Quand la vie devient chère pour les plus pauvres: une coiffeuse

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Quand la vie devient chère pour les plus pauvres: une coiffeuse
Quand la vie devient chère pour les plus pauvres: une coifeuse raconte.
S’il faut crier, pleurer, se traîner à terre, manifester, il va falloir le faire. Car il faut que la situaton
Change. C’est devenu invivable. Germaine Yé/ Diarra.
Germaine Yé née Diarra a 44 ans et mère de quatre garçons. Veuve depuis 13 ans, elle habite le
quarter Kouritenga de Ouagadougou. Douée pour la coifure depuis son jeune âge, elle en a fait son
méter.
Il y a encore quelques années, même après la mort de son mari elle arrivait encore à stocker les
denrées de première nécessité comme le mil et le maïs. Elle pouvait se permetre de préparer trois
fois par jour.
Aujourd’hui, elle n’arrive plus à stocker, ne serait-ce qu’un sac. Elle est obligée de se ravitailler au
jour le jour. Chez elle, plus queston de pett déjeuner le matn. Le menu varie invariablement entre
le tô et le riz, malgré les plaintes des enfants. Elle a simplement supprimé la préparaton de la bouillie
qu’elle préparait pour le pett déjeunes; le mil et le gaz coûte trop cher et le sucre n’en parlons pas.
Heureusement, qu’elle n’a plus d’enfant en bas âge, car elle ne sait pas comment elle aurait fait.
C’est sûr, elle n’aurait pas pu lui donner du lait. Comme elle dit avec le sourire qui ne la quite jamais,
il aurait été un vrai bébé burkinabè, nourrit exclusivement à la bouillie.
Avec la vie chère, le matn, elle se fait un devoir de donner 100FCFA à chaque enfant pour qu’il
puisse s’acheter son pett déjeuner à l’école. Ensuite, Germaine prépare le seul repas du jour très tôt
le matn. Inutle de dire, que les condiments sont gérés avec parcimonie. Juste le stricte nécessaire.
AU marché, elle a l’impression que les commerçants se donnent le mot pour pratquer les mêmes
prix. Impossible de négocier à la baisse comme avant. Heureusement qu’il y a encore du poisson sec
car le poisson frais ou la viande ne font plus parte de leur alimentaton quotdienne depuis
longtemps.
Après la queston de l’alimentaton, Germaine ressent l’efet de la vie cher au niveau de a scolarité.
Cete année, pour la première fois, elle n’a pas pu inscrire l’un des 4 garçons. Cete situaton lui fend
le cœur, mais que faire? C’est vrai que l’esprit de solidarité dans son quarter existe toujours. Elle l’a
remarqué récemment lorsque son dernier garçon est tombé gravement malade et que les médecins
lui ont prescrit plusieurs examens médicaux à faire. Pendant tout le temps que son enfant est resté
alité, elle a reçu la visite des voisins et a sent qu’elle n’était pas seule et que sa soufrance ne laissait
pas indiférents ses voisins. Mais elle savait aussi que ces derniers n’étaient guère mieux lots qu’elle.
Qu’importe, ce geste d’humanité des voisins qui venaient tous les jours s’enquérir de l’état de santé
de son fls, l’a beaucoup touchée et encouragé. Dans ses moments, c’est encore plus dur lorsqu’on
est une veuve comme elle.
Chez elle, elle n’a pas d’aide-ménagère car elle ne pourrait pas la payer. Avec la geston des tâches
ménagères Germaine arrive à son atelier à 9h ou même après parfois. C’est un kiosque en fer, qu’elle
a pu faire fabriquer après une année d’économie rigoureuse, grâce à la tontne à laquelle elle
partcipe. Aujourd’hui, sans la tontne, elle ne s’en sortrait pas. Avant elle faisait la tontne pour
s’acheter des petts cadeaux en fn d’année. Germaine a toujours été ne femme coquete, qui aime
prendre soin d’elle. Cete époque est bien révolue.
Arriver à 9h au travail c’est tard et elle perd des clients. EN plus, pour ratraper ce retard dans le
démarrage elle doit rester à l’atelier jusqu’à la nuit. C’est à la lumière de son téléphone portable
qu’elle termine toujours les dernières coifures. Germaine préfère travailler seule pour ne pas avoir à
diviser ses gains. Elle sait qu’elle doit faire au minimum 3000FCFA par jour si elle veut s’en sortr.
C’est le montant qu’il lui faut pour faire manger sa maisonnée et pour le carburant.
Si dans le passé elle pouvait se permetre de temps en temps une bière pour décompresser,
aujourd’hui cela n’est plus possible. Elle a dû renoncer à tous ses loisirs et à son plaisir car tout ce
qu’elle gagne passe dans la survie quotdienne. En efet, elle ne peut pas se permetre d’augmenter
les tarifs de la coifure dans ce contexte où tous les autres prix fambent.
Pour Germaine, se coifer n’est pas une obligaton, et si cela coûte trop cher ses clientes ne viendront
plus. Déjà, elle remarque que les mèches et autres petts accessoires de coifure qu’elle vend dans
son atelier ne s’achètent plus bien. C’est pourquoi maintenir des prix accessibles est la conditon
pour que son actvité ne meurt pas. Mais cela l’oblige à coifer de plus en plus vite et de plus en tard
pour s’en sortr. Las de cete vie, un jour, Germaine a partcipé à une manifestaton contre la vie
chère. Elle était sorte pour tout autre chose, lorsqu’elle a croisé la manifestaton et a décidé d s’y
joindre pour crier sa colère, son ras le bol. Mais au fur et à mesure que la marche avançait, la foule
grossissait; étant à mobylete, elle a décidé de faire rebrousser chemin pas peur que ça ne dégénère.
Germaine a peur pour l’avenir. Parfois elle regrete de n’avoir pas eu de flles. Peut-être que les
premières seraient déjà mariées et ne seraient plus à sa charge. Mais lorsqu’elle voit ses garçons
grandir, elle est fère et émue. Les mots lui manquent pour exprimer la force que lui donnent ses
enfants, juste par leur seule présence. Ses enfants lui donnent l’énergie pour contnuer à se batre et
à prier pour qu’ils réussissent, pour qu’ils aient une vie moins pénible que la sienne et qu’ils puissent
un jour à leur tour s’occuper d’elle. Germaine est une femme batante, comme la plupart des
femmes du Burkina Faso. Tant qu’elle est en bonne santé elle se lèvera tôt pour aller travailler et
gagner honnêtement sa vie. Mais pour Germaine, il faut que l’Etat joue son rôle. Elle trouve que ce
n’est pas juste que les plus pauvres soient obligés de payer de plus en cher le coût de la vie. Elle ne
sait pas comment faire entendre leurs cris aux dirigeants du pays. Mais s’il faut crier, pleurer, se
traîner à terre manifester, il va falloir le faire. Car il faut que la situaton Change. C’est devenu
invivable.
Dimanche 29 novembre 2015 (interview – réacton Yennenga Kompaoré pour Solidar)

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