Microfinance islamique: exploiter un nouveau potentiel pour

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Microfinance islamique: exploiter un nouveau potentiel pour
©FIDA/Nabil Mahaini
Microfinance islamique: exploiter
un nouveau potentiel pour lutter
contre la pauvreté rurale
D’un créneau commercial à un secteur en expansion
Depuis quelques années, la microfinance islamique est un marché en plein essor qui permet à
des millions de personnes défavorisées des pays musulmans et d’ailleurs d’accéder à des
services financiers visant à assurer le bien-être de la population. Elle s’abstient de pratiques qui
ne sont pas conformes à la loi islamique – la sharia – comme le fait de fournir ou de recevoir un
taux de rendement fixe, prédéterminé sur les opérations financières. Les bénéfices et les
rendements sont dictés par des biens matériels ou des services discrets identifiables, par
opposition à la valeur monétaire. L’approche est fondée sur les ressources et non pas sur les
créances, comme dans la finance conventionnelle. Par comparaison, les modalités et conditions
de la microfinance islamique sont plus favorables et accessibles aux populations les plus
vulnérables et défavorisées. Elles reposent sur le partage des risques et des bénéfices, des taux
de remboursement fixes et la transparence de façon à protéger le bien-être social et la justice.
En conséquence, la microfinance islamique devient un instrument toujours plus important pour
lutter contre la pauvreté rurale dans les pays musulmans et bien diversifier les stratégies de façon
à améliorer l’accès à la finance dans d’autres parties du monde. Ces dernières années, la finance
islamique a évolué d’un créneau commercial pour devenir un secteur en plein essor à l’échelon
de la planète. Plus de 500 établissements conformes à la sharia ont été créés en 30 ans, dans
75 pays. Représentant un marché de 1 300 milliards de dollars EU, qui croît au rythme d’environ
15% par an, le secteur intéresse de plus en plus les pays musulmans et non musulmans.
Parmi les prestataires de services figurent des banques islamiques et des banques commerciales
qui ont ouvert des guichets de finance islamique pour exploiter ce marché en expansion, avec
l’appui d’institutions financières internationales comme le FIDA. La Division Proche-Orient, Afrique
du Nord et Europe du Fonds a lancé une série d’initiatives expérimentant l’utilisation de produits
de microfinance islamique. Certaines des innovations les plus prometteuses mises à l’essai dans
le cadre d’opérations appuyées par le FIDA dans la région sont décrites ci-dessous.
Modalités de microfinance islamique les plus courantes
i. La vente de services de microfinance islamique – murabaha – est le contrat conforme à la
sharia le plus couramment utilisé pour financer des biens constituant le fonds de roulement.
Lorsque le client demande un produit spécifique, le bailleur de fonds l’acquiert directement sur
le marché et le lui revend après avoir appliqué une marge fixe en rémunération du service fourni.
ii. Les contrats de partage des bénéfices et des risques les plus encouragés par les hautes
personnalités de la sharia sont le musharaka et le mudaraba. Musharaka décrit la participation
au capital d’une entreprise. Les parties se partagent les bénéfices ou les pertes selon un
pourcentage préétabli. Ce type de financement peut être utilisé pour les actifs ou le fonds de
roulement. Mudaraba est un instrument de financement fiduciaire où une partie tient le rôle de
bailleur de fonds et l’autre apporte une expertise en gestion dans l’exécution du projet.
iii. Un contrat de change entre un vendeur et un acheteur est dénommé istisna`a. Les
vendeurs peuvent soit fabriquer les produits eux-mêmes, soit les acheter auprès d’un tiers.
Le client final peut payer le prix de vente soit en une seule fois à la signature du contrat,
soit ultérieurement à d’autres stades du procédé de fabrication.
iv. Qard al hassan est un prêt sans intérêts utilisé pour combler les déficits de financement à
court terme. Le montant du principal du prêt est remboursé par l’emprunteur sans intérêt,
marge ou participation à l’activité économique à financer. Qard al hassan, qui est conçu
pour les gens dans le besoin, est le seul type de prêt qui existe dans la finance islamique.
Amener de nouvelles solutions de microfinance dans
les zones rurales
Les modalités des différents contrats de microfinance islamique sont en phase
d’expérimentation dans les opérations appuyées par le FIDA au Proche-Orient et en Europe.
Les résultats, qui sont pour l’heure prometteurs, soutiennent la demande croissante de
services conformes à la sharia dans le monde entier.
Soudan: Amélioration de l’accès des femmes au microcrédit
©FIDA/Mohamed Hamid
Offrant des services de crédit, d’épargne et de microassurance conformes à la sharia, surtout à
l’intention des femmes, l’initiative de microfinance de la Banque agricole du Soudan a été
engagée dans le cadre d’une phase pilote dans deux localités du Kordofan-Nord et du
Kordofan-Sud. Depuis 2010, elle bénéficie de l’appui de trois parties prenantes: le Programme
de gestion des ressources dans l’ouest du Soudan financé par le FIDA, la Banque agricole du
Soudan et l’unité chargée de la microfinance de la Banque centrale du Soudan.
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Sur le marché du microfinancement, l’initiative a commencé tout en bas de la pyramide
économique, offrant des prêts d’un montant bien plus petit (en moyenne 130 USD) que les
autres programmes de microfinancement à l’œuvre dans le pays (en moyenne 650 USD), dans
l’intérêt des segments de la population les plus défavorisés. Les chiffres montrent que le risque
associé au service de financement est nul, le modèle ayant cultivé une forte discipline de
crédit parmi la population rurale pauvre avec un taux de remboursement de 100%.
En mai 2012, l’initiative de microfinance de la Banque agricole du Soudan concernait
36 000 membres, soit 6 000 ménages, par l’intermédiaire de 350 groupes de femmes.
Elle avait alors mobilisé une épargne d’un montant de 72 000 USD, comptait une clientèle de
4 500 emprunteurs et détenait un portefeuille de prêts de 700 000 USD. Ces prêts reposant
sur murabaha et musharaka soutiennent les petites activités agricoles, l’engraissement de bétail
et l’élevage et toute une série de microentreprises comme le petit commerce, les buvettes et la
fabrication de briques.
République arabe syrienne: Microfinance novatrice par
l’intermédiaire de fonds villageois autonomes
Le projet de développement rural financé par le FIDA dans le gouvernorat d’Idleb de la
République arabe syrienne s’efforce d’améliorer la sécurité alimentaire et les revenus des
agriculteurs et des femmes rurales dans 140 villages qui comptent parmi les plus pauvres du
pays. À cette fin, le projet achemine des crédits par le biais de sanadiq, institutions de
microfinancement locales autonomes qui offrent des prêts à la population rurale défavorisée,
et en particulier aux femmes.
Les sanadiq, qui sont détenus et gérés par les communautés locales en tant que fonds
villageois, décaissent les prêts sous la forme de murabaha, et financent ainsi des marchandises
que les emprunteurs souhaitent acheter. En retour, les clients remboursent un bénéfice
convenu en plusieurs tranches. Les prêts permettent aux agriculteurs d’éviter les bailleurs de
fonds et de réaliser un bénéfice plus important sur leurs produits.
Dans le contexte d’un système bancaire fortement centralisé en République arabe syrienne, le
concept de sanadiq est rapidement devenu l’un des modèles de microfinancement autonome
les plus novateurs et performants du pays. Fin 2010, 30 villages d’Idleb avaient établi un
sanadiq avec plus de 6 600 actionnaires, qui étaient à 40% des femmes. Les taux de
remboursement atteignaient 98%, et les comités sanadiq étaient entièrement autofinancés,
couvrant l’intégralité de leurs coûts administratifs.
Bosnie-Herzégovine: Nouvelles solutions à l’étude pour le
développement des entreprises rurales
Les projets appuyés par le FIDA ont également été un important instrument d’expansion des
produits de microfinance islamique en Europe orientale. En Bosnie-Herzégovine, Bosna Bank
International a fourni une combinaison de musharaka (entreprise commerciale) et d’ijara
(crédit-bail) dans le cadre du Projet de renforcement des entreprises rurales. Cette initiative est
à l’origine de la croissance soutenue des entreprises rurales et de possibilités d’emploi dans les
communes désavantagées. En phase avec la stratégie de réduction de pauvreté adoptée par le
gouvernement, l’assistance du FIDA s’est attachée à soutenir la production animale des petits
exploitants en renforçant les organisations rurales et en autonomisant les agriculteurs dans les
filières des produits laitiers et de la viande.
L’entreprise MS Alem est au centre de l’une des histoires les plus remarquables qui soient. En
2009, elle a obtenu, par l’intermédiaire de BBI, un prêt du FIDA conforme à la sharia, qui a
servi à acheter un matériel de transformation neuf et à obtenir une formation pour moderniser
l’infrastructure de production de viande. Ce prêt a en outre multiplié les possibilités d’emploi
au sein de l’entreprise et pour les fournisseurs d’intrants. Par l’intermédiaire de musharaka,
l’entreprise a en outre obtenu un certificat pour la production de viande halal (viande qu’il est
permis de consommer au regard de la loi islamique). MS Alem, qui est située dans une
commune rurale à la périphérie de Sarajevo, capitale de la Bosnie-Herzégovine, est désormais
une importante entreprise du secteur de la viande dans le pays.
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Point de départ pour appliquer la microfinance
islamique à plus grande échelle comme instrument
novateur de réduction de la pauvreté rurale
Les exemples d’initiatives appuyées par le FIDA au Soudan, en République arabe
syrienne, en Bosnie-Herzégovine montrent que le recours aux mécanismes de
microfinance islamique se développe dans le monde musulman mais s’étend
aussi à d’autres régions. Des modalités et conditions particulières rendent les
produits de microfinance islamique plus favorables et accessibles aux populations
particulièrement vulnérables.
•
Partage des risques: En partageant les risques potentiels entre les investisseurs
et les clients, la microfinance islamique devient plus intéressante pour les
emprunteurs qui n’assumeront pas la totalité du risque comme dans de
nombreux produits conventionnels.
•
Partage des bénéfices: Dans la microfinance islamique, l’institution de prêt
n’est plus un simple bailleur de fonds mais devient copropriétaire de
l’entreprise fortement intéressé par sa réussite.
•
Taux de remboursement fixe: En phase avec la sharia, qui interdit de réaliser
un quelconque rendement sur les opérations financières, les produits de
microfinance islamique ont un taux de remboursement fixe sans possibilité de
réaliser un bénéfice sur le taux d’intérêt.
•
Transparence: La microfinance islamique stipule des contrats à engagement
fixe qui est communiquée à l’avance au client.
•
Bien-être social et justice: L’objectif ultime des modalités de microfinance
islamique est d’assurer la croissance en privilégiant le bien-être social et la
justice. Suivant ce principe, le financement conforme à la sharia prévoit que, en
cas de défaut, la pénalité est limitée au plus à 1% du versement échu.
Personne à contacter:
Khalida Bouzar
Directeur
Division Proche-Orient et Afrique du Nord
Département gestion des programmes
Tél.: +39 06 54592321
[email protected]
Liens:
Opérations du FIDA dans la région
Proche-Orient, Afrique du Nord et
Europe:
http://www.ifad.org/operations/projects/
regions/pn/index.htm
Le FIDA et la finance rurale:
http://www.ifad.org/ruralfinance/
L’équipe chargée de la finance rurale
au sein de la Division des politiques
et du conseil technique a apporté une
aide précieuse à la rédaction de la
présente synthèse.
Ces modalités et conditions, qui visent à protéger le bien-être social et la justice,
font des produits de finance islamique une solution viable qui vient remplacer les
prêts conventionnels. L’initiative de microfinance de la Banque agricole du Soudan
s’emploie à appliquer l’initiative à plus grande échelle en mettant en place
six nouvelles unités entre 2012 et 2013 dans l’objectif d’atteindre 150 000 ménages
sur cinq ans et de mobiliser une épargne de 10 millions d’USD. En Azerbaïdjan, le
Projet intégré de développement rural, cofinancé par le FIDA et la Banque de
développement islamique, instaure actuellement des instruments conformes à la
sharia dans les régions suivantes: Agdash, Oghuz, Sheki et Yevlakh. IsDB a fourni
65 millions d’USD en vertu des modalités istisna`a pour financer des périmètres
d’irrigation et 2 millions d’USD, sous la forme de qard al hassan, pour renforcer
les ressources du FIDA affectées aux services de microcrédit. Dans le contexte
de la crise financière mondiale actuelle, les projets appuyés par le FIDA offrent
des instruments de finance rurale novateurs favorables aux populations les plus
vulnérables des zones reculées.
Oeuvrer pour que les
populations rurales pauvres
se libèrent de la pauvreté
Fonds international de développement agricole
Via Paolo di Dono, 44 - 00142 Rome, Italie
Tél: +39 06 54591 - Télécopie: +39 06 5043463
Courriel: [email protected]
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Janvier 2013