Les notices techniques s`animent grâce à la CAO

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Les notices techniques s`animent grâce à la CAO
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TECHNOLOGIES & INNOVATIONS
DOCUMENTATION l Le remplacement des manuels de montage ou des modes
d’emploi, souvent abscons, par des notices interactives 3D, bien plus explicites,
débute. Des outils apparaissent pour réaliser ces versions électroniques
directement à partir des fichiers CAO. p PAR AURÉLIE BARBAUX
Les notices techniques
s’animent grâce à la CAO
pour
comprendre
> Plug-in
Petit logiciel à
télécharger pour lire
et interagir avec des
animations 3D.
(conception
assistée par
ordinateur).
Logiciels et
techniques
permettant de
concevoir, de tester,
et de réaliser
outils et produits.
> CAO
> Java
Langage de
programmation qui
permet de produire
des logiciels
indépendants de
toute architecture
matérielle.
> Réalité
augmentée
Système qui permet
de superposer
l’image d’un
modèle virtuel
sur une image
de la réalité et ce,
en temps réel.
Q
ui ne s’est jamais arraché
les cheveux en essayant de
comprendre le mode d’emploi d’un appareil mal traduit ? Ou en lisant une
notice d’installation imprécise ou trop
complexe ? Et ce genre de déconvenue
n’est pas réservé au seul consommateur. Combien de techniciens butent-ils
sur des manuels de montage incompréhensibles ? L’arrivée des notices 3D, animées et interactives, devrait résoudre
le problème.
Déjà, dans les ateliers d’assemblage de
Boeing ou d’Airbus, les instructions de
montage sur papier sont progressive-
ment remplacées par des Tablet PC sur
lesquelles l’opérateur visualise l’enchaînement des tâches à accomplir via des
animations 3D qu’il pourra faire défiler
à sa convenance.
De leur coté, des fabricants de machines ou de véhicules, Man, par
exemple, envisagent la création de
notices de maintenance en images
animées, à destination des ateliers ou
des garages. Quant aux constructeurs
d’électronique grand public ou d’électroménager, ils testent déjà la publication sur le web de versions 3D interactives de leur manuel d’utilisation.
Dans toutes ces démarches, l’idée est
Le format 3D idéal manque encore
> le format vrml (virtual
reality modeling language),
destiné à une publication interactive
sur le web, publié en 1994 et certifié
ISO, a longtemps servi de référence.
Il évolue aujourd’hui vers le X3D
(eXtensible 3D), pour intégrer des
données XML, mais sans séduire
l’industrie. Une déclinaison adaptée
à la CAO – le CDF (CAF Distillation
Format) – est en développement.
> le format universal 3d (u3d),
développé par un consortium mené
par Intel depuis 2004, a l’ambition
de devenir le Jpeg (format de
compression pour les images) de
la CAO. Il est en cours de certification
ISO mais reste encore trop lourd.
> le format xvl, développé au
Japon, fait un peu mieux en matière
de compression. Dassault Systèmes
l’a d’ailleurs choisi pour développer
son format 3DXML.
> en fait, il existe plusieurs
centaines de formats
de visualisation de fichiers 3D,
chaque éditeur proposant le sien.
d’utiliser directement les fichiers CAO
3D créés au bureau d’études pour les
scénariser en animations, exécutables
à la demande et assorties de commentaires techniques. Objectif : communiquer plus intuitivement avec des
non spécialistes, s’affranchir au maximum de la barrière des langues ou,
au minimum, abaisser les coûts de
traduction en réduisant l’importance
du texte.
Une dizaine d’éditeurs, souvent de
jeunes entreprises innovantes, proposent des solutions total es ou partielles
adaptées à la conception de ces notices
techniques embarquant des animations
3D interactives. En janvier 2006, l’éditeur américain Adobe, spécialiste de
la publication électronique, a fait une
incursion remarquée dans ce domaine
avec la sortie de son logiciel Acrobat
3D. Il rend possible la publication de
ces notices de nouvelle génération dans
son format de document électronique
quasi universel, le PDF.
Pourtant, ces solutions peinent encore
à convaincre, surtout en France, où la
plupart des projets sont au mieux en
phase pilote, le plus souvent à peine au
stade de l’étude. « Les projets n’entreront en production que d’ici à deux ou
trois ans », prévient Eric Piccuezzu, le
7 SEPTEMBRE 2006 | N° 3021 | L’USINE NOUVELLE
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ÉGALEMENT DANS CETTE PARTIE
batteries peinent à suivre
80|Les
les performances des portables
portail pour personnaliser
système d’entraînement
83|Unl’accès
extranet
84| Unlinéaire
à forte rigidité
2
3
D.R.
1
Un document interactif pour la maintenance d’un train d’atterrissage
1 Les plans sont
disponibles à l’écran,
plans généraux et/ou
plans de détail.
2 L’opérateur voit n’importe quelle partie
du train à sa convenance et sous n’importe
quel angle, comme s’il tournait autour.
président de l’éditeur français Seemage.
Les américains et les allemands, toujours plus prompts à adopter les nouvelles technologies, sont plus avancés.
Il est vrai que le choix d’une solution
n’est pas aisé, surtout en l’absence de
standards ou d’acteurs dominants ;
les grands éditeurs de CAO ne proposant pas encore d’offre intégrée, hormis
la possibilité de créer des vidéos montrant la cinématique d’un système ;
mais sans interactivité. Et de nouveaux
acteurs apparaissent sans cesse, chacun avec sa technologie et son format
propriétaire.
3 Il veut accéder au frein ?
Les séquences de démontage se succèdent
au rythme qu’il souhaite. Chaque pièce est
identifiée et visuellement accessible.
DES FICHIERS ENCORE
TROP LOURDS
Surtout, des obstacles techniques persistent. « Même si le haut débit démocratise l’accès à la 3D, le problème de
la taille des fichiers demeure », observe
Didier Lourme, consultant en CAO.
Pourtant des technologies permettent
des taux de compression allant jusqu’à
95 %. Mais cela reste un maximum.
« Et les postes utilisateurs des ateliers
sont bien moins puissants que ceux
utilisés dans les bureaux études »,
rappelle Benoît Vandangeon, gérant
L’USINE NOUVELLE | N° 3021 | 7 SEPTEMBRE 2006
de l’éditeur et distributeur
Westimages. Même Adobe
le reconnaît. Ses fichiers PDF
3D sont encore trop lourds.
« Les PDF ne sont, pour l’instant, adaptés qu’à la circulation
des fiches techniques simples,
pas aux manuels de maintenance de
plusieurs pages », observe Alberto
Franzetti, le président d’Antea, spécialiste de la documentation technique. Le
problème viendrait du format choisi par
Adobe, l’U3D, il y a deux ans. « Il n’y
avait pas beaucoup d’autres solutions
à l’époque », recon- Suite page 78 3
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TECHNOLOGIES & INNOVATIONS
D. R.
Même si de nouveaux outils
rendent la scénarisation
plus intuitive, leur adoption
sera affaire de formation
et d’évolution culturelle.
Pour toute opération,
l’opérateur peut
zoomer sur une
partie du train. Les
pièces à manipuler
se colorent, les
opérations à effectuer
sont visualisées.
3Suite de la page 77 naît Jimy Barnes,
chez Acrobat France. Pour faire mieux,
Adobe vient d’acquérir l’éditeur lyonnais TTF, qui dispose d’une technologie
de conversion de fichier plus performante. Mais elle ne sera incluse que
dans la prochaine version d’Acrobat
3D. Son module d’édition d’animation
pourrait, lui aussi, être amélioré, car il
requiert des connaissances en programmation Java à certains stades de la scénarisation des animations. Une chance
pour le petit éditeur français VB2S, qui
propose un outil plus intuitif pour
créer des scènes 3D à partir de la CAO,
publiables en ligne ou dans un PDF.
Le problème de la taille de fichier
résolu, il faut aussi s’assurer que les
utilisateurs finaux pourront consulter
sans problème les notices. La visualisation de fichiers passe en effet toujours
par l’utilisation d’un plug-in spécifique. Celui des PDF (Acrobat Reader)
présente l’avantage d’être déjà largement installé sur les PC, ce qui permet
d’assurer la diffusion de fichiers 3D
auprès d’utilisateurs dont on ne maîtrise pas le poste de travail.
Dans le même esprit, il est possible d’inclure des animations 3D dans
des documents bureautiques, comme
les diapositives PowerPoint ou des
documents Word. Mais les multiples
versions disponibles et le poids du
fichier rendent cette voie trop hasardeuse. Microsoft multiplie néanmoins les partenariats pour proposer
des solutions plus légères. Une dernière option consiste à programmer
les animations entièrement en Java,
un langage interprétable par tous les
PC et très léger. « Mais le rendu visuel
n’est pas bon », tranche Hervé Heully,
créateur de l’agence de communication
3D News3S.
LA MISE À JOUR AUTOMATIQUE
RESTE DIFFICILE
L’autre point faible des notices techniques interactives 3D réside dans leur
mise à jour en cas de modification du
fichier CAO d’origine. Si le problème se
pose peu pour les manuels d’utilisation
des produits finis, il apparaît très vite
dans le cas des documents techniques
de montage-démontage.
Les éditeurs précurseurs, comme
le japonais Lattice3D ou l’irlandais
Parallel Graphics, proposent, au choix,
de connecter leur éditeur de scénario
soit directement aux logiciels de CAO,
soit à un gestionnaire de données techniques (PDM) ou à un serveur intermédiaire propre à la documentation
technique. Mais, dans tous les cas, la
scénarisation demande une intervention humaine.
Un dernier facteur doit être pris en
considération : la publication 3D interactive fait appel à des compétences
aujourd’hui absentes dans l’industrie. « Nous allons vers des métiers où
les rédacteurs techniques vont devenir autonomes en terme de production
d’images », prévient Pierre Calviera,
spécialiste de la documentation technique chez Sedoc. Cette mutation ne
s’improvise pas, même si de nouveaux
outils rendent plus intuitive la scénarisation. L’adoption de ces technologies
est donc aussi affaire de formation et
de culture. « La 3D n’est encore utilisée qu’au sein des bureaux d’études »,
regrette Pierre Calviera. Le manque
d’expérience rend difficile l’évaluation du retour sur investissement de
l’usage de la 3D hors de la conception.
De surcroît, « les notices interactives ne
sont pas adaptées à tous les contextes
et leur usage a un gros impact sur les
processus métier », remarque Alerto
Franzetti, d’Antea. D’autant que souvent, « l’application ne se résume pas à
un petit projet. Le passage à des notices
techniques 3D interactives peut concerner des milliers d’utilisateurs finaux.
Les entreprises prennent donc leur
temps », explique Eric Piccuezzu, de
Seemage.
C’est la formation, qui tire le meilleur
profit de la réutilisation des fichiers CAO,
comme chez EdF, pour l’entraînement à
la maintenance dans des zones à risques.
Une frilosité due aussi aux interfaces.
Le PC n’est pas forcément le meilleur
outil, surtout en situation de mobilité.
Des développements sont donc en cours
pour rendre accessibles les documents
3D depuis un PDA. Un cran plus loin,
c’est la réalité augmentée qui pointe
son nez. Un acteur de la documentation technique, 4Dconcept présente déjà
un prototype d’une solution libérant les
mains des techniciens grâce à des lunettes superposant à la vision des informations techniques contextuelles et ciblées.
Un prototype seulement. .
LES REPÈRES DE L’USINE NOUVELLE
A RETENIR
> Il n’existe pas de format 3D unique
adapté à la documentation technique.
Chaque éditeur mise sur des formats
propriétaires ou sur les standards existants
imparfaits.
> La lecture d’un fichier 3D
nécessite toujours un plug-in, même si dans
certains cas il est déjà installé sur le PC.
SUR LE NET
> La mise à jour automatique pour
suivre les modifications n’est pas encore assurée.
> De nouvelles compétences sont à
acquérir en interne pour produire ces documents.
> La propriété industrielle est
peu menacée, car les données
confidentielles disparaissent lors de la production
des animations.
http://www.usinenouvelle.com
Complétez vos informations
sur notre site :
Les portails : CAO.fr, 3d-test
Les formats existants : U3D, X3D…
> Les analyses des cabinets
américains spécialisés
> Les éditeurs spécialisés
>
>
7 SEPTEMBRE 2006 | N° 3021 | L’USINE NOUVELLE

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