Salut le copain - Éditions Pierre

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Salut le copain - Éditions Pierre
16/17 AOUT 14
Quotidien Paris
OJD : 317225
14 BOULEVARD HAUSSMANN
75438 PARIS CEDEX 09 - 01 57 08 50 00
Surface approx. (cm²) : 179
N° de page : 16
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Salut le copain
LECTURE D'ÉTÉ Avec «Mon ami, cet inconnu»,
François Cérésa évoque son camarade disparu
et leur folle jeunesse.
FRANÇOISE DARGENT [email protected]
a premiere pensée qui se
présente lorsqu'on voit
mourir ses amis, c'est de se
demander ce qu'ils deviennent. L'idée de l'anéantissement serait affreuse, elle répugne au
cœur de l'homme. » Cette citation du
philosophe Maine de Biran ouvre Mon
ami, cet inconnu, de François Cérésa.
Son ami s'appelait Bernard Rofestier,
il s'est suicidé le 28 août 2012. Ils se
connaissaient depuis quarante ans.
Lorsqu'il est mort, l'auteur n'avait pas
croisé l'homme depuis six mois. Peu
de temps avant, cet architecte avait
décline l'invitation des copains à un
dîner, prétextant un chantier à visiter.
«Ii
-Ll!
Le «braoudin»
pour communiquer
François Cérésa n'avait rien vu venir.
Ce qui lui répugne, c'est cette idée de
ne pas avoir été là pour constater que
son ami allait si mal. Et voilà donc ce livre en forme de mémorial, tantôt gai
aux souvenirs des frasques de la bande,
tantôt poignant à l'évocation d'un
écorché vif. Style gouailleur et piquant,
l'auteur se retourne sur leur jeunesse,
celles de jeunes gens fraîchement sortis de Stanislas à Paris, furieusement
fêtards, terriblement hussards.
Il faisait bon faire les 400 coups au début des années 1970, période exempte
de recommandations d'usage et de
principes de précaution. Résultat, ces
jeunes-là buvaient comme des
troupiers, fumaient comme
des sapeurs, conduisaient comme Fangio.
Les filles étaient
de la partie dans
ROUX4
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leur sillage chahuteur. Cinq amis unis
comme les cinq doigts de la main que
Cérésa compare volontiers à des mousquetaires, toujours prêts. Ils avaient
leurs lieux (les cinémas du Quartier latin, les bistrots de Saint-Germain-desPrés avant l'envahissement des boutiques de vêtements) et même leur
langage, le «braoudin», qu'ils avaient
mis au point pour parler entre eux.
De tous, Bernard, dit «Nanard», était
celui qui prenait le plus de place physiquement, celui qui «commençait tout
sans rien finir», qui peignait des toiles
colorées magnifiques mais questionnait
souvent les autres : «Pourquoi suis-je en
vie si ce n'est pas pour toujours?» Son
mal de vivre a fini par l'emporter à la
barbe de son ami désemparé. Mais point
démuni. En témoigne ce livre vibrant
d'émotions. •
Mon ami, cet inconnu, de François Cérésa,
Editions Pierre Guillaume de Roux,
174 p., 19,50 €.
Un livre
en forme de
mémorial,
tantôt gai,
tantôt
poignant. DR