Pourquoi éduquer contre le racisme
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Pourquoi éduquer contre le racisme
Pourquoi éduquer contre le racisme ? accueillir Hors-série 2 « Tout problème porte en lui sa solution » Par Stéphane Hessel Ambassadeur de France, membre du comité d’honneur du Ssaé Chaque génération est d’avantage en contact que la précédente avec ce qui se passe dans le monde aujourd’hui : la mondialisation de la communication nous désenclave mais, en même temps créée des résistances et peut « réenclaver » les gens en leur faisant peur. Le rôle de l’éducation est précisément de désenclaver non de façon artificielle mais en nous apprenant à ne pas avoir peur de ce qui se passe. En réalité, il faut comprendre que nous sommes déjà dans un monde ouvert. Tout ce qui nous conduit, et ceux qui nous conduisent, à la peur des autres est un enfermement. Au contraire, laisser agir notre curiosité à l’égard de l’autre, c’est ce qui fait fonctionner et avancer notre société. L’éducation de ce regard ne part pas d’une base nulle, de l’ignorance ou d’un repli. Au contraire, l’éducation a pour vocation de légitimer ce qui est latent « Cette pédagogie au quotidien doit accompagner la scolarité de l’enfant » Par Tahar Ben Jelloun Écrivain, membre du comité d’honneur du Ssaé Si l’on n’apprend pas aux enfants qu’un homme en vaut un autre homme, que tous les hommes sont égaux devant la loi, que les différences apparentes ne sont pas sources de supériorité ou d’infériorité, que la nature crée des différences et les hommes en font des inégalités, si l’on ne fait pas un effort quotidien pour ouvrir les yeux des enfants sur les incohérences du monde, sur la complexité des relations humaines, tout enseignant, tout parent manquera à son devoir. Rien ne se fait tout naturellement. Un enfant est disponible pour apprendre à apprendre. Il ne demande qu’à comprendre. Cette pédagogie au quotidien doit accompagner la scolarité de l’enfant. dans l’esprit de l’homme et des jeunes en particulier. À l’école, au collège, au lycée, à l’université, chacun ne demande qu’à rester ouvert à la diversité et à l’égalité. L’exclusion d’un élève ou d’un étudiant, notamment en raison d’une situation administrative concernant son séjour en France, est vécue comme un traumatisme. La mobilisation de la communauté éducative contre les expulsions autour de Resf et des défenseurs des droits de l’Homme le montre amplement. Dans un monde souvent incertain et frileux, l’éducation doit conduire à prendre conscience de ce qui est positif, il n’y a pas de problème même difficile qui est insoluble. Tout problème porte en lui sa solution. On pourrait lui dire comme le poète Paul Eluard que « la terre est bleue comme une orange », une façon de lui signifier que les couleurs de la peau ou l’origine des hommes, leur langue ou le pays d’où ils viennent ne sont pas des signes étranges pour les classer en races. Les races humaines n’existent pas. Une couleur de peau ne signifie pas que c’est le signe d’une race. Il n’y a qu’une seule race, la race humaine, composée de milliards d’êtres humains de couleurs, de tailles, d’intelligence, de volonté différentes. Nous nous ressemblons tous, mais chaque être humain est unique. Unique veut dire que sur les six milliards de personnes vivant sur cette planète, il n’existe pas deux individus absolument identiques. C’est ce qui fait que nous appartenons tous à la même race et que aucune communauté ne peut se réclamer d’une race à part, comme on faisait avant en parlant de « la race noire » ou « la race blanche ». Par Raymond Aubrac Membre du comité d’honneur du Ssaé Les anciens déportés et les vieux résistants sont souvent invités par des enseignants pour répondre aux questions des jeunes dans les écoles, les collèges, les lycées. Ceux qui peuvent, malgré l’âge, accepter ces invitations font une expérience gratifiante. Ils ressentent la sympathie de l’accueil et l’ardeur de la curiosité, dès lors que la timidité des premières questions est franchie. Mais à répéter l’expérience dans diverses régions, dans la variété des quartiers d’une même ville, une singularité apparaît. Les questions posées par les jeunes au nord et au sud, dans les quartiers privilégiés et dans ceux dits populaires sont les mêmes. À la fin de ces séances d’échanges, lorsqu’un groupe de jeunes se presse autour du visiteur pour poser des questions plus intimes ou faire part de ce que d’autres, « Mieux vaut être pour la connaissance et le respect des droits de l’Homme » Par Francine Best Inspectrice générale honoraire de l’Éducation Nationale, administratrice du Ssaé Personne, dans les milieux s’efforçant d’améliorer l’accueil des immigrés, ne peut refuser de lutter contre le racisme rampant qui hante nos rues... et les salons où l’on aime à se faire peur avec les émeutes de banlieues et les écoles en Zep. Mais si l’on connaît un tant soit peu les enfants et notre école laïque, « lutter contre » a peu d’effets, surtout sur une semaine. Mieux vaut être POUR la connaissance et le respect des droits de l’Homme tout au long de la scolarité, de la maternelle au baccalauréat. Le racisme n’est-il pas un manquement à ces droits universels et fondamentaux ? Et éduquer aux droits de l’Homme, c’est possible et cela se fait dans les classes élémentaires, au collège, au lycée ! Il serait bon de lire le rapport La racine de la xénophobie et du racisme, c’est l’ignorance. On ne sait pas – et parfois on ne veut pas savoir – ce que l’étranger nous a apporté et peut encore nous apporter. Combattre l’ignorance, c’est un des buts de l’enseignement. Si les programmes scolaires, qui sont une des bases de notre civilisation, s’attachaient spécifiquement à expliquer qui est l’étranger, d’où il vient, pourquoi il vient, ce qu’il a apporté, le regard sur lui changerait. Et pourquoi ne pas faire, avec des étrangers, ce que font les enseignants avec ces vieux résistants, les inviter, leur demander de dire leur parcours, les conduire au dialogue avec les jeunes ? L’État, qui organise l’enseignement, est en charge de construire la Nation. établi* sur l’Éducation aux droits de l’Homme en France, dans le cadre de la décennie des Nations unies pour l’éducation aux droits de l’Homme (1995-2005). L’éducation à la citoyenneté, l’éducation civique sont l’objet d’un effort pédagogique réel depuis une bonne dizaine d’années.C’est dans le cadre de ces cours, où les droits de l’Homme servent de fil conducteur, que le racisme, pas après pas, année après année, peut enfin reculer, voire disparaître. Aider les enseignants à ne pas perdre courage dans ce long cheminement serait la meilleure des choses, par exemple en refusant avec eux l’appauvrissement de l’éducation civique à l’école élémentaire, au profit d’un retour nostalgique à la morale que nos grands-parents nous inculquaient. ----- * On peut se le procurer soit à la Cncdh soit à la Commission française pour l’Unesco. enjeux 3 accueillir Hors-série « La racine de la xénophobie et du racisme, c’est l’ignorance » familles ou voisins ont apporté, on décèle sans difficulté combien les préoccupations personnelles de ces adolescents sont semblables devant les problèmes de notre société.