9.5 L`agonie
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9.5 L`agonie
9 Situations de vie difficiles, sentiments difficiles la petite fille en pleurs et lui tendez, en guise de consolation, votre sucette ensablée et déjà bien entamée. La petite fille la prend, la met dans sa bouche et arrête immédiatement de pleurer. C’est ainsi que les enfants consolent – et cela fonctionne. Consoler est toujours spontané et authentique. Y compris chez les adultes. Malheureusement, plus tard, on n’ose souvent plus être spontané. Pourtant, dès que l’on n’est plus spontané et que l’on commence à réfléchir, on court le risque de ne plus rien faire par peur de faire faux. Cependant, ne rien faire est justement ce qu’il ne faut pas faire. Empathie authentique et consolation réconfortante sont toujours indiquées, même si une sucette entamée et, qui plus est, pleine de sable est bien entendu fortement déconseillée. 9.5 L’agonie L’agonie aussi est un processus d’adaptation psychique. Le mourant doit se faire à l’idée de sa mort prochaine. Beaucoup de gens y parviennent et réussissent à partir en paix avec le monde. Il existe de nombreux modèles qui décrivent ce processus. Nous utiliserons ci-dessous la présentation de Jean Ziegler (1982), qui se réfère aux recherches de la psychologue suisse Elisabeth Kübler-Ross. Les sept stades de l’agonie (agonie = en grec: lutte contre la mort) 1. 2. 3. 4. 5. 6. 7. Choc Déni Colère Marchandage Dépression Acceptation Décathexie[1] 1. Le choc L’annonce d’une maladie qui entraîne la mort provoque toujours un choc. Ce choc dure plus ou moins longtemps. Il s’agit d’un véritable traumatisme, qui est souvent long à intégrer dans sa vie. «Pour la première fois dans sa vie, l’être humain voit sa solitude, sa nudité. Il la perçoit mais ne peut pas l’accepter. En effet, ce monde qui s’évanouit, ce monde qui s’effondre, cet ordre humain habituel continue de toute évidence à exister pour les autres.» (Ziegler, 1982) 2. Le déni L’individu s’attaque peu à peu à une nouvelle tâche qui consiste à surmonter son choc psychique. Il essaie de surmonter les événements avec sa raison. Cette rationalisation prend au début la forme d’un déni qui s’exprime dans les comportements les plus divers. Il recherche par exemple un autre médecin qui réfute le diagnostic. [1] La médecine grecque subdivisait l’agonie en dix étapes, d’où le concept de «decathexis» (dixième étape). Le docteur KüblerRoss a conservé ce concept pour décrire la dernière phase de l’agonie. H 53 Module H Psychologie du développement 9 Situations de vie difficiles, sentiments difficiles 3. La colère Plus la personne concernée se met finalement à accepter sa propre mort, plus le sentiment de révolte est violent dans un premier temps. Elle s’en prend par exemple à ceux qui ne doivent pas mourir et les traite durement. 4. Le marchandage L’agonisant recommence à penser. Cette fois il se perçoit comme quelqu’un en lutte face à la mort. «Si je parviens à recouvrer la santé, si je peux quitter cet hôpital, je ferai ceci ou cela.» 5. La dépression Le rejet total et la colère qui l’accompagne au début provoquent à un stade plus avancé (qui, pour la majorité des mourants, semble être la phase la plus longue) une profonde dépression, souvent accompagnée de grandes inquiétudes (au sujet des enfants, du partenaire, etc.). 6. L’acceptation Cette rébellion s’arrête aussi brusquement qu’elle est apparue. Le mourant passe à un état d’apaisement. Il prend congé de ses proches, règle ses affaires personnelles, se conforme aux ordonnances des médecins, etc. 7. La décathexie Au dernier stade, l’agonisant n’est déjà plus «de ce monde», mais n’est pas encore mort. Son corps vit encore, mais sa conscience est dans un lieu où ne sont pas les autres. Pour la personne qui accompagne le mourant dans ce cheminement, ce processus de l’agonie est très difficile à supporter. Au stade du déni, il ne peut pas, avec la meilleure volonté du monde, confirmer au mourant qu’il ne va pas mourir. Au stade de la colère, il aura éventuellement à subir ses attaques répétées. Au stade de la dépression, il doit souvent assister au profond désespoir et le supporter. Enfin, au stade du marchandage, il ne sait souvent pas quoi répondre. Il peut toutefois être réconfortant de garder à l’esprit qu’il s’agit de stades qui, à la fin, conduisent à se réconcilier avec soi-même, avec l’entourage et avec sa propre mort. Certes, ici non plus, il n’est pas certain que le mourant parvienne à accepter sa propre mort. Si toutefois il y parvient, il peut prendre congé des siens comme il se doit et en paix. Ceci est d’un grand secours pour le processus de deuil des survivants. 9.6 Les formes de la peur Comme nous l’avons vu au chapitre 2, p. 10, de ce cahier, les sentiments sont une forme de perception. Nous ressentons de la peur, lorsque nous percevons un danger. Les peurs peuvent, d’une part, être rationnelles (raisonnables, adaptées). Si nous traversons la rue et qu’un camion fonce sur nous, la peur que nous ressentons à ce moment est adaptée à la situation. Il y a cependant aussi des peurs irrationnelles (irraisonnables, inadaptées). Ce sont des peurs qui ne sont pas justifiées par un danger réel. Une personne qui a par exemple peur des petites araignées souffre d’une peur irrationnelle (en revanche, la peur qu’a l’araignée de l’homme est quant à elle rationnelle). Le danger de ne pas prendre au sérieux une personne qui a une peur irrationnelle est très grand. Il ne faut cependant jamais oublier que la peur est toujours la perception d’un danger. La personne qui a peur craint quelque chose, car il n’y a pas de peur sans perception d’un danger. L’individu qui a une peur irrationnelle n’a seulement pas conscience de quoi il a réellement peur. H 54