Séquence 2 : La mort. Commentaire du texte 2 : Platon, Phédon

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Séquence 2 : La mort. Commentaire du texte 2 : Platon, Phédon
Séquence 2 : La mort. Commentaire du texte 2 : Platon, Phédon.
[Reprenez au début de votre introduction les éléments biographiques que nous avons vus ensemble, ainsi
que la présentation de l’œuvre du philosophe.]
La pensée philosophique de Platon, incarnée par Socrate, repose sur une démarche pédagogique qui se
caractérise par la forme dialoguée, et par un raisonnement évoluant sur des oppositions : le thème de la mort qui est
abordé ici permet de mettre en valeur la croyance platonicienne en un monde des Idées.
I/ Le dualisme platonicien
La pensée platonicienne repose sur des antithèses qui permettent à l’interlocuteur de simplifier la
compréhension des concepts philosophiques.
1/ Opposition fondamentale entre le corps et l’esprit
Antithèse développée en une accumulation de qualificatifs :
― Âme = qeiw, aqanatw, nohtw, monoeidei, adialutw, l. 2-3
≠ Corps = anqrwpinw, qnhtw, anohtw, polueidei, dialutwv, l. 5-6
Les antithèses sont marquées par des préfixes privatifs comme a- (aqanatw, adialutw, anohtw) ou par des
préfixes opposés comme mono- ≠ polu-.
― De même l’âme = aei eautw omoiotaton, l. 4-5 ≠ le corps = mhdepote eautw omoiotaton, l. 6-7
L’antithèse repose cette fois-ci sur l’opposition des 2 adverbes de temps, aei « toujours » et mhdepote « jamais ».
Effet de style dans le texte, qui acquiert une forme répétitive et symétrique afin de mieux mettre en valeur
les différences fondamentales entre le corps et l’âme. Corps et âme représentent bien l’un et l’autre deux notions
antithétiques que sont l’humain et le divin.
2/ L’humain et le divin
Opposition de deux mondes :
― L’un, idéalisé et montré sous un jour mélioratif = le monde de l’âme = un monde semblable à elle (to omoion
auth, l. 45) = to aidev / qeion / aqanaton / fronimon, l. 46-47 (invisible / divin / immortel / sage) ≠
― L’autre, montré de manière péjorative = le monde du corps, monde des passions, des maux de l’humanité (kakwn
twn anqrwpeiwn, l. 49) : une autre énumération la dépeint : planhv / anoiav / agriw erwtwn, l. 48-49 (erreur /
folie / craintes / amours sauvages).
II/ La dialectique platonicienne
Socrate pratique la maïeutique : on le dit « accoucheur des esprits » car il cherche la vérité avec son
interlocuteur, en le questionnant dans un dialogue permanent.
1/ Les interrogatives
Socrate, face à Kebès l’interroge : par des interrogatives qui appellent une approbation, ou bien des interronégatives qui appellent une réponse positive.
Exomen ti para tauta legein ; ― ouk ecomen. , l. 8-10
H ou ; ― Nai. , l. 26-27
H ou (…) an eih ; ― pantapasi ge. , l. 42-44
Outw fwmen (…) h allwv ; ― outw nh Dia. , l. 52-53
La pensée du maître de philosophie se ponctue des interventions du disciple : le questionnement socratique
permet à la pensée de prendre le temps de la compréhension et d’évoluer simultanément dans les esprits de tous.
2/Le paradoxe
Socrate pousse parfois le raisonnement à son extrême, afin de faire apparaître des évidences. Il cherche à
démontrer que l’âme survit à la mort et se sert pour cela de l’exemple du corps. Sa démarche est paradoxale : si
même le corps peut survivre d’une certaine manière à la mort (cf. momifications égyptiennes), comment pourrait-on
envisager que l’âme ait disparu !
Par nature le corps est destiné à: nekron (…) w proshkei dialuesqai (se dissoudre) / diapiptein (se
désagréger) / diapneisqai (s’évaporer), l. 17-18
Paradoxe : en fait : epimenei / oligou olon menei amhxanon, l. 23 (il demeure prodigieusement
presqu’entier) ; paradoxe poussé à son comble quand il déclare que le corps est presqu’immortel (wv epov eipein
aqanata), l. 26.
Fin du raisonnement : donc, si le corps survit, l’âme ne peut disparaître : diapefushtai kai apolwlen, l.
33-34 (mon âme doit se dissiper à tous vents et périr ?), elle qui par nature n’est pas matérielle contrairement au
corps. (Corps = kai neura kai osta, nerfs et os, l. 25 // âme = gennaion, kaqaron, aidh, l. 29 noble, pure, invisible)
Des intensifs permettent de souligner la nature exceptionnelle de l’âme : h toiauth kai outw pefukuia, l.
32 (pourvue de telles qualités et d’une telle nature)
3/ Le philosophe se distingue des autres hommes
Philosopher, c’est se distinguer des autres hommes, de l’opinion communément admise par tous. C’est être
donc dans une démarche paradoxale (la doca étant l’opinion commune). Wv fasin oi polloi anqrwpoi (comme
le disent la plupart des hommes), l. 34.
III/ L’idéalisme platonicien
Pour Platon il existe un monde des Idées, qui est dit idéal. Notre monde n’en serait qu’une pâle copie (cf.
allégorie de la caverne). Dans la conception de la mort, notre corps, mortel, relèverait de ce monde-là, tandis que
l’âme appartiendrait au monde des Idées et serait destinée à y retourner une fois la mort survenue.
1/ Primauté du monde des Idées / monde divin / monde invisible
Faut-il le rappeler : l’âme pour Platon relève d’un monde noble (gennaion), pur (kaqaron), et invisible
(aidh) : relevez ce rythme ternaire illustrant bien la plénitude de cet état l. 29. Définition méliorative de l’âme en
tant qu’invisible, surtout. Socrate rappelle l’étymologie du nom du dieu des Enfers, Aidhv, qui veut dire, l’Invisible, l.
30. L’âme relève bien de ce monde-là et non du monde des mortels.
2/ La mort = l’âme quitte le corps et rejoint le monde des dieux
Lorsque l’on meurt, l’âme se trouve libérée du corps dans lequel elle était emprisonnée : elle part rejoindre
ce qui est semblable à elle : aperxetai eiv to omoion auth, l. 45-46. Elle passe avec les dieux le reste de son
existence : diagousa ton loipon xronon meta qewn, l. 51-52
L’âme une fois séparée du corps, ne garde rien de lui : la rupture est complète entre ces deux instances si
diamétralement opposées : elle n’entraîne rien du corps avec elle (mhden ton swmatov sunefelkousa, l. 37).
3/ Philosopher, c’est s’entraîner à mourir
Philosopher, c’est tenter d’accéder à la vérité, de comprendre et d’apercevoir ce monde des Idées. Si de
notre vivant, nous côtoyons le monde des Idées que notre âme rejoint après la mort du corps, c’est donc un
entraînement à la mort que de philosopher : h ortwv filosofousa, l. 41.
― La condition à cette préparation est d’abord l’absence de communication entre l’âme et le corps, pendant la vie
(ouden koinwnousa autw en tw biw, l. 38.) : l’âme doit fuir le corps (feugousa auto, l. 39).
― Cet entraînement est presque vu comme sportif : relevez le vocab renvoyant à l’exercice meletwsa, l. 40 /
meletwsa, l. 42 / meleth, l. 42. L’entraînement concerne la mort : meletwsa teqnanai (s’entraîner à mourir), l. 42.
Insistance sur cette idée : l’âme ne fait rien d’autre (ouden allo, l. 40) que philosopher au vrai sens du
terme, en s’entraînant.
Conclusion : après avoir fait le bilan de votre étude vous pourrez évoquer la lecture chrétienne qui a été faite de
Platon. Cette religion monothéiste a repris à son compte le dualisme opposant le corps et l’âme pour bâtir un dogme
faisant du corps le lieu du péché, et de l’âme la partie immortelle de l’humain : incitant par là l’homme à adopter
une conduite morale afin que l’âme survive parmi les élus de Dieu, au Paradis, une fois le Jugement Dernier
intervenu. La citation l. 31 (« lieu où mon âme doit se rendre » an qeos qelh : si un dieu le veut, si dieu le veut) vient
corroborer cette lecture.