Peter Grütter : «Stéphane Lambiel souffre depuis toujours

Transcription

Peter Grütter : «Stéphane Lambiel souffre depuis toujours
Extrait du journal LeMatin du 13 décembre 2009
Peter Grütter : «Stéphane Lambiel souffre
depuis toujours
I
Peter Grütter évoque un artiste génial, mais au-dessus de ses capacités
physiques. «Il est dans le rouge depuis tout petit.» Mais il ne revient pas
pour être quatrième
Jacques Wullschleger - le 12 décembre 2009, 22h29 Le Matin Dimanche
Il avoue, entre deux gorgées d'un thé de menthe, qu'il était curieux, comme on
peut l'être à chaque fois qu'un grand champion revient à la compétition. Pourtant,
tous deux se connaissent par coeur. «Après la première semaine, j'étais sceptique.
Ensuite, je me suis dit que Stéphane avait eu raison de reprendre la compétition»,
raconte Peter Grütter, parlant de son élève depuis toujours.
En juillet 2009, Stéphane Lambiel annonce son retour. L'avez-vous
influencé à prendre cette décision? Peu de temps auparavant, Salomé Brunner,
sa chorégraphe, m'avait averti qu'il se passerait quelque chose. Puis Stéphane m'a
téléphoné. Il m'a dit: «Peter, vous êtes assis?» Il me vousoie. Et il m'annonce la
bonne nouvelle.
Vous a-t-elle surpris? Non, car Stéphane est quelqu'un d'imprévisible. Il l'a
toujours été. Je suis de plus en plus convaincu qu'il a eu raison de revenir. Non
seulement parce que je vois ce qu'il entreprend tous les jours sur la glace, mais
aussi parce que tellement de gens affirment qu'il manque au patinage. Et c'est la
vérité.
D'aucuns prétendent, et nous en sommes, que l'USP (Union suisse de
patinage) voire l'ISU (Fédération internationale) ont fait pression pour qu'il
revienne... Non. Sa santé allant mieux - douleurs aux adducteurs, motif de sa
retraite en octobre 2008 -, son corps renforcé, Stéphane a décidé de renouer avec
la compétition. Le stress, aussi, lui manquait. Il aime ce stress, la pression. Vous
savez, Stéphane a toujours fait comme il voulait. Jamais personne ne l'a contraint à
quoi que ce soit.
Et sa blessure? Stéphane a toujours mal aux adducteurs. Sur la glace, quand il est
dans son lit, partout. Mais il vit avec. Il a cru maîtriser ces douleurs. Il est allé
encore dernièrement à Toronto, chez sa physio. Mais il a dû interrompre
l'entraînement quelques instants, parce que les douleurs sont revenues, vives. Il a
patiné, c'est tout. Mais là, à l'heure qu'il est, ça va mieux.
Comment se déroulent les entraînements? Stéphane fait toujours le maximum,
mais il dose la charge de travail. Tous les deux, nous écoutons son corps et nous
savons jusqu'où nous pouvons aller. Nous avons tellement l'habitude de pratiquer
de la sorte que nous devenons presque des spécialistes. Il sera impossible, cette
saison, d'éradiquer son mal. Je vais vous avouer une chose: depuis tout petit,
Stéphane est dans le rouge. Il est au-dessus de ses capacités physiques. De toutes
les façons, c'est un artiste.
Un danger existe-t-il? Je n'espère pas. Stéphane est contrôlé en permanence.
Mais nous n'avons pas la garantie que ça tienne. Ça ira, j'en suis sûr. Il consent à
toutes sortes de concessions pour ne pas avoir mal. Réduire le travail au niveau des
pirouettes, par exemple. Les entraînements sont plus calmes, moins foufous.
Et les sauts? Tenez, mercredi, il a réussi deux quadruples. Il effectue tous les
sauts tous les jours. Mais il reste prudent. Ce qu'il doit éviter, c'est la chute. Il y a
celles qui ne font pas mal, qu'on peut assimiler à une glissade, et il y a celles qui
font très mal, quand on retombe sur la hanche. Stéphane est devenu plus organisé
au niveau de ce que je peux lui demander. Ou pas.
La reprise des entraînements a-t-elle été compliquée? Mais Stéphane n'a
jamais arrêté de s'entraîner! Ça, peu de gens le savent. Il y avait les galas. Nous
n'avons rien entrepris de nouveau. Nous avons simplement travaillé les acquis.
Stéphane a déclaré qu'il ne revenait pas pour être quatrième. C'est un
patineur exceptionnel. C'est le patineur artistique par excellence, le seul à être en
adéquation avec l'appellation de son sport. En anglais, on dit «figure skating»; où
est le mot artistique? Stéphane est le patineur le plus complet. Les autres calculent,
mais lui ne calcule rien. Il se laisse aller. C'est sa force. Les gens sensibles comme
lui savent remarquer ça. Le patinage est un spectacle, Stéphane en offre. A cause
du système de notation, c'est devenu un patinage arithmétique, où tout est calculé.
L'art y a de moins en moins de place. Or l'art n'est pas mesurable.
Vous n'avez pas répondu à la question... Partout, il est allé pour gagner.
Partout il a donné son maximum. Aux Européens de janvier, aux Jeux olympiques
après, il ira pour gagner. Si les juges sont des gens d'une grande sensibilité, ils
comprendront le travail de Stéphane, ils verront ce qu'est le patinage artistique.
Alors ils le jugeront bien. Après, il y a ce que produit Stéphane ce jour-là et ce que
font les autres. Un jour J, c'est comme la pluie ou le beau temps. On espère le
beau.
Lambiel ovationné Aux championnats d'Europe de Tallinn, en janvier,
Stéphane Lambiel, toujours en délicatesse avec ses adducteurs, aura son mot à dire.
Hier, le Valaisan a sans doute présenté pour la dernière fois le tango de Piazzolla, avec
panache et un exceptionnel talent. A l'arrivée: 244,23 points, neuvième titre à la clé.
2500 spectateurs lui ont fait une standing ovation. Un autre programme long est en
préparation pour Tallinn et les JO.
Hier encore, Sarah Meier, de retour après ses multiples ennuis de santé, a
remporté son huitième titre national. La Zurichoise a patiné sur la musique
du film «Roméo et Juliette», son nouveau programme long. Superbe. «J'ai
vu le film. Si je dois le revoir une fois, je ne regarderai plus la fin. Elle est
trop triste. Je n'ai pas envie de pleurer de nouveau.» A Tallinn, Sarah Meier
pourra s'appuyer sur la samba de son programme court.
CLASSEMENTS
Lugano. Nationaux
Messieurs: 1. (1er du libre) Lambiel (CP Genève) 244,23. 2. Othman (CP Berne)
199,45. 3. (3.) Redin (EC Küsnacht) 177,41. Dames: 1. (1.) Meier (Bülach EC) 183,47.
2. (2.) Heim (Winterthour SC) 156,53. 3. (3.) Bühler (EC Küsnacht) 138,24. Couples: 1.
Anais Morand/Antoine Dorsaz (CPA Monthey). Danse sur glace: 1. (1.) Elsener/Roost
(Bülach EC/ESC Frauenfeld) 136,31.

Documents pareils