1 Grand témoin : Alexandre LHOTELLIER Tenir conseil, du déni au

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1 Grand témoin : Alexandre LHOTELLIER Tenir conseil, du déni au
Vendredi 24, matin Grand témoin : Alexandre LHOTELLIER Enseignant chercheur honoraire à l'université de Nantes où il a dirigé le Département de psychologie, Fondateur de l’IFEPP (Institut de formation et d'études psychosociologiques et pédagogiques), etc.,etc. : la biographie d’Alexandre Lhotellier est très riche. Tenir conseil, du déni au défi, quel devenir ? Alexandre Lhotellier ne peut en rien être présenté ni ses propos résumés....Il est descendu vers nous, dans l'arène, accompagné musicalement. On aurait pu croire à l'arrivée d'un savant «chenu et barbu»....40 ans après qu'il eut déjà été invité parmi nous et prêt à en découdre avec un demi­siècle de souvenirs à partager. Mais on aurait pu également projeter l'image d'un gourou des lèvres duquel tombe la parole que nous buvions goutte à goutte avec attente, curiosité et parfois délice. On aurait pu également croire qu'il sortait de l'écran du film "Des Hommes et des Dieux", comme un religieux en bure et pieds nus, éclatant de générosité débordante et communicante : au soir de sa vie, Alexandre Lhotellier, extraordinairement vivant, nous a livré en creux une réflexion sur la mort et sur le devoir de transmission. Bref, en rien son intervention ne peut se résumer. Nous avons, au fil des minutes, retenu des mots importants ou qui nous semblaient l'être, dans ce bouillonnement de source pure qui déferlait sur nous...Grand témoin, oui, oh combien! Pour commencer, A. Lhotellier a tenu à rendre hommage à notre « métier difficile ». Qu’est­ce que témoigner ? C’est transmettre, passer le relais, « parce que j’ai une dette envers ce que j’ai reçu : d’Eric Weil » et des autres. Cette dette exige de soi de tenir debout. Nous avons appris que «rien ne finit avec nos vies qui sont un champ de combats pour fonder un devenir et agir ensemble». Qu’est­ce qui nous rend vivants ? La parole qui est une co­construction, un travail quotidien pour arriver jusqu’à l’autre, pour percer le mur. Nous avons une longue histoire et il ne faut pas vivre dans l'aveuglement mais faire un travail de mémoire. Dans l'obligation de la compression " je suis devenu comprimé" nous dit­il. Transmettre, c'est mettre en mouvement mais qu'est­ce qu'on peut léguer ?...On transmet ce que l'on ne sait pas qu'on transmet. La transmission n'est pas la répétition mais l'exigence de construction innovante. La parole est fragile et elle est festive, c'est un apprentissage continuel. 1) Le déni du conseil : Actuellement nous vivons le déni du conseil qui est aide, accompagnement, cheminement et nous avons vécu la maltraitance théorique d'une pratique instrumentale dans le silence des usagers. Le décalage s'accroît entre les discours officiels et les pratiques ordinaires réduites à l'information. Le malaise est rampant, pourquoi ne pas se défendre activement ? La tragédie commence avec l’absence d’histoire, de mémoire : on a enterré Rogers, Super, Angeville, Conrad Lecomte. ­ Le conseil est d'abord politique (Soviet veut dire conseil), et dés 1991, avec le bilan de compétences, nous avons été des questionneurs engagés. (Voir les articles de Super, Neveu, Zarca .... Pierron dès 1954). ­ Un conseil n'est pas un commandement. ­ On s’est battus pour être psychologues, mais pas pour être conseillers. Résultat : on nous vend du coaching, du conseillisme d'Etat... 2) Le conseil est un défi : c'est un défi, une blessure singulière face à la souffrance d'existence...Il s’agit du développement humain, de l’humanisation de l’inhumain. Les sciences humaines ne servent pas un pouvoir. Le savoir vivant fait naître une vie attentive. Le défi du conseil c’est le défi de la démocratie, de la solidarité pour rendre l'espace public cohérent, du lien social. L’enjeu est de créer une culture humaine. ­ Le conseil n’est pas seulement un entretien à deux. Au départ, c’était le conseil de village, du groupe, un laboratoire commun. Actuellement on oublie le conseil de groupe (palabre, de famille, de quartier, de
1 classe), les avatars du conseil sont l’indifférence. ­ Le conseil, ce n’est pas non plus « donner des conseils », ni un diagnostic, ni une psychothérapie en raccourci. Il faut travailler sur le sens du mot « délibérer » pour agir. On peut dégager trois aspects du conseil : ­ Dialogique : C'est cultiver une disponibilité à l'autre, dialoguer avec soi est la condition pour dialoguer avec l'autre, c'est un apprentissage permanent. ­ Le Kairos : L’art du temps entre dans la démarche de conseil. Le temps est une rareté qu'il faut construire. Le poète dit : « quand je danse, je danse, quand je dors, je dors ». Le conseil est un acte de présence. Comment maîtriser le temps social ? Tenir l'instant, ne pas se précipiter. Un proverbe africain dit : «Jette ta montre et garde le temps ». Tenir l’instant, le Kairos, c’est entrer en résistance contre Chronos, coller à la précision du possible. ­ Le devenir : Nous ne naissons pas à l'humain mais nous le devenons par le conseil, c’est à dire l’invention de l’avenir, le désir. L'écoute du silence, l’écoute active, ouvre l'imaginaire et des nouveaux chemins. Il faut créer un espace public de l’orientation, écouter les usagers. Pour c onc lure, «l'orientation est un sport de combat», nous ne sommes pas des experts ou des thérapeutes, mais des praticiens. Nous n’avons pas de technicité, il faut simplement ne pas empêcher l’autre d’être humain. L'avancée humaine est lente et elle prend conscience du tragique. Le tragique, c’est la résignation tandis que le conseil, c’est l’espoir dans la nature même de l’action. Le combat­action, c’est la suite des actes désespérés qui permet de conserver l’espoir tandis que désespérer, c’est donner la priorité à notre impuissance. L’espoir n’est pas l’optimisme. Ne pas s'occuper de l'orientation « ça coûte plus cher que de s'en occuper ». Nous devons être le changement que nous voulons voir dans le monde. Nous saluons notre "prophète" par des tonnerres d'applaudissements, tandis qu'une chanson de marin breton lui tire des larmes...et à nous aussi. Notons qu’il a fait, durant son allocution de nombreuses références à sa grand­mère bretonne qui l’a profondément marqué et qui est sa référence lorsqu’il parle du devoir de transmission. Le souffle de vie est passé... L’Alexandre de sa grand­mère a rempli son contrat : il nous a passé le témoin, rendu une histoire sur laquelle bâtir notre espoir. T nous laisserons à Francis Danvers le mot de conclusion : Un corps qui invite une telle personne ne peut disparaître Notes de Paulette Bloch et Betty Perrin
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