Le Quotidien du Medecin - 7 septembre 2015

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Le Quotidien du Medecin - 7 septembre 2015
Date : 07 SEPT 15
Journaliste : Martine Freneuil
Pays : France
Périodicité : Bi-hebdomadaire
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Livres
L'automne romanesque
Fiction, autofiction et exofîction
Avec 3 % de titres en moins
(589 nouveautés) et en pariant
davantage sur des talents
qui ne demandent qu'à être
confirmés que sur des auteurs
à succès - ou à scandale -, la
cuvée 2015 mise sur la qualité. Les 393 ouvrages français
(68 premiers romans) oscillent
entre l'autofiction, dans
laquelle l'auteur romance sa
vie, beaucoup d'exoflction, où
l'écrivain réécrit la vie d'un
autre, et toujours de la fiction,
qui repose sur l'invention.
• Combiner l'autobiographie et
la fiction est un exercice qui continue de séduire. Ainsi de Christine
Angot, qui, dans « Un amour impossible » (Flammarion), évoque à
nouveau le viol qu'elle a subi pendant des années par son père ; mais
le récit va bien au-delà du fait, il est
un questionnement sur le silence
qui a entouré cet inceste, sur ce qui
a retenu sa mère auprès de son père,
sur l'amour qui a lié la mère et la fille
avant que celle-ci la rejette.
Prix Médicis (« une Promesse »),
prix Goncourt des lycéens (« le Quatrième mur »), grand prix du roman
de l'Académie français (« Retour à
Killybegs »), Sorj Chalandon dresse
dans « Profession du père » (Grasset), à travers les yeux d'un petit
Émile de 13 ans, le portrait de son
propre père tyrannique et menteur,
souvent violent et toujours affabulateur.
Dans « Place Colette » (Léo
Scheer), l'écrivaine et productrice
Nathalie Rheims retrace ses débuts
de comédienne et sa première relation amoureuse avec un acteur plus
âgé, tandis que le dramaturge et
cinéaste Jean-Michel Ribes raconte
sa vie et son parcours professionnel
dans « Mille morceaux » (l'Iconoclaste).
La narratrice d'« Au pays
d'Alice » (Gallimard), Gaëlle Bantegnie, évoque son quotidien de mère
depuis la naissance de sa fille il y a
quatre ans, et Jessica Nelson s'est
inspirée de ce qu'elle a vécu pour
camper, dans « Tandis que je me dénude » (Belfond), une jeune roman-
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cière qui, se sentant épiée et jugée
de toute part, met son cœur à nu le
temps d'une émission.
Lavie des autres
Déjà bien installée l'an passé, la
tendance qui consiste à s'emparer
de la vie d'autrui pour en faire un
roman s'est encore accentuée ; on
entre ainsi dans l'intimité de personnalités mais on découvre aussi
des figures méconnues ou des pans
d'existences qui ne manquent pas
d'originalité. Laurent Binet déroule
une enquête policière dans le milieu
intellectuel français et révèle l'existence d'une société secrète après que
Roland Barthes, qui transportait un
document sur « la Septième Fonction du langage » (Grasset) - une
fonction permettant de convaincre
n'importe qui de n'importe quoi - a
été assassine.
Prix Goncourt du premier
roman en 1993 pour « l'Arbre de
vies », poète et historien. Bernard
Chambaz cumule ses talents pour
décrypter, dans « Vladimir Vladimirovitch » (Flammarion), à travers les
carnets d'un homonyme, le parcours
de Poutine depuis son enfance,
son entrée au KGB, ses cinq années
comme agent secret en Allemagne et
son accession à la présidence.
Dans « la Dernière Nuit du Rais »
(Julliard), l'écrivain algérien YasminaKliadra, aussi prolifique que couvert de lauriers, donne la parole au
dictateur libyen Mouamar K hadafi à
quèlques heures de sa mort, pour un
flot de souvenirs mêlant cruauté et
folie avec fragilité et angoisses.
Dans un autre registre Simon
Liberati, prix Femina 2011 pour
« Jayne Mansfield 1967 », dresse dans
« Eva » (Stock) le portrait romance
d'Eva Ionesco, qui a inspire le personnage de son premier livre « Anthologie des apparitions » et qui est
depuis peu son épouse, dont l'image
avait été médiatisée à travers les
photos de sa mère Irina Ionesco, la
mettant en scène dans des poses
erotiques alors qu'elle n'était pas
encore pubère.
Dans Ie temps etl'espace
À l'inverse, pour sa 23e rentrée.
la fidèle Amélie Nothomb a choisi
de quitter l'inspiration autobiographique et elle retourne à la fiction
avec « le Crime du comte Neville »
(Albin Michel), un récit dans le style
d'Oscar Wilde qui se déroule dans
son milieu de prédilection, l'aristocratie belge, où « ce qui est monstrueux n'est pas nécessairement
indigne».
« Petit Piment » (Seuil), le nouveau roman haut en couleurs du
franco-congolais Alain Mabanckou, prix Renaudot pour « Mémoires
de porc-épic », se déroule à PointeNoire, la ville natale de l'auteur, et il
porte le nom de son héros, un j eune
orphelin qui, lors de la révolution
socialiste, s'échappe de l'institution
catholique où il a été placé et trouve
refuge dans une maison close - provisoirement.
Prix Décembre en 2008 pour
« Zone », prix Goncourt des Lycéens
en 2010 pour « Parle leur de batailles,
de rois et d'éléphants », Mathias
Énard offre avec « Boussole » (Actes
Sud) un envoûtant voyage de Vienne
à la mer de Chine. Par la voix, les
songes et les souvenirs d'un musicologue épris d'Orient, il nous met sur
la trace des aventuriers, savants, artistes et voyageurs occidentaux qui,
comme lui, sont allés à la rencontre
de l'autre.
« La Terre qui penche » (Gallimard), troisième roman de Carole
Martinez après « le Cœur cousu » et
« Du domaine des Murmures », prix
Renaudot et Goncourt des lycéens,
nous ramène au XIV" siècle. Blanche
est cédée par son père au fils idiot
d'un seigneur voisin pour conjurer
la peste et les autres misères ; elle
meurt à l'âge de 12 ans mais sa vieille
âme raconte aujourd'hui ce temps
où violences et légendes faisaient le
quotidien. Un enchantement.
Lamédecine aux petits soins
Médecin et auteur de six romans,
dont « les Derniers Jours de Stefan
Zweig » et « le Cas Eduard Einstein »,
Laurent Seksik met en scène dans
« l'Exercice de la médecine » (Flammarion), en entremêlant les destinées et les époques, les interrogations de Léna Kotev, cancérologue
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Date : 07 SEPT 15
Journaliste : Martine Freneuil
Pays : France
Périodicité : Bi-hebdomadaire
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Laurent Sek&ik
L'Exercice
de la médecine
lard Ctiambaz
Vladimir
Vladimirovitch
a Pans, issue d'une longue lignée de
medecins juifs depuis la Russie tsanste et qui rêve de se soustraire a la
legende familiale
Auteure de trois romans dont
« Quitter Venise », Anne Revah, qui
exerce la medecine a Paris, met en
scene, dans « I Enfant sans visage »
(Mercure de France), les bouleversements dans la vie et le couple d'une
femme déjà mere et sur le point de
terminer ses etudes de medecine,
qui apprend qu'elle est enceinte de
quatre mois, d'autant plus que des
risques pèsent sur le fœtus
Medecin de f o r m a t i o n aujourd hui tourne vers I écriture. Éric
Anglade raconte dans « le Dernier
garde-fou » (Lucie) comment un
jeune interne en psychiatrie, doue
et raisonnablement ambitieux,
façonne par dépit une vengeance en
s'appuyant sur un patient dangereux pour renverser la folle rationalité du systeme
Entre extravagances de la
science et quête d'identité, « Corps
désirable » (Zulma), d'Hubert Had
dad l'auteur de « Palestine » et du
« Peintre d'éventail », met en scene
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un neurochirurgien qui s'apprête a
transplanter la tête d un homme sur
le corps d un autre
Lom du temoignage ou du récit
nombriliste l'éditrice et auteure
d'une dizaine d ouvrages Laure
Limongi traite dans « Anomalie des
zones profondes du cerveau » (Grasset) de l'algie vasculaire de la face
dans une approche ala fois poétique,
scientifique, romantique et humoristique
Dans un premier roman et
sous le titre « les Haines en moins »
(Daphnis et Chloe), Éric Le Guilloux montre comment un homme
trentenaire atteint d une maladie
orpheline, tente d'échapper a ses
souffrances en se plongeant dans
ses souvenirs d'enfance
D inspiration a u t o b i o g r a phique, « le Présent infini s'arrête »
( P O L ) , de Mary Dorsan montre
le quotidien, difficile et souvent
violent, d'une infirmière dans un ap
parlement thérapeutique rattache
a un hôpital psychiatrique ou sont
accueillis des adolescents atteints le
plus souvent de pathologies du lien
Martine Freneuil
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