LANDES, PELOUSES, MARES ET FORÊTS SUR SOLS ACIDES
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LANDES, PELOUSES, MARES ET FORÊTS SUR SOLS ACIDES
LANDES, PELOUSES, MARES ET FORÊTS SUR SOLS ACIDES Photo : C. Blondel 6 LANDES, PELOUSES, MARES ET FORÊTS SUR SOLS ACIDES PRÉSENTATION GÉNÉRALE Les affleurements sableux et argileux (argiles à silex) de la région qui génèrent la plupart des sols acides sont très localisés. Ils correspondent à des assises géologiques du Tertiaire (± 100 millions d’années), dont la plus grande partie a été érodée au cours des temps. Les couches témoins qui subsistent, reposant sur la craie, sont disséminées à travers la région. L’un des plateaux les plus étendus est situé près de Saint-Omer et s’allonge d’Helfaut à Racquinghem. Un autre secteur, particulièrement intéressant, est celui du plateau de Sorrus/SaintJosse. Le sommet des monts de Flandre constitue un autre ensemble de sites où la flore et la végétation acidiphiles étaient autrefois bien développées. La forêt de Saint-Amand masque l’affleurement le plus étendu de la moitié est de la région mais des lentilles de sables subsistent aussi çà et là dans le Cambrésis. Enfin, les schistes et grès primaires de l’Avesnois présentent des sols acides par endroits, en particulier dans la région de Cousolre et vers Anor. Véritables îlots de sols très pauvres et acides au sein des immenses et riches plateaux limono-crayeux, ces sites abritent une flore spécifique naturellement peu répandue dans la région. Landes et forêts constituent l’essentiel de ces paysages mais des étangs agrémentent certains sites, en particulier sur le plateau d’Helfaut et dans l’Avesnois. Ailleurs ou sur les mêmes sites, de petites mares plus ou moins disséminées ou d’anciennes fosses d’extraction d’argile offrent les conditions propices au développement de nombreuses espèces amphibies rares. P L A N T E S P R O T É G É E S E T M E N A C É E S D U N O R D / PA S - D E - C A L A I S - 215 PATRIMOINE FLORISTIQUE La flore des rares affleurements de sables, d’argiles à silex et de grès présente une aire de répartition disjointe, éclatée. Au-delà de la rareté des espèces, la sensibilité des habitats et de la flore associée est d’autant plus grande que ces milieux sont souvent peu étendus. L’isolement des sites entre eux est aussi un handicap important en cas de disparition locale d’une population de plante ; en effet, d’autres individus de la même espèce ont peu de chance de pouvoir coloniser à nouveau l’espace déserté si des biotopes similaires ne subsistent qu’à plusieurs dizaines de kilomètres de distance, voire à l’autre bout de la région. Pour toutes ces raisons, la flore des milieux acides oligotrophes est particulièrement précieuse dans le Nord/Pas-de-Calais. Bien que les tourbières acides et les landes possèdent un cortège floristique pauvre comparé à d’autres habitats naturels, elles hébergent de nombreuses espèces strictement inféodées à ces milieux. On y rencontre par exemple le Lycopode en massue (Lycopodium clavatum) et une plante carnivore, le Rossolis à feuilles rondes (Drosera rotundifolia). Le Rhynchospore brun (Rhynchospora fusca) est une espèce rare en France dont il existe une station dans le Pas-de-Calais, l’espèce étant récemment réapparue après une éclipse de plusieurs décennies et ce, suite à la restauration de la mare qui l’hébergeait. Plusieurs espèces ne se rencontrent plus que dans un seul site de la région : Millepertuis des marais (Hypericum elodes), Scirpe d’Allemagne (Scirpus cespitosus subsp. germanicus), Éleocharide à tiges nombreuses (Eleocharis multicaulis), Lycopodielle inondée (Lycopodiella inundata)... MENACES, PROTECTION, CONSERVATION De nombreuses dégradations ont entraîné un appauvrissement notable de la flore de ces sites fragiles. L’exploitation des sables et l’urbanisation ont pratiquement anéanti ce type de paysage dans les monts de Flandre et en ont nettement réduit l’expression dans les environs de Saint-Omer et de Sorrus/Saint-Josse jusqu’à une période relativement récente (années 1990 à 1995). Aucun site n’a été épargné par l’eutrophisation des sols : apports d’engrais et amendements divers, pollutions des eaux et des sols ou simplement contact avec des zones cultivées intensément. Plus ponctuellement, les milieux humides (grèves d’étangs, tourbières) ont été soit drainés, soit détériorés par des aménagements ou une gestion inadaptée (berge abrupte des étangs utilisés pour la pêche...). Le développement des boisements en bordure des mares et des étangs a également limité les possibilités d’extension des végétations herbacées amphibies rases... déjà perturbées par l’envasement croissant de substrats au départ plutôt minéraux. De manière générale, l’embroussaillement à la suite de Végétation de cicatrisation de la lande à bruyères : Rhynchospore brun (Rhynchospora fusca), Rossolis à feuilles rondes (Drosera rotundifolia) et sphaignes (Sphagnum sp.) Photo : F. Hendoux 216 - P L A N T E S P R O T É G É E S E T M E N A C É E S D U N O R D / PA S - D E - C A L A I S TRANSECT 7 Dessin : F. Hendoux FORÊTS OLIGOTROPHES ACIDIPHILES ET LANDES ASSOCIÉES Installée sur sols sableux, la forêt oligotrophe est caractérisée par le Chêne sessile (Quercus petraea), dans certains cas le Hêtre (Fagus sylvatica), le Châtaignier commun (Castanea sativa) introduit de longue date, le Sorbier des oiseleurs (Sorbus aucuparia) et le Bouleau verruqueux (Betula pendula). Le sous-bois est souvent riche en Fougère-aigle (Pteridium aquilinum) et Houlque molle (Holcus mollis). L’Airelle myrtille (Vaccinium myrtillus), la Luzule des forêts (Luzula sylvatica), le Muguet (Convallaria majalis) sont plus rares. Dans les clairières et en position de lisière, la lande sèche s’installe avec la Callune (Calluna vulgaris) et, dans l’ouest de la région, la Bruyère cendrée (Erica cinerea). Cette végétation est souvent concurrencée par le Genêt à balais (Cytisus scoparius) et, vers l’ouest, l’Ajonc d’Europe (Ulex europaeus). Sous l’effet du pâturage, la lande laisse la place à une mosaïque de pelouses sèches où plusieurs espèces annuelles comme l’Aïra précoce (Aira praecox) et l’Ornithope délicat (Ornithopus perpusillus) se mêlent à des graminées vivaces comme la Fétuque capillaire (Festuca filiformis) et l’Agrostide capillaire (Agrostis capillaris). Le passage à des pelouses plus Chênaie acidiphile à Myrtille (Vaccinium myrtillus) en forêt départementale d’Eperlecques (62) Photo : B. Destiné P L A N T E S P R O T É G É E S E T M E N A C É E S D U N O R D / PA S - D E - C A L A I S - 217 LANDES, PELOUSES, MARES ET FORÊTS SUR SOLS ACIDES l’abandon des pratiques pastorales extensives a abouti à une banalisation de certains milieux en quelques années. Heureusement, la prise de conscience de la disparition imminente de ces sites et de leurs paysages caractéristiques, de même que certaines mesures compensatoires négociées, ont incité les communes et les collectivités, avec l’aide de gestionnaires des milieux naturels, à protéger et restaurer une partie importante des grands systèmes acides de la région. Des travaux de gestion engagés ces dernières années se sont aussi révélés prometteurs pour le rétablissement de la fonctionnalité écologique des sites non altérés. Il reste maintenant à conforter les périmètres protégés et à étendre la gestion à l’ensemble des systèmes concernés afin de garantir l’avenir de ces milieux particulièrement originaux dans le contexte des plaines et collines crayeuses du nord de la France. Aulnaie-bétulaie à Osmonde royale (Osmunda regalis) en forêt domaniale de Desvres (62) Photo : B. Destiné hygrophiles se signale par l’apparition du Nard raide (Nardus stricta). Les mousses et les lichens peuvent être abondants. Dans les forêts plus humides , la Molinie bleue (Molinia caerulea) forme souvent une strate herbacée continue. Dans les zones les plus tourbeuses , l’Osmonde royale (Osmunda regalis) et la Laîche blanchâtre (Carex canescens) ornent les sous-bois. La lande humide se caractérise par la Bruyère quaternée (Erica tetralix). On y trouve d’abord la Laîche à deux nervures (Carex binervis) et, sur les sols les plus tourbeux, le Genêt d’Angleterre (Genista anglica) et la Linaigrette à feuilles étroites (Eriophorum polystachion). ÉTANGS ET BERGES SABLEUSES ASSOCIÉES Par endroits, des dépressions humides naissent lorsque l’argile imperméabilise le sol. La zonation qui s’observe alors en fonction du niveau d’eau et de ses variations horizontales est très diversifiée si les berges sont en pente douce. Du centre de la mare vers la périphérie, on pourra observer des herbiers aquatiques où des algues translucides (Characées) sont 218 - P L A N T E S P R O T É G É E S E T M E N A C É E S D U N O R D / PA S - D E - C A L A I S Végétation de lande hygrophile à Genêt d’Angleterre (Genista anglica) et à Bruyère à quatre angles (Erica tetralix) souvent les premières à coloniser le plan d’eau, auxquels se joint le Myriophylle à fleurs alternes (Myriophyllum alterniflorum). Puis apparaissent les espèces amphibies ; sur les substrats caillouteux ou sableux , on pourra rencontrer l’Éléocharide épingle (Eleocharis acicularis) et la Littorelle des étangs (Littorella uniflora) tandis que les argiles sont colonisées par le Scirpe flottant (Scirpus fluitans) et le Jonc bulbeux (Juncus bulbosus). En arrière de ces niveaux longuement inondables, on observera des végétations hygrophiles rases dans lesquelles l’Agrostide des chiens (Agrostis canina), la Pédiculaire des forêts (Pedicularis sylvatica) et diverses petites laîches (Carex demissa, C. panicea et/ou C. nigra) peuvent être abondantes. Souvent, la Molinie bleue (Molinia caerulea) et le Jonc à fleurs aiguës (Juncus acutiflorus) s’ajoutent ou se substituent à certaines des espèces précédentes quand le sol devient plus organique ou que la végétation se densifie. La Molinie bleue, quand elle devient quasi exclusive, peut alors former un tapis en brosse dense et continue. Végétation amphibie à Scirpe flottant (Scirpus fluitans) à Heuringhem (62) Photo : B. Destiné Photo : C. Blondel P L A N T E S P R O T É G É E S E T M E N A C É E S D U N O R D / PA S - D E - C A L A I S - 219