 3 + 4 + 5, total de chaque ligne
du Ming T’ang, total du 8 terrestre et du 7 céleste qu’additionne l’homme.
(Le 1 étant le principe de toute chose, le 2 le dualisme interne de chaque être, le yin et le yang, le 3
les trois niveaux du monde, le 4 le chiffre des orients, des saisons…, le 5 la loi de l’homme).
Dans l’analogie entre le corps et une citadelle, les membres constituent les bastions de défense de la
forteresse, remparts aux maladies. Par les cinq doigts de la main pénètrent les énergies célestes, par
les cinq orteils du pied pénètrent les énergies terrestres. A partir du 5, ces énergies vont entamer la
longue route des membres menant au château, passer par le prisme des trente os et le défilé de trois
articulations, être triées, purifiées pour qu’aux portes du château ne se présente finalement que le 1
principe de toute chose, le principe céleste en haut, le principe terrestre en bas, le yang et le yin dont
la rencontre alimente la vie de la manifestation.
Trois articulations, disais-je, trois articulations pour chaque membre.
« Dans les contes et légendes, très souvent ce sont trois clefs qui sont mentionnées : elles
introduisent successivement dans trois enceintes […], qui sont autant d’approches du mystère. […]
elles marquent les étapes de la purification et de l’initiation. La clef est ici le symbole du mystère à
percer, de l’énigme à résoudre, de l’action difficile à entreprendre, bref, des étapes qui conduisent à
l’illumination et à la découverte » (dictionnaire des symboles).
Poursuivant l’analogie précédente, ces trois articulations représentent trois enceintes à franchir, trois
étapes à passer pour accéder au cœur de la forteresse, pour que le 1 s’associe au 2 et engendre le 3
de la manifestation.
Dans une idée plus générale, cette citation évoque aussi les trois plans que l’homme doit conquérir
pour accéder à son unité, les trois clefs qu’il doit trouver pour atteindre l’illumination. Mais ceci est
une notion qui prendra plus de sens quand nous aurons réussi à entrer dans le château qui domine la
forteresse, là-bas, au bout du chemin que dessinent les membres.
27
LE SQUELETTE HUMAIN – Squelette appendiculaire
3.1.1. Les membres inférieurs
Il s’agit de ce que l’on nomme dans le langage courant mais improprement les jambes, regroupant la
cuisse, la jambe effectivement et le pied, articulés entre eux par la cheville et le genou.
Membre inférieur humain gauche, vu de dos.
28
LE SQUELETTE HUMAIN – Squelette appendiculaire
Organe de la marche, les jambes permettent à l’homme d’évoluer dans le monde terrestre et en cela
elles symbolisent le lien social : elles permettent les rapprochements, favorisent les contacts,
suppriment les distances. Elles sont ainsi responsables de la cohérence (ou incohérence) de la
collectivité.
La jambe est aussi ce qui nous lie à la Terre, représentant notre incarnation. Elles nous permettent
d’en recevoir les énergies, cette force yin qui a la puissance de nous porter et nous permet de tenir
debout, alimentant de son principe d’éternité les os qui font notre structure. C’est par les jambes que
monte l’Eau de la Terre qui va fusionner dans les Reins et dans Mingmen avec le Feu du Ciel pour
créer l’essence de notre être.
Ce sont aussi les jambes qui véhiculent les énergies yin vers l’intérieur de la forteresse.
En première ligne, au niveau de l’extrémité distale du pied, les phalanges se déploient : 5 groupes de
phalanges, chargés de laisser entrer, ou pas, les énergies de la Terre, 5 groupes comme
correspondant aux 5 énergies créatrices dont sont issues les 6 énergies qui circulent dans l’homme.
5 est également le chiffre de la Terre, 5 groupes pour marquer l’entrée sur le territoire humain.
Le mot phalange vient du grec ancien phalanx signifiant bataillon en rang serrés ou du latin phalanx
signifiant corps d’infanterie en rang serrés. Dans les deux cas, l’idée est celle d’une armée qui gère les
entrées, et les sorties, des énergies. Elles forment les sentinelles de la forteresse.
Dans la langue des oiseaux, phalanges intègre le mot anges, qu’une interprétation symbolique
transposée en langage énergétique qualifierait d’êtres intermédiaires, faisant ici le lien entre la Terre
et l’Homme, messagers, gardiens, conducteurs des énergies, protecteurs, veillant également aux
bonnes liaisons entre les énergies yang arrivant du ciel et les énergies yin montant de la Terre,
assurant la bonne circulation de l’énergie iong en bons exécutants de la loi du cycle tcheng.
« Les anges forment l’armée de Dieu (…) ; ils transmettent les ordres et veillent sur le monde ».
A la suite des phalanges viennent 5 métatarses, puis les 7 os du tarse, que j’ai décomposés en 3+4 os.
En effet, si l’on regarde le pied par le dessus, on remarque cette ligne de 4 os, tous de forme plus ou
moins cubique, os courts alignés comme une rangée de soldats en avant des 3 os suivants.
Les os du pied, vues inférieure (à gauche) et supérieure (à droite)
A : calcanéus
B : talus
C : cuboïde
D : naviculaire
E, F et G : cunéiformes
en gris foncé, les métatarsiens
en gris clair, les phalanges
29
LE SQUELETTE HUMAIN – Squelette appendiculaire
Le mot tarse vient du grec ancien tarsós qui signifie claie ou cheville.
Cheville vient du latin populaire cavĭcŭla, altération du latin classique clavĭcŭla qui signifie petite clé.
Le principe d’une clé est de permettre l’ouverture ou la fermeture d’une porte. En cela, elle
symbolise le pouvoir et le commandement. Elle décide d’ouvrir ou non la voie aux énergies.
Peut-être est-ce une raison pour laquelle 3 os font l’articulation avec tibia et fibula au niveau de la
cheville, 3 étant le chiffre du Bois, général des armées de la forteresse.
Le 4F, situé sur le cou-de-pied, est alors très en correspondance : appartenant au méridien du Foie, il
se nomme ZhongFeng, traduit par espace frontalier. FENG évoque une terre concédée à un vassal par
son seigneur et ZHONG représente le centre, le milieu.
L’articulation de la cheville constitue donc un territoire central, entre le domaine du pied et celui de
la jambe, concédée par le commandant Bois à un groupe de soldats, les os composant le tarse. Ceuxci, détenteurs de la clé qui garde cette première porte et gouverne les routes d’accès à la forteresse,
sont chargés d’effectuer un tri des énergies, de veiller à ce que seules des énergies correctes puissent
traverser la frontière et commencer leur ascension vers le château.
L’image de la claie ajoute à ce sens. Treillage en Bois, elle peut à la fois servir de barrière et
d’élément d’aide au triage. Elle est ici clôture, formant frontière et effectuant une sélection, et que
seule pourra ouvrir la clé.
Claie, à la fois clôture et tamis
Squelette du pied, vue supérieure
30
LE SQUELETTE HUMAIN – Squelette appendiculaire
En regardant l’image du pied ci-dessus, j’imagine tout à fait les énergies passer au travers du tamis
des os du tarse au fur et à mesure qu’elles avancent sur les terres de la forteresse. Passés les cinq
bataillons qui en gardaient l’entrée, elles ont parcouru les cinq métatarses, ces cinq os allongés
installés à l’avant du tarse, première partie du chemin, avant de se confronter au tarse avec en
première ligne celle des os cunéiformes, c’est-à-dire en forme de coin, et l’os cuboïde, de forme
cubique.
Ces quatre os évoquent les quatre coins de la Terre que les énergies quittent par l’os naviculaire (du
latin navicula qui signifie petit bateau, navire) pour arriver sur ce talus frontalier et se confronter au
calcaneus (du latin calcaneum qui signifie talon, talon venant lui-même du latin talus signifiant
cheville du pied), soldat du Bois qui décidera d’user ou non de sa clé pour ouvrir la route
ascensionnelle vers le genou.
Le tarse est également un territoire où se rencontrent les énergies yin centrifuges et les énergies
yang centripètes. Car tout comme l’Eau ne peut s’élever sans la chaleur qui l’évapore, l’ascension des
énergies yin ne peut se faire sans l’aide du yang.
Le chiffre 7, comme les 7 os du tarse, symbolise le Feu yang qui descend du ciel pour fusionner avec
les énergies yin et leur permettre, depuis la cheville, de s’élever par les 2 os de la jambe, 2
symbolisant le Feu yin.
Ces deux os sont le tibia et la fibula.
En latin, tibia signifie flûte, par analogie entre la forme de l’os et l’instrument.
En effet, pour fabriquer des flûtes, on utilisait souvent le long os des pattes de certains oiseaux,
comme la grue. L’os était évidé et percé de trous pour fabriquer un instrument capable d’émettre
des sons musicaux.
Et qu’est-ce qu’un son si ce n’est la vibration d’un souffle d’air ?
C’est ainsi qu’en ces os, le souffle céleste communique avec l’Eau de la Terre, pour qu’ensemble ils
s’élèvent telle une musique céleste. Ou comme un oiseau, symbole par excellence des relations entre
la Terre et le Ciel, oiseau dont les pattes quittent le sol, se libérant de la pesanteur terrestre.
31
LE SQUELETTE HUMAIN – Squelette appendiculaire
On notera que chez les Grecs et les Romains, la cheville constituait un point d’attachement des ailes,
symbolisant ainsi cette même idée d’élévation.
Quant au terme fibula, il signifie en latin agrafe, attache pour vêtement ou pour cheveux. Il est de
même sens que le grec ancien perónê, qui signifie agrafe, clavette et qui donne le latin peronatus,
traduit par chaussé de guêtres.
Cette étymologie se rapporte probablement à l’image d’une agrafe qu’offre visuellement
l’assemblage fibula-tibia. Mais puisque je viens d’évoquer le symbole de l’oiseau, je vais préférer
écouter ce que son langage céleste me raconte.
Fibula… C’est très proche de fabula qui en latin signifie parole, conte.
La parole est aussi un son, un souffle audible considéré comme une des expressions de la semence
mâle, qui « pénètre l’oreille, qui est un autre sexe de la femme, et descend s’enrouler autour de la
matrice pour féconder le germe et créer l’embryon. Sous cette même forme de spirale, [la parole] est
la lumière qui descend sur la terre, portée par les rayons du soleil […] et n’exprime donc que les
différentes manifestations - ou acceptations - d’un symbole fondamental, celui du monde
manifesté ».
Cette notion de parole fécondante, de verbe porteur de germe de la création, se retrouve dans les
points de la jambe, de même que la notion d’échange, de rapport fusionnel entre le yin et le yang et
leur envol vers le cœur de la forteresse.
Pour exemple le 58V, Feiyang, traduit par propage le yang ou yang volant.
L’idéogramme FEI représente l’image d’une grue qui prend son envol ; des deux côtés ses ailes
battent. L’idéogramme YANG représente un homme offrant sur un autel un objet précieux (en jade)
vers le ciel. Si le jade est le symbole du yang, il était en médecine absorbé pour procurer la
régénérescence du corps ; selon les croyances taoïstes, il assure l’immortalité.
Ce point évoque alors l’arrivée de l’énergie cosmique venue du ciel pour féconder le principe yin et
re-générer la manifestation. L’homme porte alors vers le haut, au cœur de ses os, l’essence de l’être
humain qui alimentera son corps.
Un autre exemple est le 6 Rte SanYinJiao, traduit par croisement des 3 yin.
C’est un point Lo qui fait communiquer les trois énergies yin qui viennent de la Terre avec les trois
énergies yang qui viennent du Ciel, il évoque des relations d’échanges, un échange pouvant se faire
par la parole, par la musique ou par les relations sexuelles, ces dernières étant basées sur la
rencontre du principe yin (la femme) et du principe yang (l’homme).
Ainsi grâce au yang, l’énergie yin s’élève. Mais la route est encore longue et une nouvelle frontière se
profile. C’est l’articulation du genou.
Les points situés tout alentour raconte un paysage de montagnes, d’où sourd l’eau s’écoulant dans la
vallée qui divise les massifs. L’énergie a gravi la jambe et doit traverser cette vallée pour poursuivre
son chemin, vallée qui constitue une barrière naturelle, à la descente du yang (33VB YangGuan,
littéralement barrière du yang) et à la montée du yin (7F, XiGuan, passe du genou). Le 34E LiangQiu
jette un pont (LIANG) au-dessus de cette vallée mais encore faut-il être positionné au bon endroit
pour l’emprunter.
C’est peut-être à ce positionnement que renvoie la patella.
32
LE SQUELETTE HUMAIN – Squelette appendiculaire
Son ancien nom rotule évoque une petite roue, celle qui en tournant met du mouvement dans l’Eau
de la vallée, créant un courant qui indique finalement la direction à prendre.
Elle symbolise aussi un certain affranchissement ; le yin doit ici se débarrasser de toutes les
perversités de la Terre pour devenir sacré, en tant que principe yin fécondé par le yang. D’où ce
qu’exprime son nouveau nom, patella, mot latin qui signifie petit plat pour les sacrifices ; les sacress’y-fissent. Le yin sera alors orienté vers l’os suivant, le fémur, dernier mur avant l’accès au château
où il sera thésaurisé pour faire exister la manifestation.
La forme de cet os rejoint tout à fait cette idée. Car si la rotule évoque une roue, l’os est en forme de
triangle. La majeure partie des symboliques qui s’y rapportent se rejoint : dans sa forme générale, le
triangle est symbole alchimique du Feu, image de la montagne qui mène vers le ciel ; pointe orientée
vers le bas, ce qui est le cas de la patella, il est symbole de l’Eau et du sexe féminin, image de la
caverne.
Chez les anciens Mayas, « le triangle est le glyphe du rayon solaire, analogue au petit clou qui forme
le germe de maïs naissant, lorsqu’il crève la surface du sol. […] Rattaché au soleil et au maïs, le
triangle est doublement symbole de fécondité ».
On retrouve l’idée du yin fécondé par le yang, l’être qui ici germe pour sortir des ténèbres et vivre.
Les douleurs de genou sont fréquentes chez les patients. La jambe, je le rappelle, est ce qui permet à
chacun d’évoluer dans le monde et avec les autres. Au niveau de cette articulation, une décision se
fait quant à ce rapport entre Je et Nous (je-nous) : choisir de laisser son être germer et le laisser
devenir ce qu’il est amené à être en ce monde, partir à l’assaut de la montagne qui mène à la joie du
Cœur, choisir d’exister. Ou rester dans l’ombre de la caverne, avoir des difficultés à laisser entrer la
lumière céleste capable de nous épanouir, avoir des difficultés à être. Renoncer devant l’obstacle ou
avancer et se positionner parmi ses semblables, prendre sa place dans le monde.
La cuisse poursuit cette idée. Le Q se hisse : c’est le O de la totalité, encore attaché au sol par un
jambage, qui arpente le chemin de l’évolution et conduit vers la lettre suivante de l’alphabet, le P, la
Paix profonde qui sera celle du Cœur ; c’est le O du canal de naissance, qui expulse dans la lumière
33
LE SQUELETTE HUMAIN – Squelette appendiculaire
du monde l’être jusque-là encore attaché à sa mère ; c’est l’Eau de la Terre qui s’élève par l’os unique
pour que soit l’homme.
L’os unique de la cuisse, c’est le fémur, qui élève le yin devenu sacré au niveau de la patella, l’essence
qui doit être totalement pure avant de pénétrer dans le château.
Le 10Rte XueHai est tout à fait en accord avec cette notion. HAI évoque l’eau de la mer, en tant que
lieu de prolifération qui peut engendrer la vie, le yin fécondé contenu dans le vase XUE.
Ce principe yin est précieux et doit être protégé, tout comme doit l’être le cœur de la forteresse.
C’est ce double rôle qui incombe au fémur, qui fait le mur autour du château, dernière enceinte
protectrice qui clôt le monde des entrailles et évite qu’y pénètrent des influences néfastes.
Dans le fonctionnement mécanique du corps, on constate ce rôle défensif de la cuisse, que l’on replie
instinctivement sur soi lorsqu’il y a danger, se recroquevillant comme pour se cacher, ce qui protège
notre face yin et surtout nos viscères.
Faire le mur peut également être entendu dans le sens de s’échapper, s’enfuir ; ce qui est finalement
une autre façon de se préserver, de se protéger.
Puisque l’énergie de la Terre arrive ici aux portes du château, les points d’acupuncture entrent
littéralement en corrélation avec le devoir de protection. Certains se font barrières (GUAN) tels le
31E BiGuan, barrière de la hanche, et le 36V YinGuan selon un ancien alias, barrière du yin ; d’autres
se font portes (MEN) tels le 37V YinMen, porte de la mobilité, et le 33E, YinMen selon un autre alias,
porte du yin ; Le 11Rte également, JiMen, la porte du tamis, dernier tri de l’énergie yin avant son
arrivée dans le bassin.
Le yang n’est plus ici fécondant, il est protecteur, protecteur du château mais également protecteur
du principe yin qu’il escorte vers le haut.
Le 32E FuTu signifie lapin caché ; le lapin est une métaphore pour parler du yin, le yin qui ici se cache
quand l’homme se replie pour se protéger ; « jambe fléchie, le lapin disparaît ».
Le 37V YinMen évoque un homme qui danse et fait tourner son corps en brandissant une arme de
combat ; il apporte la mobilité qui permet à l’homme de se mouvoir en tous sens comme un danseur
pour échapper aux ennemis potentiels, les fong qui balaient le chemin, comme au 33E (YinShi, place
de marché où le yin s’engouffre) ou au 31VB (FengShi, marché du vent).
Ou plus simplement ce 37V apporte à l’homme la possibilité de se mouvoir, d’évoluer dans le monde,
rôle de la jambe que j’évoquais au début de ce chapitre. Le passage de la cuisse vers l’antre du
squelette axial est ce moment décisif où le principe yin va devenir l’essence de l’être, où la
manifestation va être et où les jambes vont devoir en supporter le poids ; elles deviendront les
colonnes des Reins, apportant à la fois stabilité et mobilité, force et structure.
34
LE SQUELETTE HUMAIN – Squelette appendiculaire
3.1.2. Les membres supérieurs
Il s’agit de ce que l’on nomme dans le langage courant mais improprement les bras, regroupant le
bras, l’avant-bras et la main, articulés entre eux par le poignet et le coude.
Membre supérieur humain droit, vu de face.
Nous avons vu que la structure osseuse des membres inférieurs et supérieurs était quasi identique.
Et pourtant, ces membres sont très différents, ils ne sont pas du tout animés de la même manière.
L’explication énergétique est que ce n’est pas la même énergie qui y circule.
Les jambes appartiennent à la Terre. Elles sont les fondements de notre corps, notre base, elles
apportent solidité et stabilité à l’ensemble de notre structure. Elles ont en charge tout le reste du
corps. Les bras n’ont pas ce poids à supporter, ils appartiennent au ciel, ils ont la liberté de se faire
ronds et délicats, ils ont plus d’agilité, de possibilités de mouvements et d’actions. Et parce qu’ils ont
la capacité de faire, d’agir, d’opérer, d’être actifs, ils incarnent la maîtrise et le pouvoir, la force et la
puissance. Ils sont vecteurs du choix dans l’action.
Ils sont aussi ce qui permet à l’homme d’accéder à la connaissance, d’être "éclairé". Ce qui éclaire
c’est la lumière et c’est cette lumière que véhiculent les os du bras, cette force céleste qui va
féconder le yin et donner vie au corps humain.
Dans sa symbolique, la lumière est ce qui succède aux ténèbres, tant dans la manifestation de l’ordre
cosmique que dans celui de l’illumination intérieure. Cela correspond à toute sortie de terre et c’est
peut-être cette idée qu’évoque le carpe.
L’une de ses étymologies est la suivante : carpe vient du grec karpos, apparenté au latin carpere qui
signifie cueillir ; il désigne le fruit, la graine.
Il est évident que la main est ce qui permet à l’homme de récolter le fruit de son labeur. Le travail
d’autrefois était principalement orienté vers l’agriculture : cultiver la terre pour se nourrir, faire sortir
du sol des plantes, selon le processus énergétique de la germination du Feu dans l’Eau de la Terre.
35
LE SQUELETTE HUMAIN – Squelette appendiculaire
Le 8MC situé au creux de la paume, en avant du carpe, a d’ailleurs un nom très évocateur : LaoGong,
traduit par Palais du labeur, il évoque le fait de travailler la terre à la lumière du soleil ou de la lune.
La main est aussi l’outil qui permet de travailler la Terre. C’est elle qui par son activité constitue le
principe yang qui met du mouvement dans la Terre et permet aux végétaux de pousser et de sortir
des ténèbres.
Les os de la main, vue dorsale à gauche, vue palmaire à droite
1. radius ; 2. ulna
En gris foncé (3) les métacarpiens
En gris clair, les phalanges
En couleur, les os du carpe :
A : scaphoïde
B : lunatum ou semi-lunaire
C : triquetrum ou pyramidal
D : pisiforme
E : trapèze
F : trapézoïde
G : capitatum
H : hamatum ou os crochu
Les os du carpe s’organisent comme ceux du tarse.
En position distale s’aligne une rangée de quatre os courts : l’hamatum ou os crochu, le capitatum
(en forme de tête), le trapèze et le trapézoïde.
Certains de ces noms dérivent probablement de la forme générale de ces os, trapézoïdale, cubes se
déformant pour tendre vers le triangle mais dont la pointe est tronquée, la forme est imparfaite. Le
triangle (cf paragraphe sur le genou et la patella pour la symbolique) évoque le Feu qui vient
féconder la Terre, mais il est ici tronqué, ce qui ajoute l’idée d’un inachèvement, d’une irrégularité,
voire d’un échec ; le triangle sans sa pointe est une figure en devenir, déviée, bloquée dans son
développement.
A partir de ces éléments, on pourrait supposer qu’une douleur qui surviendrait à cet endroit
marquerait une difficulté dans le dynamisme de l’être, elle serait un appel au mouvement : peut-être
à cause d’un yang qui aurait des difficultés à passer cette ligne de défense de la forteresse et à
pénétrer dans le corps, yang nécessaire pour le labeur et son aboutissement, sa mise en lumière ; ou
peut-être en raison de quelque chose qui pèse (tra-pèze) et ralentit le mouvement, empêchant là
encore le travail de se faire.
Ces questions, de même que la forme des os, apparaissent logiques quand on les regarde sous l’angle
de la forteresse. La lumière a pénétré le corps par les phalanges (qui ont ici le même rôle que dans le
pied), elle progresse le long des métacarpes et atteint là le filtre du carpe. Il lui faut passer la
première ligne d’os pour atteindre la seconde, celle qui par l’os scaphoïde, ce navire (scaphoïde vient
du grec ancien skaphos qui signifie vaisseau, navire) qui rappelle singulièrement l’os naviculaire du
pied, lui fera atteindre le triquetrum ou os pyramidal selon l’ancienne nomenclature. Cet ancien nom
était plus éloquent, invoquant l’image de la pyramide, le trapèze enfin devenu triangle grâce à l’os
pisiforme. Le pis-s’y-forme. Ce petit os étymologiquement en forme de pois (du latin pisum qui
signifie pois) ou en forme de pis est venu se surajouter au triquetrum, tel un émissaire envoyé
36
LE SQUELETTE HUMAIN – Squelette appendiculaire
directement par le Cœur dont il ponctue le méridien, pour former la pointe manquante du triangle et
donner là à l’énergie céleste son statut de yang fécondant, autorisé à entamer la route de l’avantbras.
Situé au bord du pisiforme, le 7C est évocateur. Il est ShenMen, la porte du shen. SHEN peut avoir
deux sens, il est esprit lié à la pensée mais il est aussi vitalité se rattachant au yang fondamental. Ce
point désigne alors la porte qui laisse entrer la lumière fécondante. Le Su Wen définit d’ailleurs ce
point comme le « palais de la radiance lumineuse ».
En complément, il est intéressant d’écrire quelques mots sur le lunatum, présent dans cette seconde
ligne d’os. Son nom vient du latin lunatus qui signifie en forme de croissant de lune. Caractéristique
des mouvements de la lune, il symbolise à la fois le changement et le retour. Apparenté à une
barque, il est l’arche contenant les germes de la renaissance cyclique. Il est ainsi symbole de
résurrection, transportant au travers de l’articulation du poignet l’influence fécondante qui fera
germer l’homme, également fruit de la Terre.
LE CARPE : 1 : scaphoïde - 2 : lunatum ou semi-lunaire - 3 : triquetrum ou pyramidal - 4 : pisiforme
5 : trapèze - 6: trapézoïde - 7 : capitatum - 8 : hamatum ou os crochu
Passés les 7 + 1 os du carpe, l’énergie céleste arrive dans les 2 os de l’avant-bras : le radius et l’ulna.
L’image du rayon solaire surgit immédiatement, radius signifiant en latin rayon. C’est une émanation
lumineuse qui s’achemine vers le cœur de la forteresse pour y répandre son influence fécondante,
réchauffante, stimulante.
Cette image est renforcée par la présence à ses côtés de l’ulna. L’étymologie de son nom ne nous
apporte guère. En revanche, l’ulna joue un rôle mécanique fondamental dans les mouvements de
rotation de l’avant-bras et de la main. L’idée de la rotation amène une autre image, celle du
mouvement de la roue, la roue et son rayon-nement, la roue et toutes les traditions qui l’entourent,
faisant d’elle un symbole solaire. Pour exemple ces fêtes du solstice d’été pendant lesquelles dévalait
des hauteurs une roue embrasée, filant comme un soleil dans une course accélérée. L’ulna est ce
soleil qui darde ses rayons sur la Terre.
Mais parce qu‘un rayon de soleil peut aussi bruler et stériliser la Terre, parce que le rôle du Feu est
de féconder l’Eau pour que soit la vie, les points d’acupuncture situés sur le bras entretiennent
37
LE SQUELETTE HUMAIN – Squelette appendiculaire
beaucoup de rapport avec l’Eau. Le 7GI évoque les vannes d’irrigation dans les champs tandis que les
6TR et 9TR parlent de rigoles et de canaux colportant l’eau, cette Eau précieuse qui permet à la Terre
de conserver son humidité et de rester source potentielle de vie.
Au niveau de l’articulation du coude s’étendent des étangs (11GI QuChi, étang de la courbe), des
marais (5P ChiZe, traduit étang du coude mais dont l’idéogramme évoque plutôt des marécages) et
des mers (9IG XiaoHai, mer du xiao). Je pourrais en fait citer tous les points d’acupuncture situés au
niveau de la pliure du coude car, qu’ils appartiennent à un méridien yin ou yang, ils se rapportent
tous à cette notion de réservoir d’Eau, d’espace de stockage.
Ce sont des espaces où l’Eau n’est pas en mouvement, ils constituent un temps d’arrêt sur le chemin
du principe yang, un haut lieu de rafraichissement également. Mais surtout il s’agit d’étendues
d’eaux profondes, obscures, où le principe de régénération est latent, un passage transitionnel et
intemporel entre une vie et une autre, dans l’attente que se répande la vibration fécondante du Feu.
C’est la communion de ces deux notions qui circule dans l’humérus, l’os unique du bras.
Humérus vient du latin et signifie épaule ; épaule vient du bas français espale ou du bas latin spathula
qui signifie petite épée large. La symbolique de l’épée est très riche. Mais sans sa connaissance on
peut d’ores et déjà constater qu’une lame d’épée brille. C’est la lumière et l’éclair, c’est un rayon de
soleil qui se dirige telle une flèche vers le centre de la forteresse, le château. La lame de l’épée a deux
faces, portant en elle l’ambivalence d’être à la fois en rapport avec le Feu et avec l’Eau. L’éclair n’est
d’ailleurs pas sans rapport avec la production de la pluie.
En Chine l’épée est le symbole du pouvoir impérial, c’est l’arme du centre, l’axe du monde. Plantée
au sommet d’une montagne, elle donne naissance à des sources. L’épée est donc le mariage du Feu
et de l’Eau.
Symbole de la puissance, l’épée intègre ce double aspect de pouvoir à la fois détruire (c’est une arme
de guerre) et construire (elle fait justice). Le Feu peut être trop fort, l’Eau trop abondante, mais dans
un juste équilibre l’épée fend les ténèbres et fait éclore la vie.
Il n’est vraiment pas anodin que sur le bras, et particulièrement sur le radius, circulent le méridien du
Gros Intestin, le yang ming, MING synthétisant les lumières du soleil et de la lune, et le méridien du
Poumon, le métal qui sépare, tranche et rend justice, méridiens maîtres de cette épaule qui
symbolise la puissance et la force de réalisation, dans le prolongement des désirs de l’empereur, le
Cœur.
38
LE SQUELETTE HUMAIN – Squelette axial
3.2. LE SQUELETTE AXIAL
Au niveau du squelette axial, les os ne sont plus vecteurs mais protecteurs des énergies. Ils ont
conduit les énergies terrestres et célestes afin qu’elles soient thésaurisées dans les organes. Ils sont
maintenant chargés de les protéger.
Le squelette axial s’articule autour de l’axe médian que représente la colonne vertébrale.
Anatomiquement, cet axe relie trois volumes : la tête, la cage thoracique et le bassin.
Energétiquement, tête et tronc sont à distinguer, en tant que deux volumes bien distincts. Le tronc
est le logis des organes, il appartient à la Terre, de par sa forme carrée et parce que les organes sont
ce qui fait fonctionner la manifestation. La tête est ronde comme le ciel, destiné principalement à
protéger le cerveau, résidence de l’esprit.
J’ai dit précédemment que les os du squelette axial avaient une fonction très yang, organisant tout
un système de protection autour des organes de l’être humain.
Sur le dessin ci-dessous, on peut observer la tripartition de la structure du tronc, correspondant aux
trois foyers, mais surtout, si l’on fait abstraction de la colonne vertébrale, on constate que le foyer
moyen ne bénéficie finalement pas de la protection des os comme les foyers supérieur et inférieur.
On peut se demander pourquoi ?
Le squelette du tronc
39
LE SQUELETTE HUMAIN – Squelette axial
Une possible réponse réside dans le fait que les os semblent particulièrement protéger les Tsang.
Physiologiquement, ce sont des organes pleins qui varient relativement peu de forme et de taille,
contrairement aux Fu, ces entrailles vides qui subissent des changements marqués de leur forme
suite à leur remplissage, leur vidange et par le péristaltisme. Les Fu du foyer moyen sont protégés
par une structure plus souple, une membrane appelée péritoine. Celui-ci permet une liberté de
mouvement du tube digestif, requise par l’alimentation.
Ainsi, la cage thoracique abrite les Tsang du foyer supérieur que sont le cœur et les Poumons, mais
également les Tsang du foyer moyen que sont le Foie et la Rate/Pancréas.
Les poumons
Le Foie et autres viscères
Il apparaît en revanche que les Reins, pourtant résidence de Yuann Tchi, ne sont protégés ni par la
cage thoracique, ni par le bassin, structure protectrice du foyer inférieur auquel ils appartiennent.
40
LE SQUELETTE HUMAIN – Squelette axial
Les Reins
Puisque nous sommes là au cœur de la forteresse, il convient d’en observer l’organisation au niveau
des Tsang. Le pouvoir législatif revient au Cœur bien sûr, l’empereur, à son conseiller à la cour le
Maître du Cœur et à son premier ministre le Poumon. La cage thoracique les enveloppe, ils ont une
position inaccessible. Le pouvoir exécutif revient au Foie, le général des armées, et à la Rate,
réservoir qui gère le ravitaillement des soldats. Ces tsang, exécutants des ordres du Cœur et autres
organes légiférants, ont une position intermédiaire, protégés par la cage thoracique mais accessibles,
pour faire le lien avec les fonctionnaires. Résidents du foyer inférieur, ces derniers comptent
essentiellement des Fu et un Tsang, les Reins, dont le rôle dans la forteresse est de gérer les eaux
usées. Ils ne bénéficient d’aucune protection osseuse, exceptée par la colonne vertébrale à l’arrière.
Ainsi, dans la hiérarchie mise en place dans la forteresse, les Reins sont relégués à un simple rôle de
fonctionnaire, ce qui pourrait être une explication au fait que ce tsang n’est pas protégé au même
titre que les autres, bien enveloppés dans une structure osseuse.
L’image de la forteresse n’est toutefois qu’une dialectique parmi d’autres et l’explication qui en
découle ne peut suffire quand on connait l’importance des Reins. Ils sont la demeure de l’essence
originelle, réceptacle de l’Eau de la Terre et du Feu céleste, le 2 qui fait l’homme.
C’est dans cette énergie créatrice que se trouve peut-être la réponse. Parce qu’elle est aussi l’énergie
sexuelle qui permet la rencontre du principe masculin et du principe féminin, le spermatozoïde et
l’ovule, dont la fusion amène la création d’un nouvel être au sein même de l’homme. Parce qu’elle
est l’énergie qui permet à ce nouvel être de se développer, là, aux côtés des Reins. Le foyer inférieur
est ainsi le lieu qui abrite la première partie de la vie de l’homme, sa période embryonnaire puis
fœtale, avant sa (re)naissance dans le monde terrestre.
L’accueil de la grossesse, comme la réception de l’alimentation, explique la nécessité d’une certaine
souplesse du bas du tronc qu’aurait empêchée la présence d’une structure osseuse enveloppante. La
grossesse explique également la liberté laissée aux Reins de pouvoir s’adapter aux bouleversements
anatomiques qui accompagnent la croissance du fœtus.
41
LE SQUELETTE HUMAIN – Squelette axial
3.2.1. Le tronc
Le bassin
Les os adultes du foyer inférieur sont au nombre de trois : le coccyx, le sacrum, l’os iliaque ou os
coxal, et forment ce que l’on nomme le bassin.
J’ai précisé "os adultes" car chacun de ces os résultent de la fusion d’un nombre d’os plus grand à la
naissance. Le sacrum résulte ainsi de la soudure de cinq vertèbres, le coccyx de la soudure de quatre
à six vertèbres selon les individus, et l’os iliaque de la soudure à l’adolescence de trois os distincts
que sont l’ischion, l’ilion et le pubis.
Coccyx et sacrum constituent le bas de la colonne vertébrale tandis que les os iliaques forment les
hanches avec lesquelles s’articule le fémur des membres inférieurs.
De prime abord, on pourrait avancer que le nom bassin vient du fait que cette structure osseuse se
situe au bas du tronc, formant la fermeture du cœur de la forteresse où sont arrivées les énergies
célestes et terrestres, ces six énergies qui se diffusent le long de la colonne vertébrale à partir du
coccyx, la coque de six, pour faire la force de l’axe chao yin.
Il est amusant de découvrir ensuite que coccyx vient du grec ancien kókkux qui signifie coucou, par
analogie entre la forme de l’os et le bec de cet oiseau. Ainsi le coccyx serait le bec d’un oiseau quand
la forme des os iliaques, de même que la sonorité de leur nom, évoquerait les ailes de cet animal
capable de voler, de s’envoler, et qui amène avec lui l’idée d’une élévation, celle des énergies puisées
dans les eaux sacrées du bassin pour créer la verticalité de l’homme.
Je parle d’eaux sacrées car le bassin, réservoir d’eau selon sa simple définition, contient les organes
génitaux qui vont permettre la procréation, comme l’eau que contient son nom a le pouvoir
mystérieux d’engendrer la vie, eau dans laquelle baigne l’enfant dans le ventre de sa mère. Il
accueille la grossesse et protège le nouvel être en développement comme l’oiseau protège ses petits
avec ses ailes.
L’os iliaque ajoute à cette idée. Il est aussi l’os des îles, évoquant ces petites portions de terres
paradisiaques qui forment refuge au milieu des eaux noires et profondes de la mer.
Le bassin est alors ce lieu privilégié où la terre se construit, où le fœtus croît, bien protégé au sein de
sa mère, à l’abri des vicissitudes du monde extérieur. Il est le lieu de la première vie de l’homme, un
lieu de paix, comme un éden d’où il sera finalement expulsé, poussé vers la lumière de l’existence
terrestre.
42
LE SQUELETTE HUMAIN – Squelette axial
Si le bassin est le réceptacle de la grossesse, il est aussi celui de toutes les gestations intérieures,
celles qui demandent de la concentration, un certain repli sur soi, un exil momentané du monde
extérieur, celles qui permettent à l’homme d’avancer sur son chemin de vie personnel vers
l’accomplissement qui mène à la jouissance du Cœur. C’est une autre idée de l’élévation, celle de la
Terre en mutation qui tend vers le ciel. C’est le triangle que dessine le bassin (cf symbolique du
triangle au chapitre qui concerne la patella du genou).
En effet si l’on regarde l’anatomie du bassin apparaît un triangle, dont la pointe est orientée vers le
bas. L’étymologie du mot bassin, qui est multiple, apporte l’idée de fardeau, de charge (du gaulois
bacca), en même temps que celle de l’obstacle (bac en irlandais). L’élévation spirituelle demande à
chacun de prendre le même chemin que celui de son évolution première, sa naissance, ce passage
obligé au travers de l’obstacle des hanches qui représente la petite mort de l’accouchement et qui
mène à une renaissance, ce 4 qui fait passer du 3 au 5, de la simple manifestation à un être un peu
plus avancé sur le chemin de sa vie. Il faut accoucher pour se libérer de sa vie antérieure, pour laisser
éclore une vie nouvelle, une vie qui affirme encore un peu plus la verticalité de l’être et l’élève vers la
joie du Cœur.
Il n’est alors pas anodin que le bassin, foyer de création, soit également le foyer de l’élimination,
chargé de libérer l’homme de tout ce qui est impur et qui l’encombre, de tout ce qui est inutile et
pèse comme un fardeau, retenant l’être sur Terre, empêchant ce mouvement perpétuel des énergies
entre la Terre et le Ciel qui parfait la création.
Je reviens alors vers le coucou qu’évoque le coccyx. Cet oiseau a la fâcheuse habitude de pondre ses
œufs dans le nid d’autres oiseaux. Signe de paresse certainement, jalousie également ? Le coucou est
en tout cas le symbole de ce sentiment, de ce côté envieux qui encombre souvent le Cœur de
l’homme, qui l’accable de maints désirs et l’empêche de trouver la paix. Ces désirs pèsent comme un
fardeau dont l’homme doit se débarrasser pour retrouver la béatitude de la vie avant la naissance,
lorsqu’il était à l’abri du monde dans l’utérus maternel, pour atteindre son île intérieure et réussir à
vivre dans le monde, au milieu des au(eaux)tres, dans ce même état de satisfaction tranquille.
Il n’est pas anodin non plus que l’utérus soit le lieu de naissance des merveilleux vaisseaux, Tchong
Mo, Jen Mo, Tai Mo et Tou Mo. Ces merveilleux vaisseaux sont directement reliés à MingMen, la
porte de la destinée. Ils gouvernent l’homme dès la fécondation en déterminant son plan de
structure, puis dans le monde terrestre en le guidant sur ses chemins de vie, en veillant par leurs
trajets même au maintien de sa verticalité.
Un chapitre leur est consacré un peu plus loin.
J’ai peu parlé du sacrum, si ce n’est pour évoquer l’aspect sacré des eaux créatrices du bassin, en tant
qu’elles permettent grâce à l’énergie des Reins de se réaliser dans l’engendrement de ses projets ou
de ses réflexions, dans la nécessité de s’alléger des désirs ordinaires, matériels, pour avoir un axe
chao yin fort, des os solides, où circulent les énergies et le principe d’une vie joyeuse.
La meilleure façon de parler de cet os est d’étudier les points qui correspondent à ses trous sacrés et
qui s’avèrent rappeler ce qui vient d’être dit. Il s’agit des points suivants :
31V ShangLiao, trou sacré supérieur
32V CiLiao, second trou sacré
33V ZhongLiao, troisième trou sacré
34V XiaLiao, trou sacré inférieur
43
LE SQUELETTE HUMAIN – Squelette axial
Ces quatre points intègrent l’idéogramme LIAO qui rassemble la clé de l’os et la notion d’ailes
déployées. Tandis que le coccyx représente le bec d’un oiseau, le sacrum lui en apporte les ailes. Il
est l’os primordial qui permet aux six énergies contenues dans la coque de six de s’élever et de
circuler dans la colonne vertébrale.
Le 34V est le trou sacré inférieur.
L’idéogramme XIA représente quelque chose au-dessous d’un trait de référence.
C’est l’homme manifesté, c’est le chiffre 3.
Le 33V évoque au travers de ZHONG la notion de milieu. On peut envisager la référence à l’obstacle
des hanches, au milieu desquelles le 3 doit se frayer un passage pour sortir de la Terre et devenir le 5
de l’homme éclairé, celui qui reçoit la lumière céleste.
Le 32V compose avec l’idéogramme CI qui évoque le second souffle.
Ce point correspond sans aucun doute à la naissance. Il raconte ce moment où le fœtus qui baignait
quelques instants auparavant dans les eaux de sa mère devient un enfant, le moment où il inspire
son premier souffle et commence une deuxième vie entre la Terre et le Ciel. C’est le 4 du Métal, la
première inspiration qui emplit les poumons d’air, ce souffle qui se mêle au sang et fait la circulation.
CI est aussi le second souffle que l’on peut retrouver dans la réalisation de ses projets, c’est renforcer
l’énergie des Reins qui permet d’aller au bout de ces projets et d’obtenir la satisfaction du cœur.
CI constitue une étape, c’est le pas suivant le précédent que réalise l’homme au travers de ses
maternités intérieures, ces étapes qui le font grandir et consolident la verticalité de son axe chao yin.
Le 31V est le trou sacré supérieur. L’idéogramme SHANG représente quelque chose au-dessus d’un
trait de référence. Cela signifie être plus haut que précédemment, donc s’être élevé.
Me voici moi-même davantage éclairée sur le fait que l’on puncture ces points LIAO du sacrum au
dernier mois de la grossesse pour préparer l’accouchement. Il s’agit de travailler sur la mise en
mouvement des énergies bien sûr, mais aussi sur cette importante notion de passage. En plus de ces
points, on pique le 35V, point du périnée certes mais surtout point situé au niveau du coccyx. Les 5
vertèbres du coccyx ajoutées aux 5 vertèbres du sacrum font le nombre 10, chiffre de la totalité,
chiffre de l’achèvement de l’homme né.
La cage thoracique
La cage thoracique est la structure osseuse du foyer supérieur qui met le corps en relation avec
l’énergie de l’air. Elle se compose de douze vertèbres dorsales, de douze paires de côtes et du
sternum.
44
LE SQUELETTE HUMAIN – Squelette axial
Les côtes se répartissent en plusieurs groupes : les sept premières paires sont appelées côtes
sternales ou vraies côtes, car directement reliées au sternum par leur cartilage. Les trois paires de
côtes suivantes (côtes 8 à 10) sont appelées fausses côtes, car leur cartilage n’est pas uni au sternum
mais à celui de la côte sus-jacente. Les deux dernières paires de côtes (côtes 11 et 12) sont dites
flottantes car elles se terminent par un cartilage libre.
Toutes sont rattachées à deux vertèbres chacune par l’intermédiaire d’un cartilage articulaire et
l’ensemble se fait appeler grill costal.
Il existe parfois une treizième paire de côtes surnuméraires qui peut être lombaire (c’est-à-dire
articulée avec la première vertèbre lombaire L1) ou cervicale (articulée avec la dernière vertèbre
cervicale C7).
Le sternum se compose de trois parties que sont le manubrium, le sternum et l’appendice xiphoïde.
La cage thoracique est principalement la résidence de l’empereur, le Cœur qui règne en sa
supériorité sur la forteresse, secondé par son premier ministre, les Poumons.
Dans le cours sur les entrailles curieuses, j’ai trouvé des propos de Cyrille Javary pour qui
l’idéogramme courant du corps humain est formé du « bâti » et des « rais de lumière filtrant par les
45
LE SQUELETTE HUMAIN – Squelette axial
rideaux », « le corps humain est donc d’abord perçu comme l’association d’un bâti robuste, la
charpente osseuse, et d’une apparence fugitive, la vibration qui l’anime. »
Rien n’illustre mieux ces propos que la structure de la cage thoracique, ce bâti qui protège les
organes de la forteresse tout en laissant pénétrer la vibration de la lumière.
Au moment de sa naissance, l’homme inspire de l’air grâce à ses Poumons, le souffle céleste entre
dans le corps et alors la circulation s’établit, « le sang jaillit, le cœur bondit, la vie se précipite et vient
colorer le visage dont la pâleur mortelle s’efface à la pénétration du rythme universel » (Annick de
Souzenelle). Le sang est désormais doté du souffle céleste et véhicule le principe de vie contenu dans
les os. Les méridiens sont en place et animent le bâti robuste qu’est le corps humain de leur vibration
énergétique. Les Poumons méritent sans aucun doute leur titre de maître des énergies circulantes,
insufflant dans le sang l’air qui fait la circulation.
La vibration, c’est aussi celle de l’air dans un battement d’ailes. Ces ailes sont celles de l’oiseau que
dessine la cage thoracique, image symbolisant ce rapport à la fonction pulmonaire. Le sternum
représente le corps de l’oiseau, les côtes en sont les ailes déployées ; le manubrium constitue la tête,
l’appendice xiphoïde est la queue.
Le 15JM est tout à fait en accord avec cette image. Situé sur l’appendice xiphoïde, il se nomme queue
de pigeon, JiuWei.
L’idéogramme JIU, c’est le nombre 9 associé à la représentation d’un oiseau à longue queue. JIU est
alors l’oiseau qui assure les liaisons avec les 9 provinces, réunit, rassemble, pacifie.
Cet oiseau de la poitrine, c’est celui qui établit les relations entre la Terre et le Ciel, entre le corps et
le souffle. C’est l’énergie qui « communique avec les neuf continents, les neufs orifices naturels, les
cinq zang et les douze périodes » que sont les douze énergies du ciel et les douze méridiens de
l’homme (Su Wen, chapitre 3). Ce chiffre renvoie également aux douze côtes et aux douze dorsales
qui composent la cage thoracique. C’est la communication de l’énergie vitale avec le ciel, élément
fondamental de la vie.
Cet oiseau pourrait aussi être celui qui s’est élevé depuis le bassin dans son envol spirituel et qui
trouve ici un moment de repos, de respiration. Il n’est plus un coucou qui pille et s’approprie le nid
de son voisin, il a effectué un voyage qui l’a transformé en pigeon, oiseau dont la symbolique est très
proche de celle de la colombe représentant la pureté, la simplicité et même la paix. L’oiseau est
entré dans sa cage, sa demeure protectrice et lumineuse, et y savoure la paix trouvée du Cœur, il est
celui qui dort au niveau des dors-ales avant un nouveau voyage.
Toutes ces notions se rejoignent si l’on se réfère à l’étymologie de sternum, qui vient du grec ancien
stérnon et signifie poitrine.
La poitrine des anges, selon le Pseudo-Denys l’Aéropagite, symbolise « le rempart inexpugnable à
l’abri duquel un cœur généreux répand ses dons vivifiants », c’est un symbole de protection.
Peut-être la cage thoracique ne représente-t-elle pas un oiseau mais un ange ailé, l’ange qui a ce rôle
protecteur, qui transmet les ordres du Cœur et veille sur le monde de la forteresse, laissant le Cœur
résider en paix dans son palais avec pour rôle principal de « répandre ses dons vivifiants », ses dons
vibrants. Mais l’ange revêt toujours une certaine nature spirituelle, qui lui confère également un rôle
d’illumination à l’égard de l’homme, illumination que l’homme conquiert au niveau de sa tête.
46
LE SQUELETTE HUMAIN – Squelette axial
Le 25R ShenCang, cache du shen, poursuit cette idée. Il évoque par l’idéogramme CANG le serviteur,
celui à qui l’on donne des ordres et qui est prêt à tuer ou à nuire pour le compte de son maître. On
peut comparer ce serviteur à l’ange gardien qui se bat contre les énergies néfastes pour protéger
l’empereur, le Cœur caché dans son palais et qui contient le shen, cette entité précieuse qui est à la
fois le principe directeur, la vitalité, et l’esprit, le mental, la spiritualité.
La colonne vertébrale
De nombreuses choses ont déjà été dites sur cette structure osseuse au cours des précédents
chapitres : l’histoire embryologique a montré que la colonne était le premier os du corps,
empilement de vertèbres dans lequel circulent l’essence de la vie, le Jing contenu dans les Reins,
ainsi que les six énergies célestes et terrestres contenues dans le coccyx.
Les vertèbres, qui donnent leur nom à la colonne, sont au nombre de vingt-six à l’âge adulte et
forment plusieurs groupes : j’ai déjà évoqué le coccyx et le sacrum, deux os résulté chacun de la
fusion de plusieurs vertèbres et qui forment le bas de la colonne. Vient ensuite un ensemble de cinq
vertèbres lombaires, puis les douze dorsales qui participent à la structure osseuse de la cage
thoracique et enfin sept vertèbres cervicales.
47
LE SQUELETTE HUMAIN – Squelette axial
Les lombaires, les lombes qui errent. Tandis que coccyx et sacrum font partie intégrante de
l’enveloppe protectrice du bassin et que les dorsales composent l’arrière de la cage thoracique, les
lombaires, nous l’avons vu, n’appartiennent à aucune structure enveloppante, correspondant au
domaine des Fu et de la grossesse. Elles définissent alors comme une zone de flottement où les
vertèbres sont en équilibre les unes sur les autres, sans autre soutien osseux qu’elles-mêmes.
Le domaine des Fu, c’est celui de la transition entre l’assimilation et l‘élimination. C’est une zone de
méandres où les choses voyagent et se transforment, avec une idée de maturation, de fructification,
avant d’être évacuées dans leur forme la plus impure.
Le domaine de la grossesse est également un domaine de transition, une zone de développement et
de croissance entre la fécondation, moment de l’assimilation de la potentialité d’une vie, et
l’accouchement, moment de l’élimination du corps de l’enfant au dehors de l’enveloppe maternelle.
Les lombes sont alors comme les limbes du corps, sorte d’antichambre où se prépare l’avènement
d’une ère nouvelle, celle de l’homme né.
Les cervicales, celles qui servent à la vie qui cale. Pour parler d’elles, il me faut auparavant évoquer la
ceinture scapulaire qui se compose de deux os principaux : la scapula, qui articule le bras avec la cage
thoracique, et la clavicule, qui elle articule le tronc avec la tête, la Terre avec le Ciel, par
l’intermédiaire des sept vertèbres du rachis cervical.
La scapula a la même racine étymologique que l’humérus, venant du moyen français espaule qui
signifie en latin petite épée large (cf chapitre sur les membres supérieurs). La scapula est donc le
prolongement naturel de l’humérus, cet os du bras qui mène les énergies yang vers le cœur de la
forteresse. La lame de l’épée ici s’élargit pour répandre la lumière, illuminer l’ensemble du château
et affirmer la puissance de l’empereur qui y réside. Logique alors, comme toujours, que sur cet os
circule le tcheou tae yang, méridien relié à l’Intestin Grêle, énergie yang du Cœur, organe protecteur
de l’empereur.
La clavicule est un terme qui vient du latin clavicula et qui signifie petite clé. La clavicule représente
ainsi la clé de la porte qui permet d’accéder à la tour du château, la tête qui représente le ciel,
domaine exclusif du yang où même les énergies terrestres ne sont pas autorisées à circuler. On
remarque en effet que la montée du yin à la tête ne peut se faire que par l’intermédiaire de
connexions spécifiques avec les méridiens yang.
48
LE SQUELETTE HUMAIN – Squelette axial
Pour Annick de Souzenelle, scapula et clavicule forment le début des ailes d’un aigle, oiseau
majestueux qui est le gardien de ce qu’elle nomme "la porte des dieux", porte qui correspond dans le
schéma corporel au plan de la gorge. En accord avec cette image de l’oiseau mais pour faire le lien
avec mes propres propos, je dirais que ce sont les ailes du coucou devenu pigeon qui se déploient
pour élever encore l’être, l’amener au-delà de son fonctionnement et de ses désirs terrestres pour le
faire tendre vers le ciel du squelette axial que représente la tête.
On retrouve énergétiquement cette notion de porte qui, comme toutes les portes, fonctionnent dans
les deux sens : si le yin ne peut pénétrer le domaine céleste du corps, les énergies célestes ne
peuvent pénétrer le domaine terrestre sans contrôle.
Le cou accueille ainsi la plupart des points Fenêtre du Ciel, qui permettent d’éviter l’arrivée des fong
et de veiller à ce qu’une énergie yang correcte circule dans la forteresse.
Le 11E situé juste au-dessus de la clavicule se nomme QiShe, traduit par étape du Qi. C’est l’air, le
souffle venu du ciel, qui là pénètre dans le cœur de la forteresse, dans le logis des organes de la
manifestation. Mais juste avant d’accéder aux Poumons qui insuffleront l’énergie de la vie dans le
sang au 13E, entrée du Qi, l’énergie yang doit passer par le 12E, QuePen, la cuvette ébréchée. Situé
également au-dessus de la clavicule quand le 13E est situé en-dessous, de l’autre côté de la porte, ce
point associe comme son nom l’indique l’idée d’un vase ébréché, donc défectueux, avec celle d’un
couteau qui sépare. Ce point de rencontre de tous les méridiens yang a pour rôle de nettoyer
l’énergie yang en général de tout ce qui pourrait la rendre incorrecte avant qu’elle ne pénètre dans le
corps terrestre.
Le 12E porte également le nom de couvercle céleste selon un ancien alias, couvercle qui repose sur le
tronc, le referme et le protège, ne laissant que l’ouverture du cou, partie rétrécie du corps d’où
émerge l’axe chao yin, la verticalité qui au bout des sept dernières vertèbres que sont les cervicales
fera le lien avec le ciel. Sept cervicales comme le chiffre correspondant au ciel, sept cervicales
chargées de faire le lien avec la tête mais aussi de la porter, de caler sa sphère sur le carré du tronc.
Celles qui servent à la vie qui cale, écrivais-je précédemment. L’accès à ces vertèbres par les énergies
qui circulent dans la colonne ne peut se faire que si l’oiseau de la cage thoracique réussit à déployer
ses ailes, ce qui sous-entend que l’être réussisse à s’élever au-dessus des désirs déraisonnables et
des travaux inutiles et accède à la paix qui rend l’esprit libre. C’est le bonheur qui sert et nourrit la
vie.
Dans son intégralité, la colonne vertébrale est aussi appelée épine dorsale ou rachis, ce qui revient
strictement au même puisque rachis vient du grec rakhis qui signifie épine dorsale. Processus
épineux est également un terme employé, de même que échine, nom emprunté au latin echinus, luimême emprunté au grec ancien ekhīnos qui signifie oursin, crustacé épineux. Ces termes viennent de
la forme générale très particulière de la vertèbre, qui intègre un corps principal et des apophyses
épineuses, parties osseuses qui poussent à côté comme les épines d’une plante poussent en sus pour
en faire la défense naturelle. Tous ces termes participent donc de la même idée qui est celle de la
protection qu’offre la colonne.
Celle-ci est dans le dos, du côté du yang protecteur du corps humain. Elle rassemble la circulation des
énergies et protège en son centre percé la précieuse moelle épinière qui donne l’influx de la vie à
chaque étage vertébral. Elle constitue ainsi comme une armure, qui fait sa force et la protège des
agressions du monde extérieur. Telle une épine à l’aspect revêche et désagréable, elle est faite pour
éloigner les énergies indésirables de la forteresse.
49
LE SQUELETTE HUMAIN – Squelette axial
C’est ainsi que tout au long de la colonne et au bord de chaque apophyse vertébrale prennent place
les points SHU du dos, particulièrement utilisés pour faire circuler et évacuer les énergies perverses.
Mais le méridien de la Vessie est aussi celui qui véhicule la lumière captée au 1V JingMing. Ces
petites épines pourraient aussi être celles de la couronne que dessine chaque vertèbre avec son
cercle central, image d’un rayonnement, celui de la lumière que peut aussi faire pénétrer les points
SHU dans la forteresse, apportant du yang aux organes et du mouvement dans les méridiens.
Pour finir ce chapitre, je mets cette phrase du Su Wen, chapitre 17 : « Le dos est l’atelier de la
poitrine, s’il se courbe et entraine avec lui les épaules, la poitrine sera déformée et détruite. »
On comprend par cette phrase toute la force et la puissance que se doit d’avoir la colonne
vertébrale, axe majeur sur lequel reposent l’équilibre de l’homme et sa verticalité. Si le dos
s’effondre, la résidence de l’empereur sera détruite et s’ensuivra une désorganisation totale de la
forteresse, autrement dit la maladie.
La colonne n’est pas seulement le premier os sur lequel repose la construction de l’être humain, il est
l’os principal sans lequel rien ne tient, sans lequel la forteresse ne fonctionne pas, sans lequel
l’homme n’est pas, debout, avançant sur le chemin de la vie.
3.2.2. La tête
La structure osseuse de la tête se nomme le crâne. Celui-ci se divise globalement en 2 parties : la
boîte crânienne et le massif facial.
Je suis toujours étonnée de constater à quel point l’homme est fractal, comment chaque partie du
tout est le tout lui-même. Quand on considère l’ensemble du squelette axial, on peut différencier la
tête et le tronc, la première ronde comme le Ciel, le second carré comme la Terre. Et quand on
considère seulement la tête, on peut à nouveau faire cette distinction entre le haut et le bas, entre
l’arrondi de la boîte crânienne et le carré que forme la mâchoire, l’homme entre le Ciel et la Terre
toujours.
50
LE SQUELETTE HUMAIN – Squelette axial
Vue de face
Vue de côté
Et comme toujours dans la loi du Tao, le yin intègre une part de yang et vice versa, l’un n’existant pas
sans l’autre. Ainsi le bas du visage est carré mais constitue la partie la plus mobile de la tête quand
les os arrondis d’en haut, les os les plus yang de l’homme, sont ce qu’il y a de plus solide, de plus
inamovible dans le corps.
Ces os sont très durs parce qu’ils composent la boîte crânienne et qu’une boîte contient souvent un
secret, quelque chose de précieux et de fragile qu’il faut protéger particulièrement, quelque chose
de redoutable. Cette chose précieuse, c’est le cerveau humain. Il est le haut lieu de commandement
de la forteresse, celui qui détient les archives et concentre toutes les informations relatives à l’influx
de la vie qui anime le corps. Nous ne sommes plus dans le château, nous sommes au-delà, dans la
tour qui s’élève et se confond avec le Ciel. Là se répand la mer des moelles qui vient de l’orient Est et
éveille l’homme. C’est la résidence céleste où demeure l’essence la plus précieuse, ce que le Su Wen
nomme le JingMing, l’essence-illumination.
L’os occipital est l’os qui articule la tête avec la colonne vertébrale. Il est ainsi au point d’ouverture
de la boîte crânienne, là où le cerveau communique avec la moelle épinière chargée de distribuer à
chaque étage vertébral les informations recueillies à l’extérieur et à l’intérieur de l’organisme et
qu’elle restitue ainsi aux organes que le cerveau commande.
Occipital vient du latin caput qui signifie tête et de ob qui signifie devant, en avant. Alors que nous
envisageons plutôt cet os de façon postérieure à la tête, l’étymologie le met en avant, ce qui n’est
pas si étonnant puisque nous considérons ici la boîte crânienne comme un contenant, dont
l’ouverture se situe logiquement vers le haut. Le tête ainsi renversée, l’occiput devient un os en
avant de la tête, et non plus en arrière.
Le nom chinois de l’os occipital est YuZhenGu, ancien nom du 9V traduit par occiput.
L’idéogramme YU est le suivant :
pièces de jade enfilées.
L’idéogramme ZHEN
ou dans sa graphie la plus récente
représente un homme
dans sa maison
espace . Recatégorisé par la clé des végétaux ou du Bois
bois qui sert quand l’homme est inactif, l’oreiller.
. Ce caractère figure des
, inactif, qui toutefois sort d’un
, il se rapporte à une pièce mobilière en
51
LE SQUELETTE HUMAIN – Squelette axial
On imagine alors cette pièce qu’est l’os occipital, qui empêche le cerveau de sortir de sa boîte,
veillant à la protection de cette entraille curieuse et précieuse qui incarne la souveraineté et la
puissance, comme le jade, cette pierre précieuse, estimable, respectable. De même que l’or, le jade
est chargé de yang, d’énergie cosmique, il est doué de qualités solaires, impériales, indestructibles.
C’est le cerveau assurément mais du fait que le jade est également symbole d’immortalité, ce
pourrait aussi être cet os qui constitue le matériau de la boite crânienne, ces os de la tête qui
forment une voûte céleste et contiennent l’essence de la vie, dans tous les sens du terme.
Quand je regarde l’idéogramme , je vois aussi la réunion de la Terre, de l’Homme et du Ciel, unis
par l’axe vertical du monde. C’est le YU du 18JM, YuTang, temple de jade qui abrite l’empereur, le
Cœur, au niveau du sternum, celui qui règne sur la forteresse. Mais associé à l’idéogramme ZHENG,
l’homme qui sort de sa maison poussé par la clé du Bois, l’image prend une dimension supérieure.
C’est la réunion des trois perles précieuses que sont les champs de cinabre, creusets de la
transformation de l’homme qui s’éveille et s’épanouit comme une plante en croissance. Il élève son
esprit au-delà de son corps, il emmène le Jing, l’essence contenue dans ses Reins, à la rencontre du
Ming, la lumière, pour tendre vers l’illumination céleste.
L’occiput est alors l’os qui protège l’ouverture de la boîte crânienne, en même temps qu’il participe à
l’éveil de l’homme à la recherche de son principe d’immortalité.
L’illumination se fait un peu plus haut, au sommet de la tête, au niveau de l’os frontal.
Frontal vient de frons qui signifie guirlandes de feuilles, couronnes de feuillages.
L’os frontal, c’est l’être couronné. Sur le haut de sa tête repose la couronne dont « la forme circulaire
indique la perfection et la participation à la nature céleste […]. Elle unit dans le "couronné" ce qui est
au-dessous de lui et ce qui est au-dessus, mais en marquant les limites qui, en tout autre que lui,
sépare le terrestre du céleste […] » (dictionnaire des symboles). Elle marque également le caractère
transcendant d’un accomplissement, récompense d’une épreuve, promesse d’une vie immortelle.
La couronne est alors symbole d’élévation, de puissance et d’illumination.
Anciennement, la couronne était ornée de pointes, qui figuraient comme des rayons de soleil. Cette
image de la couronne solaire évoque la lumière céleste qui pénètre au 1V, situé au bord antérieur de
l’os frontal. C’est l’arrivée de « ce qui est au-dessus », le Ming, que le méridien de la Vessie va faire
pénétrer dans le cerveau au niveau de son septième point, le 7V qui comme son nom l’indique fait
communiquer « ce qui est en-dessous » avec « ce qui est au-dessus ». Ce point se nomme en effet
TongTian, communique avec le ciel. C’est la lumière qui éveille l’homme, celle-là même qui a permis
la fécondation initiale dans le champ de cinabre inférieur, celle qui permet la croissance de l’être vers
la joie du Cœur au niveau du champ de cinabre thoracique, celle qui "éclaire" dans le champ de
cinabre supérieur.
Les os pariétaux forment littéralement les parois de la boîte crânienne, leur nom étant issu de paries
qui signifie mur, paroi. Les os temporaux forment les tempes, qui s’articulent avec l’os occipital et les
os pariétaux et font la jonction avec les os sphénoïdes, les os en forme de coins qui permettent à la
voûte céleste que forme la boîte crânienne de reposer sur la Terre, la base carrée que constitue la
mandibule.
La mandibule est un os du massif facial qui sert, avec l’os maxillaire et comme leur nom l’indiquent, à
mâcher. Mandibule vient en effet du latin post-classique mando qui signifie mâcher tandis que
maxillaire vient du latin maxillaris qui signifie mâchoire. Mandibule et maxillaire reçoivent les dents
52
LE SQUELETTE HUMAIN – Squelette axial
qui servent à hacher ce qui vient de la Terre, à savoir l’eau et les céréales. Ils forment la bouche, l’un
des orifices de l’assimilation.
L’être humain compte neuf orifices, dont sept se concentrent au niveau de la tête. Il s’agit des sept
orifices yang de réception que sont les deux yeux, les deux oreilles, les deux narines et la bouche. Les
deux autres orifices sont le méat urinaire et l’anus. Ils sont situés dans le foyer inférieur, au niveau du
bassin et sont les orifices de l’élimination.
C’est par les sept orifices yang que pénètrent les informations dites extérieures que reçoit le cerveau.
Ce sont aussi les orifices par lesquelles entrent la nourriture pour les organes que sont les saveurs,
les couleurs, les sons et les odeurs, tout ce qui constitue l’énergie iong.
Le nez assimile les odeurs mais fait également entrer le souffle céleste dont les poumons sont le
réceptacle. Cela se passe au niveau de l’os nasal, os qui fait la base du nez.
Les yeux font entrer la lumière, dont j’ai déjà parlé, ils apportent l’éveil du Bois, élément auquel ils
appartiennent. Cela explique le nom de l’os lacrymal, os qui fait le logis de l’œil et qui se rapporte
étymologiquement aux larmes, l’humeur du Bois qui par là peut couler.
Hormis l’os de la mandibule, qui est un os arqué à la forme et la fonction relativement simples, les os
principaux qui composent la face et le crâne sont des os dits pneumatiques. Leur structure est très
complexe, intégrant de nombreuses cavités appelées sinus (Cf p14). Comme des pneus, ces os sont
remplis d’air, l’élément actif mâle, yang, nécessaire à la subsistance des êtres. Il est la vie invisible qui
anime le corps visible, ce qui en fait l’élément intermédiaire entre l’Eau et le Feu, la voie de
communication entre la Terre et le Ciel. Il est aussi l’origine de la fructification du monde, de la
perception des couleurs, des formes, des sons, qui ne sont finalement que la vibration du souffle
céleste pénétrant dans les os de la tête et se diffusant dans tout le corps, vibration énergétique qui
est le matériau immatériel sur lequel repose l’art de l’acupuncture.
53
OS ET MERVEILLEUX VAISSEAUX
4. OS ET MERVEILLEUX VAISSEAUX
A l’origine de l’embryogénèse, il y a les merveilleux vaisseaux. Issus du ciel antérieur, ils naissent dans
l’utérus, autre entraille curieuse, et forment le plan de la structure de l’être humain, dirigent les
opérations de sa création. Je parle principalement des Tchong Mo, Tai Mo, Jen Mo et Tou Mo.
Il est vrai que dès le début de la période du développement proprement dit de l’embryon, cette ligne
primitive qui esquisse le premier os qu’est la colonne vertébrale pourrait correspondre à la branche
postérieure du Tchong Mo, merveilleux vaisseau d’origine chargé de l’organisation interne de l’être
humain. Cette branche circule jusqu’en haut de la colonne comme la ligne primitive s’arrêtait à la
base de ce qui allait devenir la tête. Cette branche intègre le 4TM, demeure de Yuann Tchi, comme le
nœud primitif est supposé être MingMen.
Si le Tchong Mo, en tant que vaisseau carrefour, autre nom qui le caractérise, est celui qui participe à
la détermination des cellules, cette branche postérieure entretient un lien particulier avec la
formation de la colonne vertébrale. Le premier point de cette branche est d’ailleurs très évocateur. Il
s’agit du 1TM, situé à la pointe du coccyx et dont le nom actuel est ChangQiang traduit par long et
fort. Ce qui est long et fort dans l’homme, c’est sa colonne vertébrale, armature du squelette qui lui
apporte sa force et en fait sa verticalité, squelette qui sera l’armature du corps dans sa globalité. Ce
point a de nombreux autres alias, comme par exemple pieu osseux, extrême origine de la colonne
vertébrale, dirigé vers le ciel, ou encore interstice du Qi. L’ensemble de ces noms se rapporte à cet
empilement de vertèbres dans lequel circule l’essence de la vie et qui fera tendre l’homme de la
Terre vers le Ciel après sa naissance.
Les deux autres points constitutifs de la branche postérieure du Tchong Mo participent à cette idée.
Le premier est le 23V ShenShu, point qui permet de faire s’écouler l’énergie des Reins, organe où
demeure l’essence. Cette dernière circule dans la colonne pour lui apporter sa force et sa bonne
tenue, se diffuse à chaque étage vertébral pour alimenter les organes de la manifestation.
Le second est le 25VB, JingMen. Ce point est le Mo des Reins, il est la résidence du Qi. Il est
également l’accès au thorax, le thorax étant ce lieu élevé de la forteresse humaine où réside le Cœur,
élément fondamental de la croissance et domicile du shen selon le chapitre 9 du Su Wen.
Relier le Jing thésaurisé dans les Reins au Shen et au Ming, c’est là le chemin de vie de l’homme
auquel veille le Tchong Mo après l’assaut de l’énergie, le 30E d’où émerge le Tchong Mo, quand le
fœtus passe l’os pubien (11R) qui le séparait du monde extérieur et inspire pour la première fois ce
souffle céleste qui le fait devenir homme, apportant au 12R l’incarnat au visage, la couleur de la vie
qui circule dans la chair.
Par cette énergie qui vibre dans les méridiens au 13R, point du Qi, l’enfant grandit, prospère au 14R
selon son axe vertical, la colonne vertébrale ou l’entrepôt de la moelle.
Au 15R l’homme se déverse au centre, il est tel un prince qui « s’élève au-dessus de la multitude et
est vu de tous comme la flamme qui s’élève et brille au-dessus de la lampe ». Il quitte le foyer
inférieur comme il a quitté le ventre de sa mère, en empruntant la voie basse centrale des hanches
pour s’élever au-dessus de sa partie terrestre, dépasser le 16R et le nombril, s’échapper des désirs
qui cloisonnent, enferment et empêchent d’être heureux.
Mais il n’est pas si simple de se soustraire à l’attraction de la Terre. L’homme peut retomber comme
une pierre (18R, ShiGuan, littéralement barrière des pierres) dans les courbes du gros intestin (17R),
lieux d’errance et de questionnements, moments inévitables de flottement sur le chemin de la vie.
54
OS ET MERVEILLEUX VAISSEAUX
Toutefois, passées les barrières (18R), correctement nourri dans ses aspirations (19R, palais de la
nourriture), libéré de ses propres entraves (20R, vallée de libre circulation), l’homme peut circuler et
arriver à l’imperceptible porte qui lui permettra de s’extraire des recoins obscurs des montagnes
(21R, pylore) qu’il lui fallait gravir pour accéder au cœur de la forteresse, cette porte supérieure qui
ouvre sur le domaine de l’empereur. Le voici arrivé dans le Palais de la poitrine, le 17JM, « le délégué
aux réjouissances » selon le Nei Jing, après quoi se réalise l’union du chao yin, au 23JM.
Tous ces points qui constituent la branche antérieure du Tchong Mo appartiennent pour leur
majorité au méridien des Reins car ce chemin ne peut être suivi sans l’énergie des Reins et de
l’essence, sans cette force qui fait que l’homme se construit à chaque étage, vertèbre par vertèbre,
qu’il érige sa colonne.
Le Nan Jing nomme le Tchong Mo vaisseau de passage, juste nom pour ce vaisseau extraordinaire qui
guide l’homme dans ses choix et lui donne la force physique d’aller au bout de ses idées, de ses
envies, de ses projets, pour se réaliser au fur et à mesure des étapes de la vie, à chaque étage de son
corps, et obtenir la satisfaction du Cœur, la réunion du Jing et du shen.
Et pour cela le 25VB a son importance. En tant que Mo des Reins, il est nourricier du centre
énergétique que sont les Reins. Mais surtout il appartient au méridien de la Vésicule Biliaire, autre
entraille curieuse auprès de laquelle tous les autres organes prennent audience, même l’empereur.
Elle est le maître des choix et le 25VB fait directement le lien avec le Tai Mo, non pas en tant que
point constitutif mais en tant que grand contrôleur de ce merveilleux vaisseau qui soutient l’homme
dans sa verticalité. C’est le vaisseau ceinture qui veille au maintien des lombaires et de cette zone
méandreuse qui pourrait perdre l’homme dans « des travaux fatigants et inutiles » (chapitre 1 du Su
Wen), ce qui épuiserait l’énergie du corps et de l’esprit, empêchant la verticalisation de l’être et
nuisant à sa santé.
Les lombes sont d’ailleurs désignées comme « l’atelier des Reins » dans le chapitre 17 du Su Wen, ils
protègent les Reins et l’essence. Si les lombes « sont immobilisés et bloqués, le fonctionnement rénal
sera amoindri ». Et si l’énergie des Reins est affaiblie, c’est toute la structure humaine qui le sera.
Pour seconder ces merveilleux vaisseaux dans leur tâche, un autre merveilleux vaisseau circule tout
au long de la colonne vertébrale, depuis le 1TM jusqu’au sommet de la tête et sur le visage, c’est le
Tou Mo. Il est directement rattaché à l’énergie des Reins par le 4TM et nourrit le rachis et le cerveau
pour que Jing et Ming soit toujours connectés et participent à l’éveil de l’homme. Il est ainsi garant
de la force et de la spiritualité de l’être et, en tant que gouverneur de tous les yang, il veille sur
l’épine dorsale, la protégeant des attaques extérieures, veillant à ce que rien n’entrave la libre
circulation des méridiens que le Tchong Mo rassemble en son long, s’assurant qu’à aucun étage de la
colonne une quelconque stagnation n’empêche l’homme de s’élever le long de son axe.
On retiendra des points comme le 3TM, YaoYangGuan, barrière yang des lombes. YAO représente
deux mains ceignant la taille. Ce point seconde assurément le TaiMo, assurant avec le 2TM YaoShu,
point des lombes, les bases de la colonne vertébrale. L’idéogramme GUAN renforce cette idée,
représentant l’action de tisser. C’est un point qui tisse la trame de la colonne. Recatégorisé par la clé
de la porte (MEN), il représente également une barrière qui pourrait bloquer l’ascension des énergies
et de l’homme.
Le 6TM est extrêmement intéressant. Son nom est JiZhong, milieu du Rachis. C’est le centre de la
colonne vertébrale. Dans son idéogramme, il est le point qui articule l’épine dorsale à la ceinture, qui
connecte la rectitude de la colonne avec le Tai Mo et l’énergie des Reins. C’est aussi le premier point
55
OS ET MERVEILLEUX VAISSEAUX
du Tou Mo situé sous une des dorsales qui composent la cage thoracique, demeure de l’empereur.
Un autre de ses alias est d’ailleurs ShenZong, temple du shen. Il est alors le point qui emmène le Jing
à la rencontre du Shen pour que l’homme soit droit dans son corps. Ou à l’inverse, on pourrait dire
que ce point amène le Feu du Cœur vers l’Eau des Reins pour que soit la vie qui circule dans les os et
donne sa force à la colonne vertébrale, et par extension à la manifestation.
Je m’interroge de plus sur le rôle embryologique du 6TM. Bien qu’il ne soit pas constitutif de la
branche postérieure du Tchong Mo que j’ai considéré précédemment correspondre à la ligne
primitive, ce point évoque la cible au travers de laquelle passe les flèches des soldats. Situé sous la
onzième vertèbre, au niveau de la Rate, il pourrait aussi rappeler cette ligne primitive centrale dans
laquelle s’engouffrent les cellules épiblastiques pour se différencier et construire la Terre, l’être
humain, en commençant par dessiner son premier os, sa colonne vertébrale.
Le 14TM est la grande vertèbre, DaZhui. L’idéogramme DA évoque un homme adulte, debout. C’est
l’homme qui a réussi à grandir le long de sa verticalité, à élever le Jing au niveau du Shen, et qui part
désormais à la conquête du Ming. Mais si ce point s’appelle grande vertèbre, c’est aussi parce qu’il
est situé sous la septième cervicale, la plus saillante quand l’homme baisse la tête et peine à
poursuivre le chemin qui doit l’amener au 23TM, jusque dans le palais de la clarté où il pourra se
connecter au ciel, atteindre l’illumination, ressentir la joie d’être soi.
On ne pense pas spontanément au Jen Mo pour travailler sur les os mais il fait partie des quatre
merveilleux vaisseaux cités au début de ce chapitre qui ont embryologiquement participé à la
construction de l’être humain et qui guident l’homme né sur le chemin de sa vie. En cela, le Jen Mo a
un rôle à jouer dans la verticalité de l’homme. D’ailleurs la solution d’un problème de dos se trouve
parfois dans le ventre, et vice versa.
Le Jen Mo est le vaisseau de la conception, il est celui qui nourrit l’homme et qui le fait grandir, qui le
transforme. Il est avec le Tchong Mo le maître de la grossesse et par extension de toutes les
gestations intérieures de l’homme, de toutes les créations qui lui permettent de renaitre un peu plus
avancé sur le chemin de la vie (cf chapitre sur le bassin).
Je ne citerai qu’un point, le 15JM JiuWei. Il est la queue du pigeon que nous avons évoqué dans le
chapitre sur la cage thoracique. Il est aussi le point Lo du Jen Mo qui va au plus profond des os et des
moelles. Ce point va puiser au cœur des os l’essence de la vie, il fait communiquer l’air céleste que
font vibrer les ailes du pigeon avec le principe yin contenu dans les os pour que renaisse la vie quand
l’être est en péril.
Au regard de ces éléments et dans des problématiques de vie touchant à la structure de l’homme, il
s’avère très intéressant de travailler avec les merveilleux vaisseaux qui nous ont initialement
construits, qui nous accompagnent et qui intègrent d’eux-mêmes, par leur statut de méridiens
extraordinaires, une dimension symbolique susceptible de se coupler avec celle des os. Cela est vrai
particulièrement pour ce qui concerne le squelette axial qu’encadrent les merveilleux vaisseaux.
Pour travailler sur l’ensemble de la structure humaine, sur la trame dans son intégralité, le Tchong
Mo reste le vaisseau le plus approprié, avec ses trois branches qui dessinent schématiquement
l’homme, merveilleux vaisseau à l’origine du tout.
Dans le chapitre 33 du Ling Tchou, il est dit ceci :
« Le Tchong Mo rassemble le long des côtés de la colonne vertébrale les 12 méridiens. Il prend le
nom de la mer des 12 méridiens. L’énergie et le sang émanant de cette mer se dirigent
principalement en haut vers le 11V et en bas vers le 37E et le 39E. »
56
OS ET MERVEILLEUX VAISSEAUX
On comprend là l’affinité particulière qui existe entre le Tchong Mo et la mer du sang et des 12
méridiens que nous avons évoquée dans le chapitre "os, moelle et sang" et que j’ai dit se déverser
dans la trame des os. La mer est le principe de la vie régénérée dans les os, le Tchong Mo donne un
corps à cette vie et se charge ensuite de veiller sur l’ensemble, sur la manifestation terrestre de cette
vie. Il contrôle la circulation du sang et de l’énergie, ce sang issu des os, ce principe yin qu’agite le
souffle céleste yang pour créer la circulation des méridiens, vibration de la vie qui anime le corps,
corps qui nourrit cette vibration.
Le 4 Rte, qui est à la fois le point de concentration de la mer du sang et des 12 méridiens et le point
clé du Tchong Mo, intègre ces notions fondamentales.
Son nom est GongSun, traduit par grand-père / petit-fils.
L’idéogramme GONG évoque les ancêtres mais aussi le collectif à usages de tous, ce qu’est bien sûr le
Tchong Mo qui rassemble les méridiens le long de la colonne vertébrale.
L’idéogramme SUN représente l’enfant qui fait le fil des générations.
GongSun est alors le petit-fils qui reprend le souffle des ancêtres, c’est le point qui fait le lien entre
les différentes vies qui se succèdent au sein des os, entre les différentes renaissances de l’homme.
Le dessin de l’idéogramme GONG
m’évoque la première cellule embryologique totipotente en
tant que principe d’une vie né de la fusion du yin et du yang, cellule qui se divise ensuite pour former
l’être humain selon le plan de structure donné au Tchong Mo par le ciel antérieur. Ce dessin est alors
celui de la vie qui (re)prend corps, grâce à la trame des os.
57
OS ET POINTS D’ACUPUNCTURE
5. OS ET POINTS D’ACUPUNCTURE
L’idéogramme chinois qui correspond à os est GU :
GU constitue la clé K188, la clé de l’os, et se compose lui-même de la clé K130, la clé organique ou clé
de la chair. GU est donc un élément osseux, catégorisé par la clé de la chair.
A l’origine, le caractère représentait un squelette, crâne et os décharnés. Recatégorisé plus tard par
la clé de la chair, il est devenu un élément osseux, support de la chair qui l’entoure. C’est un os
"fécondé".
Il me semble pertinent de s’intéresser également à l’idéogramme JU :
JU représente une grande équerre qui sert à tracer les canaux d’irrigation dans les champs, c’est-àdire les trames qui irriguent le corps, manifestation terrestre de l’être humain.
Sans autre précision, toutes les trames du corps peuvent être concernées : système lymphatique,
nerveux, veineux… et bien sûr le système osseux qui est ce qui permet à l’homme d’être droit comme
la flèche
qu’intégrait à l’origine l’idéogramme mais qui a disparu dans les idéogrammes plus
récents.
Mais peut-être ce dessin a disparu parce que la précision n’était pas vraiment nécessaire, toutes les
trames circulant dans le corps étant finalement issues de la trame première qu’est le squelette, Fu de
la moelle qui fabrique le sang et fait la circulation, les circulations.
Le 16GI, JuGu, intègre ces deux idéogrammes. Aucune équivoque ne subsiste ici, ce point se réfère à
la trame des os ; il s’avère alors particulièrement intéressant pour travailler sur le squelette en
général et sur l’épaule en particulier puisque c’est là qu’il se situe.
Deux autres points intégrant l’idéogramme JU sont les 37E ShangJuXu et 39E XiaJuXu, points que
nous avons déjà évoqués dans le volet "os, moelle et sang" et vers lesquels se dirige la mer du sang
et des 12 méridiens. Ils servent localement à renforcer la trame des membres inférieurs qui portent
le corps pour les rendre puissants comme ceux des chevaux qui portent le nom de JuXu.
58
OS ET POINTS D’ACUPUNCTURE
Trois autres points comportent cet idéogramme JU. Il s’agit des :
- 3E JuLiao, creux de l’os en équerre,
- 27E DaJu, circulation intestinale,
- 14JM JuQue, grande épée.
Le 3E associe JU et la notion de trame avec LIAO qui rassemble la clé de l’os et la notion d’ailes
déployées, ces deux idées correspondant en anatomie chinoise à la notion de creux osseux.
La présence de la clé de l’os évoque une fois encore la trame osseuse, avec cette notion
supplémentaire de creux qui est la caractéristique principale des os de la tête, os pneumatiques
percés de sinus. Ce point travaille donc particulièrement sur la trame des os du visage et du crâne.
Le 27E a été traduit par circulation intestinale. Il se compose de l’idéogramme DA qui représente un
homme debout, adulte, grand. Da peut également se rapporter ici au Da de DaChang qui correspond
au gros intestin. Dans tous les cas, si ce point ne semble pas de prime abord travailler sur la trame
osseuse, il travaille sur la circulation en général et sur la circulation dans la trame intestinale en
particulier, cette zone de méandres où rien ne doit stagner, errer, où tout doit circuler et être éliminé
pour que l’homme puisse s’élever le long de son axe chao yin, se tenir debout, droit et être grand.
Une mauvaise circulation du sang et de tout ce que l’homme ingère peut ainsi avoir des
conséquences sur la verticalité de l’être et de fait sur sa colonne vertébrale. Et la souffrance de la
colonne vertébrale a inévitablement des répercussions sur l’ensemble de la trame humaine.
Il est intéressant de noter que tous les points incluant l’idéogramme JU évoqués jusqu’à présent
appartiennent à l’axe yangming, axe qui véhicule la lumière, l’énergie yang nécessaire à la
fécondation de l’eau, des os, d’où s’écoulent les liquides de la vie.
Reste le 14JM, qui n’est pas un point yang mais qui est le point Mo du Cœur, organe solaire qui
propulse sa joie dans le sang et fait la trame des méridiens, qui rayonne par sa grande épée,
l’appendice xiphoïde (appendice en forme d’épée) au bout duquel le 14JM prend place, sur
l’ensemble de la forteresse, répandant la paix sur l’être, veillant à la bonne santé de son corps.
En ce qui concerne les points intégrant l’idéogramme GU et faisant donc directement référence aux
os, ils sont au nombre de sept et sont les suivants :
- 4IG WanGu, os du poignet
- 16GI JUGU, angle osseux
- 12VB WanGu, mastoïde
- 64V JingGu, os saillant
- 65V ShuGu, gerbe osseuse
- 11R HengGu, os pubien
- 2JM QuGu, os courbe
Au-delà de leur action locale, ces points occupent des positions assez stratégiques dans le corps.
Le 4IG est, comme son nom l’indique, positionné sur le poignet, première frontière sur le chemin
d’accès des énergies célestes vers le cœur de la forteresse. Plus précisément, il prend place au bord
de la pyramide que forme triquetrum et pisiforme ; il devient alors le point capable de libérer la dite
59
OS ET POINTS D’ACUPUNCTURE
frontière s’il y a là blocage des énergies, rendant toute sa souplesse au poignet, toute la mobilité qui
lui est nécessaire pour se plier aux exigences du maître, le Cœur empereur.
Le 16GI est situé au niveau de l’épaule, autre articulation, autre frontière qui défend l’accès au
domaine des tsang et des Fu. Positionné à la jonction de la clavicule et de la scapula, il détient la clé
qui permet à l’énergie yang de pénétrer dans l’enceinte du château et d’aller féconder le principe yin,
l’Eau, les os. C’est aussi en cela qu’il est intéressant pour travailler sur la trame osseuse.
Le 12VB prend place à l’arrière de l’oreille, sur la mastoïde dont il porte le nom (partie basse de l’os
temporal). Ce point intègre l’idéogramme WAN, qui représente ce qui est en haut sur l’homme, la
tête, notion associée à l’idée du toit qui achève un bâtiment. Ce point communique avec le tsou tae
yang, méridien qui achemine la lumière, le Ming, et il participe ainsi à la construction de la boîte
crânienne, voûte céleste qui parachève le corps terrestre de l’être humain.
Les 64V et 65V sont situés l’un à la suite de l’autre sur le pied, sur le 5 ème métatarse qui emmène,
dans la circulation de l’énergie iong, la lumière céleste captée en haut du corps à la rencontre de
l’énergie du tsou chao yin, l’Eau, pour que jaillisse la vie au 1R.
Le 65V se compose de l’idéogramme SHU qui évoque l’idée d’entourer un arbre, un végétal.
Le 64V se compose de l’idéogramme JING qui évoque l’idée d’une élévation vers la ville capitale,
sommet et pivot de l’empire.
Le 65V sert alors à renforcer la gerbe que composent les orteils, ces os qui ancrent solidement les
racines de l’être dans la Terre pour que celui-ci profite de l’élan terrestre (autre nom du 1R) qui lui
permettra de partir à la conquête de sa propre forteresse.
Les 11R et 2JM prennent place côte à côte juste au-dessus de l’os pubien, cet os courbe (QU) mis en
travers (HENG) pour protéger l’entrée de la forteresse des énergies yin venues de la Terre, pour
protéger également les maternités de l’homme.
Le pubis fait partie des os plats du bassin, os qui à l’âge adulte conservent une grande activité
hématopoïétique. Le processus de fabrication du sang est une activité primordiale, indispensable,
absolument nécessaire pour assurer le bon fonctionnement et la bonne santé de l’ensemble de l’être
humain, pour préserver son principe de vie.
Le 11R stimule là l’énergie yin des Reins pour veiller sur cet os. Le 2JM fait communiquer les énergies
yin venues de la Terre avec l’énergie yang issue de l’alimentation et que véhicule le tsou yang ming
pour que l’os continue d’être fécondé, nourri et actif.
L’idéogramme LIAO est également intéressant puisqu’il contient la clé de l’os :
60
OS ET POINTS D’ACUPUNCTURE
Nous avons découvert cet idéogramme avec les points LIAO du sacrum. Il associe la clé de l’os GU et
la notion d’ailes déployées, l’ensemble désignant anatomiquement un creux osseux.
Les points qui intègrent cet idéogramme sont assez nombreux. Il s’agit des points suivants :
- Les 4 points du sacrum 31V, 32V, 33V, 34V
- 3E JuLiao, étudié précédemment dans ce chapitre
- 12GI ZhouLiao, creux du coude
- 19GI Heliao, creux du maxillaire
- 18IG QuanLiao, creux de la pommette
- 14TR JianLiao, creux de l’épaule
- 15TR TianLiao, creux céleste
- 22TR HeLiao, creux de l’harmonie
- 1VB TongZiLiao, creux de la pupille
- 29VB JuLiao, creux pour s’asseoir
- 25TM, SuLiao, creux du nez
On peut remarquer qu’il s’agit exclusivement de points yang, creux yin (puisque osseux) recevant
l’énergie yang pour que toujours ces deux principes communiquent, fusionnent et que bruissent les
ailes qui font vibrer la vie dans le corps.
On peut également noter qu’un certain nombre de ces points est situé sur le massif facial, là où les os
sont percés de cavités qu’habite le souffle céleste, pénétrant là et se diffusant dans tout le corps,
nourrissant la manifestation.
La liste des points travaillant sur les os est encore longue et je ne saurais être exhaustive. Est-ce
d’ailleurs possible ? Considérons le seul méridien du tsou chao yin : puisque la bonne santé des os
dépend de l’énergie des Reins, tous les points de ce méridien sont potentiellement intéressants. Par
exemple, si une personne se fracture un os, on pourra utiliser le 7R pour sa fonction King de
consolidation des os, associé à un ou plusieurs points locaux qui n’auront pas nécessairement un
rapport affirmé avec l’os abîmé par leur nom ou leurs indications thérapeutiques mais seulement par
leur position. Si une autre personne vient avec une problématique avérée quant à l’activité
hématopoïétique, tous les points du tsou chao yin situés sur les os plats comme le bassin ou le
sternum peuvent se révéler utiles. Mais peut-être le 14R le sera-t-il également, non pour sa position
mais pour l’un de ses alias qui est entrepôt de la moelle. Ou peut-être que l’on puncturera un point
d’un autre méridien qui aura la juste position et une symbolique appropriée à l’anamnèse de la
personne.
Finalement, hormis sur le ventre et la gorge, tous les points prennent position sur un os. Alors si ce
n’est pour son nom, pour sa fonction, pour ses indications thérapeutiques ou pour ce qu’il évoque,
un point peut être intégré dans un traitement pour sa position sur tel ou tel os, qui raconte telle ou
telle histoire et tisse un lien avec celle du patient, avec ses symptômes, avec son évolution sur le
chemin de la vie.
Je rejoins alors ici les propos énoncés dans l’introduction de ce mémoire, qui évoquaient l’immensité
du champ d’action en acupuncture, révélant la difficulté de cette discipline mais aussi son immense
richesse.
61
CAS CLINIQUE
6. CAS CLINIQUE - Robert
Robert, né le 3 juin 1952.
En juillet 2010, Robert est parti à la montagne faire de la randonnée. La première nuit, il a très mal
dormi, avec une sensation d’étouffement. Le lendemain, en ballade, il a eu une vive douleur aux
reins. Après deux séances d’ostéopathie qui n’ont eu que très peu d’effets bénéfiques, il est allé faire
des analyses. Les résultats n’étaient pas bons, ils ont révélé un fort de taux de créatinine dans le
sang, taux signifiant que la capacité de filtration et d’élimination des reins était faible. Parallèlement
à la découverte de cette sorte d’insuffisance rénale, on a diagnostiqué à Robert un myélome, cancer
qui se développe à partir des cellules de l’hématopoïèse, formées dans la moelle rouge des os,
cellules qui sont à l’origine du sang. Cancer au stade 1.
Robert est venu me voir pour la première fois en octobre 2013. Il était déjà suivi par un acupuncteur
à Paris mais, habitant dans le sud, il n’allait le voir que tous les deux mois environ, rythme que cet
acupuncteur a jugé à un moment insuffisant. Il me l’a donc adressé pour que nous travaillions en
alternance et que ce patient puisse bénéficier de séances plus rapprochées, à savoir une séance tous
les 15 jours environ. Ce que nous avons fait jusqu’à aujourd’hui, dans la mesure du possible.
1ère séance, début octobre 2013
Le motif de consultation de Robert est bien sûr son myélome et son problème rénal.
Lorsque son cancer a été diagnostiqué, il a décidé de se tourner vers la médecine chinoise pour se
guérir. En plus de l’acupuncture, il pratique le qi gong avec discipline, prend de la pharmacopée
chinoise, a changé d’alimentation. Avec son acupuncteur parisien, il prend également de
l’homéopathie.
Situation :
Le père de Robert était musicien et avant même sa naissance, sa mère berçait son enfant du rêve
qu’il en devienne un également. Sans obligation mais peut-être inconsciemment poussé par un
environnement propice, Robert est lui aussi devenu musicien : il a appris à jouer du violon, à
composer, il a fait de la musique son métier en devenant professeur. Aujourd’hui à la retraite, il ne
joue plus de violon mais il continue de composer, encore, toujours.
Il est marié et a quatre enfants, deux filles et deux garçons. Les relations ont parfois été conflictuelles
avec ses fils mais maintenant qu’ils sont adultes (20 et 24 ans) elles se passent mieux.
Son père est décédé en 1992, sa mère est toujours présente. Il a deux sœurs, dont l’une a également
un cancer, diagnostiqué il y a environ un an. Ça les a beaucoup rapprochés, ils se voient souvent.
Symptômes :
Robert n’a pas de douleurs spécifiques liées à son cancer ; il n’a pas pour l’instant d’atteintes
osseuses si ce n’est une petite lacune récemment repérée sur la crête iliaque droite.
En revanche, il est anémié, fatigué et a le souffle court.
62
CAS CLINIQUE
En ce moment, il a l’impression de manquer d’air, de ne pas pouvoir inspirer assez d’air. Sa voix se
fatigue aussi : elle s’enroue légèrement, se serre, elle est plus aigüe comme si elle était mal timbrée.
Il a souvent le nez qui coule, écoulement clair nasal et rétro nasal, notamment le matin au réveil. En
fonction des efforts qu’il fait, son nez peut se boucher au fur et à mesure de l’activité et rester
bouché ensuite.
Il n’est pas frileux mais la nuit, s’il travaille tard sans bouger, il peut avoir froid.
Quelques mois avant que son myélome ne soit diagnostiqué, des acouphènes sont apparus, aigus,
sifflant dans les deux oreilles mais plus encore à droite.
Il a des flashs à l’extérieur de l’œil droit, il les voit d’autant plus la nuit quand il fait sombre.
Sa vue baisse vite.
Il a également beaucoup de crampes dans les jambes mais ça va mieux depuis qu’il met un savon
acide dans son lit.
Pour stimuler ses reins, il se force à boire environ deux litres d’eau par jour, souvent sans soif ; il n’y a
que la nuit, quand il se lève pour aller uriner (environ 2-3 fois par nuit), qu’il a besoin de boire.
Il urine souvent et en grande quantité.
Ses urines sont sombres, notamment après un effort. Son taux d’hémoglobine est d’ailleurs élevé
dans ses urines.
Il dort plutôt bien, sauf exception de temps en temps. Il fut un temps où des choses lui trottaient
dans la tête et l’empêchaient de dormir mais ce n’est pas le cas en ce moment. Il a également eu une
période où il transpirait la nuit mais plus maintenant.
Il n’a pas de souci digestif non plus. Toutefois, il se souvient qu’il y a deux ou trois ans, la nuit, il
sentait son estomac lourd. Ce symptôme est passé. Mais il faut dire qu’il a changé d’alimentation
suite à la découverte de son cancer, ce qui lui a fait perdre du poids.
Antécédents :
Vers 17-18 ans il a eu une période où il faisait des crises de colites hépatiques.
En 1981 (il n’est pas sûr de la date) il a eu un accident de voiture : un bout de pont est tombé sur sa
voiture et l’a écrasée en deux. Lui a perdu connaissance. Pendant cet accident, son visage a été frôlé,
il a eu des dents cassées et une rupture musculaire du sterno-cléido-mastoïdien ; pendant longtemps
après cet accident, il a souffert de maux de tête frontaux.
A la question de savoir si une grande peur avait pu léser ses reins dans sa vie, c’est le seul évènement
qui lui vient. Mais ayant perdu connaissance, il ne s’en souvient pas vraiment. A son réveil, il se
souvenait seulement d’un grand bruit, celui du bout de pont qui s’écrase sur sa voiture, celui des
pompiers ? Il ne sait pas.
Il y a quelques temps il s’est cassé le poignet gauche, qui a été soigné avec une immobilisation de
l’épaule. Depuis il a des douleurs à cette épaule, aggravées au mouvement ; ces douleurs se
caractérisent par un point douloureux à l’arrière de l’épaule, à partir duquel la douleur descend à la
face postérieure du bras.
Loisirs :
Ses loisirs, c’est ce qui fut son métier, c’est la musique.
Il aime aussi la montagne en été pour les ballades, le jardinage, la lecture, la peinture et les arts
graphiques.
63
CAS CLINIQUE
Et il aime le Moyen-Age, tant dans ses lectures que pour la musique.
Traitement :
Il prend un médicament pour la tension rénale. Il n’a jamais fait d’hypertension mais c’est en
prévention, par rapport à son problème d’insuffisance rénale.
Et il prend de la pharmacopée chinoise.
Observation :
Robert a une belle chevelure, même s’il me précise qu’il a perdu beaucoup de cheveux depuis ces
trois dernières années.
Son teint est jaune terne.
Pouls au 3R :
Présent
Rythme changeant, parfois rapide (3.3.2.), parfois normal (2.2.1.)
Palpation :
Tout est mou sauf la Terre digestive
Langue :
Elle est rose terne, humide, avec un léger enduit jaune sur le Foyer Inférieur.
Elle est gonflée sur tout le pourtour de la langue, sur les zones Bois, Feu et Métal, ce qui creuse la
zone Terre, fissurée dans sous les sens.
Robert sent sa bouche pâteuse et sa langue grosse dans sa bouche.
Pouls :
Le yang est fin, le yin est affaibli, tout est vide surtout le Foyer Supérieur
Diagnostic :
La plupart des symptômes de Robert évoque un vide de yin des Reins :
- les acouphènes
- la douleur lombaire qui l’a fait faire ses premières analyses
- la transpiration nocturne
- la vision avec flash
- la frilosité la nuit
- la fonction des Reins affaiblie
- le myélome, atteinte osseuse
Les symptômes relatifs au souffle et à la voix signifient un vide de l’organe Poumon. On peut ajouter
la perte des cheveux, l’asthénie (symptômes d’un Poumon en vide) et les urines fréquentes en
grande quantité (pathologie de la voie Lo du Poumon). Peut-être que les problèmes de nez qui coule
et se bouche sont également dus à cette faiblesse des Poumons qui n’arrivent plus à brumiser les
liquides.
64
CAS CLINIQUE
L’écoulement nasal est une pathologie de la voie Lo de Vessie, liée en midi minuit avec les Poumons.
La Vessie est également liée en avers revers avec les Reins. Ce symptôme pourrait donc également
être dû au vide des Reins, de même finalement que les urines fréquentes.
Les urines foncées montrent une chaleur qui est sans doute également due au vide de yin des Reins.
La vue qui baisse et les crampes sont des symptômes se rapportant à l’élément Bois, un Bois vide
également, vide peut-être du sang qu’il est sensé stocker pour alimenter les muscles et les yeux.
L’anamnèse apporte peu d’éléments se rapportant à la Terre, si ce n’est l’intérêt que Robert porte à
la période Moyenâgeuse et les nécessaires cogitations qu’implique la composition musicale.
Nous savons toutefois que la Rate est à l’origine des cancers. En tant qu’organe appartenant à la
Terre, elle détient les règles de la chair. Mais non nourrie, incorrectement nourrie ou non tempérée
dans ses ardeurs, elle peut perdre le mode d’emploi du corps qui se met alors à dysfonctionner. C’est
ce qui se passe pour Robert : la moelle rouge contenue dans les os plats est devenue défectueuse
quant à son activité hématopoïétique. Le sang est incorrect, il ne nourrit plus la vie.
La langue de Robert est expressive :
Le creux et les fissures de la zone Terre montrent une Rate en vide d’énergie yin correcte.
Le gonflement des zones Bois, Feu et Métal montre que le yin a été envahi par une énergie
incorrecte de type humidité.
L’enduit signe une légère chaleur, par vide de yin.
La couleur de la langue n’est pas significative.
Son teint est jaune, son visage n’a plus l’incarnat du Cœur, il a la couleur de la Terre.
A ce stade, je ne saurais dire qui est l’empereur de la maladie, une Rate qui a attaqué son Ennemi
Vaincu dans l’Honneur ou un Rein affaibli qui s’est fait envahir par son Conseiller à la Cour ? Les vides
des Poumons et du Foie étant pour moi les conséquences d’une énergie générale affaiblie. C’est ce
que montrent les pouls aujourd’hui, un affaiblissement de l’énergie yin et un dépérissement de
l’énergie yang.
Traitement :
Au vu de l’ensemble des éléments récoltés lors de cette première rencontre, la priorité est de
remonter l’énergie yin des Reins, en s’aidant de la force du yang, de l’énergie nécessaire à la
fécondation de l’Eau. Il faut également redonner du souffle à Robert.
Parallèlement, il semble intéressant de travailler sur la mer des moelles ; elle possède les archives de
ce qu’a perdu la Rate et a le pouvoir de régénérer la bonne information qui permettrait à la moelle
de l’os de faire à nouveau son travail correctement.
Je fais alors le traitement suivant :
12JM (t) point qui utilise l’énergie alimentaire pour faire du yang, point central de la mer des liquides
et des céréales, mer nourricière du corps et des autres mers ; ce point est aussi le Mo de l’estomac,
Fu capable d’apporter à la Rate une énergie yang correcte et de la contenir ; l’Estomac est également
l’époux qui soutient les Reins.
65
CAS CLINIQUE
36E (t) point constitutif de la mer des liquides et des céréales qui envoie une branche au cerveau et
permet ainsi la connexion avec la mer des moelles ; point Terre, Penn, il nourrit la manifestation ;
point du yangming, il apporte du sang et de l’énergie à l’ensemble du corps; il est de plus indiqué
pour fortifier l’organisme, renforcer la vue et pour les acouphènes.
39VB (t) point central de la mer des moelles, point Lo des 3 yang du Bas, il renforce le yang et
dynamise les moelles ; son nom est cloche suspendue et par analogie entre le bruit des cloches et les
acouphènes, il traite les oreilles, reins de la tête.
3R (t) point Iu nourricier des Reins, point Yuan allant puiser de l’énergie pour les Reins dans Yuann
Tchi.
Reprise des pouls : le yang est moins fin, le yin se forme un peu ; la loge des Reins reste toute petite,
toute molle, le Foyer Supérieur reste vide
Je poursuis le traitement avec :
14R (t) Mo de Manaka des Reins pour renforcer le yin de l’organe Rein ; ce point s’appelle prospérer
ou entrepôt de la moelle, l’énergie yin du méridien des Reins prospère à ce point pour renforcer la
moelle osseuse qu’entreposent les os.
17JM chauffé point central de la mer de l’énergie, pour renforcer l’énergie originelle ; point maître
du Foyer Supérieur pour nourrir ce foyer vide aux pouls ; indiqué pour des difficultés de respiration,
pour nourrir le Cœur, mère de la Rate.
----------------------------
J’ai revu Robert environ dix jours après cette première séance.
Son problème respiratoire s’était quelque peu amélioré mais il était toujours présent.
Le rose de sa langue était un peu moins terne, plutôt pâle, avec un enduit sans caractéristique
particulière.
Le pouls était toujours affaibli dans le yin mais peut-être un peu moins car un aspect glissant
supplémentaire était désormais perceptible.
J’ai donc poursuivi la stratégie consistant à renforcer le yang, les Reins et les Poumons pendant les 23 séances suivantes. J’ai toutefois fait des traitements différents, ne souhaitant pas utiliser
systématiquement la mer des moelles pour ne pas épuiser les réserves, introduisant d’autres points
comme par exemple le 11R parce qu’il est situé sur l’os plat du pubis, siège principal à l’âge adulte de
la moelle rouge qui fabrique le sang ou le 11JM parce que son nom est établir l’interne et qu’en cela
il aide la Rate à retrouver le mode d’emploi du fonctionnement physiologique du corps ; j’ai associé
le 20TM, point qui communique avec le cerveau pour lui redonner une bonne information, point qui
renforce le yang.
Dans le courant du mois de novembre, Robert est allé voir son acupuncteur parisien.
Les caractéristiques fondamentales du pouls n’avaient pas changé. Toutefois, l’aspect glissant avait
disparu et le pouls avait repris suffisamment de consistance pour qu’il puisse commencer à déceler
l’origine de la lésion, qu’il a située au Cœur.
66
CAS CLINIQUE
Parallèlement Robert a fait de nouvelles analyses qui ont montré que le taux de créatinine avait
légèrement baissé, ce qui signifiait que les Reins fonctionnaient un peu mieux. Il respirait mieux aussi
et son teint n’était plus jaune.
Pour information, un taux correct de créatinine dans le sang se situe aux alentours de 8. Les analyses
précédentes de Robert affichaient un taux à 24. Le nouveau taux était de 21. Ce chiffre était loin
d’être idéal mais il avait baissé, ce qui était encourageant.
Nous avons poursuivi les séances, au cours desquelles j’ai commencé à intégrer sa problématique
d’épaule toujours douloureuse, presque handicapante pour réaliser certains gestes, et la lésion
primitive d’un Cœur en vide sur les conseils avisés de son acupuncteur parisien.
Les pouls ont commencé à prendre un peu de consistance, à révéler des formes sur lesquelles
s’appuyer pour affiner les traitements de chaque séance et j’ai alors moi-même ressenti ce vide du
Cœur, de la loge Feu en général, qui pouvait par ailleurs expliquer cette douleur d’épaule qui s’est
amoindrie au fil des séances mais qui n’a jamais disparu.
Constater ce vide du Cœur m’a permis d’orienter l’une de nos discussions et d’aller un peu plus loin
dans la compréhension de sa pathologie.
Car quand Robert me parle de ce qu’il fait, la composition musicale, je sens une certaine frustration.
Il est vrai que l’acte de créer n’est pas si simple, la Rate est mise à rude épreuve, les émotions
s’enchainent de façon intense. D’autant plus que Robert me semble exigeant, avec les autres, avec
lui-même.
Mais dans le schéma classique des 5 éléments, quand la force des Reins a réussi à emmener la Rate
au bout de la création, quand l’œuvre est là, terminée, la satisfaction doit venir au Cœur. Or Robert
évolue dans un domaine musical classique assez particulier, qui intéresse finalement peu de gens. Il
lui manque à l’évidence la reconnaissance de la composition réalisée qui pourrait permettre à son
Cœur d’être satisfait et en paix. Et sans cette paix, sans le bonheur qui nourrit le Cœur, celui-ci se
retrouve vide, sans rien à donner dans le cycle Tcheng à son fils, la Rate. Celle-ci n’a alors plus que de
la frustration à ressasser, encore et encore. La Terre ne passe plus vers le Métal et attaque les Reins,
affaiblis car le cycle Tcheng nourricier est rompu.
Nourrir le Cœur, renforcer le chao yin car la force des Reins commence à manquer pour affronter et
réaliser certains projets (mais ceci n’est pas étonnant au regard de l’état énergétique de ses Reins),
faire en sorte que la Rate se remplisse d’une énergie correcte en relançant le cycle Tcheng nourricier,
tels ont été les principaux axes de travail des séances suivantes. Sans oublier un travail régulier sur la
mer des moelles ; tout en prenant en compte les spécificités de chaque séance, au niveau des pouls,
de la langue, des symptômes, de l’état émotionnel de Robert…
J’ai donc utilisé des points comme :
Le 7C, point IU nourricier du Cœur.
En dispersion et associé au 5Rte, en dispersion également, l’information de relance du cycle Tcheng
est donnée, initiant le passage du Feu vers la Terre et de la Terre vers le Métal.
Le 15V chauffé, point Shu du Cœur qui met du yang sur le Cœur et travaille non pas sur l’organe mais
sur l’énergie du méridien, sur le côté émotionnel de la pathologie.
67
CAS CLINIQUE
Le 23JM, point nœud du chao yin, également point accessoire de la Rate à l’heure de sa marée
énergétique, intéressant pour disperser l’énergie incorrecte d’une Rate pleine qui ne veut pas
circuler et attaque.
----------------------------
Au fil du temps, l’état de Robert change :
- ses urines se font plus foncées
- ses acouphènes se font plus forts
- les écoulements nasaux et rétro nasaux se font chroniques ; il a la sensation d’avoir la zone
du nez toute congestionnée
- son sommeil devient plus difficile : il se réveille une ou deux fois dans la nuit et à partir de 5h,
il cogite sur son travail, somnole avec des rêves fatiguants ; de fait il n’est pas bien reposé et
ressent une fatigue générale qui l’accompagne toute la journée
- il a facilement mal au dos : raideur douloureuse des lombes au réveil ; la douleur peut
monter le long de la colonne dans la journée
- il ne se sent pas mal, mais il s’est déjà senti mieux
Nous sommes en mai et Robert a fait un scanner ainsi que de nouvelles analyses pour surveiller
l’évolution de sa maladie. Les résultats ne sont pas bons. Les cellules cancéreuses se sont multipliées,
le taux d’hémoglobine dans ses urines est trop élevé, son taux de créatinine est toujours mauvais. De
plus le scanner révèle une déminéralisation générale des os, avec des lacunes sous la crête iliaque
droite et juste au-dessus de la tête du fémur, à droite et à gauche. Une IRM du squelette est prévue
prochainement pour voir s’il y a d’autres lacunes.
Robert est très énervé par ces résultats. Il est en colère, contre lui-même, contre les personnes qui
l’accompagnent et lui donnent des traitements sensés améliorer la situation.
Suite à ces mauvaises nouvelles il décide de reprendre une discipline de vie plus stricte, comme avant
les petites améliorations qui l’ont fait se relâcher un peu : reprise du qi gong de façon plus consciente
et plus concentrée, reprise d’une alimentation plus adaptée…
En d’autres mots, la maladie évolue et Robert a peur. Il va remettre de l’ordre, du Bois, pour essayer
de contrôler sa terre qui le ronge, il va s’alimenter mieux, pour que le yang ming le soutienne dans
ses efforts et que la Terre ne soit pas nourrie dans sa lésion.
Séance fin mai 2014
Lors de la séance précédente, au cours de laquelle il m’a informé des mauvaises nouvelles ci-dessus,
Robert avait de nouveau des difficultés à respirer.
Suite à une prise d’homéopathie il avait des douleurs au cœur avec des sensations d’oppression.
Il avait souvent aussi la sensation d’avoir la gorge serrée après le repas du soir ainsi qu’une sensation
de ballonnement au-dessus du nombril.
Aujourd’hui, il n’a plus mal à la poitrine. Sa digestion s’est un peu améliorée. Il n’a eu qu’une seule
fois l’impression d’étouffer.
68
CAS CLINIQUE
Pouls aux 3R :
Présent, temps long de ses respirations, ce qui donne un pouls rapide
Langue :
Rose, humide
Léger enduit blanc sur le FI
Gonflée sur tout le pourtour, Terre creusée et fissurée dans tous les sens
Pouls :
Reins et Foie plein et glissant
Rate forte
Yang un peu fin
Traitement :
Robert n’a pas aujourd’hui de symptômes aigus à gérer comme lors de la séance précédente. Je peux
donc concentrer le traitement sur la nouvelle majeure révélée lors du scanner, à savoir la
déminéralisation du squelette.
Je décide alors de travailler sur la mer du sang et des 12 méridiens, mer capable de régénérer la vie
dans les os, de nourrir la trame du corps pour que s’écoule le sang.
Je fais le traitement suivant :
12JM (t) point central de la mer des liquides et des céréales, fournissant une énergie yang sur
laquelle on peut compter ; j’utilise ce point pour nourrir la mer du sang et des 12 méridiens ; ce point
est toujours intéressant pour soutenir les Reins.
30E (t) piqué en transfixiante vers le 11R ; le yang pénètre au 30E dans le yin, il est envoyé pour
féconder à nouveau l’Eau des Reins et redonner à l’os situé sous le 11R, l’os plat du pubis, son rôle de
fabrication du sang, rôle que lui avait assigné le Tchong Mo, merveilleux vaisseau d’origine issu du
ciel antérieur et chargé de la structure interne du corps ; le 30E fait ainsi le lien entre le ciel antérieur
et le ciel postérieur ; il fait également le lien entre le yang et le yin, entre le Ciel et la Terre, entre la
musique céleste de Robert et sa Terre qui le ronge pour que sa manifestation terrestre perdure.
4Rte (t) point central de la mer du sang et des 12 méridiens, point clé du Tchong Mo.
5Rte (d) pour faire circuler la Rate forte vers le Métal dans le cycle Tcheng.
7R (t) pour faire circuler le Métal vers L’Eau, point King de cicatrisation des os.
11V (t) point par lequel se déverse dans la grande navette la mer du sang et des 12 méridiens, point
qui participe donc à la bonne constitution des os et à la bonne activité de la moelle.
43V chauffé point qui donne une information de fabrication du sang ; c’est aussi un point qui aide à
redonner de la joie au Cœur.
----------------------------
Séance début juillet 2014
Début juin Robert est allé faire l’examen prévu pour observer l’état de son squelette. Cet examen
s’appelle un PET Scan et consiste en l’injection d’un produit légèrement radioactif dans le corps qui
va se fixer sur les tumeurs ou les métastases pour les "mettre en lumière".
69
CAS CLINIQUE
L’état de Robert s’est dégradé radicalement suite à cet examen :
- à la sortie de l’examen, il a eu mal au cœur,
- le soir même, il a fait une grosse fièvre (4O,6°) avec tremblements convulsifs,
- dans les quelques jours qui ont suivi, son poignet gauche est devenu douloureux et a gonflé ;
par peur d’une fracture spontanée il est allé aux urgences, où des analyses ont montré un
taux de créatinine en forte augmentation, ce qui signifiait une aggravation du vide de yin des
Reins.
Il est resté une semaine à l’hôpital où il a été mis sous antibiotiques à large spectre.
Il est ensuite rentré chez lui et a été mis sous cortisone pour une durée de trois mois, jusqu’en
octobre.
J’ai vu Robert au début du mois de juillet, ce n’était plus tout à fait le même homme. Il avait perdu
6kgs, était affaibli musculairement, ses mains tremblaient, il avait perdu de la précision dans ses
mouvements. Son poignet gauche était toujours douloureux. Il était épuisé, dormant peu à cause
d’une certaine excitation, sentant son cœur battre. Mais surtout, du fait de sa faiblesse musculaire, il
s’était fait mal au dos au niveau des lombaires. Un examen courant juillet révèlera une fracture
spontanée au niveau de L3 ainsi que la fêlure d’une côte.
Pouls 3R :
Présent, pouls rapide avec un temps toujours infiniment long de ses respirations
Langue :
Pâle, humide, gonflée sur tout le pourtour, creusée et fissurée sur la Terre
Traces de salives sur les côtés, indiquant une chaleur du Foie
Pouls :
Gros, pleins, mous, notamment dans le yin et sur le Foie.
Diagnostic :
Le diagnostic n’était pas simple. Les médecins n’en avaient pas, ils n’expliquaient pas ce qui s’était
passé. Moi je suppose que le produit radioactif était un fong Feu qui a contribué à consumer un yin
déjà très affaibli et perverti par l’humidité de la Rate, à assécher l’Eau des Reins, entrainant une
stérilité des os. Sans production de sang correcte, le Foie n’a rien à stocker, rien pour nourrir les
muscles qui aident au maintien de la structure osseuse, rien pour nourrir les méridiens qui se laissent
envahir par une Rate devenue incontrôlable. Il n’a que les antibiotiques qu’on donne à Robert, qui
contribuent à mettre le Foie en souffrance et à faire travailler inutilement l’énergie OE.
Mais il y avait un point positif, le taux de créatinine était revenu à son chiffre initial, celui d’avant le
PET Scan.
Traitement :
J’ai entrepris de nettoyer l’énergie yin avec un Iu Mo des Reins : 23V (d) au moxa + 25VB (t).
Le pouls du Foie étant vraiment très gros, j’ai également fait un Iu Mo du Foie : 18V (d) au bâton de
moxa + 14F (t) pour dégager la chaleur et la plénitude du Foie.
70
CAS CLINIQUE
J’ai puncturé le 4TM en tonification pour renforcer l’énergie yang des Reins et les lombaires (je ne
savais pas encore quelle vertèbre était lésée).
J’ai ajouté les 66V (t) + 3R (t) pour renforcer encore les Reins et Yuan Tchi.
J’ai puncturé le 4JM (t) point de réunion des Tching Kann des trois méridiens yin du bas pour soutenir
les muscles du dos.
J’ai terminé le traitement avec le 2TR (t), porte des liquides pour renforcer l’Eau, point antiinflammatoire, indiqué pour toutes les maladies occasionnées par une attaque de fong, pour le
manque d’énergie défensive, pour les essoufflements et les palpitations, et par le 4TR (t) pt Yuan qui
distribue l’énergie de MingMen (en lien avec le 4TM et les 66V et 3R), point qui renforce les tendons
et soulage les articulations, pour la douleur locale située au niveau de son poignet.
Cela faisait beaucoup de points mais tout cela m’a semblé nécessaire.
----------------------------
J’ai revu Robert fin juillet, la douleur au niveau de L3 était encore présente mais s’était estompée, ce
qui lui a permis de partir ensuite en vacances à la montagne. Son séjour fut très agréable, il s’est
senti bien même si limité par son dos.
Le retour a été difficile. Moralement, je l’ai senti usé, découragé. Physiquement, sa colonne
vertébrale a commencé à s’effondrer, son axe chao yin s’est brisé : entre septembre et décembre,
des fissures, autrement dit des fractures, sont apparues spontanément au niveau de L3 (en juillet),
L2, L1 et D12 (à environ 1 mois d’intervalle). Un scanner a également mis en évidence l’usure du
disque vertébral entre D11 et D12 ainsi que le début d’une hernie discale entre L4 et L5.
Mi-décembre une nouvelle fracture est survenue, au niveau de D11 ou de D10, suite à laquelle j’ai
convaincu Robert de porter un corset, pas toute la journée mais au minimum quand il était debout,
actif, pour soutenir sa colonne vertébrale, son corps n’étant plus capable de le faire, et lui éviter de
nouvelles fractures. Ce n’était pas confortable car le corset n’était pas fait sur mesure et blessait un
peu ses côtes. Mais la colonne a cessé de se fissurer.
Pendant toute cette période, de l’automne 2014 au printemps 2015, j’ai travaillé à soulager les
douleurs, très intenses et qui concernaient aussi bien les lombaires que la colonne jusqu’au niveau
des omoplates, irradiant souvent vers les côtes, à renforcer les Reins, à faire lâcher le pouls gros,
mou et glissant du Foie, à soutenir les muscles et les tendons (avec par exemple 34VB Roe des
muscles et des tendons + 39VB Roe des moelles, afin de renforcer les muscles et les os ; 36V
également, pour que les jambes aide le dos à supporter le poids du corps), à refaire du sang (10Rte,
mer du sang, ou 43V, point du GaoHuang qui fabrique du sang), à nourrir la trame par la mer du sang
et des 12 méridiens (11V en point principal, Roe des os, associé parfois au 16GI, JuGu, qui travaille
sur la trame des os et point local de sa douleur d’épaule persistante, parfois au 37E et/ou au 39E
pour rendre force aux jambes qui se sont affaiblies), à aider à la cicatrisation des os avec le 7R, à faire
circuler l’énergie dans les lombaires en puncturant des points du Tou Mo comme les 2TM et 3TM,
deux points qui intègrent l’idéogramme YAO représentant deux mains ceignant la taille, soutenant
les lombes, ou encore le 4TM, MingMen bien sûr ou la porte de la vitalité.
71
CAS CLINIQUE
J’ai beaucoup travaillé avec le 6TM, ce point très intéressant qui œuvre à la réparation de tout le
système vertébral à l’étage de la Rate, qui peut-être force cette dernière à user de son énergie pour
réparer plutôt que détruire la manifestation que la Terre a engendrée.
J’ai aussi parfois puncturé le 8TM, ses douleurs dorsales entrainant des contractions musculaires
elles aussi très douloureuses.
L’ajout de massages à la ventouse sur les lombaires et le long de la colonne vertébrale a beaucoup
aidé à le soulager.
----------------------------
Séance fin mars 2015
Robert a encore le visage marqué par la douleur. Au niveau des lombaires, ça va à peu près ; en
revanche subsistent ses douleurs du dos, au niveau de l’omoplate ; il a des douleurs costales à
gauche sous le sein et au niveau de l’épaule droite. Son sommeil est très difficile.
Surtout, nous faisons ensemble le constat qu’il est plus petit, vouté ; il a maigri, perdu du muscle et je
remarque que sa onzième côte touche quasiment sa crête iliaque. Son corps s’est effondré. Luimême me dit « ce n’est pas mon corps », symptôme très significatif d’une mer du sang et des 12
méridiens en vide.
Ses dernières analyses sont mauvaises, son oncologue aimerait qu’il accepte enfin de faire une
chimiothérapie. Robert attend les prochaines analyses pour se décider.
Sa langue est toujours rose pâle, gonflée sur tout le pourtour avec une zone Terre creuse et fissurée.
Au niveau des pouls, le yang est redevenu fin, le Foyer Supérieur court et le yin mou et glissant.
Comme lors de notre première séance.
Robert allant quand même vers le mieux et le début d’une chimiothérapie se profilant, je décide
aujourd’hui de reléguer ses symptômes physiques au second plan et d’élaborer mon traitement à
partir de l’interprétation symbolique que j’ai faite de sa pathologie.
Réflexion :
Nous avons vu qu’aujourd’hui, le squelette de Robert est déminéralisé. Comme une terre qui
manque d’eau, ses vertèbres se fissurent, désormais trop fragiles pour supporter le poids de son
corps.
Mais avant cela, sa toute première lésion osseuse a été au niveau de sa crête iliaque droite. Pourquoi
là sa première lacune constatée ?
Une réponse basée sur un fonctionnement physiologique pourrait être que l’os iliaque est l’un des
principaux sièges du processus de fabrication du sang, os plat contenant beaucoup de moelle rouge.
Là serait donc l’origine du dysfonctionnement, premier lieu de concentration des cellules malignes,
premier lieu de destruction.
Mais d’autres hypothèses sont à émettre dont l’hypothèse énergétique bien sûr, sur laquelle repose
le travail d’acupuncture et qui peut être enrichie d’une dimension symbolique.
72
CAS CLINIQUE
Robert est né avec le cordon ombilical le reliant à sa mère entouré autour de son cou. Il a peiné à
bénéficier du premier R de son nom mais a finalement réussi à inspirer cette première bouffée d’air
qui lui a permis de vivre. Le B de son nom a été nourri par l’O, sa mère, pour tendre vers l’unité des
trois plans que représente le E, le physique, l’âme et l’esprit. Mais au-delà de l’allaitement maternel
qui nourrit le Bébé, sous ces deux seins que dessine le B réside le Cœur, qui doit être nourri au cours
de la vie par l’Eau dans la satisfaction de la réalisation.
Mais nous avons vu que Robert n’atteignait pas cette satisfaction de la réalisation. Le schéma même
de son nom est rompu. Rob-erre. Le E n’est pas atteint car son Cœur est en errance. Insatisfait, il n’a
rien à donner pour nourrir sa Terre et donc sa manifestation terrestre. Alors la Terre se dérègle et
perd le schéma de création du sang. C’est comme si le fonctionnement du corps cherchait à se
calquer sur le fonctionnement de l’esprit. La réalisation du Rein ne donne pas satisfaction au Cœur.
De même la moelle rouge de l’os, qui est sous la dépendance des Reins, ne donne pas au Cœur sa
nourriture terrestre, un sang correct. Du manque de cette nourriture essentielle s’ensuit
l’affaiblissement inévitable de toutes les structures qui composent le corps humain.
Affaiblissement qui a donc commencé au niveau de l’os iliaque.
Etymologiquement simple, son sens est os de la hanche.
La forme de l’os et les sonorités de son nom évoquent une aile.
C’est également un os des îles.
Cet os serait donc à la fois l’aile de la création qui permet l’envol spirituel et l’île à atteindre, parcelle
de terre protégée qui apporte le calme et le repos nécessaires après l’agitation du voyage, ce lieu où
le Cœur, l’empereur, pourra régner en paix dans le monde, ne serait-ce qu’un instant.
« Contre les flots de l’océan, on cherche le secours du rocher. »
Mais si la satisfaction du Cœur ne vient pas avec la réalisation de l’œuvre créée, si le repos espéré
n’est pas au bout du voyage, l’être peut commencer à douter de l’existence d’une quelconque île,
penser qu’il ne s’agit que d’une idée, une pure chimère telle l’oasis au milieu du désert, et considérer
que cette aile ne sert à rien puisque le voyage ne mène nulle part qu’à la frustration et la naissance
d’un nouveau désir.
Alors l’esprit va oublier ce concept d’île. Et à sa suite le corps va la détruire, ne recevant plus
d’informations relatives à cette partie de lui. Il va faire disparaître cette aile, aile de la création
pourtant mais aussi abri du fœtus avant son irruption contrainte dans la turpitude du monde, éden
perdu à la naissance vers lequel l’espoir d’un retour parait vain.
La vie de Robert est devenue errance, ne le faisant pas atteindre le T final de son nom, ce T que l’on
n’entend pas, silencieux, comme un présage de la dématérialisation en cours de sa manifestation
terrestre. Robert doit retrouver foi en son os des îles, symbole de la renaissance et de l’immortali-T,
son O doit nourrir son B et tendre vers ce T au risque de continuer à assister à la destruction de son
corps, de son nom par l’envers.
Traitement issu de cette réflexion :
Un point s’est imposé : le 26VB DaiMai, vaisseau ceinture.
L’idéogramme DAI évoque une ceinture au-dessus de la robe.
Robert est une robe-qui-erre par défaut de ceinture.
73
CAS CLINIQUE
Ce point représente alors la ceinture qui lui manque, celle qui empêchera l’errance de la robe. Il
resserrera la ceinture pour maintenir ses lombaires en souffrance, assise de la colonne vertébrale,
soutien de la verticalité de l’homme.
J’ai piqué ce point en premier en tant que point local de sa problématique chronique.
J’ai ensuite piqué le 1Rte, YinBai, esprit caché ou blanc caché.
L’idéogramme YIN associe l’idée de jouir du fruit de son travail avec le caractère du Cœur, ce qui
mène vers la paix du Cœur, satisfait de son travail, qui a ce qu’il lui faut et ne désire pas davantage.
Recatégorisé par la clé 170 représentant un monticule, le caractère prend le sens de vivre caché dans
les montagnes, autre façon d’imaginer le repos du Cœur, à l’abri dans son île ou retiré dans son
palais, loin des désirs qui tourmentent.
BAI évoque le blanc du Métal et peut aussi être considéré comme l’abréviation du PRO, cette entité
qui gouverne la forme corporelle, cet instinct de survie qui protège la manifestation terrestre.
Ce point semble alors tout indiqué dans le cas de Robert, en tant qu’il invoque la paix du Cœur et la
protection du corps, enveloppe terrestre qui le met à l’abri du monde.
A la recherche de son principe d’immortalité en péril dans ses os, ce point évoque la renaissance par
le deuil, d’une œuvre ou d’une reconnaissance extérieure, le 4 du Métal qui mène vers le 5 de
l’homme comblé qui a tout pour avancer à nouveau sur le chemin de son chao yin.
Il est également intéressant que ce point soit le point Ting de la Rate, le point Bois qui fait germer la
manifestation, le point qui oblige la Terre à distribuer l’Eau bienfaisante, arrosant l’être pour lui
permettre de s’élever et de grandir.
Puis j’ai tonifié le 4Rte, point central de la mer du sang et des 12 méridiens qui se déverse dans les os
et nourrit la trame, point clé du Tchong Mo aussi, merveilleux vaisseau d’origine qui se connecte aux
Reins et à Yuann Tchi pour retrouver les informations de l’inné, le schéma de la construction
première de l’homme dans le bassin maternel ; il fait le fil entre vie et une autre ; il est aussi le point
Lo de la Rate qui nourrit les méandres des intestins pour que soit facilitée l’élimination des désirs qui
nuisent à force d’errer.
J’ai chauffé le 10Rte, XueHai, pour féconder la mer du sang, pour faire sourdre du vase sacrificiel
(XUE) le sang primordial, fluide nourricier de la vie, pour avoir un sang correct à faire circuler.
J’ai tonifié le 31E, BiGuan, pour que l’Eau de la Terre et le sang puissent passer la barrière de la
hanche, s’élever au-delà de l’os défectueux qui bloque et pénétrer dans le cœur de la forteresse, ce
tronc qui s’effondre.
J’ai tonifié le 17R, ShangQu, point Mo de Manaka de la Rate pour la nourrir d’une énergie correcte,
pour qu’elle apporte un peu d’Eau aux Reins et aux os asséchés ; il a une action sur la courbe du Gros
intestins, logis du Métal et du deuil nécessaire à la survie, il facilite ainsi la voie qui mène à la
renaissance par le franchissement de la barrière des hanches, comme lors du passage de l’état de
fœtus à celui d’homme né, il apporte également la lumière qui insuffle l’énergie yang nécessaire à la
vie, illumination de l’être qui permet son élévation le long de son axe et l’accès au palais de
l’empereur et la paix du Cœur.
74
CAS CLINIQUE
Le 19JM est ce palais impérial, il ne nomme palais pourpre, ZiGong.
Le "palais pourpre impérial" était le nom donné à la "cité interdite" qui se trouvait au centre de
Pékin. C’était un lieu privilégié, abrité, résidence de l’empereur interdite d’accès au peuple, d’où il
pouvait régner en paix.
C’est cette résidence que Robert doit atteindre.
J’ai par ailleurs chauffé les 4TM et 23V pour renforcer les lombes, en lien avec le 26VB, et continuer à
soulager les douleurs.
----------------------------
Début avril, j’ai été heureuse de voir Robert marcher un peu plus vite, être plus alerte. Il commençait
à avoir des moments où il ne souffrait pas, ce qui lui permettait de refaire quelques activités chez lui.
Son moral était donc plus léger, il était souriant.
En revanche, les nouvelles analyses montraient que les fonctions physiologiques de Robert
continuaient de se dégrader. Il avait donc décidé de commencer une chimiothérapie, ce un peu après
la mi-avril.
J’ai revu Robert encore une fois juste avant le début prévu de sa chimiothérapie. Trois jours après, sa
fille m’a appelée pour me dire que son père ne viendrait pas au rendez-vous suivant, il ne pouvait
plus se déplacer, son sternum venait de se briser.
Le mur principal du château qui abritait l’empereur avait cédé.
Et cette phrase du Su Wen prenait tout son sens : « Le dos est l’atelier de la poitrine, s’il se courbe et
entraine avec lui les épaules, la poitrine sera déformée et détruite. »
75
CONCLUSION
L’objectif premier de ce mémoire était d’approcher le corps autrement, d’aller au-delà d’une
connaissance anatomique et physiologique, d’enrichir la vision énergétique en y ajoutant une
dimension symbolique susceptible d’aider à la compréhension d’une pathologie et d’élargir les
possibilités de traitements, pour réussir à mener le patient sur le chemin de sa guérison.
Je ne parle plus là spécifiquement de pathologie osseuse. Puisqu’un symptôme est à différencier de
sa cause, puisque les os s’avèrent être à la source de la vie qui s’écoule dans le corps et l’anime, qu’ils
sont vecteurs des énergies qui nous nourrissent, protecteurs du fonctionnement de la manifestation,
garants de la verticalité de l’homme, le thérapeute peut puiser dans la symbolique du squelette des
idées qui, remises dans un contexte précis, reconnectées à une personne en particulier, pourront
entrer en résonnance avec les maux de cette personne, osseux ou autres, avec son histoire, son état
énergétique, pourront l’éclairer sur l’origine du déséquilibre qui induit la maladie et l’amener vers la
puncture de points auxquels il n’aurait pas pensé spontanément ou alors pas pour les mêmes raisons
ni avec la même intention.
Personnellement, le bénéfice que je retire de la réflexion menée au travers de ce mémoire est bien
supérieur à cet objectif premier. Tout d’abord, conscientisée sans en être vraiment consciente par
mon sujet, j’ai expérimenté dans mon corps ce qu’était une gestation intérieure intellectuelle ; celle
qui habite l’esprit autant que le bassin, celle qu’abritent ces os des hanches qui m’ont plus d’une fois
au cours de cet exercice dérangée pendant mon sommeil, même si j’avais désormais le plaisir de
prétendre savoir pourquoi. Ensuite parce qu’en toute cohérence avec ce que j’ai écrit, qui je le sais
n’est qu’un point de vue établi sous l’angle de l’os, on re-sort grandi d’une gestation, un peu plus
élevé le long de sa propre verticalité. Et c’est le sentiment que j’ai, d’être un peu plus "éclairée" sur la
philosophie de l’énergétique chinoise, d’avoir saisi certaines choses auxquelles je n’avais jusqu’alors
pas prêté assez d’attention et surtout d’avoir réellement pris la mesure de l’immensité du champ des
possibles offert par l’acupuncture, un art dont la maîtrise demandera encore bien d’autres
recherches, réflexions, maturations, un art sérieux qui manie maintes notions avec justesse et
précision avec comme unique objectif la sérénité de l’homme, la joie du Cœur nécessaire à la
pérennité de l’existence.
Je clos alors ce mémoire avec l’impression d’avoir fait un pas, de m’être avancée sur le "chemin
caché" de l’acupuncture, cette voie qui mène à l’état de "grand ouvrier" que j’espère atteindre un
jour, dans cette vie ou dans une autre.
76
BIBLIOGRAPHIE
Livres :
Ling Tchou, de Jean Motte
Les chemins cachés de l’acupuncture, de Jean Motte
Su Wen, d’André Duron
Le symbolisme du corps humain, d’Annick de Souzenelle
Le dictionnaire des symboles, de Jean Chevalier et Alain Gheerbrant
Petit dictionnaire de la langue des oiseaux, de Luc Bigé
L’esprit des points, de Philippe Laurent
Merveilleux vaisseaux, de Bernard Desoutter
Extraits :
Les entrailles curieuses, par N. Savigny
Médecine traditionnelle chinoise et embryologie : merveilleux vaisseaux, mingmen, trois réchauffeurs
et xuli, par Robert Du Bois
Et cette source inépuisable d’informations qu’est internet, avec des sites comme notamment:
http://fr.wiktionary.org
http://fr.wikipedia.org
http://www.embryology.ch
77