La mère de mes enfants

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La mère de mes enfants
riwka f......
La mère de mes enfants
Publié sur Scribay le 06/09/2015
La mère de mes enfants
À propos de l'auteur
Bonjour,
Il y a déjà longtemps que je suis inscrite sur ce site et je n'avais pas jugé utile de
faire mon portrait tant il me semblait qu'ici, seuls les écrits avaient de l'importance.
Finalement je pense que les écrits sont indissociables de leur auteur et qu'il est
intéressant de savoir avec qui on échange, si on échange.
Donc je suis une parisienne expatriée depuis la retraite dans un pays de soleil où je
me sens chez moi.
Je suis surtout une amoureuse de la langue française, de la richesse de son
vocabulaire, de ses difficultés grammaticales, orthographiques, syntaxiques, qui
m'obligent chaque jour à une remise en question de ce que je crois savoir.
J'écris depuis très longtemps, avec bonheur, avec lenteur, avec exigence, sans avoir
jamais cherché à être publiée...et je continuerai encore longtemps
À propos du texte
Les termes de ce défi sont si précis... suis-je dans les " clous"?
Licence
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L'œuvre ne peut être distribuée, modifiée ou exploitée sans autorisation de l'auteur.
La mère de mes enfants
La mère de mes enfants
Je ne voulais pas, non je ne voulais pas de ce nouvel enfant que Rosalie portait.
Je voulais pas, je lui avais dit à la naissance de Lola. Malgré ou peut-être à cause
que je savais qu’elle rêvait d’avoir une ribambelle de gosses, je lui ai dit comme ça:
Cette petite qui vient de naitre sera notre dernière. Puisque t’es capable que
de fabriquer des filles, pas question que tu m’en fourgues une quatrième, donc cellelà c’est la dernière, mets-toi bien ça dans la tête.
Elle était encore à se reposer à la maternité, la petite était née depuis deux ou trois
heures quand je l’ai prévenue, Rosalie. J’ai été clair, je pense.
C’est pas que je déteste les filles, j’aime bien mes trois pisseuses, mais j’aurais
préféré avoir trois fils. Trois garçons avec qui jouer au ballon. Trois garçons pour
aller à la pêche ensemble. Trois garçons pour jouer au babyfoot ou au flipper. Mais
cette pauvre Zalie, elle sait faire que des filles. Bon ! D’accord ! Elle les a bien
réussies, je dis pas le contraire… elles sont mignonnes comme tout et j’suis sûr que
je vais devoir les avoir à l’œil d’ici quelques années tellement les gars du coin vont
leur tourner autour….mais ça ! ils se fourrent le doigt dans l’œil s’ils s’imaginent que
je les laisserai faire !
Je ne voulais pas d’un enfant de plus et je l’avais prévenue, la Rosalie, mais elle m’a
pas écouté. La Lola venait à peine de souffler sa première bougie, voilà que la
Rosalie qui m’attend devant la maison quand je rentre du boulot.
-
Qu’est-ce que tu fous ici, que je lui demande.
-
J’ai quelque chose à te dire mais je voulais pas parler devant les filles.
-
Ah bon ! Et c’est quoi ce secret urgent que tu veux me dire ?
-
J’espère que tu vas bien le prendre… voilà… euh…
Bon, grouille-toi un peu, je suis crevé et j’ai envie d’une bonne bière bien
fraîche…
-
C’est que c’est pas facile à dire…
-
Alors, tu me le diras plus tard, je rentre … qu’est-ce qu’on mange ce soir ?
Attends une seconde, je vais le dire mais surtout ne te fâche pas…voilà… je
suis enceinte.
Alors là j’en suis resté comme deux ronds de flan…sur le cul !
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La mère de mes enfants
Ca m’a pris 30 secondes pour reprendre mes esprits.
Je t’ai prévenue que je voulais pas, je veux pas d’un autre enfant… tu m’as pas
entendu ?
Si je t’ai entendu mais rappelle-toi la fois où y’avait plus de préservatif… eh
bien c’est cette fois-là.
-
Mais je m’en fous de quand ça date…ce que je sais c’est que j’en veux pas…
-
Alors qu’est-ce qu’on fait ?
On ? Mais non ! toi ! C’est toi que ça regarde, c’est toi qui l’as dans le bide…
alors démerde-toi, fais comme tu veux, c’est ton problème… tout ce que j’ai à te dire
c’est que j’en veux pas !
Je suis rentré en colère et malgré les trois bières que j’ai sifflées l’une derrière
l’autre, le ragout m’est resté sur l’estomac.
C’est vrai ça, je l’avais prévenue que je voulais pas.
Je voulais pas d’une autre pisseuse, je pouvais pas imaginer ce qui est arrivé ensuite.
Elle m’a fait la gueule pendant 4 jours, elle m’a tourné autour comme si elle attendait
que je change d’avis. Elle me connait pourtant - on est mariés depuis 7 ans mais on
se fréquente depuis la maternelle – elle me connait, elle sait bien que je change pas
facilement d’avis. Ben je suis un homme moi, pas une girouette.
Comme j’ai pas changé d’avis, le matin du cinquième jour elle m’a dit :
Puisque t’en veux pas, alors je vais le faire passer…j’ai rendez-vous à 9h chez
la mère Peichon…
-
La vieille sorcière du chemin des pissenlits ?
Oui, elle aide les femmes dans ma situation… Lola ira chez Lucie, elle est
d’accord.
-
Et les deux autres ?
Bah ! Madame Peichon dit qu’il y en a pas pour longtemps… tout sera fini
avant 11heures, je pourrai aller chercher les filles à l’école à 11heures et demi.
-
C’est bien, ma grande que j’ai dit en me rapprochant d’elle pour lui
faire un petit bisou sur la joue, mais elle m’a repoussé. C’était la première fois
qu’elle refusait se laisser embrasser.
Une seconde, je me suis demandé si, par hasard, elle m’en voulait pas un peu parce
que je savais qu’elle aurait aimé une famille nombreuse, mais j’avais pas le temps de
réfléchir à ça, je devais prendre mon car.
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Et puis j’en voulais pas d’un rejeton de plus, elle le savait.
A l’usine, c’est la secrétaire du patron qui est venue, toute blanche, me prévenir.
-
Votre femme, on l’a amenée à l’hôpital de la vallée…
-
Qu’est-ce qu’elle a ?
Je sais pas, c’est votre belle-sœur qui a téléphoné, elle vient vous chercher
pour vous conduire en voiture…elle a dit que c’est grave…
-
Le patron est d’accord pour que je quitte mon poste ?
-
Il est pas là, je lui expliquerai…partez vite !
Le temps que j’ôte mon bleu et que je traverse la cour de l’usine, j’ai vu que la
voiture de Dany attendait devant la grille, c’est Lucie qui était au volant.
Elle a filé comme une flèche. On a pas mis plus d’une demi-heure.
Je voulais pas, c’est vrai je voulais pas de cet enfant. Mais jamais je lui aurai dit, à
Rosalie, si j’avais su la suite.
Le docteur m’attendait dans le hall. Il m’a pris par le coude, m’a entraîné dans un
bureau.
Nous sommes désolés , monsieur, on a fait le maximum mais elle avait perdu
trop de sang…
-
Quand est-ce qu’elle va rentrer à la maison ?
Je suis vraiment désolé, sincèrement… on n’a pas réussi à la sauver… elle est
décédée des suites de l’hémorragie provoquée par une tentative maladroite
d’interruption de grossesse.
Pour moi c’était du charabia médical, j’avais juste compris que ma Zalie était morte
en essayant de faire passer le bébé que je voulais pas.
Je voulais pas de l’enfant, mais je voulais encore moins la mort de la mère de mes
enfants !
Les regrets me rongent jour et nuit. Et la honte aussi. C’est à peine si j’ose regarder
mes filles en face. J’ai peur qu’elles devinent que c’est à cause de leur père qu’elles
n’ont plus de maman.
La nuit,quand je réussis à m’endormir, je rêve que Zalie est là, comme avant, à côté
de moi dans le grand lit froid et je sens son ventre rond qui se colle contre mon dos.
C’est bête, hein ? Maintenant je donnerai n’importe quoi pour qu’il naisse ce bébé ;
même si c’était encore une pisseuse.
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