Cortona

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Cortona
ReM 2015
Cortona
PARTICIPANTES
AIGUEBELLE
Dom Eric
(Abbé)
TRE FONTANE
Dom Giacomo
(Abbé Co-Président)
FRATTOCCHIE
Dom José
(Supérieur)
ATLAS
Dom Jean-Pierre
(Prieur)
BOSCHI
Dom Lino
(Prieur)
VIALE AFRICA
Dom Santiago
(Cons. A. G.)
BLAUVAC
M.re Anne-Emmanuelle
(Abbesse)
BONNEVAL
M.re Michèle
(Abbesse)
VITORCHIANO
M. Rosaria
(Abbesse Co-Présidente))
VALSERENA
M. Monica
(Abbesse)
NAŠÍ PANÍ
M. Lucia
(Prieure)
SIRIA/SYRIE
M. Marta Luisa
(Supérieure)
DÉLEGUÉ
P. Loris
FRATTOCCHIE
INVITÉ(E)S
Dom Mauro Lepori O.C.
M. Luciana
Abate.Generale – Abbé Général
CORTONA
Supérieure
INTERPRETRES
Sr. Claire
Sr. Maria Teresa
Échourgnac
Vitorchiano
It. / fr:
Fr. / it.
SECRETAIRES
Sr. Patrizia
Sr. Anne
Sr. Sabina
Valserena
Valserena
Vitorchiano
(synthése finale)
français
italien
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LUNDI 15 mai (soir)
OUVERTURE DES TRAVAUX
Les travaux de la REM sont ouverts par les salutations et la présentation du
programme par les deux coprésidents, Dom Giacomo et Mère Rosaria.
Dom Giacomo souhaite la bienvenue aux participants, en particulier à ceux qui
prennent part pour la première fois à la réunion; Mère Rosaria expose les points du
programme et les changements qui ont été faits.
On procède à l’élection d’un seul membre de la Commission de Coordination qui
collaborera avec les coprésidents et un des modérateurs à tour de rôle.
Dom Eric est élu membre de la Commission de Coordination. Dom Giacomo, Dom José,
Mère Anne-Emmanuelle et Mère Lucia sont choisis pour être modérateurs et modératrices. La
Commission de Coordination est ainsi composée: les deux coprésidents, Dom Giacomo et
Mère Rosaria, Dom Eric en tant que membre élu et tous les jours, à tour de rôle, un des
modérateurs ou une des modératrices.
3
4
DIALOGUES EN VUE DE LA REM 2015
REFLEXION SUR NOTRE CHARISME EN CETTE ANNEE DELA VIE CONSACREE
à la lumière de notre dernier Chapitre Général
Avant-propos
L’Abbé Général a conclu notre Chapitre par une homélie dans laquelle il nous invitait à
« récupérer » ce qui fait l’essence de notre vocation et à discerner les signes des temps pour
comprendre où Dieu nous parle, ce qu’il nous dit et quelle est sa volonté. De son côté, quand
Dom Mauro Lepori est intervenu à notre Chapitre Général, il nous a rappelé deux dimensions
essentielles de notre vie qui sont devenues fragiles et précaires et qui, par conséquent,
doivent être reconquises, à savoir la dimension mystique et la dimension communautaire et
fraternelle de notre charisme cistercien.
Entre mémoire et prophétie, l’Année de la Vie Consacrée nous fournit l’opportunité
d’un retour aux fondements de notre vie monastique, de notre vocation personnelle et de
notre charisme cistercien. C’est ce que nous invitent à la faire les deux lettres circulaires que
la Congrégation des Religieux à adressées aux consacrés : mémoire de la rencontre
personnelle avec le Seigneur et mémoire de l’appel reçu, sources en nous de la vraie joie et
recherche enthousiaste (prophétie) du chemin à suivre en ce moment précis de notre vie et de
la mission de l’Eglise.
Nous pourrons réunir les suggestions du Chapitre Général et celles de ces lettres
destinées aux consacrés pour l’année de la vie consacrée, en réfléchissant sur certains points.
MEMOIRE D’UN APPEL ET JOIE D’UNE RENCONTRE RENOUVELEE : QUELLE EST MA
REPONSE ? LA JOIE DE LA VIE CONSACREE ET LA RECHERCHE DE DIEU.
•
«Là où sont les consacrés, il y a la joie ! C’est la joie de la fraîcheur, la joie de suivre Jésus ; la joie
que donne l’Esprit saint et non pas la joie de ce monde. Mais d’où nait cette joie ? […] La joie naît
de la gratuité d’une rencontre ! […] La joie de la rencontre avec Lui et la joie liée à l’appel reçu
conduisent non pas à se fermer sur soi-même mais à s’ouvrir ; elles portent à servir dans
l’Eglise »(Rallegratevi n.12 et 10 ; Cf. Pape François, rencontre avec les séminaristes et le
novices06.07.2013)
«La rencontre avec le Seigneur nous met en mouvement, nous pousse à sortir de l’autoréférentialité. La relation avec lui n’est ni statique ni intimiste : « Celui qui met le Christ au
centre de sa vie se décentre ! Plus tu t’unis à Jésus et Lui devient le centre de ta vie, plus Lui te fait
sortir de toi-même, te décentre et t’ouvre aux autres.» […] « Nous ne sommes pas au centre, nous
sommes, pour ainsi dire, ‘déplacés’, nous sommes au service du Christ et de l’Église »”
(Rallegratevi n. 5; cf. Pape François in Evangelii Gaudium n.265; Discours aux participants du
congrès nationale sur la Catéchèse 27 septembre 2013; Homélie fête de Saint Ignace 31 juillet
2013)
DEMANDES EN VUE D’UNE REFLEXION PERSONNELLE :
-
-
Faisons-nous l’expérience de vivre dans la joie ? Est-ce que ne prévalent pas trop
souvent le mécontentement ou la lamentation ? Où nait la joie et sur quoi se fondet-elle ? Où la cherchons-nous tous les jours ?
Dans le concret des situations et de nos relations, qui mettons-nous au centre de
notre vie ?
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Cette réflexion personnelle devrait servir de fond pour les trois dialogues qui
suivront.
Premier dialogue
1. LA SOURCE FONDAMENTALE D’UN CHARISME RENOVE : LE CŒUR QUI
TRENOUVELLE LE DESIR.
•
Demandes-toi : as-tu un cœur qui désire quelque chose de grand ou un cœur endormi par les
choses ? Ton cœur a-t-il conservé l’inquiétude de la recherche ou l’as-tu laisser s’étouffer par les
choses, qui finissent par l’atrophier ?(Rallegratevi n. 4 . cf. Pape François Homélie pour la Messe
d’ouverture du Chapitre général de l’Ordre de Saint Augustin, Rome, 28 août 2013)
Question :
Quels désirs habitent notre cœur ? Comment nous rendons-nous compte que notre
cœur est inquiet à cause de Dieu, s’il est capable de chercher, s’il est ouvert pour
recevoir, ou s’il est assoupi ? Qu’est-ce qui risque de nous assoupir et de nous faire
perdre le goût de la recherche de Dieu ?
•
Comment puis-je être libre par rapport à cette culture du provisoire ? suis-je inquiet pour Dieu,
pour l’annoncer, pour le faire connaître ? Ou est-ce que je me laisse séduire par cette mondanité
spirituelle qui pousse à tout faire par amour de soi-même ? (Rallegratevi n.12 - cfr Pape
Rencontre avec les séminaristes et les novices, Rome, 6 juillet 2013)
Question :
Comment se manifeste dans notre vie le piège de mondanité ? Peut-on la
combattre et que faisons pour cela ?
Second dialogue
2. LE CHARISME FONDATEUR : COMMENT NOUS SITUONS-NOUS ENTRE MEMOIRE
ET PROPHETIE ?
Quand le Seigneur veut nous confier une mission ou un travail, il nous prépare pour bien le faire…
quand le Seigneur confie une mission, il nous fait toujours entrer dans un processus de
purification, de discernement, d’obéissance et de prière.(Scrutate n.18 – François, Méditation sur
Sainte Marthe , 13 juillet 2014)
Questions :
Communautairement à quel point nous trouvons nous après le renouveau
conciliaire ? (Scrutate, 6 sv)
Comment interprétons le charisme quand nous en faisons mémoire, vers quel
avenir voulons- nous aller ?
Quel est aujourd’hui notre mode de vie et de participation à la mission de
l’Eglise ?
6
Troisième dialogue
3. LA VIE FRATERNELLE EN COMMUN : LA TACHE QUE L’EGLISE NOUS CONFIE
La fraternité est le premier évangile et le plus crédible que nous puissions raconter
(Rallegratevi 9). La tâche que confie l’Eglise à tous les chrétiens et en particulier aux
consacrés, une tâche que nous rappelle les deux documents adressés aux consacrés, est la vie
fraternelle. Il est universellement reconnu qu’il s’agit de l’élément le plus important
aujourd’hui et aussi du plus difficile.
•
Il nous est demandé d’humaniser nos communautés : « Prendre soin de l’amitié entre vous, de la
vie de famille, de l’amour entre vous. Et il faut que le monastère ne soit pas un Purgatoire, mais
qu’il soit une famille. Les problèmes existent, il y en aura, mais, comme on fait dans une famille,
avec amour, il faut chercher la solution avec amour ; il ne faut pas détruire celle-ci pour résoudre
cela ; il ne faut pas qu’il y ait de la compétition. Toujours avec un cœur grand. Laisser passer, ne
pas se vanter, tout supporter, sourire avec le cœur. Et le signe en est la joie ». La joie se consolide
dans l’expérience de la fraternité, ce lieu théologique où chacun est responsable de la fidélité à
l’Evangile et de la croissance de chacun. Quand une fraternité se nourrit du même Corps et Sang
de Jésus, elle se réunit autour du Fils de Dieu pour partager le chemin de foi sous la conduite de la
Parole, elle devient une avec lui, elle est une fraternité de communion qui expérimente l’amour
gratuit et vit en fête, libre, joyeuse, pleine de courage. ” (Rallegratevi n. 9 - cfr François Evangelii
Gaudium n.47; Discours aux moniales de clôture 4 octobre 2013)
•
Suis-je doux ? Suis-je humble ? Dans telle communauté, on litige entre soi à propos de l’autorité,
on est jaloux les uns des autres et toutes sortes de rumeurs circulent. La paix dans une
communauté est un élément fondamental. C’est si fondamental que le démon cherche toujours à
diviser, il est le père de la division. Il divise avec la jalousie. Jésus lui nous montre le chemin, celle
de la paix entre nous, celle de l’amour entre nous. (Scrutate n.18 – cfr François, Méditation sur
Sainte Marthe, 29.04.2014)
Questions :
• Quelle est la qualité de notre vie fraternelle ? Que sont nos rapports ?
• Pourquoi nous est-il parfois si difficile de vivre entre frères, entre sœurs ?
Comment nous situons-nous devant cette difficulté ?
• Comment vivre et construire entre nous des relations d’authentique communion
fraternelle ?
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MARDI 16 mai
Modérateur de la journée: Dom José
LECTURE DES RAPPORTS DE MAISON ET DIALOGUE
Un bref dialogue suit la lecture du rapport. Nous reportons en résumé les principaux
points d’approfondissement, d’éclaircissement et les réponses faites aux demandes.
AIGUEBELLE
Dialogue
Préparation du rapport. La grille proposée n’a pas été suivie. Dom Eric explique que c’est
dû au fait que la communauté a été prise par les travaux de restructuration de l’église et
que cela a rendu difficile la possibilité de faire des dialogues. Cependant, si il a été
difficile de parler des thèmes proposés, de fait, les travaux de l’église ont été une
occasion pour arriver à un consensus communautaire. La communauté, s’est donc
démontrée, d’une part, capable de vivre une certaine communion mais d’autre part,
lorsqu’il s’agit d’affronter des thèmes spirituels, les frères ont plus de difficulté à parler.
Collaboration. La communauté a été capable de se mobiliser quand les travaux de l’église
ont commencé, en acceptant les désagréments de la situation et en arrivant à des
décisions communes pour les travaux à faire.
Disponibilité au changement. Les anciens ont accepté de changer leurs habitudes. Cela
prouve que souvent nous avons des idées préconçues et nous disons qu’il est impossible
de changer; c’est un petit détail qui montre que la communauté est capable d’avancer.
Noviciat. En ce moment il n’y a pas de novice (le postulant est parti deux semaine avant
de recevoir l’habit), mais en même temps il y a une nouveauté; pour la première fois
depuis trente ans, nous avons reçu des regardants de moins de 30 ans. L’un d’eux, celui
de 21 ans, reviendra sans doute pour commencer son postulat en septembre.
Formation. Les deux regardants ont dit avoir découvert la valeur de la lectio, de la prière
et de la place des anciens dans la communauté. Cela démontre que la communauté est
encore capable d’accueillir, d’accompagner et de former ceux qui se présentent, même si
8
ces derniers temps elle a subi une rapide diminution en nombre (Père Godefroy est parti
pour la Syrie et Frère Bathélémy retourne à la Trappe).
Changement des charges. Il y a eu des changements dans les charges de prieur, sousprieur et maître des novices: le maître des novices est devenu prieur, le prieur sousprieur, tandis que jusqu’à présent le nouveau maître des novices n’avait aucune
responsabilité. Le frère qui était maître des novices est maintenant responsable de
l’atelier et du magasin. Un sous-maître qui n’existait plus depuis trente ans a été nommé.
TRE FONTANE
Le dialogue a porté sur la dernière Carte de Visite (28.11.2014). Le climat communautaire a
été défini comme étant un peu “froid”, il faut dire que ces impressions ne doivent pas être
généralisées car divers frères pensent que celui-ci n’est pas si peu “clément ”, comme on a
l’habitude de le répéter. Une preuve : ce que met en évidence la Carte de Visite : “Nous avons
été frappés par la qualité du chant qui se déroule de façon tranquille, régulière, avec une
bonne fusion des voix, cela dit quelque chose de l’harmonie au sein de la Communauté.”
En outre, il faut ajouter que aussi bien la phase de restructuration économique, que la
persistance d’une difficulté objective de recrutement, n’ont pas de répercussions négatives
sur la sérénité des frères qui vivent tout cela dans la foi. Malgré la présence d’un certain
individualisme certains d’entre nous estiment qu’actuellement il est tout de même possible de
vivre une vraie conversatio et que de fait on la vit. L’art de la relation demande un travail pour
se convertir de la part de chacun, sans oublier que chaque personne est porteuse de conflits;
donc le vrai problème pourrait plutôt consister en : comment s’insérer avec foi dans un
contexte pas toujours facile. Le climat communautaire dépend plutôt de la convergence ou du
manque d’unité autour des valeurs centrales qui, effectivement peuvent être lues selon des
points de vues différents, mais ne jamais disparaitre de l’horizon ou être déclassées. C’est la
raison pour laquelle l’individualisme prend pied et se développe là où cette cohésion de fond
est faible et contradictoire.
Il y a d’autres facteurs qui aident la communauté à se sentir unie : la conscience de la richesse
intrinsèque de la vocation monastique ; passer de la “ concurrence ” à la “complémentarité”;
renoncer à une vision du devoir (auquel les autres seraient tenus) et l’accueil d’un esprit de
gratuité (auquel nous devrions nous plier volontiers); sentir l’autre non tant comme un
obstacle ou un poids mort, mais comme un don et donc comme une raison pour rendre grâce.
On a aussi souligné l’importance du rôle du supérieur, en vue d’une patiente correction de la
tendance à l’autonomie pour favoriser un climat plus fraternel et une plus grande
participation à la vie communautaire. Parallèlement à une réflexion sur les sujets à peine
décrits, nous avons approfondi le thème de la Recherche de Dieu en utilisant pour le second
nocturne des Vigiles les lectures qui se référaient aux textes du Magistère sur la vie religieuse,
ainsi que quelques conférences sur le thème “quaerere Deum” chez saint Bernard. En partant
des textes fondamentaux de notre Ordre : la Règle de Saint Benoît (RB 58) et les Constitutions
(C.3.1 ; 46.1), la recherche de Dieu apparaît comme un point de référence constant pour
l’entière parabole existentielle du moine. Les documents du Magistère aussi la reprend
volontiers, en commençant par le Concile Vatican II (PC6). Par exemple, Venite seorsum
(1969), la met en relation avec la “plénitude de la personnalité” (plenitudo personae) et donc
avec l’unité intérieure (VS 5). La Vie fraternelle en communauté (1994) voit dans une telle
9
recherche “l’exigence fondamentale de la vocation à la vie contemplative” (VFC 10), surtout à
une époque comme la nôtre où le “réveil de la recherche du transcendant” (VFC 20) rend les
communautés monastiques des “ lieux privilégiés où l'on expérimente les voies qui
conduisent à Dieu”. Dans Vita consecrata (1996), saint Jean - Paul II a défini le monachisme
occidental comme étant “héritier de tant d’hommes et de femmes qui après avoir quitté la vie
selon le monde, cherchèrent Dieu et se donnèrent à lui, “sans rien préférer à l'amour du
Christ” (VC 6). Durant le pontificat de Benoît XVI le quaerere Deum est aussi revenu sur la
scène à l’occasion de son Discours au Collège des Bernardins (12.9.2008), dans lequel il a
affirmé que “la recherche de Dieu reste le fondement de toute culture véritable”. Elle ne peut
être considérée comme la tâche spécifique du monachisme médiéval: “regarder au-delà des
réalités pénultièmes et se mettre à la recherche des réalités ultimes qui sont vraies” est en
effet l’attitude vraie et cohérente de la philosophie. “La recherche de Dieu exige la culture de
la parole, et cela comporte aussi – ajoutait Benoît XVI – la formation de la raison, la mise en
valeur des sciences profanes et une culture du travail (ora et labora)”. Tout cela était mis en
valeur surtout en lien avec le débat sur les racines chrétiennes de l’Europe. Il devient naturel
alors de conclure avec les paroles même de saint Bernard: “tu ne chercherais pas du tout si tu
n’avais d’abord été cherché, ni n’aimerais si tu n’avais été aimé en premier. Tu as été précédé,
non par une, mais par deux bénédictions: l’amour et la recherche…” (SCC 84,5).
Dialogue après la lecture du rapport de Tre Fontane
Préparation du rapport. Le rapport est le fruit de quatre dialogues qui ont eu pour base
la Carte de Visite.
Vie consacrée. La dernière partie recueille des conférences faites par Père Emanuel sur le
thème de la recherche de Dieu. Cela a aussi été utile pour les frères de lire et méditer les
documents du Magistère sur la vie religieuse publiés depuis le Concile Vatican II.
Economie. Les initiatives prises pour rétablir la situation économique se développent de
façon positive même si le frère qui les a suivies accuse une grande fatigue.
Aspirants. Ces derniers temps, 7 aspirants se sont présentés: deux d’entre eux devraient
faire une expérience en juillet. Ce sont des personnes qui ont environ trente ans avec
une expérience d’étude ou de travail.
FRATTOCCHIE
METHODOLOGIE
Nous avons divisé la Communauté en deux groupes générationnels : les anciens (6) et les
jeunes (5). Le noviciat (4) se réunissait avec le Supérieur et ne participait pas aux réunions
plénières. Chaque groupe avait l’initiative de ses réunions. Chacun répondait aux demandes
par écrit, en faisait une lecture partagée et remettait l’écrit aux modérateurs, après quoi
suivait un Dialogue. Quelques jours plus tard on faisait la Réunion plénière où les groupes
confrontaient leurs synthèses et s’en suivait un Dialogue. A la fin les modérateurs ont préparé
un texte final de chaque Dialogue qu’ils ont remis au Supérieur lequel a fait la synthèse finale
(le présent Rapport)
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PREMIER DIALOGUE
1.- la source fondamentale d’un charisme renove : le cœur qui renouvelle le desir
Quels désirs habitent notre cœur ? Comment nous rendons nous compte que notre cœur est
inquiet à cause de Dieu, s’il est capable de chercher, s’il est ouvert pour recevoir, ou s’il est
assoupi ? Qu’estce qui risque de nous assoupir et de nous faire perdre le goût de la recherche
de Dieu ?
Réponse :
• le « désir de Dieu » s’est exprimé de différentes manières: désir de chercher Dieu, de le
connaitre, de voir Dieu, d’être avec Lui, désir de guérison, de sainteté, de demeurer
avec Jésus.
• le « Désir de communion fraternelle » a aussi été manifesté : aimer et être aimé ; l’unité
des chrétiens ; le salut de tous les hommes.
• Etre centrés sur nous-mêmes endort le cœur et nous fait perdre le goût de la recherche
de Dieu. Les préoccupations pour la santé, pour le travail ; les relations humaines en
particulier hors du monastère ; négliger la prière ou la faire seulement par devoir ; le
plaisir, les satisfactions, les idées exaltantes ; le péché. Tout cela endort le cœur. Etre
centré sur soi; le fait de s’apitoyer sur soi même ; la recherche de curiosités variées ;
s’abandonner à la mondanité ; le pessimisme, tout cela élimine l’inquiétude pour Dieu.
Nous devons accomplir continuellement l’exode de nous-mêmes.
Comment se manifeste dans notre vie le piège de la mondanité ? Peut on la combattre et que
faisons nous pour cela ?
Réponse :
• Une vie de petit bourgeois, confortable, pour l’amour de soi. La globalisation de
l’indifférence ; l’autoréférentialité ; la fièvre de la consommation ; l’attachement aux
choses ; chercher quelque chose plus que Dieu ; tout cela nous fait oublier la radicalité
de notre vie : Chercher Dieu. La dispersion encouragée par les nouveaux moyens de
communication ; vivre, aimer, juger en fonction de l’efficacité.
• Vivre sobrement, taciturne, pauvre et obéissant ; faire la volonté de Dieu et le bien des
frères ; Repenser au : « Ad quid venisti ? ».
• Vivre l’évangile dans sa radicalité, dans une vie de prière unie au Seigneur, en se
confrontant avec le Supérieur et la R.B., pour être attentifs et vigilants. En résumé
demander et chercher la conversion du cœur, pour aimer Dieu et les frères.
DEUXIEME DIALOGUE
2.- le charisme fondateur : comment nous situons nous entre memoire et prophetie
Communautairement à quel point nous trouvons nous après le renouveau conciliaire ?
Réponse :
• Dans notre communauté le renouveau conciliaire, grosso modo, a été accueilli. Il faut
souligner qu’entre le groupe des « jeunes » et celui des « anciens » il existe une
certaine diversité d’interprétation, qui fait émerger deux visions et mentalités
différentes.
• Les jeunes font remarquer que ce renouvellement devrait se compléter par une
mentalité et un style monastique - contemplatif plus évidents. Après le Concile on a
11
donné plus de place et de centralité à la personne (enfermée dans des us et des
observances plus mortifiantes et pénitentielles ), mais il a manqué une formation et
une vision commune dans la ligne monastique cénobitique cistercienne. De cette
manière, un certain individualisme de vision et de comportement s’est développé, qui a
débouché sur la crise de l’an 2000. On a trop peu investi sur la formation monastique,
théologique, spirituelle, musico-liturgique, professionnelle. Il y a une requête de
majeure clarté dans l’emploi des moyens de communication sociale. On souligne, en
outre, la nécessité d’un approfondissement de la réforme liturgique.
Comment interprétons nous le charisme quand nous en faisons mémoire, vers quel avenir
voulons nous aller ?
Réponse :
• Sur le charisme cistercien il ne semble pas qu’il y ait des idées claires, même chez les
frères qui vivent dans le monastère depuis de nombreuses années. Sur les valeurs
fondamentales (Constitutions, silence, identité monastique cistercienne ) il manque
donc une vision commune, même en tenant compte de la naturelle différence entre les
personnalités. Cependant le désir, pour l’avenir, surtout avec la décision du transfert,
est celui d’une majeure authenticité de notre vie monastique contemplative, dans la
recherche de Dieu, en silence et solitude, avec une fraternité évangélique plus étroite et
plus responsable.
Quel est aujourd’hui notre mode de vie et de participation à la mission de l’Eglise ?
Réponse :
• Pour tous, même si cela est exprimé en divers langages, notre manière de vivre et de
participer à la mission de l’Eglise est, comme le disent nos Constitutions, la vie
contemplative elle-même. Il y a la conscience d’être ceux qui, dans le cœur de l’Eglise et
du monde, louent, adorent Dieu et intercèdent pour tous les hommes. La « mystérieuse
fécondité apostolique de la vie contemplative» ne consiste pas à faire quelque chose de
plus, mais à être ce que nous devons être par don de Dieu. Un autre aspect important
est le témoignage de notre fraternité évangélique, constamment orientée à la charité.
TROISIEME DIALOGUE
3.- la vie fraternelle en commun : la tache que l’eglise nous confie
Quelle est la qualité de notre vie fraternelle ? Quels sont nos rapports ?
Réponse :
•
Accord général pour apprécier comme bonne et sereine la qualité de la vie
fraternelle, en particulier par rapport au passé, dans un respect mutuel, de paix,
d’aide réciproque. A travers un dialogue et une confrontation plus ouverte, nous
devons travailler à dépasser des relations, parfois, un peu difficiles et arriver à
nous sentir un seul cœur et une seule âme. Dépasser la peur de rouvrir de
vieilles blessures. Il faut considérer la diversité et la relève des générations
comme naturel et inévitable dans une communauté : ainsi en a-t-il été dans le
passé, et ainsi en sera-t-il demain.
12
Pourquoi nous est-il parfois si difficile de vivre entre frères, entre sœurs ? Comment nous situons
nous devant cette difficulté ?
Réponse :
• Nous avons expérimenté dans le passé cette difficulté, due à des divisions en
communauté, avec une crise longue et douloureuse. Autres causes : diversité de
provenance, de formation, d’âge ; manque de confiance et peur des affrontements ;
difficulté à communiquer et isolement dans une spiritualité personnelle ; styles de vie
différents ; la mentalité du monde qui s’insinue. Que faire ? Plus d’estime entre les
générations, accueil et don réciproque, avec charité et pardon, dans la voie de
l’Evangile.
Comment vivre et construire entre nous des relations d’authentique communion fraternelle ?
Réponse :
• Aimer, accueillir et valoriser la diversité de l’autre, en nous reportant à la foi en notre
communion avec Dieu, qui nous a aimés et nous aime, demandant Son aide dans la
prière. Investir plus dans la formation. Trouver un équilibre (pas toujours facile) entre
une fraternité chaleureuse et cordiale, et le silence et la solitude recommandés par nos
Constitutions (ce qui ne veut pas dire : vivre en « ermites » en communauté ) à travers
la recherche d’une relation avec Dieu. Pour faire place à l’autre, il est parfois nécessaire
de diminuer par amour : petites kénoses quotidiennes afin de mettre en valeur le «
nous» . Retourner à nos Constitutions et, surtout, à l’Evangile.
Dialogue après la lecture du rapport de Frattocchie
Physionomie de la communauté. La communauté est en grande partie composée
d’anciens: sept personnes ont entre 80 et 95 ans et parmi elles quatre ne travaillent pas,
tandis que les autres font ce qu’elles peuvent; trois ont 70 ans; puis il y a le groupe des
cinq jeunes qui assument les différents travaux; enfin, il y a deux novices, un postulant et
un regardant.
Economie. Le problème de l’économie persiste encore, surtout à cause des coûts élevés
de la vigne, raison pour laquelle elle a été louée.
Transition. C’est un moment de transition, on sait où nous voudrions aller, mais on ne
peut continuer tant qu’on n’arrive pas à vendre le monastère.
En chemin. Le rapport montre toutefois qu’un chemin en profondeur qui demande de la
patience a été fait et est en cours. La communauté prend toujours davantage conscience
de la nécessité d’un changement. Bien qu’il y ait une fragilité évidente sur de nombreux
points, la communauté est sereine et vit tranquillement sa vie monastique. La présence
de vocations est un stimulant important. On perçoit une communauté capable d’évaluer
ce qu’elle vit, qui a conscience de ce qu’elle est, qui semble naître ou renaître.
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N. D. DE L’ATLAS
La Communauté Notre-Dame de l’Atlas à ce jour compte cinq frères, plus un sixième. Notre
novice, frère Nuno a fait sa profession temporaire le 21 mai – pour le 19ème anniversaire de la
mort de nos 7 frères – Frère James – le second novice – a préféré retourner dans le ministère –
puisqu’il était prêtre en paroisse avant de nous rejoindre – la vie pastorale lui manquait. Notre
communauté a accueilli un sixième frère même s’il n’en fait pas partie. Un ancien moine de Ste
Marie de l’Evangile en République Dominicaine (un canadien) qui a passé plusieurs mois avec
nous en 2001 … ; qui a vécu 8 ans la vie érémitique ; mais pour des raisons de sécurité a voulu
se rapprocher d’un monastère. Il nous a demandé ce service et nous sommes très heureux de
l’avoir avec nous.
Nous avons fait 5 ou 6 rencontres pour partager sur les questions qui nous ont été proposés
dans le cadre de l’Année de la Vie Consacrée.
1er Dialogue
Nous sommes tous d’accord pour dire que le désir qui habite nos cœurs – c’est Dieu …c’est
vivre avec Dieu, par un souvenir continuel de Lui. Nos désirs sont ceux « de Celui qui nous
habite … ». Vouloir ce que Dieu veut… voilà ce qui procure la joie…
Par contre ce qui risque de nous assoupir et de nous faire perdre le goût de la recherche de
Dieu … c’est l’invasion du monde, la routine, le manque de dynamisme – la tristesse des
disciples qui n’ont pas pu veiller une heure avec Jésus à Gethsémani. C’est un relâchement
dans la prière et d’une manière générale, dans tous nos exercices réguliers. Nous avons aussi
souligné l’importance de la liturgie dans nous vies, de ne pas se laisser accaparer par les
soucis matériels, de l’obéissance, et de la docilité à l’Esprit Saint.
2ème Dialogue
Communautairement à quel point nous trouvons-nous après le renouveau conciliaire ?
Plusieurs ont répondu qu’il est difficile de répondre quand nous n’avons pas connu la vie
monastique d’avant le Concile, mais, il nous semble que nous avons gagnés, en simplicité de
vie … et en vie fraternelle…
Si les observances ont moins de poids dans la vie monastique – notre milieu de vie doit rester
″porteur″ pour nous acheminer vers la prière continuelle – évoquée plus haut – vers la pureté
du cœur auquel nous aspirons – et qui est le but de la vie monastique, selon Cassien. (réf. 1ère
conférence) Un frère regrette que le renouveau de la Liturgie n’ait pas gardé une place plus
importante au chant Grégorien.
Vers quel avenir voulons-nous aller ? Nous voulons – un ordre, une communauté – qui nous
aide à réaliser notre vocation, notre charisme de « chercheur de Dieu », « d’union à Dieu »
Nous pensons que notre participation à la mission de l’Eglise, se fait par la prière et par notre
témoignage de vie…
3ème Dialogue
La vie fraternelle en commun
Notre vie fraternelle a des hauts et des bas « Nous sommes heureux de vivre ensemble »
comme dit le psaume ; mais parfois il y a des tensions dû à la fatigue et aux différences d’âges
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et de cultures. A Notre-Dame de l’Atlas la vie fraternelle est élargie, avec nos employés qui
sont très proches de nous. Nous sommes ouverts …
La première difficulté à vivre entre frères et sœurs, nous paraît être un manque d’esprit de foi –
dans le frère ou la sœur avec qui nous avons des difficultés relationnelles ; nous ne voyons pas
assez le Christ présent … en eux. (réf. 1ère conférence de l’Abbé Général – Chapitre 2011)
Comment nous situons-nous devant cette difficulté ?
Pour reprendre une image de notre Père Jean-Pierre I, qu’il emploie pour parler du Dialogue
interreligieux et que nous pouvons reprendre pour la vie fraternelle, nous pouvons dire :
« que nous sommes sur une échelle à plusieurs montants… plus nous nous rapprochons de
Dieu – en montant – c’est-à-dire, plus nous sommes fidèles à notre vie de prière - plus nous
nous rapprochons les uns des autres dans la vie fraternelle … Autrement dit : « C’est la qualité
de notre vie avec Dieu qui fera la qualité de notre vie avec nos frères et nos sœurs » (ce qui
nous parait une montagne infranchissable dans nos relations, devient un grain de poussière).
Pour la vie fraternelle, il est important aussi – nous semble-t-il - de trouver des occasions de
faire « la fête », de couper la monotonie du quotidien (par une sortie, un pique-nique, une
détente ensemble …)
Dialogue après la lecture du rapport de Midelt
Composition de la communauté. Dans la communauté il y a un frère canadien qui sait
faire beaucoup de choses, il a de nombreuses idées et en ce moment classe la
bibliothèque et insère les données sur ordinateur. Il était ermite en République
Dominicaine et a l’intention de rester. Depuis environ trois ans un frère d’Aiguebelle,
utile pour la liturgie, fera son changement de stabilité le mois prochain.
Vie de la communauté. L’Abbé Général, au cours de sa visite, a beaucoup apprécié la
communauté, la liturgie, l’ouverture aux ouvriers et aux voisins et a trouvé que la vie
semblait très pauvre et austère. Il a aussi eu une rencontre avec l’Evêque qui a confirmé
l’importance de notre présence.
Dialogue interreligieux. L’importance de la présence “priante” des frères de Midelt est
aussi due à la valeur du dialogue monastique interreligieux que le magistère du pape
François rappelle.
BOSCHI
Le cœur qui renouvelle le désir
Dieu Père a mis dans notre cœur le désir de son visage, “la notion d’éternité”, c’est pour cela
qu’il est impossible d’être pleinement heureux si non “dans le vrai Dieu et dans la vie
éternelle”, le Seigneur Jésus. Nous avons été créés en Christ pour la joie de la Sainte Trinité,
Dieu Père, Fils et Esprit Saint et pour la plénitude de notre joie ici sur la terre, et après,
éternellement au Paradis. C’est ce gémissement désir de l’Esprit qui nous a conduits au
monastère pour renouveler et rendre continuelle la conversion de notre cœur par la
“contemplation” de cette vie divine, du visage du Seigneur en nous et dans les frères. Nous
sommes dans le monde, mais pas du monde, car un germe Immortel, “la Parole Vivante” nous
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a régénérés comme créature nouvelle dans l’Esprit Saint. Nous avons la vie divine et nous
sommes appelés à vivre comme des Ressuscités, aspirant avec ardeur au “Ciel”. Notre
difficulté réside dans le fait de mourir avec le Christ aux désirs d’autrefois, aux choses de la
terre car le monde est encore en nous ; il est nécessaire de travailler avec les instruments de la
règle pour faire mourir les désirs de la chair, les passions trompeuses - notre Jacob - qui nous
font mettre au centre notre plaisir, le pouvoir et l’affirmation de soi. Ce travail-combat est
vigilance, chemin intérieur et extérieur constant d’humilité, de sacrifice, d’observances et de
confrontation-obéissance avec l’Abbas.
Mémoire et prophétie
Le cloître du monastère a toujours eu une seule fonction: permettre à l’homme de découvrir,
approfondir la connaissance de soi, en pénétrant dans le cœur pour explorer sans trêve son
cloître intérieur. La vie monastique est ordonnée à ce travail d’illumination de la “cellule
secrète” du cœur pour dissiper les ténèbres et jouir de la lumière de l’Evangile que le Père a
fait briller en nous. Chaque monastère a ses charismes particuliers qui constituent l’originalité
de son visage, son identité. Chaque moine a un charisme ou plusieurs charismes mais ceux-ci
ne peuvent être bien exercés que dans l’harmonie de la vie commune, dans la
complémentarité des dons et des services, à la lumière de l’obéissance; toutes les actions du
moine doivent être ordonnées à la croissance de la Communauté, image de la communion du
Dieu Trinité, et dont l’abbé est gardien. Il revient à chacun d’adapter sa vie au Charisme de
Saint Benoît, des Cisterciens, de Boschi et d’approfondir sa vocation jusqu’à la mort pour
connaître Jésus, le recevoir des autres et le donner aux autres. La Parole Vive demande d’être
incarnée dans les moments différents et les différentes cultures. Elle demande un cœur ouvert
pour accueillir comme un don les frères dans leurs diversité, en soutenant le dessein du
Seigneur sur eux.
La vie fraternelle
Notre vie communautaire est sincère, efficace, familière, accueillante et fragile. La sincérité est
un effort et un signe de relations authentiques; cela veut dire désir de se confronter,
possibilité de croissance, adhésion à la présence du Seigneur au milieu de nous. Le bon zèle
est l’âme et le ciment de l’unité. La confession de la fragilité et le fait de la partager nous aide,
nous moines, à nous unir dans la vérité et à construire le Corps du Christ au sein duquel tous
sont un. Quand l’un de nous se croit fort, il mine l’union, veut se séparer et dans sa suffisance
détruire cette communion qui seule donne la force de construire la fraternité en Christ. Les
tensions elles aussi peuvent devenir positives si elles sont vécues comme des moments de
croissance personnelle et communautaire. Le Seigneur nous parle à travers nos frères.
Cependant, nous n’avons pas toujours la maturité pour dépasser ces moments et les rendre
féconds. Parfois ce sont des incompréhensions, des rancœurs, des batailles personnelles qui
naissent. Il est vital pour toute communauté chrétienne de savoir se pardonner et de cohabiter
dans la joie et la bonne humeur. Le père Romano affirmait : “la vie communautaire c’est aussi
l’anéantissement personnel, les humiliations pour que l’Esprit Saint soit libre d’œuvrer en
nous. Les contrariétés sont des faveurs de Dieu qui blessent l’amour propre. Les épreuves, nos
croix sont l’aiguillon dans les mains de Dieu qui nous pousse en avant”. En les dépassant nous
sommes vainqueur et c’est pourquoi nous cheminons dans la Vérité et la Charité.
Dialogue après la lecture du rapport de Boschi
Préparation du rapport. Le rapport est le fruit d’une dizaine de rencontres faites sur les
demandes de la grille proposée. Les frères ont été invités à répondre par écrit à
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certaines d’entre elles. Les autres ont été partagées ensemble. Le rapport est la synthèse
de tous ces dialogues.
“Travailler avec les instruments de la Règle”. Les observances de la Règle, en particulier le
silence, le recherche de Dieu, la communion entre les frères, le pardon mutuel, la
confrontation avec l’abbé et l’accueil de tous, sont vraiment utiles pour le chemin de
conversion personnelle et sont à prendre en grande considération. Nous devons nous
convertir toujours plus profondément et plus concrètement à la Règle.
Identité de la communauté. Les conférences sur la Règle et sur les Constitutions ainsi que
d’autres conférences sur des arguments plus spécifiques comme la conversion et la
connaissance de soi ont aidé à approfondir davantage les racines de la tradition
bénédictine-cistercienne auxquelles puise Boschi. Ces conférences ont été faites en
tenant compte du livre du Père Romano fondateur ainsi que d’autres thèmes dont la
figure biblique de Jacob, présentés par le Père Bernardo.
Frères angolais en communauté. Un frère de l’Angola qui s’est bien intégré et qui a
absorbé la formation monastique est présent depuis 10 ans dans la communauté, mais
maintenant il voudrait retourner en Angola. Il y a eu une confrontation avec Dom
Bernardo Bonowitz à ce sujet et sur d’autres questions relatives aux frères de l’Angola.
BLAUVAC
Dialogue
Préparation du rapport. Il n’y a pas eu de rapport écrit car les réunions ont été faites
trop tard; seulement le premier et le troisième thème de la grille proposée ont été
affrontés, mais pas celui sur la mémoire et sur la prophétie de la vie fraternelle.
Mondanité et individualisme. On souligne que la mondanité spirituelle s’exprime
aujourd’hui par l’individualisme. La réponse à l’individualisme se trouve dans la vie
commune, mais le risque peut consister dans le fait de vivre proche les unes des autres
et rechercher son propre intérêt sans ressentir l’urgence de vivre pour l’autre, pour la
communauté. L’individualisme se manifeste par la préoccupation de soi, pour son bienêtre, pour son confort et son temps personnel, mais aussi par la préoccupation de sa
réussite personnelle en privilégiant ce qui nous plait et ce qui nous met en valeur et
donc en fin de compte en se cherchant soi-même. Un moyen pour combattre tout cela
consiste, comme l’enseigne Edith Stein, à faire la volonté de Dieu et c’est la seule
préoccupation que le chrétien doit avoir. D’autres moyens excellents pour combattre
l’individualisme qui proviennent de notre tradition cistercienne sont le travail et le
service qui démasquent justement la préoccupation de soi et aident à chercher et
construire le bien de la communauté.
Communication. Le second aspect de la mondanité spirituelle c’est la communication
excessive qui s’oppose à la vraie relation, à la vraie rencontre, à la rencontre profonde.
Le silence et la solitude sont des éléments qui freinent cette superficialité de
communication et qui ouvrent à une relation plus profonde et plus vraie.
Un style de vie de consommation. Le troisième aspect est celui de la consommation:
vouloir tout, tout de suite, sans attendre, sans considérer l’opportunité du moment. On a
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fait la remarque qu’au niveau communautaire être pauvres c’est aussi savoir investir
pour moins dépenser. Il y a ensuite une sorte d’égoïsme pratique dans lequel chacune
peut être tentée de tomber: avoir ses livres, sa réserve de pain, etc. Ce sont des choses
qui tuent la vie commune.
Durant le troisième dialogue la communauté a démontré sa maturité et sa capacité
d’intervenir dans une situation concrète qui concernait une sœur.
BONNEVAL
1. La source fondamentale d'un charisme rénové : le cœur qui renouvelle le désir
Nous avons parfois eu du mal à répondre en public à cette question sur notre désir, entre
autres en raison de son lien avec le for interne. Nous reconnaissons en effet que certains
désirs déviés habitent notre cœur : désir de sécurité et de reconnaissance, attention excessive
à soi-même… Les distractions, les soucis, le travail, la fatigue aussi peuvent détourner notre
regard de Dieu. Mais fondamentalement, nous désirons aimer Dieu, le chercher, faire sa
volonté, aimer et servir nos sœurs. Par conséquent, il est intéressant de s'interroger sur ce qui
peut faire passer ce désir fondamental au second plan.
La « mondanité spirituelle » nous atteint précisément quand nous ne faisons plus passer Dieu
en premier dans notre désir, quand nous lui préférons le monde et nous-mêmes. Nous
sommes conscientes du besoin de prendre au sérieux le combat spirituel en notre coeur pour
revenir toujours à l'essentiel, à l'amour de Dieu et du prochain. Les sacrements, les offices, la
lectio divina, la vie régulière, l'accompagnement spirituel nous y aident.
2. Le charisme fondateur: comment nous situons-nous entre mémoire et prophétie ?
Nous sommes plutôt heureuses de l'évolution qui a suivi le Concile, évolution qui a
notamment apporté une plus forte insistance sur la formation, en particulier initiale, et un
meilleur équilibre entre travail et lectio divina. Il est vrai aussi que la disparition des
converses a posé et pose encore un défi à notre organisation du travail. Nous voyons notre
charisme comme une préférence donnée à Dieu, dans la prière, la vie fraternelle, le travail, le
silence, la séparation du monde. Pour nous, la mémoire de notre charisme et la vision de
l'avenir sont étroitement liées : nous désirons un avenir où notre charisme sera
profondément vécu, de plus en plus, car c'est un chemin. Les modalités pratiques
d'application de notre charisme ont certainement à évoluer. Nous comptons pour cela sur
l'aide de l'Esprit-Saint, sans omettre de réfléchir nous-mêmes !
Notre participation à la mission de l’Église se fait d'abord par notre vie contemplative ellemême, comme disent les Constitutions. Ceci étant nous accordons toute notre attention aux
appels qui peuvent nous être faits par l’Église. Notre diocèse va bientôt entrer en synode et
nous nous efforcerons d'y participer selon ce qui nous sera demandé par notre Évêque.
3. La vie fraternelle en commun : la tâche que l’Église nous confie
Il nous semble qu'il existe une vraie charité fraternelle entre nous, même si elle connaît des
accrocs. Nous nous aimons, nous essayons de communiquer avec vérité et bienveillance. Mais
parfois nous n'y parvenons pas et c'est une source de difficultés dans les relations fraternelles.
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Le stress, le manque de prise en compte des légitimes différences entre nous font partie des
causes de ce problème. Quoi qu'il en soit, nous avons le souci de nous demander pardon
quand cela arrive. Chacune de nous donne une grande importance à la qualité de l'amour
fraternel entre nous, et nous sommes conscientes que c'est bien ce que le Seigneur attend de
nous.
Dialogue après la lecture du rapport de Bonneval
Préparation du rapport. On a travaillé sur les thèmes du rapport pendant le temps pascal
Il y a d’abord eu une réflexion personnelle puis des dialogues. En préparant la synthèse
il n’y a pas eu de difficultés car il y avait un accord commun même si il y avait des
nuances personnelles.
Partage. Les sœurs manifestent un grand intérêt pour le partage sur des thèmes
spirituels surtout à l’occasion de la Réunion Régionale et elles s’impliquent toujours
davantage au niveau personnel. Il ne s’agit pas vraiment d’un dialogue car on arrive avec
un texte préparé qui est lu. Des demandes d’éclaircissement sur le texte sont faites, mais
il n’y a pas de dialogue à proprement parler. Pour le moment, cette méthode est tout de
même bonne, car on apprend à s’écouter et à s’accueillir mutuellement. C’est grâce à cela
que chaque sœur se sent plus libre.
Unité en communauté. Elle se manifeste et se perçoit par le fait que chaque sœur peut
parler sans craindre d’être contestée par une autre et cela donne à chacune une grande
liberté pour s’exprimer. On constate aussi que malgré les différentes façons de
s’exprimer, on est d’accord sur les choses positives comme sur les choses négatives et on
prend conscience de la façon commune de vivre et de réagir dans notre vie.
Noviciat. Il y a un petit noviciat avec une novice et une postulante. Elles aussi ont
travaillé de leur côté à la préparation du rapport, mais elles ont été présentes quand
nous l’avons lu et elles étaient d’accord.
Economie. Ces derniers temps, les questions économiques ont impliqué la communauté.
Nous sommes en pleine restructuration de la chocolaterie et cela a demandé plus de
temps que prévu. Ce mois-ci on a commencé à réaliser ce qui avait été décidé avec
l’embauche du personnel.
Evolution du charisme. Les modalités concrètes d’application de notre charisme devront
évoluer. L’aspect sur lequel nous nous interrogeons davantage est celui de la séparation
du monde, mais cela concerne aussi la façon de concevoir les relations fraternelles au
sein de la communauté ainsi que le rapport entre le silence et le dialogue. Nous nous
posons aussi la question du rapport avec les hôtes, avec les sorties, avec la
correspondance et avec les moyens de communication sociales, surtout internet.
Participation des laïcs à la vie de la communauté. C’est un thème important sur lequel se
confronter car il s’agit de personnes qui aident à la diffusion du charisme. Les
documents officiels de l’Eglise eux aussi parlent de la participation des laïcs.
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VITORCHIANO
C’est année, c’est toutes ensembles et non en groupes que nous avons fait les dialogues en
préparation à la REM, tant pour des raisons de temps que pour exaucer le désir de la
communauté de dialoguer toutes ensembles. Parallèlement aux dialogues de la REM, nous
avons commencé à faire quelques rencontres en vue des prochains travaux de restructuration
de notre église: c’est une bonne coïncidence de façon à ce qui est ressorti des dialogues REM
ne reste pas un “beau discours”, mais puisse se vérifier dans le concret de nos échanges sur les
travaux. Nous avons eu cinq dialogues, sur les thèmes de la joie, du charisme et de la mission
d’où une convergence et une tension vers une unité de vision a émergé.
La joie
L’expression qui synthétise le mieux le contenu du dialogue sur la joie appartient au Pape
François: “Avec Jésus, la joie est de la maison”. Nous avons dit que la joie est un don, le don de
la rédemption du Christ qui soutient et motive le travail de la conversion, et c’est un chemin
d’accueil-réponse à la grâce de Dieu, à la lumière de laquelle nous pouvons aussi affronter les
contradictions et les épreuves de la vie. En effet le défi est celui de sortir d’une vision
hédoniste et égoïste de la joie et de vivre la purification que nous demande la rencontre avec
la réalité. À ce propos, deux interventions peuvent nous servir d’exemple pour ce
cheminement et son contenu; le premier est celui de notre dernière professe solennelle qui
met en lumière comment la grâce de sa Profession fait émerger la valeur définitive et “divine”
de la joie en lui donnant un visage et un lieu.
La vraie joie qui me soutient est celle de me savoir voulue et aimée par Dieu; la Profession
Solennelle a été un signe de cette joie car ici, vous et le Seigneur avez dit oui pour toujours à ma
personne. D’ailleurs, je me rends compte que je tends toujours à réduire cette joie à un sentiment, au
désir d’être “comme il faut”, ou à la condition que tout marche comme je veux. Récemment, j’ai
découvert que la joie d’être aimée coïncide avec la joie d’être pardonnée et corrigée, ramenée sur le
chemin de la vérité. Donc, le point n’est pas tant d’éviter les humiliations et les difficultés que d’y
reconnaître la main du Seigneur qui me guide avec bonté.
La seconde intervention est celle d’une sœur qui en ce moment est particulièrement éprouvée
par la souffrance et la maladie:
Cette année a été très particulière pour moi: j’ai été sauvée au moins deux fois de la fosse et
l’histoire n’est pas finie. Ce que j’ai appris est que souvent nous croyons que la joie est la
compensation due pour avoir surmonté les difficultés, pour avoir appris quelque chose de
nouveau. Mais c’est faux car si nous attendons que les contretemps cessent, qu’ils soient passés
pour qu’ensuite la joie arrive, nous nous trompons. La joie est à l’intérieur de ce que le Seigneur
prépare pour nous chaque jour : cela peut parfois être beau et d’autres fois moins beau. Chaque
jour nous recevons cette aide qui nous donne suffisamment de force pour supporter les difficultés
que nous vivons.
Le charisme
Notre réflexion sur le charisme a été ouverte par une mère qui a plus de 40 ans de vie
monastique, qui a fait la synthèse du chemin de grâce de notre communauté avec trois mots
dans lesquels nous nous sommes toutes retrouvées: « être fille », communion, Eglise/mission.
Les mots qui m’interpellent sont: ”être fille” qui dans cette maison est devenue une expérience
quand j’ai été accueillie qui continue à rester la dimension la plus importante. Au cours du temps
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ce mot est devenu une expérience à travers des visages précis jusqu’à ce que cela devienne
communautaire. Le problème est de durer dans le temps, dans la fidélité en restant dans la
petitesse et la gratitude.
L'autre mot qui me meut est l’aspect communionel, c’est-à-dire donner vie à une certaine
communion: dans le dialogue, dans la confiance, dans le pardon. Mais aussi à travers de profondes
relations d’amitié. Le défi est de croire en cela, dans les circonstances et dans le temps qui
changent.
Troisième mot est être Eglise qui est devenue une des dimensions les plus importantes dans notre
communauté, d’où surgit la mission.
La recherche de Dieu, vrai cœur de notre charisme et de notre proposition formative se concrétise
dans ces trois dimensions, pour nous vitales: à travers celles-ci le charisme reste vivant et se
renouvelle dans l’aujourd’hui.
La prise de conscience de notre identité filiale, du fait d’être Eglise et d’avoir reçu du Seigneur une
mission précise s’élabore à travers les dynamismes de la vie communautaire: la réception de
l’enseignement de la Mère abbesse et l’obéissance, la liturgie, la lectio et la prière personnelle, le
travail et la collaboration, le soin des malades, l’accueil des jeunes et des sœurs d’autres
communautés, les moments de dialogue et de réconciliation, l’effort de réflexion sur la foi et sur
notre tradition en étant attentives aux défis d’aujourd’hui, et ainsi de suite.
Au sein de ce chemin, jamais fini, nous reconnaissons qu’il y a des aspects que nous négligeons ou
que nous mettons au second plan. Par exemple : bien que l’Office Divin et le travail soient des
points forts et qu’au cours des années une participation à la lectio et aux études ait augmenté,
nous notons cependant un manque de zèle pour l’Office Divin (manque de ponctualité et facilité à
s’absenter aux petites heures) et un certain activisme dans le travail. Ce sont des aspects qui avec
le point du silence et de la solitude doivent nous provoquer davantage en profondeur. En effet, si
d’une part nous pensons que de nombreux manques sont liés à notre incohérence et pauvreté,
nous nous rendons aussi compte que certains comportements risquent de devenir une mentalité et
un vice. Nous nous demandons si les attitudes de justification, de plainte, de se contenter de façon
superficielle de ce que l’on fait par peur de s’engager ne finissent pas par devenir l’expression
d’une autonomie de jugement ou d’une superficialité qui appauvrit l’esprit monastique.
La mission
Nous avons souligné que notre tâche est le témoignage: non d’un idéal pensé et rêvé, mais
d’une rencontre de salut qui a pris possession de nos vies et qui nous attire encore
aujourd’hui. C’est aussi de cette expérience que le don des fondations a surgi.
Nous reconnaissons surtout que la prière est la mission que l’Eglise nous confie et que les
personnes nous demandent. Nous sentons la responsabilité de présenter au Seigneur les
nombreuses nécessités que les personnes nous confient tout comme le drame d’une humanité
qui semble avoir perdu le sens de l’existence. La présence de la Bienheureuse Gabriella est
pour nous et pour beaucoup un signe de la fécondité de notre vie: fécondité du oui quotidien
répété dans la foi dans les différentes circonstances: parfois le Seigneur nous donne la grâce
d’en voir les fruits, d’autres fois nous sentons la tentation de vivre un sentiment d’inutilité et
de frustration par manque de résultats tangibles et gratifiants. Nous avons vu combien le seul
fait de rester dans un dynamisme de conversion nous libère de ces déformations et nous
remet avec authenticité au cœur de la vocation.
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Dialogue après la lecture du rapport de Vitorchiano
“Autonomie de jugement et superficialité qui appauvrissent l’esprit monastique". Cela ne
signifie pas rester sur ses positions, tenir à son jugement, à sa pensée, mais se laisser
remettre en question. Le travail que nous cherchons à faire, même si nous n’y arrivons
pas toujours, est justement d’affronter ces points au niveau personnel, ainsi qu’au
niveau de petits groupes et parfois au niveau communautaire.
Vision hédoniste: que peut vouloir dire cette expression dans une société de droits qui
fait perdre la dimension de la gratuité et qui nous rend incapables de reconnaître les
dons de Dieu dans notre vie? Avec le terme « vision hédoniste », on veut dire “ce qui me
plait”, “ce qui me satisfait”, “ce qui m’affirme”, cette sorte de plaisir qui est toujours lié
au péché.
La communauté et le dynamisme de la conversion. Ce qui fait qu’une communauté est
vraiment le lieu où les personnes, malgré leurs imperfections, font un chemin de
croissance et de sanctification, c’est le dynamisme de la conversion. Dans la mesure où
elles sont sollicitées et rappelées à cela, les personnes sont aussi ouvertes pour le vivre.
Le chemin de l’identité filiale et communionel qui mène à être filles et sœurs est surtout
un chemin d’humilité. Ce point est mis en évidence au cours de la formation initiale et
continue comme méthode pédagogique. La conscience d’être filles veut aussi dire que
nous ne sommes pas simplement des personnes qui vivons ensemble, mais que nous
sommes Corps du Christ et donc, ensemble, nous sommes continuellement vivifiées par
les sacrements et par la Parole de Dieu.
Comment dialoguer avec toute la communauté. Le dialogue auquel participe toute la
communauté est différent de celui en petits groupes. Au cours de ces dialogues en
préparation à la REM, nous avons écouté l’expérience de chaque sœur et il y a eu une
grande convergence, mais il n’y a pas eu d’échange. Ceci est toutefois possible,
accompagné aussi d’une correction fraternelle, dans les petits groupes.
VALSERENA
La communauté s’est confrontée avec vivacité et en faisant de riches apports au cours de 7
rencontres où chaque sœur a eu la possibilité de s‘exprimer sur les sujets de réflexion
proposés par la REM.
1 . LA PREMIÈRE SOURCE D’UN CHARISME RENOUVELÉ: LE CŒUR QUI RENOUVELLE LE
DÉSIR.
1. 1 Un Cœur qui désire ou un cœur endormi?
Le grand désir qui meut chacune d’entre nous est de chercher Dieu ensemble dans un corps
communautaire qui, au cours de ces dernières années, change lentement de physionomie à
cause de l’augmentation de l’âge, des problèmes de santé de quelques sœurs et de l’arrivée
d’autres sœurs dans la communauté, entrées plus récentes. Le désir qui nous unit est aussi
celui d’une amitié et d’une collaboration fondée sur une vie de prière plus authentique et plus
profonde et sur une maternité comprise comme celle d’un regard bien intentionné qui
engendre le bien en l’autre. Le cœur est en éveil lorsqu’il est habité par une authentique
recherche de Dieu et cela se voit à la joie. Si nous cherchons le Seigneur, nous sommes
contentes et dans la paix même lorsque nous avons une difficulté car nous cherchons quelque
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chose qui va outre le besoin personnel. Alors le cœur est ouvert à la réalité de la communauté,
signe sacramentel de Sa présence. Si au contraire nous nous recherchons, nous ne sommes
jamais contentes et c’est la lamentation qui domine. Alors, nous nous endormons: nous nous
replions sur nous-mêmes, perdant de vue le Seigneur; le rapport personnel avec Lui disparait,
la prière, la lectio et tout ce qui alimente notre vie intérieure; nous nous laissons vaincre par
nos peurs qui bloquent la relation avec la réalité et les personnes; nous nous enfermons dans
la cuirasse des défenses, des justifications, dans la tranchée de nos immuables jugements ou
pré-jugements; nous ne mettons pas de cœur dans ce que nous faisons, c'est-à-dire tout ce que
nous sommes (intelligence, volonté, affection). Le plus grand défi, donc, est de maintenir vive
la recherche de Dieu dans les tâches quotidiennes et dans nos relations, en cherchant de
maintenir l’unité du cœur et de la personne. Si nous ne sommes pas unifiées en Dieu, c’est le
mécontentement, la médisance, la critique, la curiosité, la recherche de compensation, le
murmure qui naissent. Pour fuir tout cela quelques suggestions ont été données: renouveler
chaque matin sa consécration à Dieu et vivre fidèlement la vie quotidienne dans une
obéissance intelligente qui engage toute notre personne en l’orientant à Dieu.
1. 2. La mondanité spirituelle.
La mondanité spirituelle s’enracine dans la pensée et se manifeste comme un problème de
« centre »: est mondain tout ce qui est centré sur moi-même et non sur Dieu, tout ce que je fais
par amour pour moi-même et non pour le Seigneur. Les modes d’expression sont: la recherche
de l’affirmation de soi, du petit ou du grand pouvoir personnel, du besoin de succès ou de
réussite personnelle; l’attachement aux choses et à ce que nous faisons; la recherche de
l’efficacité et du perfectionnisme qui mène à l’élimination de l’autre et rend intransigeant
même envers soi-même. Il en résulte une façon de penser qui peut être révolutio-destructrice:
rien de ce qui est proposé ne va parce que ce n’est pas moi qui le propose; ou bien idéoperfectionniste : tout est comparé à un schéma de perfection abstrait et normalement rigide.
Derrière ce système de pensée se cache une crise profonde de la foi qui désagrège le cœur
même de l’Eglise et de la vie commune. Deux signes en particulier révèlent une mentalité
mondaine : ne pas accepter le scandale de la pauvreté personnelle ou de l’autre; ne pas
accepter le scandale de la croix, vraie source de la sagesse et d’un jugement chrétien.
Pour se décentrer et combattre la mondanité, la voie principale est celle d’adhérer à la réalité,
le cœur ouvert sans calcul, c’est-à-dire servir gratuitement. Il faut ensuite alimenter les
sources qui alimentent et renforcent la foi, en particulier la prière et la lectio, pour apprendre
à vivre dans le quotidien la logique du Christ et à penser selon l’Evangile. Il est important
aussi de ne pas refuser la souffrance, mais d’apprendre à tout recevoir des mains de Dieu,
conscientes que le Seigneur réalise nos désirs.
2. LE CHARISME FONDATATEUR: COMMENT NOUS SITUONS-NOUS ENTRE MÉMOIRE ET
PROPHÉTIE?
2. 1. A quel point en sommes-nous, communautairement, après le renouveau
conciliaire?
Née en 1968, dès les débuts de son histoire, Valserena s’est située dans le sillon du renouveau
conciliaire qui a consisté avant tout en un renouveau liturgique, puis, entre autre, dans la
tentative de donner un tournant à la vie communautaire par l’introduction de l’instrument du
dialogue, et une compréhension plus claire des usages, des observances, du silence, en
cherchant une évolution et une interprétation qui en recomprenne le sens. Tout cela marque
le début d’un cheminement qui est toujours à reprendre et à poursuivre. Un des fruits a été
23
une redécouverte et un approfondissement, même si il faut continuer, des sources
patristiques et du patrimoine cistercien. La perspective et le défi principal a été comme pour
tout l’Ordre, celle du passage d’une communauté d’observance à une communauté de
communion. C’est dans cette direction, dans la ligne d’une ecclésiologie de communion, que
notre chemin communautaire s’est orienté et s’oriente vers le réalisation d’une unité, d’un
partage et d’une collaboration toujours plus grands. Le piège ou le risque historique a été de
promouvoir l’ouverture à la nouveauté avec un certain démocratisme qui désagrège et fait
perdre le vrai sens de l’autorité et de la communauté. Le chemin reste celui d’un dialogue
authentique dans une recherche communionelle.
Le novum, que le Magistère nous confie comme tâche permanente de la vie consacrée nous
semble coïncider avec le renouveau spirituel que le décret conciliaire Perfectae caritatis
exposait dès les débuts (voir PC, 6). Cela revient à dire avec l’objectif christologique de
l’humanité renouvelée et transformée en Christ qui s’offre toujours au chemin personnel de
conversion et qui seule aussi peut renouveler la vie communautaire.
2.2. Comment, en faisant mémoire, interprétons-nous le charisme? Vers quel avenir
voudrions-nous aller?
Le charisme fondateur est gardé dans notre petite et grande tradition et en chacune des
personnes que le Seigneur a voulu réunir ici. Comme le répète le Pape François, le charisme
est une voie pour adhérer au Christ et pour vivre l’Evangile. Pour nous, cette voie s’appuie sur
la Règle de St Benoît, sur la tradition des Pères de Cîteaux, sur les instruments de la
conversatio reçus à travers celles qui nous ont précédées, en particulier la liturgie, la lectio,
comme foi qui cherche l’intelligence, le travail, la vie commune. Le but de cette vie est que le
Christ croisse en nous comme le disent nos Constitutions. Un charisme engendre un avenir
quand il regarde le passé avec fidélité et répond avec passion aux défis du moment présent.
Pour cela, il nous semble avant tout important de rechercher un “accord” qui soit une “unité
de pensée de vision, de désir” (Mère Cristiana) et que cela s’exprime dans la communion
fraternelle. Nous voyons qu’il est important pour notre avenir de croître dans la charité
fraternelle et l’amitié; dans le pardon et la miséricorde envers toutes; dans l’accueil de la
différence comme étant un don; dans la gratuité et dans le service. La simplicité aussi est une
valeur et un style de vie à redécouvrir communautairement.
2.3. Quel est aujourd’hui notre façon de vivre et de participer à la mission de l’Eglise?
En tant que sujet ecclésial, la communauté monastique ne peut pas ne pas participer à la
mission de l’Eglise. La tâche de la nouvelle évangélisation contenue dans la Evangelii gaudium
nous rappelle le devoir accompli par le premier monachisme; le rappel à être une Eglise “en
sortie”, à l’ouverture, au témoignage, à prendre en charge les questions et les besoins de
l’homme d’aujourd’hui, valent aussi sans aucun doute pour nous, moines et moniales, selon le
mode de la fécondité apostolique silencieuse et secrète qui est propre à notre vocation (voir
Cst). Dans notre vie, prophétie et annonce coïncident. Notre mission se joue aujourd’hui dans
l’authenticité d’une expérience chrétienne qui devient en cela témoignage même et un apport
pour réaliser un humanisme chrétien. Le monastère est en soi un signe qui évangélise et qui
n’a pas besoin de stratégie et de plan pastoral supplémentaire.
Nos champs d’action sont : le rayonnement spirituel, l’influence culturelle, l’exercice de la
charité qui deviennent réalité et style de communion ; l’accueil de ceux qui viennent au
monastère. Outre cela, que nous sentons valable de façon générale, nous devons ajouter
24
quelques aspects importants de l’histoire de Valserena: sans l’avoir prévu, nous nous
retrouvons dans les périphéries du monde à travers nos fondations, dans deux pays, un en
guerre et l’autre marqué des suites d’une longue guerre, Syrie et Angola; nous cherchons à
affronter les frontières de la culture d’aujourd’hui avec une ouverture attentive et réfléchie
aux vocations les plus variées qui se présentent et avec la tentative de nous interroger sur la
culture contemporaine.
3. LA VIE FRATERNELLE EN COMMUNAUTÉ : LA TÂCHE QUE L’EGLISE NOUS CONFIE
Nous pouvons dire de façon réaliste que la qualité de notre vie fraternelle est celle d’une
communauté en chemin. Il y a des aspects positifs de croissance, comme ceux de la
collaboration, la disponibilité au service, la générosité, la capacité d’assumer des
responsabilités, le désir de vivre et de construire entre nous des relations de communion
authentique. Mais à côté de cela, il y aussi nos tensions, les réactions instinctives, les envies et
les jalousies, les murmures, les critiques, l’exercice du pouvoir personnel et l’affirmation de
soi.
Pour vivre et construire des relations de communion, la prière, l’écoute de la Parole,
l’humilité, le dialogue, la participation active et responsable à la vie de la communauté sont
nécessaires. Le chemin de la fraternité commence par la reconnaissance de la part de chacune
de sa responsabilité dans les tensions et les conflits. Les attitudes qui n’aident pas sont :
l’irréductibilité de la position personnelle à laquelle les autres doivent s’adapter ; l’exercice
d’un contrôle ou d’un pouvoir arbitraire sur les sœurs ou sur les situations; la critique ou la
contestation continuelle en publique ou en privé; le regard suspect, méfiant et curieux, signe
d’un manque de respect envers l’autre. L’usage correct de la communication, dans la vérité et
avec transparence, sans calomnie ni médisance est important. La pédagogie de la fraternité
est, en outre, pédagogie pour un véritable esprit filial qui nous renvoie à la fonction d’unité et
de maternité de celle qui exerce le service d’autorité. Nous voudrions toujours mettre
davantage à la base de nos relations un regard de bienveillance et une grande capacité
d’écoute, unies dans le désir de confrontation et de réconciliation dans les conflits. La qualité
de notre vie communautaire dépend surtout de la façon dont nous reconnaissons le Christ
présent au milieu de nous et de la façon avec laquelle nous tendons vers Lui.
Le grand défi auquel nous nous sentons appelées est celui de redécouvrir que la communauté
réelle et non idéale, la communauté comme elle est et non pas comme nous voudrions qu’elle
soit, est sacrement de la présence du Seigneur. Cette redécouverte est possible si nous
accueillons la communauté comme un don et non comme un projet personnel, si nous vivons
dans la gratitude qui ne donne rien comme étant sûr; si nous travaillons pour vaincre les
prétentions et les fatigues; si nous grandissons ensemble conscientes de faire partie d’un
corps et donc, coresponsables les unes des autres. Ce que chacune vit ne concerne pas
seulement son bien personnel mais un “nous” communautaire auquel nous appartenons.
Le carême a été l’occasion de récupérer certains aspects sur lesquels durant l’année nous nous
sommes davantage interpelées: une certaine discipline, toujours insuffisante, le silence qui
autrefois constituait la carte d’identité de nos monastères, le pardon fraternel base de la
communion. Ce qui nous a poussé à le vivre de façon sérieuse a été la prise de conscience de la
grande souffrance de l’Eglise aujourd’hui, si elle n’est pas ouvertement persécutée, dans de
nombreuses parties du monde. Il nous semble que cela soit notre devoir, en Occident, de
travailler pour ne pas perdre la grande tradition de pensée, de culte rendu à Dieu et d’école de
charité que nos monastères ont gardé vivants, non par nostalgie d’un passé perdu, mais pour
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être responsables du don qui nous a été fait pour le monde. La force de témoignage que la foi
vit en Afrique et dans les pays du Moyen et de l’Extrême-Orient doit nous aider aussi à avoir la
même radicalité de celui qui meurt en pardonnant avec le nom de Jésus sur les lèvres.
Dialogue après le lecture du rapport de Valserena
Préparation du rapport. La longueur du rapport est dû au fait qu’il y a eu de nombreux
dialogues d’une grande richesse: il a donc été difficile d’en synthétiser le contenu.
Obéissance intelligente. Substantiellement cela correspond à une obéissance
responsable. Cela veut aussi mettre en évidence que, parfois une obéissance passive est
une sorte de résistance passive du genre: “J’obéis, mais attends, tu verras...!!!”
Amitié. C’est un thème qui est présent dès les débuts de Valserena mais qui dans la
tradition monastique a certainement ses précédents chez Cassiano et chez Aelred. C’est
un point qui a toujours été mis en valeur, tout en faisant l’expérience de la grande
difficulté à le vivre et à bien le vivre.
D’une communauté d’observance à une communauté de communion. Jean-Paul II a parlé
de “spiritualité de communion”, mais notre Ordre a touché ce point dans ses Chapitres
Généraux bien avant Jean-Paul II. C’est un thème issu de nos Pères cisterciens parmi
lesquels il y a Baudouin de Ford. A Vitorchiano, Mère Cristiana avait fait une série de
chapitres sur le De Trinitate d’Augustin puis une série sur la Vie commune de Baudouin
de Ford qui montraient comment la communauté est à l’image de la vie trinitaire. Ce
thème a été redécouvert dans l’Ordre en même temps que celui du charisme. Dans un
document du Chapitre Général de 1974 une nouvelle expression naissait, "ascèse
d’amitié”, qui fut appréciée par certains (Mère Cristiana nous l’a commentée
longuement) et critiquée par d’autres.
Le scandale de la pauvreté personnelle et de la croix. Ce que le rapport exprime avec ces
termes est un vécu qui émerge de façon particulière ces dernières années avec le
processus de vieillissement de quelques sœurs, qui outre une donnée pathologique (une
certaine dégénérescence au niveau cérébral) a aussi mis en évidence un travail spirituel:
l’incapacité d’accepter les limites est devenu quelque chose qui provoquait des incidents
concrets dans la vie communautaire.
Le chemin de la vie fraternelle en communauté. Le rapport mentionne quatre étapes qui
en positif et en négatif nous disent ce qui doit se faire et ce qui ne doit pas se faire pour
vivre la vie fraternelle selon la Règle: reconnaitre chacune la responsabilité de ses
propres actions, exercer un contrôle, exercer un pouvoir arbitraire sur les sœurs, et
mener de façon obstinée et publiquement les propres positions. Il s’agit aussi de la
description d’un vécu.
NAŠI PANI
Pour être plus libres, nous avons dialogué seulement entre professes solennelles. Il n’y a rien
de plus…. triste que de parler de la joie de façon abstraite, sans désir. Au cours de nos
dialogues nous avons voulu être concrètes et ceux-ci ont été un échange d’expérience sur
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notre joie et sur ce qui l’enlève. Pour nous toutes il est clair que la joie de notre vie a été et est
un don et un devoir. C’est surtout le DON (l’Esprit que Jésus veut nous donner et nous donne).
1)Toutes les sœurs ont communiqué l’EXPÉRIENCE DE LA GRATITUDE pour les grâces
reçues:
- gratitude pour la vie et les parents que Dieu nous a donnés (chose pas évidente.
Surtout pour certaines c’est la grâce d’une réconciliation).
Pour le don de la foi, de la vocation, de la consécration. Pour les personnes rencontrées. Pour
Vitorchiano et pour être à Naší Paní. Une sœur a écrit „son Psaume 135“.
-
gratitude pour la fidélité du Seigneur et de Son pardon dans l’histoire de nos péchés
qui est expérience concrète de son amour pour nous malgré nos infidélités. Nous nous
sommes dit que toutes nous pourrions écrire nos psaumes 135, 104 ou 106 avec les
bienfaits du Dieu fidèle et 77 ou 105 avec nos péchés.
-
Gratitude aussi pour les difficultés et les douleurs vécues car nous voyons qu’elles ont
porté à un plus grand bien, tant au niveau personnel qu’au niveau communautaire.
2) L’expérience de la joie/gratitude est liée à celle de la beauté et de la liberté.
La BEAUTÉ évidente de la nature, de la liturgie, du Christ, de Marie et des Saints.
La LIBERTÉ: expériences de libération du péché, des jugements personnels, de l’égoïsme, des
justifications, du désir de faire par soi-même sans l’aide des autres, des jalousies, des
vengeances, du rapport intimiste ou sublimé avec le Seigneur... Nous avons toutes une claire
conscience que les péchés enlèvent la joie. Et, ensemble nous avons conscience que même si
cela est absurde, nous préférons parfois le péché à la joie.
Joie/liberté, c’est passer du sens de culpabilité au repentir.
C’est être libres du résultat, soit du travail de conversion sur soi, soit de celui de formation sur
les autres, soit dans le domaine matériel.
3) Nous faisons surtout toutes l’expérience que la joie réside DANS LES RELATIONS:
joie de la relation avec le Seigneur, joie de la relation filiale avec l’autorité, joie de
l’appartenance à la communauté. Joie de faire des sacrifices par amour et aussi de jouir de la
vie ensemble (ex. les moments de fête). Joie de l’obéissance et de la collaboration. Joie du
pardon donné et reçu. Joie (que nous enseignons aussi aux jeunes car en Tchéquie c’est un
défi) de bénir l’autre.
Dans les relations la joie passe toujours à travers une mort à son “ego” et une résurrection.
Il est donc évident pour toutes que la joie n’est pas seulement une émotion psychologique
passagère mais l’expérience de la Grâce en nous. Cela demande que nous LAISSIONS LA
PLACE en nous à la joie du Christ Ressuscité et il s’agit aussi d’un TRAVAIL de conversion pour
nous ouvrir à celle-ci, pour ne pas la perdre, ou si elle est perdue, pour la récupérer. Invoquer
la Bénédiction sur nous ou sur les sœurs est un instrument efficace.
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La joie est aussi un DEVOIR, car comme j’éprouve de la joie pour la joie d’une sœur, de même
elle éprouve de la joie quand je suis joyeuse. Chacune a la responsabilité de la joie
communautaire. Certaines ont souligné les petits gestes qui, si ils ne sont pas formels,
transmettent la joie comme sourire et remercier (voir aussi les catéchèses du Pape François
aux familles). Le Christ désire pour chacune d’entre nous que nous vivions la joie et que nous
la transmettions aux autres.
Dialogue après la lecture du rapport de Našì Panì
La joie. Les dialogues se sont arrêtés en particulier sur le thème de la joie qui est un vrai
défi culturel. Dans les pays de l’Europe de l’Est, le contraire de la joie n’est pas la
tristesse, mais la résignation ou l’apathie. Divers curés tchèques rapportent qu’à
l’étranger on dit que les tchèques ne sourient jamais. Le premier dialogue ayant été
abstrait il a été décidé de dialoguer seulement entre professes solennelles avec pour
objectif celui non tant de préparer le rapport pour la REM que de croître dans la joie.
“Maudire l’autre”. A l’origine il y a l’athéisme matérialiste: quand Dieu disparaît de la
conscience même profonde de la personne, la réalité des relations devient insensée. Non
seulement il y a la malédiction mais aussi l’indifférence: ce sont deux pôles insensés qui
constituent un vrai défi. Solženicyn lui-même reconnaissait que le trait fondamental de
l’homo sovieticus était l’apathie et le manque de désir. Cette tendance à “maudire” peut
aussi se manifester dans la communauté et dans ce cas il s’agit d’une “bénédiction” car
on peut intervenir. Nous avons compris qu’il faut éduquer à l’Evangile et à l’esprit de
Jésus dès la formation initiale. Les personnes le font car elles n’ont pas conscience que
c’est mal, mais petit à petit, à travers une catéchèse sur les effets du péché et de la grâce
nous cherchons à former une conscience morale.
Vide intérieure. Il semble que ce soit la note dominante de l’homme de l’Europe de
l’Ouest, en particulier chez les jeunes qui arrivent dans nos monastères. Un grand
nombre de jeunes qui vont combattre pour l’Isis sont vides intérieurement et, tout en
provenant de familles de tradition chrétienne ou musulmane, ils n’ont jamais entendu
parler de Dieu dans leur enfance et donc sont complètement dépourvus devant le genre
d’éducation que transmet l’Etat ou l’école où l’on parle de tout mais où on ne mentionne
pas Dieu.
Manque de formation chrétienne. Le problème que l’on rencontre dans l’accueil
vocationnel aujourd’hui, en Europe, est le manque de formation chrétienne de base des
personnes qui se présentent pour vivre la vie monastique et donc, commencer un
chemin de sequela radicale du Christ n’est pas facile, car même si il y a un désir, n’ayant
pas de racines, la crise arrive facilement.
Eduquer à l’esprit de l’Evangile. C’est aussi un point important et un défi qui concerne les
jeunes comme les moins jeunes car même pour ceux qui viennent d’expériences
chrétiennes c’est comme si la réalité de l’Evangile restait en dehors de la vie.
Beauté et liberté. Le mot joie va avec les mots beauté et liberté. Le chemin fait pour
redécouvrir la joie passe aussi à travers la beauté de contempler la réalité que Dieu a
créée et la beauté de la vie de l’Esprit qui est liberté comme absence de péché. Dans un
des écrits du père Romano on peut lire que le péché le plus grave est celui d’ignorer
Dieu ; cela rend l’homme impie, c’est-à dire sans pitié envers Dieu et envers les frères.
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FONS PACIS – SIRIA
En préliminaire à ces dialogues : la réflexion sur la joie a eu une grande place dans nos
dialogues. La joie de la rencontre avec le Seigneur, l’expérience de sa fidélité, de se sentir
appelées à répondre à cet amour sont pour nous toutes les racines et le fondement de notre
consécration monastique.
- “Sentir son appel était la joie la plus grande. Même si cela signifiait laisser que ma vie soit
bouleversée… je sentais que je ne pouvais pas faire moins que de donner moi aussi ma vie. Le fait de
compter davantage sur la fidélité du Seigneur que sur la mienne. Aujourd’hui, la joie de la vie
monastique c’est toujours Lui. Si il n’était pas présent, moi, je ne serais pas là.”
- “ Pour moi, cela a été une découverte dans mon cheminement monastique de comprendre que la
boussole de mes décisions devait être la joie. J’ai mis du temps à y arriver. La joie est le signe de la
plénitude de ce que l’on vit. Aujourd’hui, ma joie réside dans la foi. C’est une joie que je préfère appeler
paix”.
- “C’est quelque chose de vital. Se sentir en Dieu. Comment cela se fait-il que cela résonne en moi et me
comble? Je ne sais pas, la joie fait sentir qu’il y a une gratuité indescriptible. Puis, je peux trahir, pécher,
me retrouver pétrie de moi-même, mais cette joie est de toute façon la consistance de mon existence”.
1) Pour toutes, la condition de la vraie joie est le don gratuit de soi comme conséquence d’un
désir toujours vif de Dieu.
- “ La joie touche un désir profond qui me renvoie toujours à davantage…. La joie de se retrouver soimême dans la vie monastique. Au fond, c’est le chemin de la relation avec un Autre, avec la vie en
plénitude qui est devant toi”.
- “découvrir que le Seigneur pouvait me demander davantage et essayer de dire oui…. et sentir une joie
que tu n’aurais jamais penser sentir. Il y a une joie de l’Esprit qui te soutient. Si tu comprends, tu ne
peux pas te soustraire à une réponse à l’amour du Seigneur, Lui nous précède. Et la joie surgit de la
fidélité du Seigneur. Même dans la vie commune il est important de vivre une proximité, une
attention…. La joie vient toujours du don de soi, du fait de sortir de soi (qui est toujours une tentation)
pour donner… car la joie provient du fait de se confier complètement, outre notre compréhension. La
joie est seulement donnée en don”.
- “Malgré les défauts, les lamentations … au fond il y a toujours la relation avec Lui qui donne à chaque
instant la force du don de soi, la joie, la paix, la gratitude. “
- “La joie augmente, jusqu’au point de ne plus penser à la joie, ce que tu éprouves est de te perdre en
Dieu. Il s’agit d’une possession réciproque, mais non de se perdre à l’oriental. Tu possèdes Dieu et Dieu
te possède.”
- “Il s’agit d’une dépossession où tu te retrouves pleinement toi-même, cela te libère de tes peurs. Peur
de perdre quelque chose, peur que les choses finissent… Dieu nous libère et quand tu le perçois tu
goûtes cette énorme liberté qui nous est donnée et cela te déplait que les personnes autour de toi ne
connaissent pas cette joie ”.
2) le charisme entre mémoire et prophétie.
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Nous sommes une fondation récente, au Moyen Orient, plongées au sein d’une majorité de
croyants de l’Islam, au cœur d’une guerre atroce qui défigure notre nation depuis cinq ans.
Nous sentons que cette vie entre la mémoire et la prophétie est au cœur de notre présence ici,
c’est l’impulsion qui occupe nos pensées, notre prière, notre croissance, notre engagement. Ce
point veut être au cœur de notre rapport de la maison. Nous sommes toujours plus
conscientes et grées de tout ce que nous avons reçu; de notre église, de notre tradition
monastique, de notre communauté fondatrice. Nous nous sentons responsables d’une
mémoire monastique qui puise aux sources des Eglises de l’Orient, sources qui nous semblent
un peu desséchées, ou pour le moins cachées et inaccessibles à la grande partie des chrétiens
de ces terres. Nous sentons la soif de la vie dans l’Esprit, le besoin de relation vitale avec le
Christ surtout chez les jeunes qui cherchent un sens pour rester ici, en tant que chrétiens, au
sein de cet horizon de destruction et de mort. Nous sentons aussi vivement avoir reçu un
charisme d’intercession pour l’unité des chrétiens, étant donné que nous vivons dans une
pluralité de rites, dans une région où la présence orthodoxe est elle aussi importante. Et nous
sentons comme une grâce, en cette période de tensions, d’être appelées à vivre avec le même
regard que Christian et les frères de Tibhirine, avec nos frères musulmans, en demandant
pour eux que ce temps soit un temps de grâce. Notre aumônier nous disait : “nous vivons
plongés dans cette très belle prière d’obéissance à l’Islam qui cependant manque de la joie des
fils”. Cette joie des fils, nous la demandons pour les chrétiens et pour les musulmans, pour
tous les hommes et, que l’accueil, la formation, le partage de tout ce que nous avons reçu
soient pris à cœur par notre petite communauté, sûres de la fidélité du Seigneur et de la force
de l’Esprit Saint.
3) au sujet de la troisième demande, “la vie fraternelle en commun”, il nous semble que la
qualité de nos relations soit bonne; le fait d’être peu nombreuses permet une simplification
des structures qui peut être l’occasion de rapports vrais, directs, sincères si nous laissons
tomber nos défenses et si nous désirons vraiment cheminer ensemble. Les personnes qui
rencontrent notre communauté perçoivent la joie et la simplicité de notre vie fraternelle et
cela nous semble un signe important.
Concrètement, nous utilisons les dialogues, les partages (officiels et informels) comme moyen
pour relire ensemble l’histoire passée, en écoutant la diversité de nos expériences et en
élaborant ensemble la conscience de notre présence ici, aujourd’hui, avec l’Eglise et dans
l’Eglise, dans l’amour du Christ qui unit nos histoires et notre désir.
Dialogue après la lecture du rapport de Azeir.
Préparation du rapport. Les dialogues ont été faits de façon plus large que pour la
préparation du rapport pour la REM et tout le temps nécessaire a été pris pour que les
sœurs puissent parler librement et approfondir le sens de leur présence en Syrie en ce
moment. Le rapport reflète plus l’effort de chercher et de comprendre ensemble ce que
le Seigneur leur demande maintenant que la préoccupation de répondre par des
analyses aux demandes du questionnaire. Plutôt que de faire une synthèse on a préféré
pour cela reporter des expressions que les sœurs ont utilisées selon leur style.
Peur. La peur dont on parle dans le rapport n’est pas la peur de la guerre, mais plutôt la
peur de perdre les propres sécurités au long du chemin spirituel. Grâce à Dieu, la
communauté vit une très grande sérénité qui est un don de Dieu. La peur a existé
lorsque les bombes arrivaient, il y a aussi eu une grande sérénité. Il est vrai que si on
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sent la fatigue, l’incertitude, car à la fatigue qui existait déjà en temps de paix, celle de
l’insertion dans un monde tout à fait différent et celle de l’apprentissage d’une langue
très difficile, s’est ajoutée la guerre et cela a une influence sur la fatigue mais pas sur la
sérénité. Les sœurs sont fatiguées mais sereines, contentes et motivées pour être là. Le
“vide” de tant de chrétiens qui n’ont pas été éduqués à un rapport personnel avec Dieu et
la soif de spiritualité que l’on ressent de façon particulière dans cette situation de guerre
qui pousse un bon nombre de personnes à partir sont un stimulant pour nous
interroger.
Monachisme et témoignage chrétien (martyr). La prophétie la plus limpide de notre
temps est celle des martyrs. La présence orante et persévérante des sœurs en Syrie est
pour tous un signe et un témoignage de foi. En comparaison avec tant de frères qui
souffrent elles se sentent cependant “privilégiées”, appelées à vivre dans cette situation,
seulement avec le Seigneur, à affirmer et à célébrer dans le quotidien sa Présence qui
sauve. Dom Giacomo, Père Immédiat de la communauté qui leur a plusieurs fois rendu
visite, confirme avoir trouvé à Azeir des personnes profondément heureuses en raison
du choix qu’elles ont fait. Lors de son dernier voyage en Syrie il a été particulièrement
frappé par la situation du pays qui met notre foi au défi de s’enraciner vraiment en
Christ, le Fils de Dieu, seul capable de récapituler tout ce qui se passe actuellement dans
le monde et de le conduire vers la paix et la réconciliation.
Au-delà de la mort. Les sœurs se sentent interpellées à rester en Syrie par les chrétiens
qui dans cette situation difficile choisissent de quitter le pays. Mère Marta: “Nous
croyons que le Seigneur est le Seigneur et qu’Il conduit les événements. En occident nous
avons très peur de la mort, ce que nous apprenons ici, c’est que la mort est une
possibilité dans la vie. Nous l’apprenons des familles qui perdent leurs fils à la guerre. La
mort reste la mort mais on comprend que notre horizon est au-delà. La mort n’est pas le
dernier mot, ce n’est pas la fin. Et cela est très important car Jésus ne nous a jamais dit
qu’il nous enlèverait la mort, lui-même est passé à travers la mort; mais il nous a dit qu’il
y a plus après la mort et l’histoire est entre ses mains”. Les sœurs affrontent la réalité
avec la capacité de jouir des choses de tous les jours: de l’eucharistie, mais aussi d’un
beau coucher de soleil, d’une rencontre amicale, du sourire d’un militaire quand elles
passent un barrage. C’est la façon de participer à une lutte qui n’existe pas seulement en
Syrie mais qui est la lutte contre les principautés et les puissances qui investissent le
monde entier et dans cette lutte il est important de rester à sa place, “être là”. Les sœurs
de Valserena participent aussi à cette histoire. Elles se demandent à travers leurs sœurs
ce que cela signifie croire au Christ, même dans un Occident toujours plus sécularisé. Les
sœurs en Syrie ont aussi été une occasion pour prendre conscience de la situation
internationale et pour toucher du doigt combien la vérité peut être faussée même par la
presse catholique.
Un rappel pour tous. L’expérience des sœurs en Syrie est un rappel pour tous, nous
interpelle tous sur la façon dont nous vivons notre dimension quotidienne, quand tout
semble aller mal, et nous oblige à nous demander: comment vivons-nous jour après jour
la remise de notre vie au Christ ? Nous nous noyons souvent dans un verre d’eau ! La
mort comme la souffrance font partie de notre vie et la joie à laquelle nous aspirons
vient après la croix.
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Mercredi 17 juin 2015
Modérateur de la journée: Dom Giacomo
MERE LUCIANA PARTAGE SON EXPERIENCE DE CORTONA
La réflexion naît en particulier à partir de la lettre que l’Abbé Général de l’Ordre
cistercien a écrite en préparation à leur Chapitre Général qui aura lieu en octobre prochain et
qui développe les thèmes de la lettre du saint Père aux consacrés.
1. Gratitude envers son histoire.
Durant ses rencontres la communauté a reparcouru le chemin fait ces dernières années
avec une conscience toujours plus grande de la vocation à l’unité du charisme cistercien.
L’histoire même du Monastère de la Très Sainte Trinité le confirme. Sa vie avait été
interrompue à la fin du XVII siècle et a pu reprendre grâce à l’apport de moniales provenant
de quatre monastères d’ordres différents qui se trouvaient dans les environs : bénédictines,
augustiniennes et autres. La communauté de Valserena s’est insérée dans cette aventure et l’a
assumée.
2. Le chemin de ces trois dernières années.
Accueil de deux sœurs. Ces trois dernières années, c’est-à dire de 2011 à aujourd’hui, la
communauté a accueilli deux sœurs étrangères qui provenaient de deux communautés
différentes, une OCSO et une O. Cist. L’expérience faite avec ces deux sœurs a demandé à la
communauté de se mettre en face de ses problèmes et pas seulement de ceux de ces sœurs,
car le risque, dans certaines situations, était celui de décharger sur elles les problèmes qu’il y
avait en communauté. Parmi ceux-ci : les relations, la collaboration, les fragilités, les limites
réciproques. Cela a été à la fois très instructif et exigent.
La Visite Régulière. L’année dernière, pendant la Semaine Sainte, la communauté a eu la
visite régulière de dom Mauro Lepori qui a laissé cette parole: "Ce que j’ai à cœur de souligner
davantage dans cette Carte, c’est la conscience que vous vivez un moment de grâce qu’il ne faut
pas laisser passer en vain. Quand on parle de temps de grâce, on pense instinctivement à un
moment facile où tout va bien. En réalité les temps de grâce sont des moments où le Seigneur en
nous donnant davantage nous demande aussi davantage et pour cela ce ne sont pas des
moments faciles. Je suis sûr que c’est un moment où Dieu vous demande davantage car il sait
qu’il peut le faire même si souvent nous avons la sensation physique, psychologique et spirituelle
que nous donnons assez”. Et à la fin il a ajouté: "Parmi le peu de paroles que le Ressuscité dit à
ses disciples, l’invitation à ne pas avoir peur revient souvent. Jésus est le Bon Pasteur qui nous
répète toujours : ne crains pas petit troupeau. Ne crains pas ta petitesse, ne crains pas les
menaces qui pèsent sur toi, ne crains pas les difficultés et les fatigues des circonstances
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quotidiennes car rien, absolument rien ne peut avoir plus de pouvoir et de force sur nous que
l’amour du Christ pour nous."
Une profession solennelle et deux entrées. Durant cette période, il y a aussi eu dans la
communauté une profession solennelle et deux entrées: une sœur est maintenant professe
simple et l’autre novice.
3. La passion pour le présent
Pour ce qui est de la passion pour le présent, toutes les sœurs reconnaissent d’être
certainement des personnes “passionnées” qui se dépensent dans ce qu’elles vivent. Il est
parfois difficile de mettre ensemble les différences ou même les ressemblances. Depuis le
mois de juillet de l’année dernière jusqu’à il y a une vingtaine de jours il y a eu des travaux de
restructuration des toits qui ont mis en évidence dans la communauté une grande capacité de
service et de collaboration. Cette année tous les documents du Magistère sur la vie consacrée
à partir du Concile ont été lus car certaines sœurs ne les connaissaient pas. Les contenus,
surtout ceux sur la vie fraternelle et l’obéissance ont été repris et développés dans les
chapitres.
Dialogue à la suite de l’intervention de Mère Luciana.
“Le Seigneur demande davantage. Les paroles de dom Lepori voulaient dire que ce que le
Seigneur nous demande c’est le “davantage” que chacune peut donner dans le service, dans
la charité fraternelle, ce qui va outre ce que nous pensons avoir déjà donné.
Difficultés apparues. Il est apparu surtout le besoin d’accepter la diversité de l’autre et de
trouver le moyen d’entrer en relation avec elle.
La façon dont les difficultés ont été affrontées. D’une part en cherchant de fixer toujours
plus le regard et le cœur sur ce qui est essentiel, c’est-à dire le rapport avec le Seigneur
Jésus Christ, puis en pointant sur la vie fraternelle. Sans une vie profonde de prière on ne
tient pas debout. Dans les différentes situations il y a eu, en outre, l’aide de Mère Monica
et de dom Mauro.
Unité de la famille cistercienne. L’expérience de Cortona prouve que la Stricte et la
Commune Observance peuvent vivre ensemble. Dans l’Ordre cistercien certaines
Congrégations ont une organisation un peu différentes entre elles et sont aussi engagées
dans l’apostolat. Par contre, la vie des monastères féminins est identique dans la
substance. Les fondements sur lesquels il a été possible de réorganiser la vie ici à
Cortona sont les suivants: L’Office divin, la liturgie, la prière. On a aussi ensuite essayé
d’augmenter la formation à travers les chapitre de la mère Abbesse.
Mère Anne-Emmanuelle partage son expérience d’aide à la communauté de Baumgarten
Dom Santiago partage les premières impressions de son nouveau service à la Maison
Généralice
Cela fait 4 mois que Dom Santiago est arrivé à la Maison Généralice. Pendant 31 ans, dans
sa communauté à Azul, il a été chargé de l’infirmerie où trois frères très âgés avaient besoin
d’assistance. Ce nouveau service est donc pour lui un défi car il lui a été demandé de changer
complètement d’activité en renonçant aussi aux belles relations établies avec les anciens
d’Azul. Le travail à la Maison Généralice consiste à aider l’abbé Général dans son service
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pastoral à toutes les Maisons de l’Ordre. En général, quand l’Abbé Général est à la maison, il y
deux réunions hebdomadaires, le mardi et le vendredi matin.
AUTOCRITIQUE DU CHAPITRE GENERAL
Présentation par Mère Anne-Emmanuelle
On m’a demandé de faire l’évaluation du Chapitre Général qui peut-être a déjà été un
peu oublié. J’ai repéré quelques points sur lesquels nous pourrons faire un tour de table et
échanger nos impressions.
1. C’est le premier Chapitre Général unique, et c’est une date historique à garder présente.
Nous pouvons nous demander si nous en avons senti quelques effets. La durée du Chapitre, du
fait d’être unique n’a pas été pour cela inférieure à l’habitude et il y a eu de nombreux points
que nous n’avons pas eu le temps d’aborder.
2. Divers documents peuvent nous aider à évaluer ce Chapitre. Le premier c’est la
synthèse finale du Chapitre lui-même, faite par deux supérieurs. La dernière partie essaye de
donner des orientations, mais il s’agit plus de citations faites au Chapitre que de vraies
orientations de fond.
Nous avons les conférences de Dom Eamon, Dom Lepori e Mons. Carballo, qui ont été
étonnamment convergentes et qui ont contribué à projeter de la lumière sur le travail
pastoral que nous étions en train de faire. Elles auraient mérité que l’on s’arrête dessus en
Commission pour la mise en perspective entre la réflexion et l’expérience.
Il y a aussi le travail concret fait dans les Commissions et dans le Chapitre et un partage
sur ce sujet pourrait être utile pour évaluer, confronter, discerner le travail fait, vu que nous
étions dans différentes Commissions.
Il y a enfin, les rapports de Maison qui nous ont été donnés et, à ce sujet, il pourrait être
intéressant d’évaluer la relation qu’il y a eu entre ce qui s’est vécu dans les Commissions et en
Aula.
3. Le troisième point concerne la nouvelle procédure des Commissions qui n’avaient pas de
pouvoir de décision. Un tel pouvoir a été confié à l’Assemblée plénière du Chapitre. Avant de
confirmer ou non cette procédure nous devons faire un vote pour les Commissions Centrales
et faire une évaluation de ce qui s’est passé dans les Commissions en positif ou en négatif.
4. A ce sujet il est important d’évaluer la dynamique qui s’es instaurée dans l’aula. Je peux
indiquer quelques aspects très rapidement. Je pense qu’il y a eu un accroissement de la
conscience pastorale de tout le Chapitre. Des situations spécifiques et complexes de
nombreuses Maison d’Afrique ont été examinées longuement, même si on n’a pas pu arriver à
une solution précise, surtout pour ce qui concerne l’élection des Pères Immédiats des
communautés.
L'autre aspect que désire souligner c’est la conscience commune des difficultés qui ont
émergé et les échanges à ce sujet, car les questionnements font mûrir.
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5. Un point important qui a été rappelé peut-être un peu tard c’est le renouvellement ou
non des conseillers. De même, le mandat des supérieurs qui ont plus de 75 ans a été abordé
trop tard et sans beaucoup d’informations sur les Maisons qui demandaient le renouvellement
du mandat. On n’a pas abordé, faute de temps, la question des Pères Immédiats, le point sur la
Constitution 67 relative à la suppression des monastères et le panel sur le rapport entre
Maison fondatrice et Maison fille.
6. Il n’y avait pas de thème établi pour les rapports de Maison ; avoir un thème peut être,
d’une part une contrainte qui amène à négliger certains aspects du vécu des communautés
mais d’autre part, sans thème, on court le risque d’être vague et de rester à un niveau
théorique.
7. Nous nous sommes enfin demandés quels thèmes affronter au prochain Chapitre. Je
suis particulièrement sensible aux questions urgentes qui en ce moment touchent
pratiquement toutes nos communautés surtout dans le contexte général d’un monde menacé.
Je pense à certains thèmes particuliers qui mériteraient d’être affronter: la crise des vocations;
le manque de supérieurs qui est un sujet qui revient facilement à chaque Chapitre; la
formation à la vie contemplative, surtout sous l’aspect de l’unification de la personne; la
fraternité et l’identité personnelle chez les nouvelles générations qui n’est pas si évidente et
l’incidence que cela a dans la formation; l'obéissance et l’humilité comme voie de
transformation évangélique. Ensuite, l’influence que les moyens de communication ont sur
nos valeurs monastiques, même si à ce propos nous avons eu une conférence remarquable au
Chapitre ainsi qu’un texte qui peut aider les communautés, mais nous ne savons pas si un
texte d’orientation est suffisant.
8. Parmi les nombreux aspects positifs du Chapitre je mentionne: le bon fonctionnement
de la Commission de Coordination même si nous savons combien son rôle est lourd et
pourrait être allégé surtout pour la formulation des votes; la confiance accrue et la facilité de
relation entre les supérieurs en communiquant les choses essentielles ; la capacité du don de
soi des supérieurs à leur communauté.
9. Il peut y avoir aussi d’autres questions concrètes à évaluer: la liturgie, l'Eucharistie, les
Vêpres, la journée de repos ou les espaces pour le repos, le problème des délégués qui revient
chaque fois même si nous avons fait un vote à ce propos. Nous avons aussi été surpris par la
présence des laïcs cisterciens dans les Commissions.
10. Il y a en outre, le désir récurrent à avoir des orientations et des indications précises de
l’Ordre, surtout dans les situations de fragilité croissante des communautés.
Le problème fondamental reste comment vivre le moment historique actuel comme une
opportunité pour une communion toujours plus grande et pour l’approfondissement des
éléments fondamentaux de notre vie. C’est un temps d’exil, mais comment le comprendre
comme un temps favorable ?
Dialogue à la suite de l’intervention de Mère Anne-Emmanuelle
De façon unanime l’évaluation du Chapitre a été positive. Il a été apprécié, en particulier
pour la sollicitude pastorale qu’il y a eu pour les situations les plus difficiles et pour la façon
dont les différents cas ont été examinés. Cela a marqué un tournant aussi dans la façon de
considérer le problème de la précarité des Maisons qui a été affronté en regardant comment
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favoriser la vie plutôt que comment procéder en vue d’une éventuelle fermeture. Dans les
Commissions il y a eu un grand intérêt et une grande attention pour chaque communauté et
on a cherché à aller au cœur des situations avec beaucoup de vérité et surtout avec une
grande préoccupation pour le bien des personnes. Il est probable que la prise de conscience
d’une condition générale de pauvreté et de fragilité ait rendu tout le monde plus « humain » et
ait favorisé un plus grand esprit de collaboration et de partage.
Les conférences de l’Abbé Général, Dom Eamon, de Dom Lepori, Abbé Général de
l’Ordre cistercien et de Monseigneur Carballo, Secrétaire de la CIVCSVA, ont été appréciées.
Elles ont fait ressortir une grande unité de vision et ont aussi contribué à donner des lignes
d’orientation pour le chemin de tout l’Ordre en rappelant les dimensions essentielles de la vie
monastique et en empêchant au Chapitre d’avoir une ligne trop pragmatique.
Pour ce qui est du fonctionnement du Chapitre unique il y a eu cette observation: si
cela répondait au désir de nombreuses abbesses pour une promotion des femmes, en vérité il
s’agit d’un pas en arrière, car quand on arrive à un vote, comme il n’ a plus une liste féminine
et une liste masculine, on choisit les hommes. Pour cela, les femmes doivent encore trouver
leur modalité d’expression et de participation.
La réflexion et l’échange se sont arrêtés sur quelques points.
1. Procédure du Chapitre Général
a) Les Commissions. Deux aspects surtout ont été signalés: 1) le fait que les
Commissions soient composées des mêmes personnes à chaque Chapitre peut d’une part
aider à la connaissance des problèmes à examiner et de leur évolution dans le temps, d’autre
part, rendre plus difficile de trouver de nouvelles solutions; 2) dans les Commissions on a une
connaissance approfondie des problèmes examinés, mais la décision est renvoyée à
l’assemblée qui n’a pas la même connaissance des situations pour laquelle il y a un vote.
On considère que ce n’est pas pour autant qu’il faille revoir le fonctionnement des
Commissions. Le fait même de pouvoir travailler dans les Commissions avec les mêmes
personnes depuis plusieurs années et donc d’étudier les mêmes rapports est considéré
comme un avantage par certains. Il en est de même pour la distinction faite entre le travail
pastoral des Commissions et les décisions prises en Assemblée plénière. C’est une façon pour
approfondir les questions avec un discernement plus grand et de proposer des solutions
adéquates. Il a été retenu opportun de ne pas remettre en discussion la procédure adoptée
pour les Commissions mais au besoin prendre en considération un changement de leur
composition.
b) Thème pour les rapports de Maison. Si pour certains l’absence de thème est vue
de façon positive car cela laisse les Maisons libres d’affronter les différentes situations qu’elles
ont à vivre, pour d’autres au contraire, avoir un thème précis aide à focaliser et approfondir la
réflexion commune.
c) Grille pour aider les communautés à préparer le rapport de Maison. Dans ce cas
aussi cela pourrait être utile de formuler une grille pour aider les Maisons à préparer les
rapports.
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2. Les invités
La présence des laïcs cisterciens dans les Commissions que certains ont trouvé
excessive a fait surgir des perplexités. On fait cette proposition: que les invités (sauf l’Abbé
Général de l’Ordre cistercien, les Bernardines et les représentants de la Congrégation) soient
accueillis tous ensemble, le même jour, sans participer aux travaux des Commissions.
3. Conseil de l’Abbé Général
On fait remarquer que de nombreux noms ont été proposés au Chapitre Général mais
que les supérieurs levaient la main pour dire que ce frère ou cette sœur n’était pas disponible
car il avait déjà des engagements. Pour cela, on propose que les mises en candidature pour le
Conseil de l’Abbé Général soient préparées dans les Régions avant le Chapitre Général et que
les noms des candidats choisis soient mis à la connaissance des participants au Chapitre du
Conseil de l’Abbé Général au début du Chapitre Général.
4. Document final du Chapitre
Il a été exprimé de façon générale le désir d’avoir des orientations claires par le
Chapitre pour le cheminement de l’Ordre et des communautés. Tout en appréciant les
conférences qui déjà contiennent des indications, on remarque qu’à la fin du Chapitre il
manque une synthèse constructive qui aide à focaliser des pas concrets à faire. Autrefois, on
recueillait les points qui émergeaient et au Chapitre de 2003 il y a eu un document appelé
« Vision de l’Ordre » que certains considéraient positifs et d’autres avaient critiqué car trop
directif.
Certains considèrent que recevoir un texte qui ne soit pas seulement une analyse
pragmatique et structurelle mais qui stimule la vie serait important pour les communautés,
surtout pour les plus isolées. D’autres expriment une opinion différente : on peut avoir des
visions différentes de l’Ordre tout en restant en communion et le manque d’orientation est
même providentiel car il oblige les communautés à un travail de recherche personnelle.
Pour faciliter la réception du Chapitre Général on propose qu’à la fin du Chapitre il y ait
une brève présentation des points essentiels.
5. Rapports des Régions
Pour répondre à ce besoin d’orientation, les Régions pourraient partager leur évaluation
de l’Ordre dans un rapport lu au début du Chapitre Général. On propose aussi que les Régions
rédigent un rapport pour le prochain Chapitre Général et que les Commissions aient du temps
pour un partage sur ces rapports, pour que ce qui émerge dans les Régions ne soit pas perdu.
La Région pourrait aussi proposer un thème au Chapitre Général.
6. Liturgie
On fait les remarques suivantes: 1) les lieux où sont célébrés les Vêpres en langue par
Région ont été désertés; il y avait même des absences à la célébration de l’Eucharistie 2)
éviter le regroupement des personnes à côté de l’autel, 3) placer une image de la Vierge sur le
lieu des célébrations; 4) la schola pourrait se mettre sous l’estrade. Dans tous les cas on
souhaite que les conditions de la célébration soient améliorées.
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7. Communautés en situation de fragilité et la CST 67
On remarque qu’il serait important que la Commission formée de trois membres et chargée de
recueillir la documentation sur les communautés en situation de fragilité et sur la CST 67
présente son travail avant la fin de l’année 2015.
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Votes
Procédure du Chapitre Général
1) Nous souhaitons continuer avec la procédure votée au dernier Chapitre Général pour
l’étude des rapports de maison.
Oui 12
Non 0
Abst. 0
Unanimité = Proposition acceptée
2) Pour le prochain Chapitre Général, nous souhaitons un changement au niveau de la
composition des commissions.
Oui 5
Non 5
Abst. 2
Proposition refusée
3) Pour le prochain Chapitre Général, nous souhaitons un thème pour les rapports de maison.
Oui 6
Non 5
Abst. 1
Proposition acceptée
4) Pour le prochain Chapitre Général, nous souhaitons une grille pour aider les communautés
à préparer les rapports de maison.
Oui 12
Non 0
Abst. 0
Unanimité = Proposition acceptée
Invités
5) Nous souhaitons que les personnes invitées (à l’exception de l’Abbé Général de l’Ordre
cistercien, des Bernardines et du représentant de la Congrégation) le soient ensemble le
même jour sans participation au travail des commissions.
Oui 12
Non 0
Abst. 0
Unanimité = Proposition acceptée
Conseil de l’Abbé Général
6) Nous proposons que les mises en candidature pour le Conseil de l’Abbé Général soient
préparées dans les Régions avant le Chapitre Général.
Oui 12
Non 0
Abst. 0
Unanimité = Proposition acceptée
7) Nous proposons que les noms mis en candidature par les Régions soient portés à la
connaissance des capitulants par le Conseil de l’Abbé Général au début du Chapitre Général.
Oui 11
Non 1
Abst. 0
Proposition acceptée
Rapports des Régions
8) Nous proposons que les Régions rédigent un rapport pour le prochain Chapitre Général.
Oui 12
Non 0
Abst. 0
Unanimité = Proposition acceptée
9) Nous proposons que les Régions partagent dans ce rapport lu au début du Chapitre Général
leur propre perspective sur l’Ordre.
39
Oui 12
Non 0
Abst. 0
Unanimité = Proposition acceptée
10) Nous souhaitons que les commissions aient du temps pour partager sur les rapports de
Régions.
Oui 12
Non 0
Abst. 0
Unanimité = Proposition acceptée
Documento finale del Capitolo
11) Pour faciliter la réception du Chapitre Général, nous proposons qu’une brève présentation
de quelques-uns des points qui ont émergés soit faite à la fin du Chapitre
Oui 12
Non 0
Abst. 0
Unanimité = Proposition acceptée
Liturgie
12) Sans remettre en question le lieu de l’Eucharistie, nous souhaitons qu’on cherche les moyens
d’améliorer les conditions de sa célébration (par exemple éviter l’accumulation de personnes
autour de l’autel, placer une image de la Vierge Marie dans le lieu de la célébration, etc.)
Oui 12
Non 0
Abst. 0
Unanimité = Proposition acceptée
Communautés en situation de fragilité et la CST 67
13) Afin de faciliter le travail des Régions, nous souhaitons que la Commission de 3 membres
chargée de rassembler la documentation sur les communautés fragiles et la CST 67 présente
son travail avant la fin de l’année 2015.
Oui 12
Non 0
Abst. 0
Unanimité = Proposition acceptée
40
Jeudi 18 Juin 2015
Modératrice de la journée: Mère Lucia
CONFERENCE DE DOM M. LEPORI, ABBE GENERAL DE L’ORDRE CISTERCIEN
L’intervention qui a pour titre, « Pour une régénération de la vie consacrée », a
abordé, en résumé, les points suivants.
1. La crise qui est à la base de la vie monastique, sous tous ses aspects, peut se définir
comme une crise du sens de la mystique et du sens de la communauté. En un mot: une
crise du sens de la communion. Le monachisme semble avoir perdu la vocation
prioritaire de créer des lieux d’expérience intégrale de la communion en Christ pour en
être signe et source d’animation dans le corps de l’Eglise.
2. Ce malaise qui envahit nos communautés peut s’appeler acédie. Il s’agit de cette
tristesse, de ce manque d’entrain, de cette fatigue dépressive qui nous empêchent de
chercher et trouver le Seigneur, de refaire l’expérience de la rencontre avec Lui qui
nous libère. Mais le vrai renouveau de nos vies, de nos communautés, de notre Ordre,
comme de celui de toute l’Eglise ne peut se faire qu’en reproduisant l’expérience de la
rencontre avec le Seigneur ressuscité qui nous ouvre à la communion avec Lui et en
Lui. La vraie fraternité consiste à s’aider mutuellement, avec la prière et la miséricorde,
à renouveler et à approfondir l’expérience du Ressuscité qui nous appelle par notre
nom et nous rend évangélisateurs de la communion avec le Père et avec tous.
3. La tradition monastique a appris de la première communauté chrétienne de Jérusalem
à traduire en expérience ecclésiale la forme de vie de Jésus Christ et à vivre le temps et
l’espace humain comme un temps et un espace de communion avec le Christ. Temps et
espace nous sont donnés pour faire l’expérience de la relation de Jésus avec le Père et
avec les frères, dans l’amour de l’Esprit. C'est-à-dire qu’ils nous sont donnés pour faire
l’expérience de la Vie trinitaire, de la Communion trinitaire, de l’amour pour Dieu et
pour le prochain.
4. Avant de monter au ciel, le Ressuscité demande aux disciples de rester dans un lieu et
d’attendre l’Esprit Saint. Le lieu c’est la communauté elle-même, c’est être ensemble; le
temps c’est l’attente de l’Esprit qui vient animer ce lieu. Depuis la Pentecôte cette
“méthodologie” d’être ensemble pour attendre l’Esprit est celle qui renouvelle toujours
la vitalité de l’Eglise. Ceci vaut aussi pour nos communautés monastiques, lieux de
“permanence” et de “persévérance”, de fidélité au Christ pascal que l’Esprit rend
présent parmi nous et en nous, en nous conformant à Lui.
5. Les deux pièges qui menacent nos communautés sont: la tyrannie et l’acédie. Le
premier est surtout une menace pour la vie communautaire; l’autre est une menace
contre la dimension mystique. La tyrannie surgit lorsque notre volonté propre, notre
projet personnel, nos goûts et nos sentiments, voir même nos talents, nos charismes et
41
nos vertus arrivent à nous déterminer et tendent à déterminer les autres plus que
l’humble obéissance à la communion filiale et fraternelle dans laquelle le Seigneur
Jésus Christ vit et règne. L’acédie est typique de celui qui “se perd dans l’oisiveté ou en
bavardages au lieu de se plonger dans la lecture, se faisant du mal non seulement à luimême mais aussi en distrayant les autres" (RB 48,18). Les formes les plus modernes de
cette maladie de l’âme peuvent être la distraction et la dissipation qui proviennent de
l’usage des moyens modernes de communication et d’information. Pour protéger de ce
danger, saint Benoît institue deux frères anciens qui vérifient que les frères se dédient
vraiment à la lectio et qui, pour cela, font fonction de “gardiens de l’âme”. Ceci nous
renvoie à la responsabilité de nos relations communautaires.
6. Le Décret sur le renouveau de la Vie Religieuse, Perfectae caritatis, reconnaît que “la
recherche de la charité parfaite par les conseils évangéliques" (PC 1) est l’essence et le
but de la vie consacrée. S. Augustin met la perfection de la charité dans l’amour des
ennemis et de les aimer pour qu’ils deviennent frères. L’amour des ennemis est la
contribution la plus importante et la plus décisive que le christianisme a introduit dans
l’histoire de l’humanité, c’est la vraie révolution chrétienne et prophétique. La vie
cénobitique de communion nous est surtout donnée pour nous exercer en cela, pour
grandir vers cette charité parfaite.
7. Le renouveau de la vie religieuse ne peut donc partir que de l’acceptation de ce qui
renouvelle le monde, c’est-à-dire la perfection de la charité, l’amour des ennemi. Il faut
une véritable régénération de la vie consacrée au service de la régénération de la vie de
toute l’Eglise et cela ne peut jaillir que de l’amour et de la prière pour les ennemis. C’est
la nouveauté absolue qui transforme toujours davantage l’humanité divisée en famille
de Dieu. Il nous est donné le pouvoir filial du Christ d’engendrer des frères et des
sœurs! C’est à cette source que notre charisme doit aussi se raviver. Le charisme est
une paternité qui engendre l’Esprit dans la charité du Christ.
DIALOGUE A LA SUITE DE LA CONFERENCE
Nous reportons les thèmes des demandes et des interventions et des réponses de dom
Lepori1.
L'amour de l’ennemi. L’ennemi est certainement présent dans la vie de la communauté, mais il
est plus facile de se limiter à parler de la croissance dans la communion que de l’amour pour
l’ennemi.
Dom Mauro. Le premier ennemi c’est le prochain. Sartre disait que l’enfer ce sont les
autres. Il n’avait pas raison, mais c’est une vérité et avec le péché originel une distance qui
a commencé avec Adam et Eve s’est créée dans la relation humaine. Il y a tout de suite eu
une rupture entre eux et rien n’était plus intime et proche entre les deux. Ma
préoccupation est que l’on commence à travailler dans la communauté sur ce point de
l’amour des ennemis, car les communautés nous sont données pour cela. Jésus lui-même a
agi de cette façon dans sa communauté en mettant de façon claire les disciples face à
l’inimitié profonde qu’il y avait entre eux. L’inimitié est le fruit du péché, de l’orgueil: Qui
est le plus grand? Et saint Benoît nous fait faire ce chemin de vie fraternelle qui travaille
1
Dom Mauro Lepori n’a pas revu la transcription.
42
sur l’humilité, justement pour une réconciliation profonde des cœurs. Le chapitre 72 de la
Règle montre combien le fruit est justement la charité parfaite des frères réconciliés. Je
crois que c’est la prophétie la plus importante aujourd’hui: travailler à cette charité
parfaite en communauté pour régénérer le monde.
Qui est l’ennemi. Ce n’est pas facile de reconnaitre que l’on a des ennemis, au plus, nous disons
que quelqu’un nous est antipathique. C’est pour cela qu’il est important de clarifier aussi la
différence ou la relation qu’il y a entre la catégorie “ennemi” et celle de “personne difficile”.
Dom Mauro. Une pensée de S. Augustin m’a beaucoup aidé. Il parle justement de la
perfection de la charité comme de la plénitude de la personne, de nous-mêmes. La
première réaction devant cela est le désir: “je veux vivre cette perfection de la charité”. Puis
Augustin dit que cette perfection c’est l’amour des ennemis afin qu’ils deviennent frères. Au
fond, c’est à partir de ce désir qu’on commence à revoir ses relations. Nous pouvons dire
que nous n’avons pas d’ennemi, mais je ne peux pas dire que je vis la perfection de la
charité. Et moi, je voudrais au moins tendre à la perfection de la charité.
Cette pensée m’a rendu plus sensible au fait que chaque personne est un ennemi parce
qu’elle n’est pas encore mon frère. Cela m’aide car je n’ai plus une vraie communauté, mais
je suis toujours au milieu des personnes. Et je me suis dit que je voulais vivre la plénitude
de la charité même avec la personne que je croise à l’aéroport, même pendant une seconde.
J’ai compris qu’il y a un travail à faire pour définir exactement qui est mon ennemi, qui a un
nom et un prénom. Mais tout part de cette prise de conscience que je ne suis pas encore
dans la charité du Christ.
Comment vaincre le risque de la sublimation et comment les sacrements sont-ils le chemin pour
vivre l’amour de l’ennemi.
Dom Mauro. J’ai pris à la lettre l’apophtegme de Zénon et cela m’aide beaucoup. J’ai
commencé par prier pour mes ennemis le matin quand je me lève, en disant le nom et le
prénom. Quand on est Abbé général, ce n’est pas difficile d’avoir des ennemis. Je me suis
alors aperçu que le fait de nommer, le matin à peine levé, les personnes qui me causent des
problèmes, ne me plaisait pas, cela me gâchait la journée, mais j’ai continué car j’ai compris
que ma prière n’était pas pure et que mon amour n’était pas celui du Christ, ce n’était pas la
charité et que je devais me convertir. J’ai compris qu’il fallait entrer dans une métanoia,
dans une contrition de la prière, Le sentiment de gène que j’éprouve en pensant à mes
ennemis met en évidence que mon cœur n’est pas pur. Ce n’est pas une nouveauté, mais
cela m’aide à sortir de la sublimation. Si on commence avec la prière personnelle à laisser
de l’espace à cette blessure, à cette contrition, alors on voit que même les sacrements,
même la confession et l’eucharistie doivent être vécus avec cette contrition.
Jésus nous appelle amis. Je ne crois pas avoir beaucoup d’ennemis, mais je ne sais pas si j’ai
beaucoup d’amis.
Dom Mauro. Si nous partons de ce que nous offre le Christ, nous comprenons que nous
sommes tous inclus dans la catégorie ennemi. Si je pars de la charité du Christ, je
comprends que je ne suis pas ami et donc que j’ai beaucoup d’ennemis.
La crise du sens de la mystique dans l’expérience quotidienne et dans la formation.
43
Dom Mauro. Dans l’homélie de ce matin, si je m’étais arrêté sur la première lecture, j’aurais
pu en parler quand saint Paul dit aux Corinthiens : « je vous ai unis au seul Époux :
vous êtes la vierge pure que j’ai présentée au Christ ». cf. 2Cor 11, 2). Puis il ajoute, mais
vous préférez faire vos raisonnements sur le Christ au lieu de faire cette expérience. Je
pense que c’est proprement cela la crise de la mystique : réduire la relation au Christ à un
intellectualisme ou à un pragmatisme qui nous empêchent d’être comme une vierge chaste
pour le Christ, c'est-à-dire comme une personne pour qui le Christ, l’Epoux est tout, de
même que la relation avec lui est tout, une personne complètement définie par l’amour et
par l’amitié avec le Christ.
Même la question sur l’amour des ennemis a son centre ici : si je n’ai pas le sens de la
charité parfaite dans une relation d’époux avec le Christ - la charité parfaite c’est l’amitié
avec le Christ - si il me manque cette mystique, je ne peux pas désirer aimer mes ennemis
parce que l’amour des ennemis n’est pas engendré par l’inimitié, mais par l’expérience
d’amour du Christ. L’amour des ennemis n’est pas engendré par un volontarisme car le
Christ nous a aimé en premier et nous a offert cette amitié et chacun doit la désirer pour
soi.
Je pense que nous devons récupérer notre charisme comme ce qui nous engendre à
cela. Le charisme c’est cela, et la fidélité au charisme signifie justement de permettre au
charisme de nous engendrer à cela. C’est la raison pour laquelle nous devons considérer
l’expérience monastique, les moyens que nous avons - la prière, l’office, la vie commune, la
lectio, l’autorité, la tradition, les textes des Pères - comme ce qui nous forme à cela, nous
régénère à cela. Il s’agit donc d’une réalité de grâce qui nous est communiquée, non pas de
quelque chose que je dois faire moi, voilà pourquoi les supérieurs doivent avoir la
préoccupation que les communautés soient des lieux où l’on se laisse engendrer par le
charisme.
La mystique: entrer dans le mystère du Christ et dans la réalité de chaque jour. Nous avons fait
de la mystique quelque chose d’inaccessible pour des personnes spéciales. En revanche, la
mystique c’est entrer dans le mystère du Christ dans la réalité de chaque jour, comme dit saint
Benoît. On peut pratiquer la miséricorde de l’Ordre et aimer les ennemis. Avoir les mêmes
sentiments que le Christ, c’est-à dire aimer, prier pour les ennemis c’est une chose que nous
pouvons pratiquer tous les jours. « Attire-moi à toi et je te suivrai avec joie », çà c’est la
mystique.
Dom Mauro. Il est très important que nous apprenions la mystique de Saint Benoît comme
l’ont apprise Saint Bernard et tous les Pères cisterciens. C'est-à-dire l’apprendre à travers
les moyens que saint Benoît nous indique : la communauté, la liturgie, la lectio. Ce sont les
canaux de la mystique, les lieux de l’incarnation de la mystique. Une autre expression à
laquelle je pense toujours depuis que je suis au milieu des personnes est celle que saint
Benoît utilise au sujet de l’accueil des hôtes : que “l’on adore le Christ en eux ". Cela c’est de
la mystique, même dans la relation avec l’étranger. Ce sont des choses que nous devons
vivre et sur lesquelles nous devons nous exercer. C’est cela l’ascèse bénédictine : exercer
une conscience qui s’incarne dans la réalité. En plus, je voulais dire que la mystique est
aussi, comme le dit saint Benoît, le fruit d’une conversion. Je dois me convertir pour adorer
le Christ chez l’autre : ce qui ne veut pas dire que j’adore l’autre, mais le Christ dans l’autre.
C’est une révolution dans les relations avec tous: apprendre à chaque rencontre à exercer
cette mystique qui est immédiatement une charité fraternelle. C’est le génie de saint Benoît
et de l’Evangile.
44
Temps et espace comme attente de l’Esprit. Quand les formes de vie se vident de l’Esprit Saint,
de la vie du Ressuscité, elles deviennent des formes de mort, des lieux où nous sommes
parqués comme des objets.
Dom Mauro. C’est justement la conséquence du fait que l’on ne désire pas la mystique, c’està-dire la rencontre avec le Christ dans les formes de vie qui nous sont données pour cela: si
nous ne le vivons pas de cette façon elles deviennent des formes de mort. On le voit chez les
personnes à la façon dont elles prient et à la façon dont elles vivent en communauté. Car, au
fond, les temps de prière et les temps de vie communautaire sont ceux qui manifestent
davantage si la forme a un contenu ou non. Le travail peut avoir un sens car on fait quelque
chose. Mais, si dans les relations fraternelles et dans la prière il n’y a pas ce désir d’être
remplis par le Christ, on voit que les personnes sont vides. Elles sont vides car elles ne
vivent pas avec joie, elles n’attendent rien de ces formes. Si nous ne désirons pas le Christ,
ces formes ne tiennent pas. On peut peut-être chercher pendant un certain temps une belle
forme liturgique ou le plaisir de bavarder un peu ensemble, mais elles finissent par
manifester l’aridité et la vanité. Aujourd’hui plus que jamais ces formes se vident et
s’affaiblissent tout de suite car aujourd’hui le volontarisme sur ces aspects de la vie
communautaire et de la prière tient moins qu’autrefois, a mois de prise. Aujourd’hui les
jeunes partent car ils ne trouvent pas, car la vie communautaire les déçoit et que l’on prie
mal. Au moins, autrefois on restait toute la vie. Mais le problème surgit pour celui qui reste,
car je vois de toute façon qu’on peut continuer à vivre dans ce vide en faisant autre chose.
Relations malades. La maladie fondamentale semble être celle de la relation. Les personnes
sont habituées à se rapporter avec elles-mêmes et cela suffit et il ne s’agit même pas d’une
vraie relation avec soi mais en réalité d’une évasion de soi, de vivre dans le rêve. Cela arrive
aussi parce qu’il n’y a pas eu l’expérience d’une vraie relation en famille. Aujourd’hui, les
vocations proviennent souvent de familles divisées : comment alors parler de Dieu Père si on
n’a jamais eu de père et comment parler d’amitié sans qu’il y ait eu une expérience d’amitié ?
Comment rejoindre concrètement le vide que ces personnes ont?
Dom Mauro. Je pense qu’il est important de voir le charisme comme régénération. Car il est
clair que les jeunes aujourd’hui ont besoin d’être réengendrés au sens de la paternité et de
la fraternité, à cette relation, et là nous sommes responsables de la façon dont nous vivons
le charisme. Nous devons montrer de tout notre être que cela est possible. Le problème
n’est peut-être pas tant de faire voir qu’il y a un père, une mère, mais de montrer que nous
sommes fils et que nous-mêmes en premier, nous nous laissons engendrer par le charisme
à une relation nouvelle.
Par exemple, l’amour des ennemis n’est jamais un amour naturel mais nous avons toujours
besoin que Dieu nous engendre sur ce point. Donc montrer cela, veut dire montrer au jeune
qui ne croit pas qu’il y de une source à l’amour, qu’aimer est possible même si on n’a pas
reçu cet amour auparavant. Au fond, le Christ est venu pour nous révéler Dieu le Père. Il
n’est pas venu me révéler mon père ou ton père, mais Dieu est Père qui précède le père que
j’ai eu ou que je n’ai pas eu. En ce sens il faut vraiment avoir confiance dans la nouveauté de
l’Evangile, la nouveauté du Christ qui est l’Esprit Saint. La Pentecôte c’est cette nouveauté
de la révélation, nouveauté de la relation avec Dieu qui est Père et relation avec les frères,
une relation qu’il n’y avait pas avant, mais qui existait, mais toujours à travers l’Esprit Saint.
D’autant plus que le Christ nous demande de quitter notre père et notre mère pour
découvrir la paternité de Dieu. C’est pour cela, je pense, qu’il y a un travail à faire. Je crois
que le vrai problème pour les jeunes d’aujourd’hui se situe quand leur désir est en proie au
rêve, à l’illusion, au virtuel. Ce qui me préoccupe vraiment ce sont les jeunes à qui la réalité
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virtuelle, le rêve suffisent. C’est cela le démon qui les possède et que la culture insuffle car
ils se contentent de la fiction, de l’image. Et c’est, je pense, le grand défi pour nous car
souvent ils n’ont eu ni père ni mère en famille mais il y a aussi le fait qu’ils arrivent à ne
plus les désirer, ou encore avant de les désirer ils se détruisent. On m’a dit qu’en Italie les
suicides augmentent aussi. La Suisse est un des pays classé dans les premières places pour
les suicides…
En Christ relations nouvelles. On n’arrive pas de façon naturelle, encore moins de façon
magique à aimer comme le Christ a aimé et donc à aimer aussi les ennemis. Il y a un travail à
faire devant lequel souvent nous nous arrêtons. Dans l’Esprit de Jésus il y a toutefois la
possibilité de rencontrer Dieu Père et d’établir des relations d’amour authentiques. Ce qui
n’est pas naturel au niveau humain devient possible en Christ : nous sentir fils, frères, amis.
Dom Mauro. Nous devons tenir compte de la dimension du miracle. Jésus lui aussi, quand il
rencontrait les personnes faisait souvent immédiatement un miracle, justement, sans doute
parce qu’il savait que la personne ne savait pas attendre et après le miracle elle
commençait un chemin. Il est vrai que la culture d’aujourd’hui n’éduque plus à l’attente, elle
veut tout et tout de suite. La culture paysanne, au contraire, attend que la plante croisse,
que le fruit mûrisse, que l’hiver passe. La culture actuelle virtuelle de l’informatique doit
tout résoudre en quelques secondes. Nous-mêmes sommes contaminés par cette culture. Si
internet ne marche pas tout de suite, attendre même dix secondes c’est très long. Et cela est
malheureusement un handicap pour notre vie car, comment un jeune pourra-t-il non
seulement attendre dix secondes, mais des années pour faire une expérience?
Nous devons avant tout croire au miracle car il y a encore des vocations et il y a des
jeunes dans nos communautés et ils sont enthousiastes. Pui le chemin plus dur commence,
mais on voit que le miracle arrive de toute façon. Peut-être que nous avons à grandir dans
la foi. Le Christ appelle les jeunes d’aujourd’hui comme il a appelé ceux d’hier. La formation
veut aussi dire transmettre cette foi car nous demandons aux jeunes de croire au miracle et
quand nous leur disons: “reste en communauté car tu deviendras frère et fils du Père”, nous
promettons un miracle.
Tyrannie et acédie. Il y a une interdépendance entre ces vices.
Dom Mauro. Il s’agit de deux démons dominants dans la vie des monastères. Quand il y a
des problèmes dans un monastère on les trouve tous les deux. Par exemple dans une
communauté où j’ai parlé de l’acédie dans uns Carte de Visite, le problème ne résidait pas
tant dans le fait qu’il y avait un frère acédique mais dans le fait que communauté ne s’en
occupait pas. Lorsque ce frère est vraiment tombé dans le vice de l’acédie alors tous
disaient : “Cela fait dix ans qu’il se comporte de cette façon”. Et j’ai répondu: “Et vous,
qu’avez-vous fait pendant ces dix années ?” C’est cela que je trouve insupportable, et c’est
quelque chose qui arrive souvent. On voit qu’un frère va mal ou qu’il a des comportements
ou des habitudes qui le détruisent et on ne réagit pas. Et ça c’est grave. C’est pourquoi tout
d’un coup je me suis dit: regarde ces deux petits vieux, vraiment âgés, qui dans la Règle
(cap. 48,18), vont contrôler! Combien c’est actuel et nous devons y penser au sujet des abus
avec internet. Qu’est-ce que cela veut dire mettre deux anciens qui protègent les frères de
ce danger ? Car je constate que dans les communautés on voit souvent cette sœur, ce moine
qui passe des heures sur internet, on sait que c’est un danger et on laisse tomber. C’est
comme si on regardait quelqu’un qui déboule de la montagne.
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Il danger internet. L’usage d’internet est un gros problème et souvent on ne sait pas quoi faire.
L’évasion avec internet, dans certains cas, remplace d’autres types de dépendance qui valaient
tout autant qu’ internet. Parfois on cherche à en enlever une et une autre prend la place.
Dom Mauro. Il faut se demander: comment la communauté peut-elle aider? Comment
analyser cette figure vieillotte des deux anciens qui veillent sur la lectio des frères? On
pourrait faire en sorte qu’il y ait en communauté un responsable de l’usage d’internet, un
frère, une sœur mûrs qui s’occupent de cela. Comme il y a celui qui s’occupe des voitures du
monastère et en gère l’usage. Ce que je trouve génial dans cette figure des deux anciens est
qu’il ne s’agit pas d’une télé caméra cachée que saint Benoît a mise dans le scriptorium, ce
sont deux personnes qui circulent dans la communauté. La communauté sait qu’elles
existent et accepte qu’elles soient là pour vivre la Règle. Nous faisons profession sur la
Règle et au temps de saint Benoît cela voulait aussi dire accepter que durant le carême
deux anciens tournent dans le monastère pour voir qui dormait ou qui faisait la lectio. Il
faudrait penser à quelque chose de semblable. C’est difficile, on se sent impuissant et alors
on laisse tomber. Mais cela finit par détruire.
Se laisser corriger. Le fait est qu’on ne pense plus que l’abbé, ou qui a le droit de le faire pour
lui, a le droit de corriger. Corriger est un service pastoral de l’abbé: aider la personne à se
rendre compte qu’elle a un pied dehors. Dans certaines communautés il y a la tendance à avoir
un nombre toujours plus important de personnes externes qui accompagnent les frères.
Parfois, l’excuse est qu’il n’y a pas de personnes adaptées ou que l’on a besoin de personnes
qui ont des compétences particulières, mais nous devons accepter d’être plus pauvres et aussi
plus réalistes. Toutefois, on ne peut renoncer à ce devoir aussi important dans notre vie.
Dom Mauro. Saint Benoît est clair sur ce point. La direction spirituelle de chaque moine est
donnée par une communauté guidée par l’abbé et se fait dans sa communauté. La direction
"spirituelle" accompagne dans un corps, et un moine est membre de ce corps. Le sens de la
communauté en tant que corps dont on est membre est fondamental, même pour tous les
problèmes mentionnés plus hauts. Car, si un membre pourrit, je ne peux pas rester
indifférent. Si j’ai une infection dans mon corps, cela se voit tout de suite ! C’est dans ce
sens qu’il s’agit de redécouvrir quelque chose de fondamental du charisme bénédictin.
Correction fraternelle et charité parfaite de l’amour pour les ennemis . La correction fraternelle
ne sera plus un problème lorsqu’on aimera vraiment son frère. Il arrive souvent que lorsqu’on
corrige une personne celle-ci dise: “alors tu ne m’aimes pas!”
Dom Mauro. Au sujet de notre difficulté à corriger, dans ce cas aussi nous devons
commencer par prier pour l’ennemi, pour le frère. Souvent, malheureusement, je ne l’ai pas
fait. Parfois, quand j’ai vraiment prié pour mon frère, non seulement ma correction a été
acceptée mais ce frère s’est corrigé avant que je ne le corrige ou encore Dieu a utilisé ma
correction mal faite ou inadéquate pour son bien.
La correction fraternelle: l’aide de la communauté. La tâche la plus lourde pour un abbé ou une
abbesse est celle de l’accompagnement et donc aussi celle de la correction et nous
commettons de nombreux péchés d’omission. Il est vrai que souvent la dimension de la prière
manque surtout lorsqu’on doit accompagner une personne qui traverse une période difficile.
Il faut aussi dire que la communauté peut être un soutien valable pour la correction car très
souvent les sœurs voient mieux comment vit l’autre et pendant les rencontres ou les échanges
c’est une grande aide: ce sont les sœurs qui s’impliquent en remarquant ce qui ne va pas. Les
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sœurs qui sont plus avancées sur le chemin de la conversion sont comme les “anciens” de la
Règle et effectivement aident le service d’autorité car elles font en sorte qu’on ne se sente pas
seuls à affronter tant de difficultés.
Correction et conversion. L'expérience de corriger les sœurs est l’expérience de la conversion.
Pas tant parce qu’on devient capable de tout ce pour quoi on corrige un frère ou une sœur,
mais surtout parce qu’on devient plus disponible à perdre un faux rapport avec le frère ou la
sœur, c’est-à-dire qu’on se laisse remettre en cause par eux.
Deux exemples. Le premier: une sœur devait utiliser internet pour son service et
l’utilisait trop, pas pour de mauvaises choses, mais quand on a tendance à fureter cela devient
une perte de temps. Heureusement elle travaillait dans une pièce avec une autre sœur. Je lui ai
alors demandé de tourner l’écran de façon à ce que l’autre puisse voir et cette sœur a accepté.
Je fais souvent l’expérience qu’une moniale perçoit la correction comme une aide.
Deuxième exemple: au début du pontificat du Pape François nous avons entendu un
rappel à la pauvreté matérielle. J’ai fait la proposition de vider un peu les armoires et toutes
ont été contentes. J’ai tout de même commencé par la mienne et j’ai aussi proposé que par la
suite j’aurais été regarder les armoires de chacune. J’étais convaincue que quelques unes
auraient dit : « non, ne me prends pas cela », au contraire, j’ai trouvé de la gratitude pour cela.
L’autre est tout de même plus disponible que ce que nous pensons.
Une expérience de Cortona. Cortona est une petite communauté où chaque sœur est sous le
regard de l’autre. Il arrive parfois que l’une d’entre elle vienne dire ce qui devrait être corrigé
chez une autre. Face à cette préoccupation pour la correction de l’autre je cherche d’abord à
comprendre si le fait correspond à ce qui est dit, puis je demande: « toi, que ferais-tu à sa
place?” Il est difficile de mettre l’autre devant une attitude erronée car au fond on fait la même
chose…. Au début j’avais peur mais petit à petit cela est devenu une aide. Nous devons donc
faire les comptes avec nos peurs de perdre la face, d’être envahissant. Tout cela me demande
une prière plus intense pour les sœurs, pour la personne mise en question, pour ma vérité et
je dois dire que je me sens toujours plus libre en cela.
Intervention de Mère Benedetta, clarisse. Je vous remercie de m’avoir permis de participer à ce
partage sincère libre et réel. Je remercie dom Mauro pour ce qu’il nous a dit au cours de sa
conférence. Pour ce qui est de ma petite expérience, je suis en train d’apprendre que cette
prière de Zénon qui m’a beaucoup frappée, est quelque chose de nécessaire pour commencer
ma journée. Parfois je m’affole quand je dois reprendre des sœurs car je pense à leurs
réactions. Je me suis aperçue que si je pense davantage que ce n’est moi qui doit le faire et que
je ne suis pas seule, car c’est la Seigneur qui guide la communauté, alors je vis la correction de
façon différente, même si je me trompe dans ma façon de dire les choses à ce moment là. Je me
rends compte que si je sais attendre ou si je laisse davantage faire le Seigneur, alors des
chemins s’ouvrent. Je sens le besoin de me convertir car le premier instinct est toujours la
peur. Ou, parfois, effectivement à travers certaines expressions ou par la façon de faire je
risque d’engendrer des conflits. Mais même dans le conflit le chemin finit par s’ouvrir. Cela
aussi m’enseigne à me confier dans le Seigneur, à me convertir. Une réflexion qui naît sur la
base des interventions et dont je ressens le besoin : comment réussir à aider et à faire en sorte
que chacune dans la communauté devienne responsable ? Car c’est aussi d’un choix
responsable qu’une façon adéquate naît dans l’usage d’internet. Comment aider à croître dans
la responsabilité personnelle et communautaire?
Dom Mauro. Ce qui peut nous aider est de penser que la responsabilité n’est pas une
question de devoir, mais d’amour. Si je rappelle à un frère ou à une sœur à être
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responsable, je ne le fais pas pour le rappeler à un devoir, mais à l’amour : qu’il aime la
communauté, qu’il aime le frère ! Cela vaut aussi pour nous : corriger n’est pas un devoir,
mais un acte d’amour. C’est lorsque nous oublions cela que nous avons du mal. Et lorsque
nous oublions cela, la correction n’a pas un bon effet car le frère sent que nous corrigeons
pour mettre de l’ordre mais non par amour pour lui. Dans la Règle, saint Benoît renvoie
toujours à cet amour pastoral de l’abbé. Ainsi, si la communauté comprend que mettre des
instruments de contrôle n’est pas une question d’ordre, mais de charité, pour un bien, elle
l’accepte. La première chose à construire c’est la communauté comme lieu de charité et au
sein de cela tout devient possible. La vraie correction aussi.
Encore sur la tyrannie et l’acédie. Il y a deux pièges qui sont toujours présents dans la vie de la
communauté. La tyrannie comme affirmation de la volonté propre est quelque chose qui
affaiblit le chemin et le charisme. Concrètement, dans les dialogues, je vois que cet amour
pour soi, de la volonté propre, met des obstacles et ralentit le chemin communautaire. Il y a
une certaine résistance devant les idées, les propositions qui viennent d’autres. Puis, un autre
aspect, c’est que l’amour de la volonté propre porte à un manque de collaboration. Une autre
tendance négative que l’on rencontre est que, celui qui est attaché à l’affirmation de soi, à la
recherche de la volonté propre, n’aime pas les personnes plus jeunes. Il a peur des personnes
plus jeunes, il les perçoit comme une menace, il craint qu’elles prennent le pouvoir. Ce sont
des tendances liées au péché originel que nous portons tous en nous, mais à certains moments
elles se voient plus clairement. Il est aussi vrai que ces deux menaces, l’acédie et la tyrannie,
appauvrissent le charisme qui n’est plus, de cette façon un don reçu qui change effectivement
la vie.
Dom Mauro. Je pense que l’aspect de la volonté est important. Quelle est la volonté que
nous suivons ? Le problème de la tyrannie est que dans la communauté il y a des
personnes, voir même toute la communauté, qui ne suivent pas la volonté de Dieu, qui ne la
désirent pas, qui ne la cherchent pas. Saint Benoît dit, en effet, que le prieur doit renoncer à
exercer toute forme de tyrannie pour que la communauté ne se divise pas pour suivre la
volonté de Dieu. De la même façon, quand il parle de l’abbé il dit qu’il a reçu le soin d’âmes
malades et non un pouvoir tyrannique sur les âmes saines. Et cela est important car saint
Benoît invite l’abbé à regarder la communauté dans sa réalité.
Il n’y a pas de communauté d’âmes saines, nous sommes toutes des communautés
d’âmes malades et nous avons besoin d’un abbé qui en prenne soin comme le pasteur
prend soin de son troupeau. Le but de l’autorité est de paître le troupeau et non de le
transformer en une armée de soldats héroïques. Notre rêve, au contraire, est d’avoir des
communautés tellement parfaites pour pouvoir faire autre chose et ne pas cheminer avec le
troupeau. Dans la vie monastique, dans la communauté chrétienne, le but de la
communauté est le même, la communion. Si un soin est nécessaire, c’est pour aider tous les
membres plus ou moins malades de la communauté à vivre en communion.
Saint Benoît a cette préoccupation: que la communauté ne devienne pas l’expression
d’un pouvoir, car ce danger existe toujours, qu’il s’agisse du pouvoir d’être plus ascétique
comme celui d’être plus efficace. Je le vois dans les communautés de mon Ordre : il y a
celles qui expriment le pouvoir d’une façon ou d’une autre, celles qui l’expriment dans
l’action, celle qui l’expriment dans la contemplation. Mais il y a toujours au fond une
recherche autoréférentielle pour montrer qu’on est les meilleurs. C’est là que se joue en
plein la conversion. Et j’ai vu que quand la tyrannie est particulièrement forte cela devient
comme un pouvoir féodal : le cellérier qui domine plus que l’abbé et qui a tous ses vassaux
ou encore, celui qui s’occupe du magasin ou le chantre.
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La tyrannie ne peut jamais être combattue chez une seule personne mais dans une
communauté entière; c’est l’infection d’un membre, mais tout le corps doit collaborer à son
soin, et l’abbé, en tant que supérieur, est appelé à travailler à ce que tout le corps aide dans
ce but. Parfois, la communauté doit accepter de faire un pas en arrière dans le pouvoir que
le tyran du moment lui donne. Saint Benoît affirme que lorsque quelqu’un est capable de
faire quelque chose mais s’enorgueillit, il est mieux de l’enlever. Et la communauté doit être
d’accord pour perdre les avantages qui viennent, par exemple, d’avoir un cellérier qui
donne à la communauté un certain succès économique. C’est vraiment un travail que la
communauté doit faire pour redécouvrir, pour retrouver, sa vocation évangélique.
Le plus grand danger c’est lorsque le supérieur même incarne la recherche d’un
pouvoir pas tant personnel, mais de la communauté, un pouvoir qui mène la communauté
sur le chemin de l’affirmation de soi et non de la Charité du Christ. Cela, on le voit chez
certaines communautés narcissiques qui s’affirment par leur nombre, par une belle liturgie,
par une bonne économie, par la rigueur ou la non rigueur monastique, par l’exactitude
théologique car elles sont traditionalistes ou progressistes, mais qui, si on regarde bien
laissent de côté le cœur du charisme qui est la charité. Le fait de pointer sur l’amour des
ennemis peut être une bonne méthode pour vérifier si on est sur l’essentiel ou non. Car
normalement les communautés qui cherchent à s’affirmer sur une valeur qui n’est pas
centrale, créent des ennemis ou bien affirment avoir des ennemis, car elles croient être les
seules justes, un peu comme les pharisiens.
Autoréférentialité. Peut-on dire qu’une communauté court ce risque quand elle devient
autoréférentielle, c’est-à-dire quand elle n’a plus besoin de se confronter avec les autres
communautés de l’Ordre?
Dom Mauro. C’est souvent la même dynamique qui se crée à l’intérieur de la communauté
même quand on n’a pas besoin les uns des autres, mais qu’on s’utilise les uns les autres. Je
le vois dans mon Ordre : les communautés qui ont dans leur sein une bonne dynamique de
communion, où les frères et les sœurs sont conscients d’avoir besoin les uns des autres ou
les unes des autres, sont aussi des communautés qui favorisent la communion avec
d’autres communautés : elles sont souvent fragiles, mais elles aident bien plus que les
communautés fortes. Parce que les communautés qui s’affirment en vertu de leur propre
pouvoir ou de leur propre image n’aident même pas les autres, à la limite elles les aident
pour s’affirmer.
Exercer un pouvoir. Dans le rapport de Valserena la tyrannie de la communauté est très bien
décrite. Elle se manifeste dans l’irréductibilité des positions auxquelles les autres doivent
s’adapter, dans l’exercice du contrôle et d’un pouvoir arbitraire sur les sœurs, en faisant
attention à ce que font les autres pour les dominer. Ce pouvoir est inné en nous à cause du
péché, parce que c’est une déviation de l’amour de soi. C’est un peu le levain des pharisiens et
d’Hérode dont Jésus invite à se garder dans l’Evangile. Cette forme de tyrannie est unie à
l’acédie qui est la recherche du propre plaisir. C’est la même chose que de dire : je suis entré
au monastère et je dois “y être à mon aise”, alors que nous sommes venus pour servir et
donner la vie au cœur de ce service pour que les autres vivent, mais toujours dans un rapport
nuptial avec le Christ.
Dom Mauro. Il ne faut pas oublier que la tyrannie est une forme d’acédie. Le tyran est un
acédique. Le tyran remplit son vide avec le pouvoir. Les communautés elles-mêmes ne
veillent pas assez sur les idées de tyrannie qui se développent en leur sein, parce que
souvent elles sont utilisées à quelques fins.
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Tyrannie idéologique. On a rappelé les pharisiens comme exemple de tyrannie. Ils
représentent effectivement, peut-être, le cas le plus grave de tyrannie quand cela devient un
système de pensée généralisée, une idéologie qui domine la communauté. Il est très difficile
de sortir de cela et je ne sais même pas comment on en sort. Je pense qu’une façon est d’avoir
des personnes capables de discerner ce démon et aussi capables de choisir de pâtir les
conséquences par amour du Christ, par amour de la communauté.
Dom Mauro. Le problème est que souvent les victimes sont involontaires, passives, et cela
est terrible. J’ai vu des communautés qui vivaient sur une idéologie, en faisant une quantité
énorme de victimes et quand les victimes devenaient conscientes, il était alors trop tard
pour elles. Certaines victimes sont blessées de façon irréparable par le système totalitaire
et deviennent incapables de vivre quelque chose de nouveau sauf en dehors du monastère.
Mais avec tout cela il y a l’Agneau. Il faut seulement que les supérieurs généraux, les
visiteurs soient attentifs à comprendre qui est le vrai agneau de la communauté. C’est-àdire que d’abord ils doivent être attentifs à rester libres et à ne pas être eux-mêmes
victimes du système totalitaire. Il y a différentes situations. Mais il est vrai qu’il y a un cri
tacite de l’agneau et des victimes que le visiteur a la responsabilité d’écouter et de faire
entendre. Mais ce n’est pas facile. Car, parfois aussi, quand on enlève aux victimes
involontaires leur tyran, ce sont les premières à se lamenter. Elles sont sous leur emprise. Il
faut distinguer la victime involontaire de l’agneau et ce n’est pas facile. Au cours de
certaines visites régulières le fait que ce soit moi qui dise les choses ou qui prenne
certaines décisions, me met dans la situation de l’agneau ce qui veut dire : accepter de ne
pas être aimé. Et toute la communauté dit que le méchant c’est moi, que le tyran c’est moi.
La mystique de l’Agneau. Pour combattre le pouvoir de la tyrannie et de l’acédie il faut
récupérer la dimension mystique à laquelle nous invite saint Benoît dans la Règle lorsqu’il
met l’accent sur le fait de porter les poids les uns des autres pour que le Christ vive en nous.
Dom Mauro. Au sujet de ce que nous disions, cette mystique plus forte que le pouvoir, que
le pouvoir du mal, que la division est, je pense, la mystique de l’agneau. Toute la mystique
de l’Apocalypse, toute la mystique cosmique, toute l’histoire est sauvée par l’Agneau qui est
l’Epoux. Je me rendais compte durant la solennité du Corpus Domini que la figure de
l’Agneau est celle qui résume l’eucharistie, la mystique nuptiale, l’Eglise. Cependant, je
pense qu’il est important, afin que cela ne reste pas désincarné, que cette mystique soit
plongée dans la lutte contre le mal, contre ce pouvoir qui va contre la charité du Christ. Une
lutte qui passe à travers nos communautés, à travers notre cœur. Il est important d’être
conscient de la lutte en tant que telle. On peut lire toute la Règle de cette façon. La Règle
décrit une bataille spirituelle où à la fin le vainqueur est l’Agneau.
La mystique chrétienne. Où commence la mystique? L’Evangile contient ce qu’on appelle “la
règle d’or” et il n’y a pas besoin d’être chrétien pour la vivre. Il y a donc un certain genre de
perfection, de comportement humain marqué par l’ouverture aux autres qui n’a absolument
pas besoin de l’Evangile pour s’exprimer.
Dom Mauro. La mystique chrétienne commence quand Jean dit : “Voici l’Agneau de Dieu”. Et
elle recommence quand Jean et André suivent Jésus et lui demandent: “Où habites-tu?” Ils
ont reçu l’annonce de l’agneau et le suivent pour être avec lui. De cette façon ils
découvriront qui Il est et qu’Il correspond à tous leurs désirs. Et la Règle commence de la
même façon : qui est l’homme qui désire la vie ? Saint Benoît commence en disant qui est
l’homme qui cherche la mystique qui habite dans son cœur, qui remplit son cœur.
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Mystique ou le mystère de Dieu présent en chaque homme. La mystique est misterium, le
mystère de Dieu qui entre dans l’histoire. Chaque homme a été créé en Jésus Christ et
engendré dans l’Esprit Saint, donc chaque homme, même celui qui ne connaît pas le Christ,
par le fait d’être homme, porte en lui le Christ.
Dom Mauro. Ce qui est important c’est que la mystique soit possible pour moi. C’est
l’histoire nuptiale d’un couple imparfait où la tension est bien représentée par l’épouse du
Cantique des Cantiques qui ne fait pas une chose correctement: elle ne se lève pas quand
elle devrait se lever, elle n’ouvre pas quand elle devrait ouvrir, elle dort quand elle devrait
être éveillée. Au fond, le Cantique des Cantiques nous montre clairement que l’épouse n’est
jamais à la hauteur de l’époux.
C’est la raison pour laquelle il est important de récupérer la notion de notre vie comme
histoire mystique de notre relation d’amour avec le Christ qui est un chemin qui ne sera
parfait qu’à la fin. Mais Lui, il est là, donc la relation est toujours possible et nous avons
besoin de cela pour recueillir aussi la vie mystique des frères et des sœurs qui elle aussi est
une histoire nuptiale. Nous sommes tous des épouses infidèles et pauvres que le Christ
accompagne vers la plénitude. Je pense que c’est cela le point important et la Règle de
Benoît : c’est l’histoire imparfaite de ce couple et la vie de la communauté est
l’enchevêtrement de cela. Cheminer ensemble c’est cela aussi, la communauté est épouse,
l’Eglise est épouse du Christ. Nous avons justement besoin de comprendre que la mystique
chrétienne ne commence pas au moment de l’extase, mais quand l’époux frappe à la porte
et malheureusement je ne lui ouvre pas encore. Peut-être que le plus gros sursaut mystique
se présente quand nous nous apercevons de ne pas avoir ouvert la porte alors qu’il était là!
C’est cela l’expérience mystique, lorsque je me rends compte de cette expérience.
Peur d’aimer. Parfois, dans les dynamiques communautaires, comme dans l’expérience
personnelle c’est la peur de ne pas réussir à vivre cet amour gratuit de Dieu, cette expérience
mystique qui émerge. Parfois on perçoit que derrière la dureté de quelqu’un il y a au fond une
grande demande de pouvoir accéder à un amour, à une liberté à laquelle on croit ne pas
pouvoir participer. Comment débrouiller ce nœud?
Dom Mauro. Quand Saint Bernard commentait le Cantique des Cantiques, il aidait en
quelque sorte sa communauté et cherchait à rendre chaque moine sensible au Christ
Epoux. Je me demande jusqu’à quel point, aujourd’hui, nous avons cette préoccupation
envers l’autre, à savoir la préoccupation que le frère ou la sœur réponde à cette passion
d’amour du Christ pour chacun d’eux. Et si nous ne les aidons pas en cela, notre
correspondance à la passion du Christ n’est pas active.
Je fais un exemple sur un autre plan. J’ai une chère amie que je connais depuis
longtemps. Elle a été trompée par son mari. Dans un certain sens j’étais aussi ami de son
mari. Un jour son mari est venu me parler et il m’a parlé de ce problème. A un certain
moment je me suis ému et lui s’est mis à pleurer car je lui est montré combien je souffrais
de l’humiliation que subissait sa femme. Je la sentais tellement dépréciée par lui qui avait
des aventures qu’à un certain point je me suis ému et cela l’a bouleversé. Voir un moine
pleurer pour sa femme plus que lui!
Et je pense que saint Bernard lui aussi pleurait lorsqu’il voyait que ses moines ne
répondaient pas à l’amour du Christ. Ou de toute façon, toutes ses paroles, tous ses
accompagnements brûlaient de cette passion pour le Christ. En cela il y a le sens de la vraie
importance de la mystique dans la pastorale : qu’il y ait un feu, une passion pour l’amour du
Christ. Nous devons nous exposer au feu de cette passion pour nos frères. Car, si je brûle de
cette passion je ne peux pas voir un frère acédique sans pleurer. Mais je ne le fais pas
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encore. En quelque sorte, nous sommes nous aussi peut-être infidèles et l’expérience de
nos infidélités nous permet de pleurer celles des autres car nous ne sommes pas meilleurs.
Je pense qu’il est important de regarder saint Pierre qui avait une passion pour l’amour
du Christ car il était resté blessé par sa propre trahison. Et il pleurait sur les autres comme
en son temps il avait pleuré sur lui-même. Personnellement mes infidélités ont approfondi
cette relation d’amour avec le Christ.
“Le cœur se dilate dans l’ineffable douceur de l’amour”. Une expérience que j’ai souvent faite,
soit en tant que confesseur, soit en tant que visiteur est celle de me trouver devant des
personnes qui ont plusieurs dizaines d’années de vie religieuse et qui sont tristes. Je suis
navré car ces personnes n’ont pas fait l’expérience dont parle saint Benoît quand il dit qu'en
cheminant sur les chemins des préceptes divins le cœur se dilate dans l’ineffable douceur de
l’amour.
Dom Mauro. Ils ne l’ont pas encore faite. Je crois que l’année de la miséricorde sera un
grand don. Dans le monde, dans l’Eglise, dans nos communautés, dans nos Ordres il y a un
grand besoin de cette année de la miséricorde. Je ne sais pas ce qui se passera de précis
mais je pense que c’est quelque chose que l’Esprit saint prépare.
DOM LINO PRESENTE LE LVRE : PADRE ROMANO, FORMATORE (voir : Pièce-jointe 1)
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Vendredi 19 Juin 2015
Modératrice de la journée: Mère Anne-Emmanuelle
CONFERENCE DE MERE MONICA SUR LE THEME: “COMMENT SE LAISSER INTERPELER
PAR LA CHARTE DE CHARITE, AUJOURD’HUI?" (voir. Pièce-jointe 2)
DIALOGUE APRES LA CONFERENCE
Demande. Au Chapitre j’ai été très intéressée par le projet de l’Irlande tout comme par ce que
nous commençons à faire avec OCSO France. La prophétie est toujours une anticipation sur les
temps : que peut-on faire?
Mère Monica. La vision très centrée sur la prophétie que la Pape a voulu donner à cette
année de la Vie Consacrée peut peut-être nous aider. Chercher à comprendre ce qu’est la
prophétie. Chercher à la comprendre justement au niveau de mentalités communes entre
moines et moniales. J’ai cherché à montrer comment la prophétie inclut l’amour à la
mémoire et l’actualise dans le besoin du présent qui demande de la créativité. Peut-être
que si nous réussissons à comprendre cela, qu’une vraie fidélité demande de la créativité
ou alors devient une trahison, nous réussirons à sortir de ce blocage qui comprend la
fidélité comme une fermeture sur le particulier.
Demande. En expliquant ce qui a été vécu à Valserena, tu disais: “chacun de ces fondements
aurait pu être un élément de désagrégation de la communauté; ce qui en fin de compte nous a
sauvées jusqu’à présent et qui nous sauve, est qu’il s’agissait d’input reçus de l’Ordre, donc de
l’Eglise. Cela a permis à celles qui au départ ne les partageaient pas de les prendre
personnellement en charge". Comment cela s’est-il passé dans votre expérience?
Mère Monica. Cela a été un grand travail: nous aider à comprendre et à aimer ce que
quelques sœurs avaient désiré et que d’autres n’auraient personnellement ni désiré ni
voulu et le faire devenir un projet communautaire. D’autre part je crois aussi que
lorsqu’une communauté fait une fondation il faut faire un travail semblable. Je me rappelle
le travail que faisait Mère Cristiana à Vitorchiano pour convaincre les anciennes à aimer la
fondation en Argentine. Pour elles, aller au-delà de l’océan était une punition épouvantable,
mais elles ont été petit à petit impliquées. Je me rappelle de la vieille sr. Andrea qui faisait
un tapis pour la fondation ou d’autres anciennes qui faisaient des chapelets à vendre pour
acheter le nouveau tabernacle. Il y a toujours un chemin à faire.
Demande. Père Santiago, Conseiller, pourrait peut-être nous faire une mise à jour sur ce qui a
été décidé au Chapitre pour les projets indiqués ainsi que pour les maisons d’Irlande. Ou
54
encore, Dom Eric pourrait nous dire si quelque chose bouge au sein d’OCSO France. Ou bien
sur le Pacte de Cortona si il y a quelque mise à jour à faire.
Mère Monica. Pour ce qui est de Cortona, nous avons profité d’être tous présents à la
Réunion Régionale pour établir que le Pacte entre Cortona et Valserena peut arriver à son
terme. Il a atteint son objectif par le fait que nous reconnaissons que la communauté est en
mesure de cheminer toute seule. Concrètement, deux sœurs de Valserena peuvent
maintenant y faire leur stabilité, devenant membre de cette communauté cistercienne. A
partir de ce moment il n’y aura plus deux noyaux qui vivent ensemble, mais une seule
communauté cistercienne que nous aimons comme des sœurs, mais avec laquelle nous ne
serons plus unies par le lien du Pacte.
Dom Mauro. C’est aussi le résultat du chemin fait ces dernières années, depuis que je l’ai
prise en charge en tant qu’Abbé Général et donc comme Père Immédiat de Cortona. Les
temps sont désormais mûrs pour que le Pacte donne son fruit et nous l’avons vérifié en
écoutant les sœurs elles-mêmes. Cela signifie que la communauté continue à être
juridiquement une communauté cistercienne au sens plein, portant cependant dans ses
chromosomes l’esprit de collaboration qui est né et qui a grandi au long de ces années. Je
pense que c’est le plus beau résultat du Pacte. Cortona continuera à avoir cette vocation,
celle d’une communauté qui témoigne qu’il y a une confiance et une aide réciproque entre
les deux Ordre qui pourra donner d’autres fruits.
Demande. Au sujet du Pacte, il y a donc eu une évolution?
Mère Monica. Le texte prévoyait que le pacte était “régime temporaire" qui se proposait
d’amener la communauté à une autonomie de vie. Si cette finalité n’avait pas été atteinte, le
pacte aurait été conclu pour échec. Mais si nous étions arrivées à une réussite même
modeste, le pacte stipulait que la communauté aurait choisi elle-même quoi faire pour son
avenir.
Mère Luciana. Mère Monica parlait de créativité dans sa conférence. Je pense que nous
pouvons utiliser ce terme pour tout le processus. Il y a dix ans, nous n’imaginions
absolument pas arriver aussi vite à ce point. Mais créativité veut dire, lire dans le temps et
dans les situations ce qui est bien, ce qui correspond à ce que Dieu veut de nous. Au cours
de ces deux dernières années nous nous sommes rendues compte que notre communauté
avait désormais besoin de stabilité; avec la présence des jeunes entrées, ici, à Cortona, les
sœurs deviennent mères dans la communauté. La stabilité à Cortona des sœurs qui
proviennent de Valserena confirme cela et établit ainsi les intentions du Pacte, mais ne le
trahit pas.
Demande. Donc Cortona sera un monastère cistercien avec trois moniales qui sont passées de
l’Ordre Trappiste à celui Cistercien. Il y aura un changement de stabilité d’un monastère à un
autre et d’un Ordre à un autre. Ce n’est pas un transitus?
Mère Luciana. Non. Le changement peut se faire simplement sur l’accord des supérieurs et
des deux Pères Immédiats.
Dom Mauro. Il y a eu une évolution, voir un approfondissement dans la confiance. Certaines
avaient peur que le lien juridique coupe un peu le rapport entre les deux communautés,
mais on a vu que la communion était plus profonde que l’aspect juridique.
55
Mère Monica. Le pacte se fonde davantage sur la confiance dans l’unité du charisme que sur
l’unité juridique. C’est un peu comme lorsqu’une fondation devient autonome. Ce n’est pas que
rien ne change, le changement existe car il y a une coupure avec la filiation. Je n’ai plus aucun
droit, ni même de visite à Cortona. Je ne peux plus dire un mot. Mais la communion ayant
atteint son but, c’est à dire la récupération de la communauté dans son intégralité, celle-ci
devient encore plus profonde.
AUTOCRITIQUE SUR LA REM
1. Echange sur la dynamique de nos relations
On reprend la rencontre de la REM qui a eu lieu à la fin du Chapitre Général. On
reconnaît qu’à cette occasion on a procédé de façon un peu rapide, avec peu d’écoute, sans
tenir compte des indications du Statut et cela a créé un certain désagrément dans les
relations.
Il a été possible au cours de cette réunion d’arriver à des explications et de dépasser
d’éventuels malentendus, retrouvant la confiance réciproque qui a permis de travailler avec
profit dans un climat serein, d’écoute et de partage.
2. Reconfirmation des Co-présidents
Il a été demandé aux participants de s’exprime au sujet d’une nouvelle lectio des
présidents. Suite à l’échange, il n’est pas apparu nécessaire de refaire l’élection, puisque
l’affaire avait été éclaircie.
4. Participants à la Commission Centrale
On échange au sujet des normes et sur qui participe comme représentant de la REM à la
prochaine Commission Centrale qui aura lieu en juin 2016 en Irlande.
On rappelle que la CST 80 dit que chaque Conférence Régionale est représentée par un
ou une supérieur/e à la Commission Centrale sauf si il en a été décidé autrement au moment
de l’approbation du statut et si dans le statut il y a des indications différentes.
Chaque Région doit présenter aux Commissions Centrales un délégué comme
participant et ce ne sont pas forcément les présidents de la Région.
Au Chapitre Général on a proposé comme délégué à la Commission Centrale le
président de la REM qui a un suppléant en la personne de dom Eric et le Chapitre a accepté
ces deux noms. Habituellement, et selon les usages de la REM, c’est le président qui va à la
Commission Centrale, mais le président peut avoir un empêchement et dans ce cas c’est le
suppléant qui y participe. Ce sera Dom Eric qui participera à la prochaine Commission
Centrale.
4. Normes pour l’élection des Présidents
La discussion se concentre sur trois points.
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a) Limite des trois mandats successifs pour l’élection du Président
On avance la proposition de ne pas mettre de limite au nombre des mandats du
Président. Mais d’autres préfèrent, au contraire, qu’il y ait une limite, justement pour ne pas
encourager certains à la tendance de se dérober.
b) Quand faire l’élection des Présidents
L'élection des Co-présidents se fait durant la réunion qui précède le Chapitre même si
ils restent en charge jusqu’à la fin du Chapitre suivant. Il semble opportun de la faire pendant
la Réunion Régionale qui précède le Chapitre Général car il y a plus de temps.
c) Si les Présidents représentent la Région à la Commission Centrale
On se demande si il faut indiquer dans le Statut si se sont les Présidents qui doivent
représenter la Région à la Commission Centrale ou non. On note que si on ne donne pas
d’indications précises, ce que disent les Constitutions restent valables. Si dans le Statut on
explicite que c’est le Président qui doit participer à la Commission Centrale, on ne pourra plus
en élire d’autres. De toutes les façon la révision des Statuts est au programme pour la
prochaine REM.
5. Modérateurs de la Réunions
Le statut de la Région prévoit qu’à chaque réunion, pour modérer le travail de la
Région, un modérateur ou une modératrice soit élu auparavant ou confirmé. Au cours de cette
réunion on a nommé quatre modérateurs qui, à tour de rôle, chaque soir ont aussi participé à
la réunion de la Commission de Coordination pour préparer le travail de la journée suivante.
Cela semble être une bonne modalité, quelqu’un propose d’ajouter une cinquième personne.
On signale aussi la question de la participation des délégués (difficulté pour trouver
des personnes qui représentent la communauté à la Réunion Régionale) et la possibilité qu’ils
soient élus comme coprésidents non seulement un abbé et une abbesse, mais deux abbesses.
6. Autocritique de la réunion et programmation
a) Autocritique
En premier lieu on fait à Mère Luciana des remerciements sincère pour la qualité de
l’accueil et la disponibilité et générosité démontrées par les sœurs pour le service. Merci aussi
pour le travail fait par les présidents, les modérateurs, les secrétaire set les traductrices.
Tous ont beaucoup apprécié la richesse des contenus des rapports et des conférences.
Celle de Mère Monica sera une référence importante aussi pour la prochaine REM pendant
laquelle on affrontera le thème de la CST 67.
Les dialogues et les échanges ont été riches d’expérience et constructifs, même si il y a
eu peu de temps et si l’on aurait désiré, dans certains cas, un plus grand approfondissement.
On souligne l’attention et la sollicitude pastorale avec lesquelles les situations des
différentes maisons ont été considérées.
57
Le climat a été fraternel et cela a permis un travail tranquille et bénéfique. Le désir et la
volonté de dépasser certaines difficultés a aussi mis en évidence une croissance dans la
communion, dans la confiance réciproque et dans la collaboration.
Les Saints de la Région – les frères de Thibirine, la Bienheureuse Gabriella et le B.
Cassant, le Père Romano et la Vénérable Veronica – ont eux aussi certainement contribué au
succès de la Réunion.
b) Programmation
La prochaine REM aura lieu à Aiguebelle du 4-19 avril 2016. On propose d’affronter avec
la CST 67 les thèmes du renouvellement du charisme et de la charité fraternelle, cela au cours
de l’année du jubilé sur la miséricorde. Un autre point: le statut de la REM qui au cours de la
prochaine réunion devra être revu.
58
Pièce-jointe 1
Dom Lino
PRESENTATION DU LIVRE
“PÈRE ROMANO BOTTEGAL FORMATEUR”
PREMICES
Le contenu de ce livre « Padre Romano Bottegal Formatore » est la transcription des notes
conservées par son novice, Père Bernardo Boldini.2 Père Romano, appointé maître des novices
de chœur le 11 octobre 1954 sera son formateur du temps de son postulat, noviciat et
profession temporaire jusqu’au 6 Juillet 1961. Le travail de préparation du livre a consisté
d’abord avec la sélection, réalisée par Sœur Maria Cecilia Zaffi, parmi toutes les notes et les
passages écrits de la main du novice de ceux qui ont été consignés entre 1957 et Juillet 1961.
Le Maître des novices avait voulu que son candidat apprenne bien le latin et le français
pendant un an avant de l’admettre au noviciat.
Dès la première conférence, peu avant d’être admis à la vestition le postulant rapporte la
pensée de son maître qui lui cite les paroles du Pape pour lui inculquer le sens de l’Eglise, de
la communion, de l’écoute amoureuse et attentive des directives du Magistère et l’engager à
vivre selon l’esprit des Fondateurs de Cîteaux.3
Père Romano va établir un programme de formation qui familiarise son disciple à la
connaissance de l’histoire monastique, de la spiritualité de l’Ordre, de la Règle de Saint Benoît
et qui l’ouvre à la beauté de la vie en Dieu, aux moyens, comportements, vertus, au combat
spirituel, toutes choses à enseigner au moine pour qu’il atteigne au but de sa vie claustrale: la
connaissance de soi, la rencontre avec le Seigneur réalisée par-dessus tout à travers la prière
et la pureté de cœur, afin d’accueillir et d’arriver à intégrer dans sa vie, dans la fidélité à la
Règle et à l’esprit des Fondateurs, le “Baiser” du Père et du Fils : Le Saint Esprit.
Le matériel des notes a été divisé en trois sections principales:
- Conférences du père-maître et de Dom Vincent Hermans sur l’histoire et la spiritualité
monastique.
- Extraits de lettres circulaires de l’Abbé Général, Dom Gabriel Sortais.
- Notes rapportant des instructions et suggestions sur divers aspects du chemin disciplinaire
et spirituel du vécu monastique. S’y ajoutent les résultats des recherches du disciple, résultats
qui se déduisent de ses réponses aux questionnaires requis ponctuellement par le formateur
afin d’évaluer son travail d’apprentissage et d’assimilation.
2
Père Bernardo est né le 18.11,1930, est entré à Tre Fontane le 1.12.1956, a commencé son noviciat le
21.11.1957, a émis ses premiers vœux le 8.12.1959 et ses vœux solennels le 2.7.1963. Il a été ordonné prêtre le
10.8.1967.
3
cf. p.42.(Pagination de l’édition italienne)
59
VARIÉTÉ ET INTÉGRALITÉ DE LA FORMATION
Les notes de Frère Bernardo novice reflètent avec simplicité les enseignements de Père
Romano. Le jeune moine avait une connaissance peu approfondie, peu mise en pratique de la
vie chrétienne, et il est dès lors évident qu’il ne pouvait rapporter que ce qu’il avait écouté ou
étudié - et en certains cas traduit du français - et ce qui l’avait intéressé ou retenu comme
important.
Les enseignements sont rapportés selon un certain ordre chronologique et commencent avec
la recommandation au novice de s’engager dans un travail énergique mais toujours confiant
en l’aide de la grâce de Dieu, pour appliquer à sa vie communautaire les principes de la
spiritualité des Pères. Certes, à la base de ces enseignements se trouve la Règle de St Benoît,
un texte pratique, mais qui suppose de la part du moine la connaissance des vérités
fondamentales de la vie chrétienne pour les vivre et les contempler.
Le formateur parle aussi des usages monastiques , et suggère de les connaître et de les
pratiquer en les ordonnant à la charité et sans s’arrêter à une pure extériorité 4, parce qu’en
eux se trouve “en germe l’esprit de la Règle ” de sorte qu’il puisse être compris par chacun, du
plus simple au plus instruit. Pour Père Romano, la formation intellectuelle et pratique du
moine requiert de lui d’élargir ses connaissances en méditant à fond les lettres circulaires de
l’Abbé Général, le cours de spiritualité de Vincent Hermans et de plusieurs autres auteurs,
experts du monachisme et de la vie spirituelle.
Le père-maître va donc exposer l’histoire du monachisme, quelques commentaires et
approfondissements de la RB et l’essence et méthodes de la prière. Il souligne en particulier
l’école de la Liturgie, l’importance de l’Office Divin et de l’Eucharistie, à vivre dans une
disposition intérieure et joyeuse. Il traite en outre de la connaissance de soi, fournissant par
ailleurs au candidat des données psychologiques essentielles, tout en insistant sur le contenu
des vœux et des vertus, sur le combat spirituel, sur la conversion continue, sur les exigences
de l’amour vrai, théologal. Par-dessus tout il insiste sans relâche sur la recherche du bonheur
et de la paix en Dieu qui se penche sur l’obéissant et l’humble, l’homme docile à l’Esprit-Saint,
lequel lui fait contempler la bonté divine: “O Lux! O Bonitas! O Gaudium!”5
MÉTHODE FORMATIVE
Père Romano synthétise la matière de ses exposés sur certains arguments importants et il a
l’habitude d’utiliser des schémas (écrits au tableau) qui résument et explicitent son
enseignement.
Le Père-maître détermine les règles claires qui doivent exister dans les rapports entre luimême et son novice, précisant les exigences qu’impliquent une telle rencontre, les
dispositions à avoir, et insistant par-dessus tout sur l’importance d’accueillir et de créer une
atmosphère de joie en soi et autour de soi. Il laisse entendre qu’il lui est toujours possible d’
intervenir au niveau de la discipline, du savoir-vivre, de l’emploi assigné, et bien entendu de
la Règle et les us, allant parfois jusqu’au fort interne (et en cela, il agit bien sûr avec une
particulière délicatesse et attention).
4
5
cf.pp.122-124. .(Pagination de l’édition italienne)
cf. pp 229 ss
60
Père Romano expose les normes pour l’acceptation des candidats, signale les possibilités de
réussite du cheminement monastique selon la tradition et les directives de l’Ordre et les
limites ou défauts qui y font obstacle. Il répète fréquemment les points essentiels de son
enseignement et cherche à rendre le chemin de formation attrayant en décrivant la beauté de
la vie en Dieu, et en donnant en première personne un exemple de régularité, de travail
manuel, d’étude, de fidélité à l’Office et un témoignage joyeux de patience, de respect, d’estime
et d’affection envers les frères.
Ce qui lui tient à cœur, c’est le cheminement intérieur qu’il explicite en plusieurs points, que
ce soit par les lettres du Père Général, ou à l’aide de livres sur la prière ou sur la croissance
des vertus théologales et cardinales. Il expose par exemple et compare avec habileté les
méthodes de prière de Saint Ignace et celles des pères monastiques et les confronte, exigeant
ensuite des réponses sur leur efficacité et leur diversité.6 Il soumet les novices comme les
profès temporaires à des examens. 7 Voyons à présent quels sont les arguments
fondamentaux traités par notre formateur.
ARGUMENTS FONDAMENTAUX
Le travail proposé par la Règle de Benoit est de démolir pour laisser construire. Démolir
l’auto- suffisance qui provient du péché pour se tenir en face de Dieu avec la conscience de
n’être rien sans Lui… C’est donc Dieu qui a la part prépondérante et exclusive dans la vie du
moine… et c’est l’Esprit Saint l’inspirateur et le soutien d’un tel travail de purification pour
faire de lui un adorateur. Ce travail exige donc du novice qu’il perçoive clairement la
distinction entre le vieil homme et l’homme nouveau et entre la nature et la grâce, pour être
en mesure de discerner à coup sûr et inexorablement le vieux ferment et laisser croître le
nouveau, autrement notre concupiscence et nos vues mesquines tiendraient la place qui
revient à la Bonté divine.8
“ Laetabitur Dominus in operibus suis ” (Ps 103, 31 Vulg.) L’œuvre principale de Dieu en ce
qui concerne l’être humain est de l’élever à l’adoption filiale. Ainsi, une âme qui permet à
Dieu de réaliser en elle ses desseins devient sa joie. Cette joie qu’elle procure à Dieu par
une générosité divine la fait vivre dans une continuelle extase de joie, car il n’existe pas de
bonheur plus sublime que celui de faire la joie de Dieu et de le glorifier. L’aspiration de l’âme
chrétienne alors ne devrait être rien d’autre que: “O Bonitas fiat mihi secundum verbum
tuum”. (“O Bonté, que tout se fasse pour moi selon ta parole”).
Pour laisser Dieu opérer en nous , nous avons besoin de deux choses: travailler à enlever les
obstacles, et travailler à demeurer dans un état de paix et d’attention à l’œuvre de Dieu qui
s’accomplit en nous. Il est nécessaire que l’âme prenne conscience de ce travail divin
“operantem in se Dominum magnificent” (RB Prol. 29-30) afin d’en suivre la direction subtile
et délicate, mais claire et précise. Pour cela, l’âme doit d’abord être psychologiquement saine,
et en second lieu, ne doit pas avoir de préoccupation excessive d’ordre temporel ou ambiant.
D’une part elle doit travailler, d’autre part, se laisser travailler. L’âme doit subir ces
alternatives : travailler, chercher la vérité; trouver, et “acquiescer” à la vérité.
Cet “acquiescement n’est pas une perte de temps, mais bien le point le plus précieux parce que
l’âme s’y nourrit et y grandit. S’il est réel et bon, l’âme se rend compte que dans cette
6
cf. p. 299.
cf. pp. 256-257.
8
cf. pp. 161-163.
7
61
“ tranquillité” sa marche devient beaucoup plus rapide. Dès lors, ces alternatives sont toutes
deux nécessaires et s’intègrent mutuellement jusqu’à former une unité. Si l’une des deux vient
à manquer, l’organisme spirituel est compromis: Si le travail manque c’est le quiétisme; si la
tranquillité manque, on a l’agitation stérile, vide, comme une cymbale sonnante (1 Co. 13,1)” 9
“La mortification est nécessaire mais il n’est pas dit qu’il faille imiter en cela les saints si notre
constitution ne nous le permet pas et si nous n’avons pas la même grâce. Nous devons
cependant les imiter dans le mépris du monde, dans le mépris de nous-même et en évitant la
plus petite faute. En effet, si les exercices de pénitence ne portent pas à cela, ils ne sont pas
agréés par Dieu.
Tendance de notre orgueil à juger les autres : Pour éviter cette mauvaise habitude, souvienstoi de t’occuper des désirs et nécessités de ton cœur : tu trouveras là toujours assez de travail.
En purifiant ainsi ton cœur, tu en viendras à amoindrir ce vice.
S’il t’arrive de voir quelque mal en ton frère, recherche ce mal d’abord en toi, parce que c’est la
mauvaise racine en toi qui te la fait découvrir en l’autre.
Tu n’as pas l’obligation de juger et corriger les autres; pense à toi.
Si le mal est manifeste, sois plein de compassion, t’humiliant devant Dieu, parce que tu es
capable de faire pire encore sans le soutien de la grâce.
La chose qui déplait le plus dans les autres te procure tous les moyens de l’enlever de ton
propre cœur.” 10
LA
MANIÈRE DE PRIER DE
ANCIENS.
SAINT BENOÎT
ADAPTÉE À NOTRE CAPACITÉ MODERNE AVEC DES MATÉRIAUX
“ Préparation lointaine [à la prière] : Obéissance sans délai.
Préparation proche: Le premier degré de l’humilité consiste à garder toujours présent à
l’esprit la crainte de Dieu…et à se garder à tout instant des péchés et des vices, ceux des
pensées, de la langue, des mains, des pieds ou de la volonté propre, mais encore à retrancher
sur le champ les désirs de la chair.
Méditation: Le quatrième degré de l’humilité consiste à embrasser silencieusement la
patience dans l’obéissance aux ordres difficiles et contrariants, voire même dans n’importe
quelle situation d’injustice.
Réflexion: Le cinquième degré de l’humilité consiste à manifester à son abbé par un humble
aveu toutes les pensées mauvaises qui surgissent dans notre propre cœur et les fautes
cachées que l’on a commises.
Propositions: (Le sixième degré de l’humilité est) lorsque le moine se trouve content dans la
pire et la plus vile condition….(le septième degré de l’humilité est) lorsqu’il se proclame
9
pp.232-233.
p.319.
10
62
inférieur à tous et le plus indigne, et qu’il le fait non seulement de bouche mais en est
convaincu au plus intime de son cœur.
Question: Comment notre Père Saint Benoît conçoit-il l’oraison de son moine?
(Il en fait une exposition suffisante et précise, comme s’il devait instruire un bon novice
benédictin). Réponse: Saint Benoît, pour faire prier son moine , veut qu’il apporte à la
prière les dispositions d’humilité par lesquelles il sente le besoin de prier et supplier, le
besoin de faire confiance grâce à quoi il sait qu’il sera exaucé, et la soif de la grâce qui le
pousse à implorer avec l’ardeur d’un affamé la grâce divine, de laquelle il sait que tout dépend,
et sans laquelle sa vie spirituelle est paralysée. Pour acquérir ces dispositions, il veut que le
moine se rappelle que Dieu le voit à tout moment, et c’est pourquoi il s’appliquera à garder ses
propres actes, à mortifier ses passions et à freiner sa fantaisie et ses pensées inutiles, à vivre
la journée dans une atmosphère surnaturelle, à fonder toutes ses actions sur la foi. Pour qu’il
prie, Benoît veut que le moine vive dans ces dispositions, plus ou moins accentuées bien-sûr,
mais il les exige de manière continuelle et sans attendre le moment de la prière comme sans
essayer de les acquérir par des réflexions ou des raisonnements etc…
Ces dispositions ne doivent pas seulement être habituelles, mais la prière elle-même doit être
continuelle : soit, elle aura des moments plus forts, dans lesquels l’âme se sentira portée à se
dilater avec plus de ferveur et plus d’élan, mais elle devra cependant se poursuivre
ininterrompue dans le calme et le silence.
Ses caractéristiques sont : la simplicité : par laquelle elle s’adapte à toute action de la journée,
sans aucune théorie formulée à l’avance, familière et fervente, basée sur les besoins actuels et
sur les circonstances.
[Elle sera] ardente: ce doit être le cœur qui crie, qui fait sentir ses besoins, et le désir de la
grâce divine, sans laquelle il sait ne pouvoir rien accomplir, doit l’animer.
[Elle sera] fréquente: à tout moment l’âme doit ressentir le désir de la prière: vivant unie à
Dieu elle apprend à mieux se connaître; ses misères, ses manquements et sa faiblesse lui
apparaissent sans cesse plus clairement. Son désir d’aimer Dieu croît de plus en plus et son
ardeur à se corriger doit faire jaillir à chaque instant ce même désir de prière. Enfin, [la prière
doit être] unie à tous les actes de notre vie, parce que la vie doit être le fruit de l’oraison, doit
en être une conséquence spontanée.”11
On pourrait continuer à citer les points saillants de la formation, mais je préfère ne pas
m’étendre trop. Il me semble que nous sommes vraiment devant un traité précieux pour un
cheminement de formation monastique autant initiale que permanente ; un traité structuré,
profond et complet qui vise à aller à l’essentiel, à cheminer dans la fidélité à la Règle comprise
de manière spirituelle et pratique, et aussi dans l’esprit des Pères Cisterciens. Père Carmelo
de Tre Fontane, auteur de deux biographies sur Père Romano : « Vita in Dio nella Gioia » 12e
« Testimone nello Spirito »13 s’est réjoui, lors d’un colloque récent, de la rapidité avec laquelle
la Providence a conduit les évènements vers la Vénérabilité du Serviteur de Dieu. Certes, la
“ Positio ” bien adaptée et documentée de la Postulatrice, la Révérende Madre Augusta
Tescari de Vitorchiano a joué un rôle fondamental dans ce processus.
11
pp.298-299.
OlemRac, Vita in Dio nella Gioia , Lib. Ed. Vaticana, Città del Vaticano, 1980.
13
M.C. Deogratias, Testimone nello Spirito, Padre Romano Bottegal ; Editrice Missionaria Italiana, Bologna, 1996 .
12
63
De mon côté, pour imprimer ce manuel de formation monastique, je me suis appuyé sur le
travail de la doctoresse Sœur Maria Cecilia Zaffi, qui, en tant que théologien censeur a formulé
le Iudicium super scriptis, d’abord à partir des lettres et ensuite à partir des notes intimes14du
Père Romano (406 notes). Sœur Maria Cecilia, qui a par ailleurs écrit le livre : « L’Eremita
Missionario »,15suivi d’articles sur divers aspects de la pensée du Serviteur de Dieu, a étudié et
mis en ordre toutes les notes du novice frère Bernardo (documents photocopiés confiés à elle)
et a introduit les textes du jeune moine de clarifications importantes, qui mettent en évidence
la continuité de la pensée du Père Romano. Celui-ci, durant toute sa vie jusqu’à la
consommation de son offrande au Seigneur, a repris, développé et vécu intégralement les
enseignements et principes qu’il avait cherché à transmettre à ses novices . Le travail de Sœur
Maria Cecilia a été ensuite revu soigneusement par Père Bernardo Boldini, qui y a ajouté un
avant-propos sur la situation de Tre Fontane 16 et une Postface 17.
14
Soeur Marie Cecilia qui les a déchiffrées, retranscrites et interprétées pour la plus grande partie, en prépare
actuellement l’édition.
15
Maria Cecilia Zaffi, L’Eremita Missionario, Romano Bottegal , della Trappa di Roma alle pietre del Libano, Edizioni San
Paolo, Cinisello Balsamo, 2004 .
16
17
p.13
p. 340-342
64
Pièce-jointe 2
Conférence de Mère Monica:
COMMENT, AUJURD’HUI, NOUS LAISSER INTERPELER
PAR LA CHARTE DE CHARITE ?
Introduction
Il me semble que la demande qui aujourd’hui fait l’objet de notre sujet revient de plus en plus
fréquemment dans l’Ordre et je dirais: enfin ! Devant les nombreuses situations difficiles que
nous devons affronter il ne s’agit pas de se demander: que faire? en partant de zéro, mais en
partant d’une position de foi et des documents de notre tradition dans lesquels la foi s’est
exprimée et qui sont les instruments adéquates pour juger la réalité.
Il faut des projets fondés sur les valeurs fondamentales, propres à notre charisme, repensés
dans la situation actuelle, mieux, dans les différentes situations, avec créativité. Il nous semble
que c’est aussi la direction que le Pape essaie de nous indiquer dans la réflexion sur la Vie
Consacrée.
Le document préparatoire du Chapitre 2014: réflexions sur les communautés en état de
fragilité croissante, document excellent pour son caractère exhaustif et la sérénité de
l’information, pour l’équilibre entre les parties, tente de faire cette esquisse dans les deux
premiers paragraphes de l’introduction et dans le dernier défi qu’elle énumère: le défi de
vivre de nouveau la Charte de Charité. Cette position me semble être la seule vraiment
correcte et jette les bases pour la solution de nombreux problèmes puisqu’il s’agit non tant
d’un texte spirituel, mais du texte législatif qui fonde l’Ordre.
Je voudrais aussi me rattacher au thème de notre REM (thème pour les dialogues) qui nous
donnera la perspective pour mettre en évidence aujourd’hui le thème de la Charte de Charité.
Nous chercherons ensuite à prendre en compte ce qui ressort du dernier Chapitre Général,
mais ici je n’ai pas de connaissance ou d’expérience particulière à évoquer, je lancerai
simplement le sujet pour être si vous le voulez, complète en même tant que concrète.
Enfin, je voudrais partager avec vous l’expérience de ma communauté en lien avec le sujet.
Le thème pour les dialogues de notre REM
Il y avait trois questions: 1 - La première : source d’un charisme rénové: le cœur qui
renouvelle le désir - 2 Le charisme fondateur: comment nous situons-nous entre la mémoire
et la prophétie ? - 3 La vie fraternelle commune: la tâche que l’Eglise nous confie.
Je synthétiserai de la façon suivante l’apport que ce sujet peut donner au thème qui m’a été
confié:
1 - Notre talent se référant au renouvellement d’une communauté aujourd’hui s’appelle: désir
que le charisme se renouvelle et vive.
2 – Qu’est-ce que cela signifie pour une communauté en situation de fragilité croissante de
situer le charisme entre mémoire et prophétie ?
65
3 - La vie commune, tâche que l’Eglise nous confie et grand talent pour l’avenir, peut devenir
la pierre d’achoppement décisive pour la fin d’une communauté.
Nous laisserons de côté ce troisième point pour ne pas étendre trop le sujet de cette
conférence. Nous signalons seulement qu’au cours du dernier Chapitre Général de nombreux
cas qui pourraient documenter cette affirmation ont émergé.
1 - Notre talent se référant au renouvellement d’une communauté aujourd’hui
s’appelle: désir que le charisme se renouvelle et vive.
Qu’est-ce que cela signifie? Nous n’avons plus d’autres talents, pour le moins ceux de
l’abondance, des nombres et de la puissance.
Le Pape, au cours de l’Année de la Vie Consacrée, nous a renvoyé ce talent, en soi typiquement
Cistercien : voir Evangelii Gaudium, Rallegratevi, Scrutate, conférence de Monseigneur Carballo
au Chapitre, etc.; les rappels à renouveler la joie qui surgit d’une rencontre avec le Christ et
donc d’une tradition vivante, de la ferveur, de la confiance dans le charisme et la vocation
personnelle, de l’enthousiasme de l’Evangile sont les points essentiels de ce pontificat. Notre
Abbé Général dom Eamon et l’Abbé Mauro Giuseppe Lepori eux aussi soulignent que la vie se
renouvelle surtout dans la rencontre avec le Christ, dans la foi au Christ, dans l’imitation du
Christ.
Personnellement je suis à l’aise avec ces rappels, pour une autre raison aussi: j’ai toujours été
persuadée que Dieu ne veut ni la mort d’une communauté ni même celle des charismes, mais
une communauté meurt simplement quand plus personne ne désire la faire vivre et
transmettre à d’autres la richesse de son héritage. Le contraire est vrai : quand
quelqu’un désire fortement, non la survie au détriment du charisme, mais la vie du charisme
qui accepte de se renouveler, souvent les solutions arrivent.
Il est certain que les communautés meurent et mourront, mais nous ne devrions pas trop nous
vanter de nos théologies de la bonne mort.
2 - Qu’est-ce que cela veut dire situer le charisme entre mémoire et prophétie dans une
situation de fragilité croissante?
Mémoire: La Charte de Charité
Tout d’abord, il faut dire que dans un charisme commun, la base même de la mémoire de
chaque communauté, qui cependant peut se diversifier de façon légitime, doit être commune.
Nous introduisons ce point à l’aide d’un bref excursus sur la Charte de Charité que nous
connaissons tous mais dont nous devons mettre en évidence les points essentiels:
Avant que les abbayes cisterciennes ne commencent à fleurir, le seigneur abbé Étienne et ses
frères décidèrent qu'en aucune manière des abbayes ne seraient érigées dans le diocèse de
quelque évêque avant que ce dernier n'ait approuvé et confirmé le décret élaboré et confirmé par
la communauté de Cîteaux et les autres communautés issues d'elle: ceci en vue d'éviter tout
heurt entre l'évêque et les moines.
Et donc, dans ce décret, les frères précités, voulant prévenir un naufrage éventuel de la paix
mutuelle, mirent au clair, statuèrent et transmirent à leurs descendants par quel pacte d'amitié,
par quel mode de vie, ou plutôt par quelle charité souder indissolublement par l'esprit leurs
moines corporellement dispersés dans les abbayes en divers endroits de la région.
Ils estimaient également que ce décret devait porter le nom de Charte de charité parce que sa
teneur, rejetant le fardeau de toute redevance matérielle, poursuit uniquement la charité et
l'utilité des âmes dans les choses divines et humaines.
Chapitre premier
66
Début de la Charte de Charité.
L'Église-mère ne réclamera de sa fille aucune contribution d'ordre matériel
Parce que nous nous reconnaissons tous comme les serviteurs, bien qu'inutile, du seul vrai Roi,
Seigneur et Maître, pour cela nous n'imposons aucune contribution, que ce soit sous forme
d'avantage matériel ou de biens temporels aux abbés qui sont aussi nos frères dans la vie
monastique et que la bonté de Dieu a établis en différents lieux sous la discipline régulière par
notre ministère à nous, le dernier des hommes. Désirant en effet leur être utile, ainsi qu'à tous les
fils de la sainte Église, nous arrêtons que nous ne voulons rien faire à leur endroit qui les accable,
rien qui diminue leur avoir, de peur qu'en désirant pour nous une abondance dont leur pauvreté
ferait les frais, nous ne puissions éviter le vice de l'avarice qui, selon l'Apôtre, est dénoncé comme
un culte idolâtrique.
Cependant, en considération de la charité, nous entendons garder le soin de leurs âmes, afin que,
par notre sollicitude, ils puissent revenir à la rectitude de vie au cas où, à Dieu ne plaise, ils
auraient osé s'écarter, si peu que ce soit, de leur saint projet de vie et de l'observance de la sainte
Règle.
Chapitre deux
La Règle sera comprise et observée par tous d'une seule manière
Chapitre trois
Tous auront les mêmes livres liturgiques et les mêmes coutumes
Chapitre quatre
Statut général réglant les relations entre abbayes
Chapitre cinq
Visite annuelle de l'Église-mère à sa fille
Chapitre six
Déférence à témoigner à l'Église-fille qui visite l'Église-mère
Chapitre sept
Chapitre général des abbés à Cîteaux
Tous les abbés de ces Monastères viendront une fois par an au Nouveau Monastère, au jour qu'ils
conviendront entre eux, ils y traiteront du salut de leurs âmes: ils décideront de ce qui doit être
redressé ou ajouté dans l'observance de la sainte Règle et des prescriptions de l'Ordre; ils
rétabliront le bien de la paix et de la charité mutuelle.
67
Si un abbé est reconnu moins zélé pour la Règle ou trop absorbé par les affaires du monde, ou
vicieux en quelque domaine, il y sera proclamé avec charité. Proclamé, il demandera pardon et
fera la pénitence infligée pour sa faute. Mais seuls les abbés feront semblable proclamation.
Si l'une ou l'autre Monastère tombe dans une pauvreté intolérable, l'abbé de cette communauté
s'appliquera à exposer cette situation en présence de tout le chapitre. Alors, tous les abbés,
enflammés du feu très ardent de la charité, se hâteront, chacun selon ses possibilités, de subvenir
à la pénurie de cette Église avec les ressources que Dieu leur a départies.
Le principe à la base de ce document a pour but de maintenir entre les monastères la
paix et l’unité de la Charité. Ceci est précisé concrètement:
•
En interdisant l’exploitation des ressources matérielles des autres monastères, en
prescrivant au contraire le devoir d’aide réciproque quand cela est vraiment
nécessaire (extrême pauvreté).
•
En prescrivant le droit-obligation réciproque du soin des âmes, c'est-à-dire le contrôle
de l’observance de la Règle et la correction.
•
En prescrivant l’uniformité des observances.
Nous pourrions dire en d’autres termes que la paix et l’unité dans la charité de l’Ordre ne
sont réelles que lorsqu’il y a une communion dans le bien et ensemble, un
cheminement sur voie droite de la foi et de l’observance monastique.
Autrefois, on soulignait davantage l’uniformité des observances et des us comme instrument
privilégié pour arriver à l’unité entre les communautés.
Aujourd’hui, alors que le pluralisme a rendu relatif le point de l’uniformité, il faut tout de
même souligner le devoir d’intervenir pour empêcher la dégradation d’une communauté par
le moyen d’une action pastorale qui soit d’une part respectueuse du charisme commun et
d’autre part de la modalité propre de chaque communauté spécifique (mémoire), en sachant
discerner entre charisme local et vice qui éloigne du charisme commun, pour aboutir à un
discernement prophétique du chemin à suivre aujourd’hui.
L’expérience semble montrer que le moyen le plus adéquate pour arriver à cela soit un long et
patient accompagnement pastoral des communautés qui sache sauvegarder mais aussi
orienter leur liberté.
Prophétie: la Charte de Charité aujourd’hui
Nous pouvons dire que ces dernières années et en particulier au dernier Chapitre Général
ce point ressort au moins en partie du travail pastoral de l’Ordre. Nous connaissons et nous
avons vu la mise en œuvre, ou du moins nous avons entendu évoquer les solutions possibles
aux problèmes posés par la fragilité des communautés : Alternances, Aides, Commissions
d’aide, Liens de dépendance entre monastères, structures communes, Union de monastères,
Congrégations.
Alternances: en France de nouvelles communautés succèdent à d’anciens charismes dans de
vieux monastères (par ex. Grâce-Dieu, Dombes). Ici, il semble que la Charte de Charité ne soit
plus en jeu, bien que les choses puissent advenir avec la plus grande charité réciproque. En
Italie il s’’est passé la même chose avec des monastères bénédictins : un monastère de
moniales, San Giulio, aide d’autres communautés qui l’ont demandé (ex. Fossano qui était
68
Cistercien ou Cesena qui déjà était bénédictin) mais il s’agit plutôt d’une alternance du
charisme de San Giulio avec celui de la communauté précédente. Bose semble commencer
quelque chose de ce genre, sur demande, avec Civitella San Paolo (Bénédictines) où le
transfert d’un charisme à l’autre est plus évident.
Aides en personnel: j’ai dit que nous n’avons plus le talent des nombres, il faut préciser: si il
existe encore des communautés nombreuses, dans certains cas leur jeunesse et fragilité ne se
prêtent pas à des transferts faciles. Mais, même dans le cas où les vocations proviennent d’un
charisme qui se renouvelle, on peut donner des aides, mais on peut difficilement les
généraliser comme la solution des problèmes. Et cela justement à cause de la façon dont
chaque communauté vit le charisme et par respect de cette caractéristique. Il semble plutôt
que l’apport des communautés les plus fortes et les plus riches pour le renouvellement de la
vie de l’Ordre puisse advenir par la voie la plus naturelle de la fondation et de la filiation, donc
du soutien aux maisons fondées : ici, nous nous trouvons en plein dans le domaine de la
Charte de Charité. On peut évidemment tenter quelque chose de semblable en dehors de la
ligne de la fondation comme dans le cas de Vitorchiano et de Mvanda.
Mais nous pouvons dire que ce moyen, qui autrefois était normal dans l’Ordre, devient
aujourd’hui un peu moins viable car nous n’avons plus cette base commune de culture
chrétienne forte et incontestée qui rendait alors acceptable une uniformité étroite des usages
monastiques. (La globalisation est tout autre chose évidemment). Le dialogue, l’échange pour
un partage de l’expérience personnelle devient alors extrêmement important et est peut-être
aujourd’hui l’aspect le plus important de l’aide réciproque.
Commissions d’Aide: c’est peut-être l’instrument né ces dernières années au sein de l’OCSO
qui s’est davantage rapproché de l’esprit de la Charte de Charité : ce sont les Commissions
d’aide de différents genres et noms (qu’elles aient eu du succès ou non). Il s’agit de la tentative
de favoriser et d’accompagner l’évolution d’une communauté en respectant son histoire - le
point de la mémoire. Quant au point de la prophétie, si elle a été plus ou moins donnée, et
dans quelle mesure, et donc si l’action a vraiment été ouverte à la vie et à l’avenir, ou non, il
est impossible pour moi ou pour nous tous de l’évaluer maintenant.
Evaluation de dom Timothy reportée à page.56 du livre de préparation du Chapitre:
« L'expérience de ces commissions me semble positive. On peut se demander s'il est nécessaire de
légiférer pour elles. En effet la Commission d'aide semble répondre à un besoin et peut s’adapter
à chaque cas. Leur efficacité vient en partie de la liberté d'agir dans une situation particulière.
Ces commissions semblent être des expressions simples et authentiques de la Charte de
Charité. Tout ce qui peut facilement s'appliquer aux circonstances du moment ».
voir : D. Timothy Minutes US Region 2010 p. 60
Visite régulière: Nous ne pouvons pas ne pas la mentionner bien qu’il ne s’agisse pas d’un
instrument nouveau, mais plutôt du plus ancien, fondamental dans la charte de Charité. Lors
du remaniement du statut il a été beaucoup fait pour renouveler et revitaliser cet instrument
qui bien utilisé reste le plus efficace. Toutefois, il faut dire que de nombreuses situations
deviennent insolubles car pendant longtemps elles n’ont pas été affrontées.
Les Congrégations: Il y a quelques années le Père Sebastiano Paciolla nous disait que les
Congrégations de l’Ordre Cistercien étaient nées comme un prolongement de la Charte de
Charité pour le renouvellement du Charisme qui devenait nécessaire à ce moment de
l’histoire, et elles ont sans aucun doute eu leur efficacité. Sur quelle intuition ou sur quelle
69
vision se fonde, selon le Père Paciolla la solution de la Congrégation? sur le fait de reproposer,
en petit, la même structure de l’Ordre : une Communauté de Communautés : ce qui devient
nécessaire là où pour différents facteurs la structure de l’Ordre, devenue trop grande ou trop
dispersée n’est plus suffisante pour une aide réciproque suffisante.
Les Régions OCSO ne jouent ce rôle que dans une certaine mesure, dans le domaine des
échanges d’idées mais non dans celui pastoral. Pour devenir pastoralement efficaces les abbés
ont besoin de travailler avec les Commissions d’aide qui permettent soit une liaison au
niveau central avec l’Abbé Général et son Conseil du consentement duquel ils ont besoin pour
exister, soit avec le Père Immédiat. Dans certains cas le niveau Régional comprend aussi des
monastères qui n’appartiennent pas à l’Ordre ou des spécialistes laïcs.
Structures communes: noviciats, maisons pour personnes âgées - unions de monastères.
Nous ne nous en occuperons pas car pour le moment il ne nous semble pas avoir
d’informations ou de considérations à ce sujet: nous attendons d’en savoir davantage à ce
propos.
Monastères dépendants d’une Abbaye Centrale: le cas de l’Irlande.
4. Chapitre Général 2014: le cas de l’Irlande.
Nous prenons en compte, en particulier, le cas de l’Irlande car il s’agit certainement
pastoralement de la situation la plus importante qui est apparue au Chapitre, impliquant les
monastères de toute une Région, et de la solution la plus créative, s’agissant de quelque chose
d’absolument inédit. Cela vaut donc la peine de s’y arrêter un peu.
La Proposition contenue dans le Rapport de la commission prend en considération différents
aspects :
Urgence: Les Maisons d’Irlande possèdent un riche héritage. Aujourd’hui, cet héritage risque de
disparaitre, à un moment où l’autonomie et l’indépendance ne pourraient que faire obstacle à
l’unité nécessaire demandée. Nous avons cherché à nous appuyer sur la solide et riche tradition
de l’autonomie de chaque maison et aussi de faire appel dans la foi à la grâce du défi d’une
collégialité qui nous convoque à l’unité. Il y a un besoin urgent pour les maisons irlandaises de
trouver un moyen de préserver les richesses du passé et d’ouvrir un chemin nouveau vers l’avenir.
Notre Commission vous présente…… une application du nouveau genre de la Charte de Charité
pour les maisons irlandaises : une Communauté de Communautés.
Autorité: il y aura un abbé, avec un conseil composé de trois membres: un membre du Conseil de
l’Abbé Général et les deux supérieurs de Mt St-Bernard et de Caldey. Ce conseil sera en lien
régulier avec l’Abbé pour les décisions importantes, les conseils nécessaires et le partage des
Visites.
Structure: les Maisons Irlandaises seront composées de: une Abbaye, Roscrea, d’un abbé, l’Abbé
de Roscrea; et de quatre abbayes qui conservent leur titre actuel….. et qui seront comme des
Prieurés dépendants.(N.B. j’ai entendu dire que deux Maisons seulement ont adhéré mais je n’ai
pas de preuve de cela)
Administration: il y aura un économe central (Roscrea) qui supervisera toutes les dépenses
importantes comme celles de l’administration des finances et des propriétés. L’administration
70
ordinaire sera assurée par les prieurs claustraux et par les communautés locales. Toute cession
de patrimoine sera sous la responsabilité de l’Abbé et de son conseil.
Formation: il y aura un noviciat et un programme de formation centrale à Roscrea.
Responsabilité: la mise en œuvre de ce projet devra commencer après le Chapitre. Au cours de la
phase initiale il sera nécessaire que les Chapitres Conventuels de chaque maison votent
pour entrer dans la nouvelle structure. Pendant la période ad interim des comptes-rendus
réguliers sur la marche de ce projet devront être envoyés à l’Abbé Général et à son Conseil et
un rapport complet devra être fait au Chapitre Général 2017.
Suite à la présentation de ce projet au Chapitre Général il y a eu un long échange en assemblée
avec des commentaires unanimement positifs que nous reportons ici de façon synthétique en
mettant en ordre les thèmes :
Le devoir d’intervenir dans une telle situation semble clair pour tous. En même temps, le
projet sauve la liberté de la communauté d’y adhérer ou non, liberté qui a été favorisée par un
long processus de prise de conscience préalable. La nouveauté de la solution paraît aussi
évidente ; l’interprétation de ce qui est proposé au contraire n’est pas univoque : qui la définit
Congrégation, qui fait une objection du fait qu’une Congrégation est un ensemble de Maisons
autonomes alors qu’ici nous avons une Abbaye et des Prieurés dépendants. On répond qu’il y
a aussi des Congrégations de ce genre, comme celle de St Otilien. Même si l’on préfère parler
de Prieurés dépendants, on souligne que de toutes les façons cette dépendance est pour le
moment temporaire, orientée à la solution des problèmes actuels, ouverte à une évolution
dont on ne connaît pas encore le développement.
On souligne le fait qu’il n’est pas demandé au Chapitre Général d’imposer une solution
préfabriquée, mais que cette proposition est le fruit d’un parcours de 6 années de travail
intense et difficile, vécu par étapes pour créer dans les communautés et chez les supérieurs
une conscience commune de l’état des choses et de la nécessité de chercher une solution. Il
s’agit donc d’un chemin fait en liberté pour lequel il demandé au Chapitre de donner
simplement son approbation ou un nulla osta. On souligne surtout l’ouverture de ce projet,
ouvert à quelque chose de nouveau que l’on ne connaît pas encore. Au sujet de la viabilité
canonique dans la façon de procéder, on répond que cela a déjà été soumis à la Congrégation
qui l’a déclaré acceptable tout comme la suspension temporaire de l’autonomie des maisons
en vue d’un processus en acte. On cite les précédents de l’O.Cist qui a fait passer au rang de
Prieurés dépendants des Abbayes trop fragilisées. On apprécie l’aspect de la collégialité dans
la solution proposée et la positivité de récupérer cette estime de la collégialité au lieu de ne
souligner que l’indépendance et l’autonomie qui pour beaucoup deviennent mortels.
L’expression Communauté de Communautés semble pour certains la meilleure pour définir ce
qui est en train de se créer.
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En conclusion de ce qui a été dit jusqu’à maintenant, nous pourrions affirmer qu’il y a
la pleine mise en œuvre de la Charte de Charité lorsque le charisme renouvelé, ou le
désir de son renouvellement se situe précisément entre la mémoire et la prophétie:
mémoire aimante et respectueuse d’un héritage, prophétie des caractéristiques
nouvelles que ce charisme peut acquérir dans la situation historique actuelle.
La modalité correcte semble celle de la créativité des Communautés concernées ou
de leurs supérieurs qui évolue dans la liberté de l’Esprit et qui se soumet dûment aux
autorités de l’Ordre et de l’Eglise. Le cas de l’Irlande semble un bon exemple de tout
cela.
De notre expérience italienne: le Pacte Valserena-Cortona
Je voudrais maintenant, toujours dans le même domaine, « comment nous situer entre
charisme et prophétie », parler de notre expérience avec Cortona. Le Pacte d’aide entre
Valserena et Cortona se proposait d’aider une communauté qui était une digne porteuse de
valeurs monastiques, mais qui arrivait à son terme : maintenant cette communauté avance.
Humblement, pauvrement, avec de nombreuses difficultés, mais elle avance. Cette humble
réussite a été rendue possible non pas grâce à des ressources exceptionnelles, mais, à la base
de la tentative, grâce à l’existence d’un projet formulé librement par les deux parties sur la
base d’une réflexion approfondie.
L’impulsion donnée à ce projet avait été double: d’une part le défi lancé aux maisons de
l’Ordre par dom Bernardo Olivera dans la perspective du Centenaire de 1998 pour un
rapprochement plus grand entre les monastères des deux Ordres, faisant confiance à l’unité
du charisme; d’autre part, la demande d’aide reçue. La réflexion qui en est née provenait
directement de la Charte de Charité. Pour le Pacte, les idées fortes ont été celles-ci:
La confiance dans la Charte de Charité (en union à la RB) comme base qui unissait les deux
communautés Cisterciennes plus profondément que les différentes observances
d’appartenance : confiance dans l’unité du Charisme.
La confiance que ce charisme commun était concrètement présent dans les deux
communautés, ayant des dons différents et que chacune avait quelque chose à donner :
Cortona une tradition spirituelle valable et riche, Valserena un renouvellement davantage
expérimenté.
L’écoute à un appel ecclésial, de l’église locale et de l’Évêque qui demandaient de l’aide.
La volonté de ne pas laisser tomber l’appel reçu et d’œuvrer concrètement pour que
l’héritage de Cortona ne disparaisse pas, chacune disponible à renoncer à quelque chose pour
à la fin gagner le centuple. Donc disponibilité des deux parties à risquer.
NB. En relisant notre histoire une nouvelle évidence nous frappe: dans l’histoire du
Pacte tout a été possible - à un moment qui n’était en rien facile pour Valserena - sur
le fondement de la CONFIANCE qui s’avère être l’élément essentiel de cette histoire:
confiance réciproque entre les personnes et entre les deux communautés surtout.
Puis, confiance dans le charisme et en qui le représentait (AG), confiance dans l’église
locale et dans les supérieurs (Evêque, CIVCSVA), qui est à la base de l’écoute et de la
collaboration; enfin foi en Dieu qui nous a permis de risquer avec simplicité de cœur.
Cela a été un don de grâce que nous reconnaissons essentiel.
Si cela est possible entre des communauté d’Ordres distincts, cela est évidemment possible au
sein du même Ordre avec des formules et des projets différents. Il faut qu’il s’agisse de projets
de vie, soit dans l’espérance d’une reprise, soit dans l’humble volonté d’accompagner un
déclin.
72
La mort n’est pas un grand problème: elle s’impose d’elle-même, dans la réalité. Elle devient
un problème là où il n’y a pas de famille.
Le sujet pourrait se dénouer de la façon suivante: à la lumière de ce qui précède, il
semble que la préoccupation de modifier la CST 67 pour rendre plus facile la
suppression d’une communauté se situe dans la ligne opposée à la Charte de Charité
qui exhorte à une action pastorale pour une aide réciproque. Si une communauté vit
une réelle dégradation, les instances disciplinaires ne manquent pas dans l’Eglise pour
signaler le fait et donner libre cours à une intervention. Si il s’agit seulement d’un état
de faiblesse cela demanderait d’accompagner avec charité une fin naturelle.
Encore un mot sur la prophétie
L’ouverture prophétique de Robert de Molesme et de ses compagnons a donné lieu à la
naissance de Cîteaux et a engendré cette profusion de vie qui a ensuite donné origine à la
Charte de Charité. Mais cela a donné un autre fruit : grâce à son retour obéissant à Molesme il
a réglé dans la paix et la charité, au moins dans la mesure du possible, un long différend qui
devenait de plus en plus compliqué entre les deux monastères.
A ce point, ce serait aussi le cas de parler du sujet: Qu’est-ce cela signifie, dans une situation
difficile, situer le charisme entre mémoire et prophétie e ce qui concerne le renouvellement
interne d’une communauté?
Je prends pour exemple ce que je connais, notre communauté de Valserena: née en 68, au
début d’un processus de renouvellement dans l’Eglise et dans l’Ordre, Valserena a tout de
suite connu au sein du groupe important et robuste des fondatrices des interprétations
différentes du charisme et a eu des intuitions différentes sur la direction à prendre. En se
mettant à l’écoute des signes des temps et des demandes qui nous étaient faites, de cette
richesse a surgi une pluralité de réalités: à la demande de dom Ambrose Southey, la prise en
charge de la maison née en Angola comme fondation de Valserena; à la demande à l’Ordre de
dom Bernardo Olivera, la disponibilité d’une sœur à partir pour la fondation de Klaarland en
Tunisie; projet qui a échoué mais à partir duquel petit à petit notre fondation en Syrie est née ;
à une autre suggestion de dom Bernardo Olivera dans la perspective du Centenaire de ’98, en
vue d’un rapprochement entre les monastères OCSO et O.Cist par nécessité d’œcuménisme
interne, la naissance du Pacte avec Cortona.
L’identité et l’unité cheminent au milieu de cet ensemble plutôt tumultueux d’événements. Il
est clair que chacune de ces fondations aurait pu être un élément de désagrégation de la
communauté; ce qui en fin de compte nous a sauvé jusqu’à présent et qui nous sauve, c’est
qu’il s’agissait d’input donnés par l’Ordre, donc par l’Eglise. Cela a permis à celles qui au
départ ne les partageaient pas de les prendre personnellement en charge. Aujourd’hui, nous
pouvons dire que le fait de se sentir, non seulement grâce à nos Fondations mais aussi grâce à
notre Région, une Communauté de Communautés nous aide et soutient énormément notre
cheminement - outre naturellement le fait que ce soit une forte exigence qui nous arrache à
une vie tranquille pour nous-mêmes.
Tout cela touche le troisième point de nos dialogues que nous n’avons pas repris: La vie
commune, tâche que l’Eglise nous confie aujourd’hui et grand talent pour l’avenir, peut devenir
la pierre d’achoppement décisive pour la fin d’une communauté. Au Chapitre, j’ai été fortement
impressionnée par le nombre de communautés féminines européennes qui vivent un drame
interne et peut-être mortel sur ce point. Il est clair que Valserena elle aussi, comme beaucoup
d’autres a couru des risques, liés aussi à l’évolution des temps.
73
La mémoire de notre histoire récente nous pousse à réfléchir encore: comment utiliser
la prophétie potentielle de nos différents dons, visions, tendances et même projets sans
que cela ne fasse exploser la communauté, mais plutôt en créant, dans l’unité de la
charité, une vraie explosion de fécondité et de vie, aussi bien à l’intérieur qu’à
l’extérieur de la communauté, à la façon de Cîteaux?
74
INDEX
LundI 15 juin
pag. 3
pag. 5
OUVERTURE DES TRAVAUX
DIALOGUES REM – AVANT-PROPOS
Mardi 16 juin
LECTURE DES RAPPORTS DES MAISON ET DIALOGUE
Aiguebelle
pag. 8
Tre Fontane
pag. 9
Frattocchie
pag. 10
Midelt
pag. 14
Boschi
pag. 15
Blauvac
pag. 17
Bonneval
pag. 18
Vitorchiano
pag. 20
Valserena
pag. 22
Našì Panì
pag. 26
Azeir
pag. 29
Mercredi 17 juin
MERE LUCIANA PARTAGE SON EXPERIENCE DE CORTONA
pag. 32
Dialogo
AUTOCRITIQUE DU CHAPITRE GENERAL
Présentation de Mère Anne-Emmanuelle
pag. 34
Dialogue
pag. 35
Votes
pag. 39
Jeudi 18 juin
CONFERENCE DE DOM M. G. LEPORI, ABBE GEN. OCIST
pag. 41
Dialogue
pag. 42
DOM LINO PRESENTE LE LIVRE “PERE ROMANO FORMATEUR”
pag. 53
75
Vendredi 19 juin
CONFERENCE DE MERE MONICA:
COMMENT SE LAISSER INTERPELER
PAR LA CHARTE DE CHARITE, AUJOURD’HUI
pag. 54
Dialogue
AUTOCRITIQUE SUR LA REM
1.
2.
3.
4.
5.
6.
pag. 56
Echange sur la dynamique de nos relations
Reconfirmation des Co-présidents
Participants à la Commission Centrale
Normes pour l’élection des Présidents
Modérateurs de la Réunion
Autocritique de la Réunion et programmation
ANNEXES
PIÈCE-JOINTE 1
Dom Lino - Présentation du livre “Père Romano formateur”
pag. 59
PIECE-JOINTE 2
Madre Monica – Conférence:
Comment se laisser interpeler
par la Charte de Charité, aujourd’hui?
pag. 65
76

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