Refus de livraison pour empêcher des importations parallèles

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Refus de livraison pour empêcher des importations parallèles
Refus de livraison pour empêcher des importations parallèles
dans l’Union européenne, et ses conséquences
wau regard du droit communautaire de la concurrence
Outre le fait qu’un refus de livraison peut être sanctionné sur le fondement de l’abus de
position dominante (art 82 traité CE) lorsqu’une entreprise est en position dominante, un tel
refus peut, sous certaines conditions être condamné sur le terrain de l’entente (art 81 traité
CE).
Puisqu'un refus de livraison constitue en lui-même une décision unilatérale, il convient
d’analyser dans quelles conditions il pourra constituer un accord, à l’exception du cas classique
d’un refus se fondant sur un contrat de distribution conclu entre deux entités juridiques
distinctes et
indépendantes, comme dans l’affaire Parker (décision de la Commission du 15
juillet 1992).
1. Refus de livraison à l’égard d’un grossiste émanant d’une filiale située dans un
autre Etat membre que le grossiste se fondant sur la politique de distribution du
groupe (affaire Viho, CJCE 24 octobre 1996)
Le refus de livraison ne trouve pas son fondement dans un contrat de distribution, conclu entre
deux entités juridiques indépendantes mais dans la politique de distribution mise en œuvre par
une société mère et consistant à obliger ses filiales à limiter la distribution de produits aux
territoires qui leur sont impartis.
Dans ce cas-là, si les filiales ne jouissent d’aucune autonomie pour déterminer leur
comportement sur le marché, il ne s’agit pas d’un accord ou d’une pratique concertée tombant
dans le champ de l’article 81.
En l’espèce, le grossiste néerlandais Viho a déposé une plainte à l’encontre de Parker, mettant
en cause la politique de distribution de cette dernière à l’égard de ses filiales, distributeurs
intégrés, consistant à interdire à ses filiales de livrer les produits aux clients établis dans les
Etats membres autres que celui de la filiale. Viho a demandé a être livré par la filiale allemande
de Parker qui l’a renvoyé à la filiale néerlandaise.
Le Tribunal de Première Instance, suivi par la Cour de Justice des Communautés Européennes,
a reconnu que même si la politique de Parker « peut contribuer à maintenir et à cloisonner les
différents marchés nationaux (…) il n’en reste pas moins qu’une telle politique suivie par une
unité économique telle que le groupe Parker, au sein de laquelle les filiales ne jouissent
d’aucune autonomie pour déterminer leur comportement sur le marché n’entre pas dans le
champ d’application de l’article 85, paragraphe 1 du traité » (désormais art 81).
2. Refus de livraison au delà d’une certaine quantité à l’égard de grossistes de la
part d’un groupe afin d’empêcher l’accroissement des exportations parallèles d’un
de ses produits (affaire Bayer, TPICE 26 octobre 2000, et CJCE 6 janvier 2004)
A la différence du cas précédent, il s’agit d’une politique de contingentement des ventes en
fonction des capacités supposées d’écoulement des produits dans chacun des Etats membres
mise en place par un groupe à l’égard de certains grossistes établis dans l’Union européenne.
Les relations commerciales continues entretenues par le groupe avec les grossistes ne suffisent
pas, selon le TPICE et la CJCE, en l’absence d’une concordance de volontés entres les
opérateurs économiques, à déduire l’existence d’un accord au sens de l’article 81,
contrairement à la position de la Commission.
Dans cette dernière affaire, Bayer commercialise par l’intermédiaire de ses filiales présentes
dans les Etats membres un médicament, l’Adalate, dont le prix est fixé par les autorités
sanitaires nationales. Les prix de 1989 à 1993 fixés par les autorités françaises et espagnoles
étaient en moyenne inférieurs de 40 % à ceux appliqués au Royaume-Uni.
Les différences de prix ont incité des grossistes établis en Espagne et en France à exporter ce
médicament au Royaume-Uni, provoquant ainsi une perte importante de chiffre d’affaire pour la
filiale britannique de Bayer.
Pour faire face à ces importations parallèles, le groupe Bayer a modifié sa politique de livraison
et a décidé ne plus approvisionner par le biais de ses filiales les grossistes espagnols et français
au delà de leurs besoins habituels, sans pour autant interdire à ses grossistes d’exporter ses
produits et subordonner les livraisons au respect d’une interdiction d’exporter.
Les grossistes, quant à eux, ont essayé de contourner le système de contingentement mis en
place par Bayer en s’efforçant d’obtenir la plus grande quantité possible de produits pour
continuer à exporter.
Selon la Cour de Justice des Communautés Européennes, "le seul fait que la politique
unilatérale de contingentement mise en œuvre par Bayer, combinée avec les exigences
nationales d’assortiments complets qui incombent aux grossistes, produise le même effet
qu’une interdiction d’exporter ne signifie ni que le fabricant avait imposé une telle interdiction
ni qu’il existait un accord interdit par l’article 85, paragraphe 1, du traité".
La Cour, confirmant la position du TPICE, a considéré que le comportement de Bayer et les
attitudes des grossistes ne constituent pas un accord entre entreprises, faute d’éléments
prouvant :
-
la volonté de Bayer d’imposer à ses grossistes une interdiction d’exportation
-
l’existence d’un acquiescement, exprès ou tacite, des grossistes à l’attitude adoptée par
Bayer (les grossistes ont cherché à continuer leurs exportations).
Isabelle Jamnet
8/1/2004

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