Entrée dans l`oeuvre : frivole Manon ! Peinture de Watteau: « l

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Entrée dans l`oeuvre : frivole Manon ! Peinture de Watteau: « l
Entrée dans l’oeuvre : frivole Manon !
Peinture de Watteau: « l’escarpolette », p.56
1. La situation de la jeune fille, balancée par un jeune homme se tenant derrière elle qui
tient les « rênes » de l’escarpolette, est le premier signe de frivolité. La légèreté de ce
flottement, le plaisir du mouvement se ressentent dans l’abandon de la jeune femme. Il se
manifeste par un regard alangui, la position étrange des mains et des doigts, qui semblent
jouer des cordes de la balançoire comme d’un instrument. La frivolité s’exprime également à
travers la position du pied gauche, pointé vers l’avant, laissant s’envoler l’escarpin dans la
direction du jeune spectateur. C’est cette position de la jambe tendue vers le haut qui livre
également un bref instant au regard du jeune homme ravi, l’intimité de la jeune fille. Le
second escarpin reste encore attaché au pied droit, mais pend négligemment, avec un
érotisme à peine voilé, laissant espérer une chute prochaine.
La jeune fille est donc doublement frivole, par son balancement aérien, mais également par
ce que ce mouvement révèle sur sa légèreté de mœurs.
2. Le personnage de Manon se caractérise par un mélange constant d’innocence et de
manipulation, d’abandon et de contrôle. Cette ambivalence apparaît dans l’attitude de la
jeune fille, dont on ne parvient pas à démêler la part de candeur et la part de séduction
consciente. L’homme qui tire les fils de l’escarpolette peut tout aussi bien être un complice
qu’un amant déjà négligé au profit d’un autre. L’aboutissement du mouvement, qui mène à
la perte de l’escarpin et à la révélation fugace de l’entrejambe, peut tout autant être mis sur
le compte du hasard que sur celui d’un dévoilement opportun. De la même manière, Manon
se montre souvent ambiguë vis-à-vis de Des Grieux. Elle l’assure de l’exclusivité de son
amour, lui promet fidélité et semble ignorer la portée de ses trahisons. Elle assume sa
frivolité au point d’y voir un moyen de garantir la pérennité financière de sa liaison avec le
chevalier, comme dans la première partie, à la page 56.
3. Voici quelques suggestions d’illustrations pour les trois peintres évoqués dans la question :
a) Watteau
– Scène galante : http://www.sightswithin.com/ Jean.Antoine.Watteau/Scene_galante.jpg
– Le Faux Pas : http://www.sightswithin.com/ Jean.Antoine.Watteau/Le_Faux_Pas.jpg
b) Boucher
– Odalisque :http://www.mtholyoke.edu/courses/ nvaget/230/images18/boucherodalisk2.jpg
–
Marie-Louise
O’Murphy
:
http://1.bp.blogspot.com/_xkAozlGOmZo/S8oCRqmSiEI/
AAAAAAAABUU/Zqr6xJOAnhQ/s1600/ MarieLouiseO%27MurphymistresstoLouisxv_
FB1752.jpg
– Pastorale d’automne : http://www.friendsofart. net/static/images/art1/francois-boucheranautumn-pastoral-detail.jpg
–
Jeune
fille
avec
un
bouquet
de
roses
http://www.paintinghere.com/uploadpic/Francois%20Boucher/big/Young%20Woman%20w
ith%20a%20Bouquet%20of%20Roses.jpg
c) Fragonard
– L’Amant couronné : http://www.rdm-fr.com/ tableaux/Peintres_du_17eme/Fragonard/L_
Amant_couronne_1771.jpg
– Le Verrou : http://lusile17.l.u.pic.centerblog. net/o/eb6366f7.JPG
Tous les tableaux faisant apparaître la frivolité, la séduction, le caractère ambigu des
relations amoureuses, sont susceptibles d’être retenus et commentés par les élèves.
L’oeuvre et son contexte
1. Les « filles du roy » étaient des orphelines, pupilles du roi, envoyées en Amérique entre la
fin du XVIIIe et le début du XVIIIe siècle afin d’être mariées aux colons nouvellement
installés. Cette mesure avait pour objectif de développer le peuplement des nouvelles
colonies. Les femmes étaient dotées par le roi, mais leurs conditions de voyage et de mariage
ont pu s’apparenter à une véritable déportation, comme le suggère l’abbé Prévost.
Un seul site institutionnel ressort d’une recherche sur internet :
http://www.civilization.ca/mcc/explorer/museevirtuel- de-la-nouvelle-france/population/
les-filles-du-roy/les-filles-du-roy-intro
D’autres sites, comme l’article de Wikipedia (http://fr.wikipedia.org/wiki/Filles_du_Roi),
semblent fiables, mais ne garantissent pas une information absolument authentifiée. L’article
de Wikipedia cité plus haut se contente ainsi de piller le site du Musée canadien des
civilisations sans même le mentionner, comme c’est malheureusement souvent le cas avec
Wikipedia. Cette recherche montre donc les limites d’internet dans un domaine très
spécialisé, pour lequel seuls les ouvrages de spécialistes peuvent faire référence.
On trouvera une bibliographie sur ce sujet ici : http://www.civilization.ca/mcc/explorer/
musee-virtuel-de-la-nouvelle-france/population/ les-filles-du-roy/les-filles-du-roy27
2. La présentation p. 56 laisse entendre que, dès le début du roman, le lecteur s’attend à un
dénouement tragique. La jeune fille semble être une prostituée exilée vers l’Amérique. La
lecture des pages 15 à 20 permet de découvrir le Chevalier Des Grieux suivant le convoi des
« filles de joie » où se trouve Manon, puis de le retrouver seul, éploré, de retour d’Amérique
deux ans plus tard. En révélant une partie du destin des personnages tout en ne le dévoilant
pas trop, le narrateur aiguise l’intérêt du lecteur, curieux de rétablir les ellipses narratives.
Le roman s’ouvre ainsi sur la promesse d’un récit à venir, récit dont un événement majeur
est pourtant déjà partiellement connu. Entre révélation et secrets à découvrir se joue donc le
plaisir du texte.

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