Le syndrome de congestion pelvienne

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Le syndrome de congestion pelvienne
LE SYNDROME DE CONGESTION PELVIENNE
APPROCHE ECHO-DOPPLER
Thierry HAAG - Hubert MANHES
Longtemps méconnue dans notre spécialité gynécologique, la pathologie veineuse
pelvienne doit être considérée maintenant comme une véritable entité. Les
caractéristiques anatomiques, physiologiques, histologiques et fonctionnelles du réseau
veineux pelvien, permettent de mieux comprendre sa fragilité et sa prédisposition à
lʼinsuffisance.
10 à 15% de nos patientes douloureuses pelviennes chroniques, correspondent à ce
syndrome. Pourtant il est souvent sous diagnostiqué ou de diagnostic tardif, par manque
de spécificité des signes cliniques et une mauvaise connaissance de ce syndrome par les
gynécologues.
Lʼapproche de cette pathologie veineuse pelvienne sʼest faite lors de nos coelioscopies
pour douleurs pelviennes chroniques. La participation veineuse congestive apparaît sous
forme de dilatations veineuses, localisées ou intéressant lʼensemble du système collecteur
pelvien. Ces varicocèles vont servir de guide à la recherche de lʼobstacle en amont
(rétroversion utérine, torsion sur adhérences...). Dans un premier temps cette participation
veineuse a été confirmée par les hystérophlébographies trans-utérines, technique
invasive, douloureuse, aujourdʼhui abandonnée au profit de lʼécho-doppler.
hystérophlébographie et aspect coelioscopique
Le diagnostic peut déjà être évoqué si lʼon prend le temps dʼécouter la patiente et son
histoire clinique.
Les signes fonctionnels sont dominés par la pesanteur pelvienne, des dyspareunies, ou
simplement une douleur pelvienne, localisée ou irradiante. La participation des organes de
voisinage peut égarer le diagnostic. Il est important de noter son caractère permanent ou
cyclique, ses modulations dʼintensité dans le cycle, au cours de la journée et des activités
de la patiente. Surtout cette douleur est caractérisée par une désespérante chronicité, qui
conduit la patiente à un véritable nomadisme médical, avec répétition dʼexamens
biologiques, dʼexplorations radiologiques diverses, le plus souvent négatifs. Devant la
plainte persistante de la patiente, les examens sont répétés, les prescriptions sʼétoffent
pour finalement aboutir à une chirurgie plus ou moins radicale. Lʼimpact humain et
économique de ce syndrome est particulièrement lourd.
Un examen clinique bien conduit évoquera également le diagnostic. Lʼaspect congestif
des muqueuses, la présence de varices vulvaires, pubiennes ou de la face interne des
cuisses nous orienterons vers ce syndrome et les réseaux de drainage concernés.
Les viscères pelviens sont drainés par les veines hypogastriques et les veines
gonadiques. La veine ovarienne G se termine dans 80% des cas dans la veine rénale G et
la Dte directement dans la VCI. Les varices pubiennes, clitoridiennes, des grandes lèvres
et de la moitié antérieure de la vulve sont alimentées par les veines obturatrices et celles
du ligament rond. Les varices de la moitié postérieure de la vulve, du vagin et de la face
interne des cuisses sont alimentées par les veines honteuses internes et les ovariennes.
Devant cette symptomatologie mal définie et la grande diversité des diagnostics
différentiels, qui seront à évoquer systématiquement, lʼéchographie doppler est
lʼinvestigation principale et de première intention pour confirmer le diagnostic, et
évaluer la thérapeutique. La participation veineuse est apprécié lors de lʼexamen
échographique classique, par voie vaginale et abdominale. Le réseau hypogastrique et
gonadique doit être systématiquement exploré. Les veines apparaissent sous forme de
cordons anéchogènes, plus ou moins ectasiques, plus ou pelotonnés, localisés ou
intéressant plusieurs axes veineux. La palpation ultrasonore testera la sensibilité de la
varicocèle. Ces images sont confirmées par le mode couleur, si il existe un flux. En
présence dʼun flux, une coloration rouge ou bleu dessinent les veines et donne le sens
dʼécoulement.
varicocèle et flux positif
Une étude hémodynamique par effet doppler complète lʼanalyse et nous permet de
différencier plusieurs degrés de sévérité en fonction de la vitesse du flux, du sens
dʼécoulement, et de la persistance ou non de la modulation respiratoire spontanée. En
lʼabsence dʼinsuffisance veineuse, il existe un flux permanent toujours > 10cm/s, dont la
vitesse augmente à lʼexpiration et diminue à lʼinspiration. Lʼexamen se termine par des
manoeuvres de Valsalva.
A partir des 3 paramètres principaux de la fonction veineuse (calibre de la veine, vitesse et
modulation des flux par la cinétique respiratoire), nous avons proposée dès 1999 une
classification morphologique et fonctionnelle en 3 stades de gravité croissante. Cette
classification est corrélée à la chronologie dʼapparition et à lʼintensité de la
symptomatologie douloureuse.
STADE I:
Présence dʼun flux veineux spontané > 10 cm/s, avec un spectre vasculaire modulé par la
cinétique respiratoire. Seule la varicocèle est diagnostiquée. Ce stade est
asymptomatique.
spectre vasculaire veineux normal, modulé par la respiration spontanée
STADE II:
Diminution notable du flux spontané, entre 5 et 10 cm/s. La modulation spectrale persiste
lors des mouvements respiratoires. La symptomatologie apparaît dans la deuxième phase
du cycle, après lʼorage vasculaire de lʼovulation et sʼaccentue jusquʼaux règles.
expiration forcée (accélération du flux)
inspiration forcée ( ralentissement du flux)
STADE III:
Le plus sévère: absence ou diminution majeur du flux, toujours < 5cm/s. Les mouvements
respiratoires, même forcés, restent sans effet sur le spectre veineux. La symptomatologie
est permanente, majorée en phase prémenstruelle.
Parallèlement , le calibre veineux est mesuré.
a: dilataion < 5 mm
b: 5< dilatation>8 mm
c:dilatation > 8 mm
Lʼintérêt de cette classification est de montrer que la varicocèle en elle-même nʼest
pas douloureuse; cʼest le ralentissement et à fortiori la stase qui sont à lʼorigine des
troubles. La symptomatologie exprime directement les difficultés croissantes du
drainage veineux. Nous avons tous constaté lors dʼéchographies pelviennes, chez
certaines multipares, de volumineuses varicocèles sans quʼaucune douleur ou gêne ne
soit signalée par la patiente.
Cette classification permet également lʼévaluation objective de lʼinsuffisance veineuse et
lʼévaluation après traitement.
Ainsi, nous pouvons observer de la simple dilatation du réseau veineux anatomique sans
modification vélocimétrique, jusquʼaux varicocèles majeures avec stase complète et reflux.
Le paramètre fondamental est la vitesse du flux; la dilatation ne devenant douloureuse
que lorsquʼelle sʼaccompagne dʼun ralentissement important des flux veineux et à fortiori
dʼune stase.
varicocèle à 10 mm mais flux veineux normal modulé par la respiration, asymptomatique
varicocèle à 8 mm mais flux > 10 cm/s, indolore
Devant une image anéchogène, oblongue et mode doppler couleur négatif, le diagnostic
différentiel avec un hydrosalpinx nʼest pas toujours évident. Une bonne analyse en 2D
permet déjà une première approche diagnostique. Lʼhydrosalpinx vieilli, de nature
liquidienne pure, présente un discret renforcement postérieur et parfois des reliquats
muqueux ou des plis traduisant lʼadhérence tubo-tubaire alors que dans la varicocèle, en
augmentant le gain général, les éléments figurés du sang se révèle sous forme de
multiples écho linéaires de faible contraste et +/- mobiles. Si le doute persiste lʼutilisation
du 3D conclura rapidement. Le moindre repli muqueux sera mis en évidence, la présence
de valvules incontinentes, les trajets tourmentés des varicocèles, seront facilement
visualisés en navigation triplan ou en représentation mode surfacique.
hydrosalpinx avec discret renforcement post.
+varicoceles( en coupe transversale)
replis muqueux tubaire dʼun hydrosalpinx
varicoceles + elts figurés sang
triplan dʼune varicocèle
représentation surfacique dʼune varicocèle et coupe transversale avec collatérale
Complément indispensable à lʼéchographie, la coelioscopie confirme la dilatation veineuse
incriminée, apprécie les éventuelles lésions associées susceptibles dʼinterférer sur le flux
veineux et dans le même temps propose des solutions thérapeutiques ciblées et
efficaces( cure de rétrodéviation utérine, adhésiolyse, plastie veineuse...).
Aspect coelio dʼune rétroversion secondaire qui génère une torsion hélicoïdale sur la voie de drainage
préférentielle des veines utérines (retro-urétérale) avec constitution des varicocèles En présence dʼune varicocèle isolée, et/ou reflux, en particulier au niveau de la veine
ovarienne G (prédisposition anatomique) il est indispensable avant dʼenvisager un geste
thérapeutique, de demander une phlébographie pelvienne à la recherche dʼune
incontinence entre la veine rénale G et la veine ovarienne G. Dans ce cas, un traitement
spécifique par embolisation peut être réalisé dans le même temps. Un clampage
coelioscopique au ras de la veine rénale est aussi possible. La phlébographie permettra
également dʼéliminer des syndromes plus rares comme le Nutracker syndrome
(compression de la veine rénale G par la pince aorto-mésentérique) ou un syndrome de
Cockett (compression de la veine iliaque primitive G par lʼartère iliaque primitive Dte.
Conclusion
Le syndrome de congestion pelvienne, source dʼalgies rebelles et invalidantes, est
souvent ignoré ou sous estimé. Pourtant cette pathologie affecte une population de
premier plan chez les patientes consultant pour douleurs pelviennes chroniques. Ce
défaut de considération était probablement dû aux difficultés dʼappréciation objective de la
participation veineuse. La participation des organes de voisinage modifie la
symptomatologie classique et peut égarer le diagnostic.
Lʼécho-doppler est lʼinvestigation de choix, le souvent suffisante, pour confirmer le
diagnostic et dépister les lésions associées susceptibles dʼinterférer sur le retour veineux .
Dans certains cas, un complément par phlébographie pelvienne complétera lʼexploration
avant la décision thérapeutique. Le syndrome de congestion pelvienne nʼest plus un
diagnostic dʼexception mais il est à évoquer systématiquement devant des algies rebelles.

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