Les Scop de l`informatique, les anti-start-up

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Les Scop de l`informatique, les anti-start-up
Métiers
Les Scop de l’informatique,
les anti-start-up
Dans un métier où la recherche et développement est un élément déterminant,
les Scop spécialisées dans les services informatiques et la conception de logiciels
tirent leur épingle du jeu grâce à une forte implication des salariés et à leur capacité
à se diversifier et à nouer des partenariats.
B
onne nouvelle. Avec une progression de l’activité qui oscillerait
entre 6 % et 8 % en 2004, les
métiers de l’informatique ont renoué
avec la croissance. Les Scop éditrices de
logiciels, conceptrices de réseaux et,
plus largement, les sociétés de services
en ingénierie informatique, dites SSII
(voir encadré), respirent. Car les années
noires de 2002 et 2003 ont fait de nombreuses victimes. En 2002, les SSII, les
éditeurs de logiciels, les gestionnaires
de banques de données et les revendeurs ont supprimé 6 000 emplois, faisant passer les effectifs du secteur à
200 000 personnes. Une crise qui avait
fait chuter le taux de croissance de 13 %
en 2001 à - 3 % en 2002. Pas mieux en
2003, où l’activité globale des logiciels et
services informatiques a encore reculé
de 3 %. Christophe Lacôte, dirigeant de
la Scop Alma basée à Saint-Martind’Hères, près de Grenoble (Isère) se souvient : « Nous avons vécu en effet le pire
en 2003, puis 2004 s’avère être une bonne
année, sans que l’on comprenne d’ailleurs
vraiment pourquoi. » Si l’on en croit
la note de conjoncture de
novembre 2004 émanant de la
chambre syndicale des SSII et des
éditeurs de logiciels (Syntec), le
redémarrage amorcé en 2004
devrait se préciser en 2005.
Des ouvriers bac + 9
La trentaine de Scop du secteur n’ont
pas plus souffert que leurs concurrents
traditionnels. Même si leur modèle économique est bien celui de l’anti-start-up
22 • février / mars 2005
Participer 609
par excellence. Pour Christophe Lacôte,
« être en Scop est avant tout un choix politique. En tant qu’éditeurs de logiciels, nous
sommes des ouvriers, comme un menuisier
« Nous nous rapprochons
de la tradition coopérative
des “imprimeurs qui savaient lire”. »
Christophe Lacôte, Scop Alma
ou un entrepreneur dans le bâtiment.
Nous gardons cet esprit d’artisan, avec des
compétences de bac + 9. En ce sens, nous
nous rapprochons de la tradition coopérative des “imprimeurs qui savaient lire”.
Le statut Scop nous permet de jouer notre
partition, c’est-à-dire d’écrire des logiciels,
sans les lourdeurs hiérarchiques des sociétés
c a p i t a l i s t i q u e s , e t d e n o u s impliquer
totalement. »
Implication des salariés
contre turn-over
Le modèle Scop des SSII parie donc
davantage sur l’économie que sur la
finance, sur le savoir-faire plutôt que sur
la communication, et s’appuie sur l’implication des salariés. « Dans la fabrication de microprocesseurs, la part de
recherche et développement (R & D) est
déterminante, mais le fait que l’ensemble
des salariés participent à la vie de l’entreprise les amène à s’impliquer davantage »,
Métiers
La Scop CSI,qui ne compte qu’une petite vingtaine de salariés,
a choisi,pour s’emparer d’un marché d’envergure,
de réaliser un partenariat avec le groupe Cap Gemini,
première SSII française.
explique Alain Maïssa, directeur général
de la Scop Sigec, basée à Aubagne
(Bouches-du-Rhône). Qui voit d’ailleurs
une certaine cohérence entre son métier
– trouver des solutions informatiques
pour les collectivités locales – et la forme
coopérative. « Ce choix renforce l’importance du service, du savoir-faire humain, et
concourt à assurer à l’entreprise une
pérennité. C’est, en outre, un atout majeur
pour s’adapter aux situations », conclut-il.
Résultat : le turn-over dans les Scop SSII
est très réduit, alors qu’il fait partie des
pratiques courantes du secteur.
Le coût du recrutement
Si le modèle économique de l’anti-startup a ses avantages, il n’en reste pas moins
qu’il est plus difficile pour une Scop de
lever du capital rapidement. Quand il
faut faire vite pour prendre un marché
ou développer une idée brillante, le statut coopératif semble moins adapté.
Ainsi, Alma a-t-elle créé une filiale en SA.
Côté embauche, pas question non plus
de recruter en externe un cadre dirigeant, par exemple. Trop cher. Ou
de viser des profils super pointus,
voire de débaucher des cadres expérimentés. Leurs prétentions salariales sont
inaccessibles. Les Scop recrutent principalement des jeunes, qu’il faut former.
Grossir pour mieux résister
Néanmoins, les mauvaises années 2002
et 2003 ont renforcé la concurrence, et
les Scop de l’informatique doivent sans
cesse s’adapter à un marché en permanente innovation. Dans ce contexte, la
Scop Alma a choisi la diversification et la
croissance externe. « Nous avons la plupart du temps peu de visibilité sur les marchés, et mener en même temps des activités de R & D, de développement d’applications et de services aux entreprises nous
permet de parvenir à l’équilibre sur l’ensemble », explique Sylvain Cathebras,
Le choix du partenariat
Autre stratégie payante, le partenariat.
La Scop CSI située en Haute-Garonne et
qui ne compte qu’une petite vingtaine
de salariés a choisi, pour s’emparer d’un
marché d’envergure, de réaliser un partenariat avec… le groupe Cap Gemini,
première SSII française. Le marché en
question : l’informatisation, avec la
solution progicielle Strogof Full Web
développée par la Scop, des Greta,
structures de formation continue pour
adultes de l’Education nationale, soit
1 200 établissements et 5 000 utilisateurs simultanés. CSI fournit les licences
du progiciel Strogof, assure un transfert
de compétences techniques à Cap
Gemini et prend en charge le support
technique global du projet. Cette association entre une petite structure innovante et une grosse machine dotée
d’une notoriété incomparable est un
modèle payant. Pas moins de cinq
grands projets ont ainsi été lancés par
CSI et Cap Gemini autour de Strogof.
responsable communication de la Scop.
Ce grand groupe coopératif de 110 personnes, dont la principale activité est
liée à l’industrie mécanique, avec l’édition de logiciels pour la découpe de
tôlerie, mène une politique d’extension
particulièrement dynamique. Cela passe
aussi bien par la création de filiales, de
petites équipes autonomes au sein du
groupe, que par le rachat de sociétés.
Dernière acquisition, au printemps dernier : la SSII Sysaware, dans le cadre de
l’extension de son activité de développement de solutions intranet et groupware1. Mais Alma essaime également
avec la création de nouvelles structures,
comme Interview SA et la Scop lyonnaise Icolor spécialisée dans les services
MÉLINA GAZSI
informatiques pour le secteur des arts
1. Un “groupware” (en français “collectique”) désigne les
graphiques. Et elle s’est lancée depuis
méthodes et les outils logiciels permettant à des utilisaplus d’une dizaine d’années dans le
teurs de mener un travail en commun à travers des
réseaux.
développement de filiales à l’étranger.
Car un logiciel coûte cher en recherche,
en temps de travail et en investissements financiers. Il faut donc le Qu’est ce qu’une SSII ?
vendre à un maximum de clients,
d’autant que le coût du duplicata
Les sociétés de services en ingénierie
et du transport est, en revanche,
informatique (SSII) sont des prestataires
quasi nul. Quant aux prix, ils chude services qui gèrent les systèmes informatiques
tent à grande vitesse. « Le logiciel
de leurs clients et leur offrent des solutions
élaboré à notre création, en 1979,
sur mesure. Le cœur de métier des SSII est
pour combiner des pièces dans le
domaine de la tôlerie, coûtait à
l’époque 250 000 francs (38 000 €),
aujourd’hui il est vendu 250 €.
Aussi, si nous avons développé nos
activités en Europe, au Japon et en
Corée, ce n’est pas pour nous
étendre absolument, mais parce
qu’il est parfois nécessaire de grossir pour continuer d’exister. Nos
concurrents sont mondialisés et les
prix de vente ne nous permettraient pas de résister si nous ne
nous implantions pas ailleurs »,
précise Sylvain Cathebras de le
Scop Alma.
le développement de projets. Des ingénieurs
développeurs, ingénieurs d’études,
programmeurs et concepteurs font
de la recherche pour trouver la solution
technique spécifique la plus appropriée
aux besoins du client. Il s’agit ensuite de définir
et de mettre en place l’architecture des réseaux
ou des systèmes informatiques qui vont utiliser
la solution technique proposée. Enfin, les SSII
proposent un service après-vente au travers
d’activités de conseil, d’assistance
et de formation des utilisateurs.
M.G.
Participer 609 février / mars 2005 •
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