association myelome multiple et maladie de horton a propos d`une
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association myelome multiple et maladie de horton a propos d`une
ASSOCIATION MYELOME MULTIPLE ET MALADIE DE HORTON A PROPOS D’UNE OBSERVATION (AVEC REVUE DE LA LITTÉRATURE) L. HADRI*, L. ZAHRI, M. MASKANI, D. ATTIOUI RESUME A propos d’une observation privilégiée et bien documentée concernant une femme de 70 ans, atteinte simultanément d’un myélome multiple et d’une maladie de HORTON, les auteurs ont regroupé les cas similaires retrouvés dans la littérature. Quelques hypothèses physiopathogéniques sont proposées pour expliquer cette association pathologique rarissime ayant comme dénominateur commun l’âge avancé et probablement un dysfonctionnement immunitaire. 300cc, sans protéinurie ni gly c o s u ri e. Les explorations paracliniques qui ont été pratiquées : Radiologie : - Le rachis dorso-lombaire est le siège d’une déminéralisation osseuse diffuse avec présence d’une ostéolyse de l’arc postérieur de L4 et L5. - Présence de multiples images ostéolytiques à l’emportepièce au niveau des clichés du crâne (Voir photo n°1). OBSERVATION Mme J. Jemaâ est âgée de 70 ans quand elle a été admise par le biais des urgences le 30/06/1988 pour déshydratation aiguë consécutive à une diarrhée. Dans ses antécédents, on ne retient rien de particuliers. L’histoire clinique de la maladie n’a pu être fixée de façon précise. Tout ce qu’on pouvait dire, c’est que cette patiente souffrait depuis plusieurs mois de douleurs osseuses, très intenses, insomniantes, rebelles aux antalgiques habituels, siégeant essentiellement au niveau du rachis. Les douleurs étaient accompagnées d’une asthénie, d’une anorexie et surtout d’un amaigrissement certes important, mais non chiffré. * L’examen clinique à l’admission trouve une patiente grabataire, obnubilée et déshydratée. * L’examen ostéoarticulaire provoque des douleurs à la pression et à la mobilisation du rachis dorso-lombaire et des membres inférieurs. * A l’examen neurologique, la force musculaire et segmentaire ne pouvaient être appréciées en raison du mauvais état de la malade. * A l’examen du revêtement cutané, il n’y avait ni masse palpable, ni ecchymoses, ni purpura. Le reste de l’examen somatique était sans particularité (TA = 140/70mmHg) Malade apyrétique, sa diurèse était à * Professeur agrégé, Chef de service de Médecine Interne et de Gastro e n t e ro l ogie de l’Hôpital Militaire Moulay Ismail des FAR BP 592. Meknès-Maroc. Médecine du Maghreb 1997 n°63 Biologie : - La VS : 130 mm à la première heure - La NFS : Hb = 6,4g/100ml - CCMH = 32% - V GM = 99µ3 - GB = 5200/mm3 - PQ = 284.000/mm3 Le protidogramme : - Protides totaux = 62g/l - Albumine = 31 g/l - Alpha 1 = 2.6 g/l - Alpha 2 = 6 g/l - ßeta = 6 g/l - Gamma = 23.3 g/l ASSOCIATION MYÉLOME MULTIPLE… - La recherche de la protéinurie de Bence-jones était toujours négative. - Le myélogramme n’était pas concluant. - La biopsie ostéomédullaire montre des nappes de cellules de type plasmocytaire présentant des signes d’activité sécrétoire. - L’immuno-électrophorèse des protides sanguins montre une dy s g l o bulinémie monoclonale à IgA de type Lambda. - Le bilan rénal : * Créatininémie = 6 mg/l. * Uricémie : 63 mg/l. - Le bilan Phosphocalcique : Calcémie oscillant entre 92 et 109 mg/l. En conclusion Myélome multiple à IgA type Lambda révélé par une déshydration aiguë chez une dame de 70 ans. Traitement : 1) Traitement symptomatique - Réhydratation - Antalgiques - Transfusion sanguine - Antibiothérapie à large spectre - Radiothérapie localisée sur le rachis lombaire 2) Polychimiothérapie espacée de 3 semaines associant : - Melphalan : 6 mg/m2 de J1 à J4. - Cyclophosphamide : 500 mg/m2 : J1. - Cortancyl : 1,5 mg/kg/J de J1 à J4. Au décours du traitement par chimiothérapie (quatrième cure), étaient apparues chez cette dame, des céphalées frontales unilatérales, très intenses, avec douleurs periorbitaires. L’examen clinique trouve des artères temporales qui étaient dures et sinueuses. Le syndrome infl a m m at o i re biologique demeurait persistant. Le diagnostic de la maladie de HORTON associée a été évoqué et fut confirmé par les données de la biopsie de l’artère temporale (Voir photo n°2). L’examen ophtalmologique demeurait sans anomalies. La patiente fut mise sous corticothérapie et l’évolution au bout d’une semaine était spectaculaire, avec disparition des céphalées et diminution de la vitesse de sédimentation. 7 Photo n°2 COMMENTAIRES L’association maladie de HORTON ou pseudo-polyarthrite rhizomélique (PPR) à une affection maligne a été signalée par de nombreux auteurs, (Voir tableau) (1). Plusieurs hypothèses ont été envisagées pour cette association : - Association fortuite de deux pathologies dont la fréquence augmente avec l’âge. (1). - En fait, cette association pourrait bien ne pas être aussi fortuite qu’elle paraît. En effet, le statut immunitaire de la personne âgée, (terrain privilégié des deux affections), est marqué par un déclin de la fonction lymphocytaire T. Celui-ci pourrait expliquer d’une part la grande fréquence des tumeurs, d’autres part, la prolifération B lymphocytaire ou sa dépression, responsable selon le cas de dysglobulinémies et d’hémopathies ou de maladies autoimmunes. (1,2). Précisément, la maladie de HORTON est considérée actuellement et pour beaucoup d’auteurs comme la jonction de deux phénomènes. Une prédisposition génétique et une réaction auto-immune dirigée contre la limitante élastique interne artérielle. (1,5). - La prédisposition génétique est suggérée par l’existence de formes familiales, les écarts de la répartition selon les races, la plus grande fréquence de l’antigène d’histocompatibilité HLA B8, antigène souvent associé justement à des affections auto-immunes. - Une agression dysimmunitaire du tissu élastique artériel est suggérée par : les études en IF qui révèlent la présence d’Ig et de fractions de complément dans la paroi des artères, l’élévation sérique des IgG, du complément Médecine du Maghreb 1997 n°63 L. HADRI, L. ZAHRI, M. MASKANI, D. ATTIOUI 8 total et de ses fractions C3. - Les données expérimentales : chez le r at, l’injection sous cutanée d’élastine reproduit un granulome avec cellules géantes. On peut envisager une relation plus étroite entre les deux affections qu’une simple notion de terrain privilégié. C’est le cas notamment pour les dysglobulinémies asso- ciées à une maladie de Horton où l’on pourrait imaginer une activité anticorps de l’Ig monoclonale, dirigée contre la membrane élastique artérielle, ou encore un dépôt d’immuns complexes à son niveau, notamment au cours des vascularites, caractérisées précisément par la grande fréquence de complexes immuns circulants et de cryoglobulinémies associés. (5). Différentes associations entre néoplasies et maladie de Horton (ou P.P.R) (Revue de la littérature) (1) Sexe Age Type de la maladievasculaire Type de la maladie néoplasique Délai entre la découverte des deux affections Evolution sous traitement M 76 Pseudopolyarthrite rhizomélique (PPR) Macroglobulinémie de Walden ström 1972, découverte de la paraprotéinémie considérée comme bénigne 5 ans plus tard, apparition de la PPR. La dysglobulinémie a évolué vers la malignité Evolution immédiate favorable sous 60 mg de prédnisolone. Evolution ultérieure non décrite M 76 PPR Macroglobulinémie 5 mois. La découverte de la PPR Traitement chlorambucil + de Walden ström précède celle de la dysglobulinémie prédnisone (10 mg) permettant une amélioration tant hématologique que rhumatologique. F 65 PPR Macroglobulinémie de Waldenström Découverte simultanée Traitement : chlorambucil. Evolution favorable tant sur le plan hématologique que rhumatologique M 73 PPR + maladie Leucémie lymphoïde chronique (LLC) 3 mois. Le diagnostic de LLC est porté en premier. Les signes de vascularite apparaissent secondairement Pas de traitement pour LLC. Le Horton et la PPR répondent bien à la corticothérapie. M 76 PPR LLC 3 ans. La PPR précède la LLC La PPR est traitée par corticothérapie. Prédnisone (25 mg) avec un bon résultat. Lorsque 3 ans plus tard, la LLC se manifeste, le patient est toujours asymptomatique sur le plan rhumatologique. F 71 PPR Cancer du sein A noter sacroïdose et thyroïdite autoimmune découverte avant l’apparition de la PPR 2 ans, la PPR précédant la découverte de la néoplasie La PPR est traitée par corticothérapie. (prédnisone 10 mg j) avec un bon résultat. Lorsque le cancer du sein est découvert, le patient est toujours asymptomatique sur le plan rhumatologique F 64 PPR Métastases hépatiques et pleurales d’un cancer de l’utérus Le cancer de l’utérus est diagnostiqué et traité 2 ans auparavant. La découverte de la PPR et des métastases est simultanée F 79 PPR Maladie de Hodgkin La découverte de la PPR précède la maladie de Hodgkin. Médecine du Maghreb 1997 n°63 La PPR est traité par prédnisone 2 ans 1/2. Au moment de la découverte de la maladie de Hodgkin, le patient est asymptomatique sur le ASSOCIATION MYÉLOME MULTIPLE… 9 Différentes associations entre néoplasies et maladie de Horton (ou P.P.R) (Revue de la littérature) (1) (suite) rhumatologique. Sexe Age Type de la maladievasculaire Type de la maladie néoplasique Délai entre la découverte des deux affections M 62 Maladie de Horton Tumeur cérébrale d’histologie imprécise 9 mois après la découverte de la maladie de Horton, le patient décède d’infarctus myocardique. La tumeur cérébrale est une surprise autopsique F 70 Maladie de Horton Tumeur cervicale à type d’adénocarcinome de point de départ imprécis. Maladie de Horton apparaît 2 ans avant la découverte de la tumeur, est traitée par prednisone et est guérie lorsque le carcinome est découvert F 76 PPR Leucémie aiguë L’hémopathie apparaît deux ans après la PPR M 54 PPR Métastases osseuses Néoplasme primitif indéterminé Découverte simultanée des deux pathologies M 66 PPR Métastases hépad’un adéno-carcinome peu différencié L’apparition de la PPR précède de 3 mois la découverte de la néoplasie M 56 PPR Cancer du rein L’apparition de la PPR précède de 2 ans la découverte de la néoplasie M 82 PPR Cancer de la L’apparition de la PPR précède de prostate avec 2 ans la découverte de la néoplasie métastases osseuses En plus de la signification pathogénique de l’association, les deux affections peuvent interférer l’une sur l’autre par d’autres biais. Ainsi, il n’est pas impossible que la corticothérapie à forte dose instituée pour une maladie de Horton puisse retarder l’évolution ou masquer un certain temps une hémopathie. A l’inverse, elle peut aussi favoriser l’éclosion de certains cancers, comme cela a été décrit pour la sarcome de Kaposi. (5). En fin, ce type d’association peut sur le plan prat i q u e Evolution sous traitement constituer un piège : d’abord par le risque de méconnaître l’une des deux affections en se contentant du pre m i e r diagnostic posé, suffisant pour expliquer l’altération de l’état général, la fièvre ou le syndrome inflammatoire. Difficultés pour suivre l’évolution. Ainsi dans notre observation l’appréciation de l’efficacité de la corticothérapie sur la maladie de Horton est purement clinique, la vitesse de sédimentation ne pouvant servir de critère. CONCLUSION Notre observation rejoint les associations déjà décrites de vascularites et syndromes lymphoprolifératifs, qui attirent de plus en plus l’attention des auteurs, d’autant que des schémas physiopathologiques cohérents (Ig anti paroi vasculaire, CIC) peuvent être construits. BIBLIOGRAPHIE 1. DUPUIS. EBRAUD et COLL. Maladie de Horton et myélome. Sem. Hop. Paris, 1986, 62, 28, 2221, 2224. Médecine du Maghreb 1997 n°63 10 2. L. GUILLEVIN. Vascularites systémiques in : diagnostics difficiles de médecine interne (Tome 3). HUGUES TOUSSET et D. VITAL-DURAND. Edition Maloine - Paris 1991. 3. HAMIDO et COLL. Syndrome de l’artère temporale au cours d’une amylose AL associée à un myélome. Rev. Med. Int, 1991, 12, 306, 308. 4. D. HENNIN et COLL. Maladie de Horton : anatomie pathologique. Rev. Prat, 1993, 43, 14. 5. J. JAUBERT. Immunoglobulines monoclonales in : Diagnostics difficiles en médecine Médecine du Maghreb 1997 n°63 L. HADRI, L. ZAHRI, M. MASKANI, D. ATTIOUI interne (Tome 1). HUGUES TOUSSET et D. VITAL-DURAND. Edition Maloine - Pa ri s 1988. 6. LARREGAN, D. FOURNIER et COLL. Maladie de Horton et pseudopolyarthrite rhizométique associée à une leucémie lymphoïde chronique. Presse Méd, 1984, 13, 2210. 7. X. LE LOET et COLL. Pseudopolyarthrite rhizomélique associée à une macroglobulinémie de Waldenström. Nouv. Presse Méd. 1978, 7, 2102. 8. B. TAILLON et COLL. Myélome compliqué d’amylose de l’artère temporale simulant une mala-