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LE DOUX TEMPS DES FIANCAILLES
Extrait du Cahier du centenaire, Bottin Mondain, 2003
HIER :
AUJOURD HUI :
Le Guide des convenances
Liselotte - 1918
Relations entre fiancés.
Albane de Maigret
Qu’elle nous semble loin cette époque où fian-
Le fiancé doit à partir de ce jour, venir tous les jours voir
çailles allaient de paire avec chaperon ! Où les
sa fiancée. La mère sera présente à ces visites ; elle diri-
parents étaient les principaux décisionnaires du
gera le conversation, s’associera aux projets d’avenir et
choix d’un époux pour leur fille !
c’est surtout en ces moments bénis de douce intimité,
Les intérêts, certes, n’étaient pas les mêmes qu’au-
qu’elle pourra leur verser les trésors de son expérience et
jourd’hui, et si encore maintenant, certains parents
de sa tendresse.
peuvent se flatter de voir leur progéniture s’asso-
La mère n’assiste pas constamment à l’entretien des fian-
cier à un nom ou une fortune, il semble que la dot
cés ; elle leur ménage, avec tact, quelques moments de
des jeunes filles d’aujourd’hui réside bien davan-
tête-à-tête : sous prétexte de donner un ordre, de sur-
tage dans leur diplôme. Les jeunes, pour la plu-
veiller un détail domestique, elle s’éloignera ; laissant la part, se marient bien plus tard qu’au début du
porte entr’ouverte, elle pourra travailler dans la pièce
vingtième siècle, et souvent après être déjà bien
voisine.
établis… Les jeunes filles aussi – bien qu’impensa-
Le jeune homme a toujours son couvert mis à la table de
ble quelques décennies plus tôt – ne sont plus
sa nouvelle famille ; il doit user modérément de ce privi- éduquées que pour devenir de parfaites mères de
lège ; c’est une question de tact.
famille, mais poursuivent leurs études et s’enga-
Nous ne saurions trop recommander aux fiancés de ne se
gent professionnellement. Souvent d’ailleurs,
livrer à aucune familiarité : ils doivent se borner à la mani- elles rencontrent leurs fiancés sur les bancs des
festation du shake hand et se traiter avec réserve ; pas de
amphithéâtres ou dans les strates de leurs entre-
libertés déplacées, pas d’expression de tendresse trop
prises.
vives ; toutes ces douceurs charmantes doivent être réser-
Avant de porter le titre officiel de “fiancé”, l’élu a
vées pour les premiers temps du mariage. Et de toutes
bien souvent partagé plusieurs moments avec sa
façons, il ne convient pas que les fiancés soient trop libres
future belle-famille, week-end, vacances, dîners,
vis-à-vis l’un de l’autres.
qui font de lui un habitué des murs et de qui pro-
En cas de séparation, les parents autorisent, entre les
bablement la demande en mariage est – si ce n’est
fiancés, un échange de correspondance régulière.
espérée – du moins attendue.
Les fiancés ayant souvent chacun leur indépendan-
Lettres entre fiancés.
Elle est barbare et tyrannique cette coutume qui veut
que les parents lisent
ce, les parents sont au contraire totalement exclus
de la relation et ne voient les tourtereaux que le
dimanche
les lettres échangées
à
l’occasion du
entre fiancés. Des
déjeuner fami-
gens appelés à passer,
lial. Et même,
dans quelques mois,
osons le dire, y
toute leur vie ensem-
compris dans
ble, ne doivent pas
nos milieux, il
être paralysés, dans
n’est pas rare
l’échange de leurs
que les fiancés
sentiments et de leurs
partagent
désirs, par l’idée que
le
même appar-
des tiers éplucheront
tement avant
les lignes écrites dans
la
un mouvement spontané du cœur.
date
du
mariage. Les parents ne maîtrisent donc plus, mais
Comment ils s’appellent.
subissent la nature de l’engagement de leurs
Les
enfants, d’où l’importance des valeurs qu’ils leur
premiers jours, les fiancés se traiteront de
Monsieur
et
de
diront : “Monsieur
Mademoiselle,
Pierre”
et
puis
ils auront transmises.
“Mademoiselle
Bien entendu, dès la première rencontre, le tutoie-
Fernande”, ensuite “Pierre” et “Fernande” tout court.
ment est de rigueur, et les “Monsieur Pierre”, ou
“Mademoiselle Fernande” sembleraient bien ridicules de nos jours… Personne aujourd’hui ne serait
choqué, pas même leurs grands-parents, de voir les
promis marcher dans la rue bras dessus, bras dessous ou même échanger un geste tendre en toute
discrétion.
Terminons en disant que les échanges épistolaires
ont été remplacés – troisième millénaire oblige –
par le téléphone et les courriels.