Homélie du Père Louis de RAYNAL aux obsèques du Chanoine

Transcription

Homélie du Père Louis de RAYNAL aux obsèques du Chanoine
Homélie du Père Louis de RAYNAL aux obsèques du
Chanoine Louis ROY
Cathédrale Saint-Bénigne – Mercredi 2 Avril 2014
Nous venons d’écouter la prière de Jésus au chapitre 17 de
l’évangile de saint Jean. Cette prière, appelée sacerdotale, est la
prière de Jésus, Bon Pasteur. Le Fils bien-aimé se tourne vers son
Père et prie pour tous ceux que ce Dernier lui a confiés.
Le 29 juin 1946, jour de son ordination sacerdotale, le cœur de
Louis Roy est marqué à jamais par la charité du Bon Pasteur. Par
l’onction de l’Esprit Saint, il participe de cette charité qui lui donne
de se tourner, comme Jésus, vers Dieu et vers ses frères.
Le psaume 111 qui vient d’être chanté décrit le juste animé par la
charité : « A pleine main, il donne aux pauvres ». Le Père Roy avait
de grandes mains. Permettez-moi de décrire sa vie à travers ce
triple thème : les mains du service, les mains de la prière, les
mains de l’offrande.
Les mains du service
Le Père Roy était heureux de donner et de rendre service : comme
professeur d’allemand au petit séminaire de Flavigny, puis comme
directeur de l’école de la Maîtrise pendant 30 ans, avant de devenir
aumônier de la clinique Bénigne Joly. Je parlerai un peu plus de la
Maîtrise où il fut mon directeur pendant neuf ans.
Le Père Roy est arrivé à la Maîtrise au moment du Concile. Les
années à la Maîtrise ne furent pas toujours faciles. Des évolutions
étaient nécessaires. Il fallait faire des choix. Tout en gardant aussi
le bon cap, en particulier l’esprit de la Maîtrise : un esprit chrétien
et familial. Il faudrait ici citer beaucoup de personnes qui œuvrèrent
avec lui à la Maîtrise. Je n’en citerai que quelques uns : le Père
Jean-Marie Rolland, le Père René Fousset, le frère Georges,
Mademoiselle Marie,
Mademoiselle Renée.
sans
oublier
bien-sûr
notre
chère
Le Père Roy a exercé sa mission comme un service de tous, de
toutes les familles, sans considération de classe ou de milieu
social. Symbole de sa générosité : ses deux grosses mains. On
sentait, Père Roy, dans vos mains, à la fois une force et une
tendresse. Quand vous nous disiez bonjour, c’était une grosse
main qui venait saisir la nôtre, avec le sourire et souvent un petit
mot cordial. Vous étiez pour nous comme un père. On admirait en
vous ces qualités humaines de l’amour qui rendent agréable le
quotidien. Cet amour enrichi par la grâce de l’Esprit Saint dont
nous parle saint Paul dans sa lettre aux Corinthiens : l’amour est
patient, il rend service, il est humble, il recherche la vérité et la
justice, il supporte tout. Combien votre patience a due être
éprouvée certains jours, en espérant le changement de
comportement de tel ou tel élève, un peu affreux jojo !
Les mains de la prière
Lorsqu’il est arrivé à la Clinique Bénigne, le Père Roy a organisé
ses visites quotidiennes des malades. Il sortait de sa poche ses
petites fiches avec le nom des personnes à visiter. Des noms qu’il
conservait dans son cœur et qu’il présentait au Seigneur dans sa
prière. C’est une autre caractéristique que l’on pouvait noter chez
lui : c’était un homme habité. On sentait en lui une flamme, une
présence. Lorsqu’il célébrait la Messe, le soin qu'il apportait aux
gestes, à l'énonciation claire des paroles, aidaient à la qualité de la
prière. Sa prière faisait notre prière... Témoignage... Contagion...
Il avait à cœur d’être un éducateur de la prière. La vie spirituelle
devait irriguer toute la vie, même notre manière de chanter. On
pourrait appliquer tout à fait au Père Roy les paroles qu’avait
prononcées en 1957 Joseph Samson au Congrès International de
Musique Sacrée à propos du chœur de chant : « Si le chant du
choeur n'est pas pour les fidèles une nourriture, du pain... que le
choeur sorte. Si le chant des fidèles n'apporte pas à l'office plus de
vie spirituelle, que les fidèles se taisent ». Pour lui, la parole ou le
chant devaient être la transcription de l’Invisible.
Les mains de l’offrande
Fils de l’Eglise, le Père Roy aimait dire la foi et la transmettre, en
particulier dans ses homélies et ses catéchèses. A la Maîtrise, c’est
lui qui faisait la catéchèse dans les années collège. Il prêchait aussi
lors de la messe hebdomadaire qu’il célébrait à la chapelle. Il
aimait parlait souvent de l’Esprit Saint. C’était pour lui comme un
Ami, un Compagnon de route. C’est l’Esprit Saint qui a aidé le Père
Roy à accepter sa place, lorsque celle-ci devenait inconfortable. Il
s’est laissé façonner, ajuster pour devenir un fils à l’image du Fils
bien-aimé du Père.
Revenons à la prière sacerdotale. Dans cette prière, Jésus non
seulement prie mais il s’offre aussi à son Père. C’est une prière,
peut-on dire, qui s’exprime à travers tout son corps. Elle va se
prolonger, se consumer dans l’offrande de son corps, de sa vie, de
toutes ses souffrances, jusqu’à l’Heure fixée par le Père, où il
pourra dire : « Père, en tes mains, je remets mon esprit ».
Chez le Père Roy, à la fin de sa vie, quelle épreuve : il ne peut
presque plus bouger, ne peut plus parler, sinon par quelques sons,
mais on ne le comprend pas, et il ne voit plus grand chose.
Charles, son frère, a sa chambre en face de lui et vient souvent le
voir. Deux frères peuvent se comprendre, même sans parole.
Quand il entre dans la chambre de Louis, Charles voit un visage
souriant. C’est même un visage de lumière et de résurrection.
Cette complicité est stoppée par la mort de Charles, le 22 juin
dernier. Louis entre dans une plus grande solitude. Comme un fils
confiant, il se prépare à retourner dans la maison du Père. Les
personnes qui le visitent témoignent de la joie et de la paix qui
laissent transparaître une âme de lumière fondue par l’amour.
Le père Louis Roy nous a quittés dimanche dernier. Ce dimanche
est appelé Laetare à cause du premier mot latin de l’Introït du
quatrième dimanche de Carême : « Réjouissez-vous». Ce jour-là,
l’Église fait une pause dans la pénitence, pour mieux se hâter vers
les joies pascales.
Votre départ, cher Père Roy, même s’il nous attriste, est une
invitation tout d’abord à rendre grâce au Seigneur pour tout ce qu’Il
a fait à travers vous. Ensuite, à espérer un jour goûter pleinement
la joie de Pâques et de la Résurrection. Aujourd’hui, le chœur de la
Maîtrise vous accompagne. Avec les voix des enfants et du chœur
d’hommes, nous vous accompagnons et portons dans la prière.
Afin que vous entriez dans la joie céleste et chantiez avec tous les
saints du Ciel un Te Deum éternel.
Cher Père Roy, cher Ludwig, aidez-nous à chanter, chacun,
la bonne note. Car musicien, j’aurais beau chanter les chants
des Anges, « si je n’ai pas la charité, s’il me manque l’amour, je ne
suis qu’un cuivre qui résonne, une cymbale retentissante »
(cf. 1 Cor. 23, 2).