1 La Formation continue à l`IUFM de Créteil Le contexte

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1 La Formation continue à l`IUFM de Créteil Le contexte
La Formation continue à l’IUFM de Créteil
Le contexte institutionnel
En 1998, lorsque la formation continue a été déléguée aux IUFM l’enjeu dans
une académie comme celle de Créteil était d’importance. La qualité des formations
dispensées par l’ex- MAFPEN(Mission académique de formation des personnels de
l’éducation nationale) était reconnue, la satisfaction des formés grande, une culture
de formation bien installée. Il s’agissait non seulement de ne pas casser cette
dynamique, de s’appuyer sur ce qui se faisait de mieux, mais aussi- c’était le but du
nouveau partage institutionnalisé des rôles- de permettre une plus grande distance
entre le cahier des charges de l’employeur et sa mise en œuvre, plus de
transparence et de formalisation dans les procédures, une participation plus
importante des universitaires à la formation1.
Pour l’IUFM il fallait à la fois entrer dans des pratiques existantes, tout en les
réexaminant pour les renouveler. Ce ne fut pas sans difficultés, entraves
institutionnelles et résistances internes : l’encadrement de l’ex-MAFPEN restait en
place et perdait la responsabilité de la mise en œuvre, ainsi que le pilotage des
formateurs ; pour le second degré l’IUFM n’avait qu’une brève expérience de la
formation initiale et manquait de recul (1991).
La rénovation a instauré une division du travail entre le rectorat
(Cellule académique de la Formation) et l’IUFM : au rectorat revient l’élaboration du
cahier des charges, la validation du projet de plan remis par l’IUFM, la responsabilité
de la publication du plan de formation et à l’IUFM la réponse au cahier des charges
avec le choix des opérateurs et des formateurs, la remise d’un projet de plan, la mise
en œuvre et le suivi des formations. Si cette partition permet de clarifier les rôles, elle
complexifie le travail, multiplie les interlocuteurs et nécessite un pilotage à la fois
pédagogique et politique ainsi qu’une volonté déterminée de coopération.
Les difficultés rencontrées sont de plusieurs ordres, certaines sont partagées avec
les responsables académiques de la formation, comme le souci de l’institution de ne
pas laisser les élèves sans enseignants, d’autres relèvent plus de la difficulté de se
positionner sans entrer dans une défense des territoires et des statuts : délimitation
du rôle des prescripteurs, responsabilité des formateurs, le rapport de ces derniers à
la prescription et à l’institution.
L’IUFM de Créteil – avec l’appui du rectorat- a fait le choix de s’appuyer sur
les forces de formation existantes du temps de la MAFPEN, tout en mobilisant ses
personnels, déjà investis dans la formation initiale. Après trois premières années
d’apprentissage l’implication de l’institut dans le dispositif expérimental de formation
des Entrants dans le métier (2001) l’a contraint à une réactivité importante, à une
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Du temps de la MAFPEN les mêmes acteurs étaient impliqués dans l’élaboration du cahier des charges et dans
sa mise en œuvre. Dans certains chapitres- notamment les chapitres disciplinaires- les corps d’inspection
pilotaient formations et formateurs.
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mobilisation forte et à une évolution des modalités et des pratiques de formation, tant
en formation continue qu’en formation initiale2.
La formation continue des enseignants relève jusqu’à ce jour, à de rares
exceptions près, d’un acte volontaire, qui n’a pas d’impact direct sur la carrière ;
aucun texte ne réglemente vraiment le départ en formation. Le rôle des chefs
d’établissement est essentiel, le souci partagé par les cadres et les enseignants de
ne pas désorganiser les enseignements pèse lourd dans la décision de participer à
des actions de formation. Ce sont là des contraintes fortes pour la mise en œuvre du
plan de formation qui sont parfois ressenties par les formateurs comme des
obstacles difficiles à surmonter : lieux et jours de formation peuvent ainsi prévaloir
aux yeux des formés sur contenus et modalités de formation ; leur assiduité peut être
très variable.
Le dispositif expérimental de formation des Entrants dans le métier, en
incluant certaines formations dans les obligations de service des jeunes
enseignants3, a introduit un élément nouveau dans le rapport à la formation
continuée des enseignants- l’obligation de participer avec des choix contraints. Les
incidences sur le déroulement des actions de formation, sur les attentes des formés,
qui contrairement aux générations précédentes avaient bénéficié d’une formation
initiale en IUFM, ont contraint les responsables de formation et les formateurs à une
réflexion sur les liens entre formation initiale et continue qui ne fait que commencer.
Les formateurs, auteurs de cet ouvrage, ont tous été à des titres divers impliqués
dans ce dispositif.
Architecture et organisation de la formation
Les enseignants peuvent postuler à deux types de stages : des stages de
regroupement, en dehors de l’établissement et des stages qui se déroulent dans les
établissements, dits stages sur sites ou « Aides négociées ». A l’intérieur des deux
groupes, énormément de variétés et d’objectifs différents.
Les stages de regroupement peuvent être disciplinaires, destinés à des
publics d’horizons différents (mélange des types d’établissement) ou au contraire
rassembler un public homogène (nouveaux titulaires, d’une même discipline,
enseignant dans le premier cycle du secondaire). Bien que centrés sur
l’enseignement d’une discipline ils peuvent avoir des objectifs très différents : apport
de connaissances universitaires pour certains, réflexion didactique et méthodes
pédagogiques pour d’autres, liens entre les deux pour d’autres.
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L’académie de Créteil accueille chaque année entre 2700 et 2800 jeunes professeurs, sortants d’IUFM.La
majorité d’entre eux n’a pas été formée à l’IUFM de Créteil, ni confrontée au cours de sa formation à des publics
aussi hétérogènes. Le dispositif expérimental mis en place à la rentrée 2001 avait pour objectif de stabiliser des
équipes d’enseignants dans des établissements difficiles et d’ en accompagner un grand nombre par la formation.
Depuis quatre ans, entre 500 et 800 nouveaux titulaires sont bénéficiaires de cet accompagnement spécifique.
Leur apparition dans le paysage a quelque peu bousculé les demandes de l’institution, l’organisation des
chapitres du plan académique et les maquettes des formations.
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Une partie d’entre eux bénéficie d’une décharge horaire devant élèves de deux heures.
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Certains stages sont plus axés sur la mise en œuvre de dispositifs
institutionnels, disciplinaires, interdisciplinaires ou transversaux ou encore sur les
missions élargies des enseignants.4
Chaque thème implique des modalités de formation spécifiques qui peuvent
aller de la simple information institutionnelle à la régulation d’échanges de pratiques,
voire à l’analyse de pratiques, avec la possibilité de formes mixtes. Le plan
académique propose aussi des stages de regroupement sur des thèmes
transversaux, tels que l’évaluation, la motivation, la déscolarisation, l’autorité, les
conflits. Les enseignants ont aussi la possibilité de participer à des formations plus
impliquantes qui peuvent prendre la forme d’un travail sur soi (psychologie, corps et
voix) ou d’un travail sur l’identité professionnelle.
Les stages sur sites, depuis quelques années fortement recommandés par
l’institution5, étaient déjà développés du temps de la MAFPEN. Ils peuvent concerner
des équipes interdisciplinaires ou inter-catégorielles, s’étendre à un réseau
d’éducation prioritaire, ou à un ensemble d’établissements et porter sur des thèmes
transversaux ou se limiter à des équipes disciplinaires.
Ces formations sur site peuvent répondre à des demandes d’équipes, être à
l’initiative d’un groupe d’enseignants ou – c’est majoritairement le cas- de la direction.
Elles relèvent souvent autant de l’intervention (prévention des phénomènes de
violence), de la régulation d’équipes(enseignants d’une même classe, équipe de
tuteurs), du suivi de projets que de la formation professionnelle proprement dite
(évaluation, professeur principal, mise en place de TPE).
Les formateurs interviennent dans la majorité des cas en binômes. A partir
d’une analyse de situation ils mettent en place avec les stagiaires le cadre de la
formation (objectifs, contenus, méthodes). Ils se trouvent souvent confrontés à des
situations conflictuelles, des demandes qui en cachent d’autres et jouent parfois un
rôle de médiateur entre équipes, groupes d’enseignants, enseignants et direction.
Leur connaissance en profondeur du fonctionnement de l’institution, leur propre
capacité à se positionner vis à vis des prescriptions institutionnelles, sont alors des
atouts majeurs.
En s’appuyant sur ce qui se fait dans les établissements, en favorisant la
mutualisation des pratiques, ils jouent un rôle essentiel dans le rapport des
enseignants à la formation. Leur passage peut permettre de révéler des besoins en
formation, collectifs ou individuels, qui se déclineront disciplinairement ou
transversalement, sur site ou en stage de regroupement. Leur rôle de « passeurs »
est essentiel et à ce titre leur rapport à l’institution, à l’ensemble du dispositif de
formation dont ils doivent être porteurs.
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Quelques exemples de dispositifs, prévus par les textes officiels : aide individualisée en classe de sixième ou
classe de seconde, heure de vie de classe, tutorat, IDD (itinéraires de découverte), TPE (travaux personnels
encadrés), nouveaux dispositifs d’enseignement par alternance…
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Le rôle du chef d’établissement est là primordial. Il est invité par l’institution à se saisir de cette modalité de
formation sur site comme outil de pilotage pédagogique de son établissement. Tous les cas de figure sont
possibles et l’analyse de situation est un moment essentiel du dispositif pour les formateurs et le déroulement de
la formation.
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Ces binômes de formateurs sont constitués en fonction d’une première
analyse de la demande, il s’agit d’offrir la possibilité aux équipes de bénéficier
d’éclairages convergents ou au contraire complémentaires (approche de type
institutionnelle, ou psychosociale clinique, connaissance approfondie des dispositifs
collège, expérience de l’interdisciplinarité, de l’enseignement professionnel,
éclairages sur le rapport au savoir, sur l’hétérogénéité…).
Le pilotage de ces formateurs, leur inscription dans des logiques de partage
d’expériences, échange et analyse de pratiques, leur participation à des journées
d’études est une priorité de la direction du second degré de l’IUFM. Le passage à
l’écriture collective participe de cet accompagnement.
L’analyse de pratiques à l’IUFM de Créteil
Dans l’Académie de Créteil, l’analyse de pratiques a fait son entrée dans le
cadre de la formation continue des enseignants du second degré à l’époque de la
MAFPEN, autour des années 95. Des groupes de type Balint ont été proposés aux
enseignants, ainsi que des formations à la “ prévention des phénomènes de violence
dans les établissements ” qui incluaient, pour certaines, un accompagnement par
l’analyse de pratiques.
Des formateurs qui intervenaient dans les établissements et qui proposaient
des stages sur des thèmes transversaux ont eux-mêmes bénéficié de régulations
sous forme de GAP (groupe d’analyse professionnelle).
Dans le même temps, à l’initiative de la mission INNO-VALO, plusieurs PNF
(plan national de formation), puis séminaires académiques de formation de
formateurs ont eu pour objet l’accompagnement à l’écriture et l’analyse de pratiques,
comme modalités de formation et de transformation des pratiques enseignantes.
Au départ, on le voit, des approches plutôt individuelles, sans coordination
entre elles, pas de pilotage institutionnel ou d’appui réflexif positionné, mais une
ouverture et des possibilités d’expérimentations.
En 1996 et 1997 un premier séminaire d’exploration (MAFPEN-IUFM-INNOVALO) est piloté par J.Y Rochex, professeur à l’université Paris 8, sur les diverses
formes d’analyse de pratiques (depuis l’entretien d’explicitation jusqu’aux pratiques
d’écriture professionnelle, en passant par l’analyse de l’activité).
A partir de 1997 Florence Giust-Desprairies, également professeur à
l’université Paris 8 a été sollicitée pour assurer des fonctions de régulation et de
supervision auprès de divers groupes de formateurs intervenant en établissement,
puis auprès des formateurs “ violence ” dès la première année du passage de la
formation continue à l’IUFM, en 1998.
L’année 2000 est marquée par un affichage plus systématique dans les
chapitres transversaux du Plan Académique de Formation de l’analyse de pratiques
comme modalité de formation, avec des objectifs d’aide au positionnement dans
l’institution et de développement des compétences professionnelles.
La formation initiale IUFM second degré était, jusqu’en 1999, essentiellement
centrée sur la didactique de la discipline, avec peu d’espaces pour le retour réflexif
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sur la pratique et pour la prise en compte des difficultés rencontrées par les
stagiaires dans la construction de leur identité professionnelle.
L’incitation institutionnelle à former des “ enseignants réflexifs ”, les demandes
récurrentes des stagiaires d’aide à la gestion du groupe classe et l’expression d’une
certaine insatisfaction du “ tout théorique ” de la formation, amènent la direction à
proposer de mettre en place des ateliers d’analyse de pratiques, transversale aux
disciplines, de façon optionnelle (2000-2001). Des formateurs issus de la formation
continue, non impliqués dans le processus d’évaluation des stagiaires ont été alors
sollicités. Deux approches sont proposées, une à orientation clinique psychosociale
et psychanalytique centrée sur le métier, l’autre est un GEASE( groupe d’analyse des
situations éducatives), plus disciplinaire.
A ces approches, centrées sur la relation aux élèves et aux adultes s’ajoute un
questionnement sur la dimension organisationnelle et institutionnelle de la
profession.
La première année les groupes d’analyse ne sont pas intégrés aux plans de
formation disciplinaire, mais progressivement l’analyse de pratiques s’inscrit dans le
plan de formation, proposée dès la rentrée aux stagiaires. Des échanges sont
organisés entre les différents intervenants. Des expériences d’animation en binôme
avec les formateurs disciplinaires sont menées. Ces expériences font école, et une
formation de formateurs est en place depuis 2003-2004, qui recueille de nombreuses
candidatures.
C’est dans le cadre de ces évolutions et pour les accompagner que Florence
Giust-Desprairies a été sollicitée en 2000 pour la mise en place d’une formation
destinée aux formateurs chargés de la responsabilité des groupes d’analyse de
pratiques, tant en formation initiale qu’en formation continue. Ce séminaire avait pour
but à la fois de permettre à chacun d’éclaircir ses propres pratiques et d’assurer une
formation à l’analyse de la complexité des situations professionnelles. Travail de
cadrage qui permettait aux formateurs de mieux se situer, de spécifier les objets
travaillés, d’élargir leur propre champ d’analyse et leurs référents théoriques et qui a
conduit à la mise en place d’une dizaine de groupes d’analyse de pratiques pour les
nouveaux titulaires à la rentrée 2002. (Dispositif « Entrée dans le métier »)
Cette formation se poursuit et s’ouvre maintenant à d’autres formateurs,
d’horizons plus divers, n’ayant pas tous des expériences d’animation de groupes
d’analyse.
Parallèlement à ces séminaires un groupe plus restreint de formateurs à
orientation clinique a pu bénéficier depuis quatre ans d’un accompagnement réflexif
sur l’identité professionnelle qui trouve son aboutissement dans l’entreprise de cet
ouvrage.
En janvier 2006 la Formation de formateurs de l’IUFM de l’Académie de
Créteil organise une conférence de consensus sur l’Analyse de Pratiques qui fera le
point des recherches et des débats sur l’analyse de pratiques dans la formation des
enseignants.
Une marche lente et prudente, une volonté affichée d’ouverture, mais aussi de
rigueur et de professionnalisme a permis de légitimer des démarches plurielles qui
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ne s’excluent pas et dont le point commun est d’offrir aux formateurs et aux
enseignants la possibilité d’un retour réflexif sur les questions qui se posent à eux
dans l’exercice de leur métier. L’objectif est de permettre une meilleure
compréhension de ce qui se joue au sein de la classe et de l’institution et de
favoriser chez l’enseignant, par un travail d’élaboration de ses propres pratiques, une
plus grande capacité à traiter des situations qui lui posent problème, atouts
incontestablement supplémentaires dans la formation professionnelle des
enseignants.
Dominique GELIN
Directrice adjointe second degré IUFM Créteil
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