Discours de rentrée académique 2013

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Discours de rentrée académique 2013
Discours de rentrée académique 2013-2014 de l’Université de Mons
Le 4 octobre 2013
Calogero Conti, recteur de l’UMONS
Permettez-moi tout d’abord de saluer chacune et chacun
d’entre vous en vos titres et qualités. Par votre présence
aujourd’hui, vous marquez la considération et l’intérêt que
vous portez à notre institution. Au nom de l’UMONS, je
vous en remercie.
La rentrée académique est l’un des événements marquants
qui rythment la vie de l’université. Je suis particulièrement
heureux de pouvoir le partager avec vous, d’autant qu’elle
nous donne l’occasion de jeter un regard sur le chemin
parcouru et de préciser les défis auxquels notre
communauté universitaire est confrontée.
L’Université de Mons existe dans ses nouvelles structures
depuis un peu moins de 5 ans. Ecole d’interprètes
internationaux, Faculté polytechnique, Institut supérieur
d’Architecture et Université de Mons-Hainaut formaient il y
a à peine quelques années, une mosaïque d’institutions
indépendantes. Aujourd’hui, l’ensemble s’articule au sein
de la nouvelle Université de Mons, autour de 7 facultés et
de 2 écoles.
dont 600 sur son site de Charleroi, tout en disposant
d’environ 40% des habilitations organisées en Communauté
française. Cette progression nous conforte dans l’idée que
l’UMONS répond à un besoin régional et arrive par son
action à convaincre davantage d’étudiants de la province à
entamer des études universitaires.
Une structure de gouvernance participative s’est installée,
bien adaptée aux diverses nouvelles composantes formant
l’Université.
La rupture avec les anciennes organisations s’est plutôt
muée en opportunité dans la mesure où le changement n’a
pas été vécu passivement et comme un facteur
insécurisant, mais au contraire comme une occasion de
créer et d’innover.
Les procédures de promotion du personnel ont été
harmonisées et rendues plus transparentes, des démarches
qualité ont été appliquées aux processus, tant académiques
qu’administratifs.
Pour mieux exploiter le caractère
interfacultaire de la nouvelle université, la recherche a été
structurée sur la base de la création de 10 Instituts de
recherche. Axés sur nos principaux domaines d’excellence,
ces Instituts multidisciplinaires s’avèrent être des portes
d’entrée privilégiées tant pour l’ancrage régional que pour
le rayonnement international.
Vous donner des exemples exhaustifs de nos activités et de
l’esprit UMONS risquerait de vous paraître fastidieux dans
une cérémonie comme celle-ci. C’est la raison pour laquelle
nous avons choisi de vous les illustrer au travers de deux
petits films réalisés par nos services.
L’un d’eux sera diffusé dans quelques minutes juste avant la
prise de parole des représentants étudiants. Il illustrera
l’esprit UMONS au travers du regard et des attitudes de
quelques-uns de nos étudiants. Je vous signale d’ailleurs
que l’animation musicale de cette cérémonie repose sur les
épaules d’un de nos étudiants. Qu’il en soit ici d’ores et
déjà remercié.
L’autre film que je vous propose de regarder ensemble vous
montrera quelques-uns des « petits et grands »
évènements qui ont fait notre quotidien durant l’année
écoulée.
Bilan après 4 années d’existence de l’UMONS
Alors serait-on tenté de dire, après ces quelques années de
vie commune, quelles sont les nouvelles ?
Permettez-moi de reprendre une citation du regretté
recteur Bernard Lux lorsqu’en 2008, lors de la rentrée
académique de l’Université de Mons-Hainaut, il évoquait la
création imminente de l’Université de Mons à laquelle il
avait œuvré avec enthousiasme et efficacité. Je le cite : « La
création de l’Université de Mons sera un stimulant de la
croissance. Il s’agira de trouver des solutions originales à
des problèmes nés de la situation de rupture avec
l’ancienne organisation, les deux institutions étant
désormais réunies en un seul ensemble. Il faudra inventer
un nouveau style, créer une identité commune et dépasser
les intérêts particuliers et partisans ».
Bernard nous a malheureusement quittés juste avant le
démarrage de l’UMONS. Qu’aurait-il constaté s’il avait pu
nous accompagner dans cette aventure ?
Tout d’abord, que l’ensemble de la communauté
universitaire a rapidement fait preuve de cohésion. Un
esprit UMONS s’est rapidement installé. Tout en gardant la
visibilité et la spécificité de ses composantes les plus
anciennes et historiques, l’Université a pu compter sur
l’adhésion de ses diverses composantes à la consolidation
de sa véritable identité. Elle entend contribuer à la
démocratisation de l’enseignement dans une province qui
en a bien besoin, elle veut proposer des formations de
qualité s’appuyant sur une recherche d’excellence, elle
souhaite mettre son potentiel scientifique au service du
développement de sa région, elle veut accentuer
l’internationalisation de ses activités.
En termes de croissance, les nouvelles sont plutôt bonnes.
Depuis la création de l’UMONS, les inscriptions en première
bachelier sont en hausse continue avec un taux de
progression moyen de l’ordre de 5% annuellement.
L’UMONS atteint aujourd’hui le chiffre de 6700 étudiants,
Perspectives de l’institution
L’année qui vient sera particulièrement animée à bien des
égards : les élections, régionales mais surtout fédérales
auront une portée dont nous mesurons déjà tous
l’importance. Elle sera aussi déterminante pour notre
institution. En effet, cette année marque la fin de la période
transitoire 2009-2014 définie dans le décret du 25
novembre 2008 marquant la création de l’UMONS. C’est
un changement de taille : jusqu’à présent, il s’était surtout
agi de tirer parti de l’élan et des passés des différentes
composantes de notre nouvelle Université au service de la
construction de l’UMONS. Il s’agira dorénavant de
conjuguer les futurs de chacune de ces composantes en un
avenir commun, défini de façon concertée.
1
Dans ce contexte, un plan pluriannuel 2014-2020 en cours
de discussion depuis un an, arrive actuellement dans sa
phase finale. Cet exercice, le premier véritablement opéré
en commun, aurait pu s’avérer périlleux, mais il n’en a rien
été. Même s’il reste encore quelques étapes à franchir
avant son adoption définitive par le Conseil
d’administration, on peut d’ores et déjà annoncer que
chacun aura raisonnablement dépassé ce que Bernard
appelait les intérêts particuliers et partisans. Je remercie ici
les Doyens des Facultés et Ecoles qui s’avèrent des
collaborateurs constructifs et actifs assumant avec ardeur
la difficile tâche qui est la leur.
Des moyens seront affectés pour mener à bien différents
projets présentés par nos Facultés.
Ce plan consacre aussi le fait que notre institution est
disponible pour consolider l’offre d’enseignement
universitaire dans le Hainaut. Le grand public ne le sait pas
et peut-être dans cette assistance, certains n’en sont pas
conscients, mais l’octroi d’habilitations ne peut se faire que
par voie décrétale. La décision d’ouvrir certaines formations
ne dépend pas de nous, même si nous disposons du
potentiel scientifique et de la volonté pour le faire. Notre
position en la matière n’a pas changé : relever le taux
spécifique d’accès aux études universitaires de la
population du Hainaut et le ramener à la moyenne de la
Communauté française nous apparaît une nécessité.
Participer à la consolidation de l’offre de formation
universitaire dans le Hainaut reste pour l’Université de
Mons un souhait légitime, surtout lorsqu’il s’agit
d’habilitations raisonnables, en phase avec le potentiel
scientifique de notre institution et répondant à un besoin
régional.
L’expression de ce besoin sous-entend bien évidemment
une implication forte des pouvoirs locaux de la province, le
Hainaut étant la zone naturelle d’activités dans laquelle
l’UMONS s’est toujours impliquée, en particulier dans les
villes hainuyères dans lesquelles se situent nos
implantations, à savoir Mons et Charleroi.
Une fois de plus, il me semble utile de répéter que nous
défendrons avec force le principe selon lequel la possibilité
doit être donnée aux opérateurs locaux de participer à
toute nouvelle habilitation développée dans leur région s’ils
le souhaitent et s’ils disposent de l’assise pour pouvoir le
faire. C’est un droit légitime pour une université de
participer au développement de l’offre de formation dans
sa région. C’est un droit auquel nous tenons fermement,
d’autant que la participation des opérateurs locaux
présente l’avantage de limiter les concurrences les plus
inutiles et contreproductives, à savoir les concurrences
locales.
D’autre part, nous enregistrons une croissance notable tant
de notre nombre d’étudiants que de notre personnel. Il faut
savoir que près de 1300 personnes sont sur le payroll de
notre institution, l’UMONS constituant le plus grand
employeur de la région de Mons après ses hôpitaux.
En voici quelques exemples :
D’abord, l’amélioration des infrastructures à destination
des étudiants, avec la construction de deux auditoires à
l’endroit de l’ancienne piscine du campus de la Plaine, la
finalisation de notre salle omnisport, la construction d’une
maison de l’étudiant sur le campus de la Plaine et la
création d’une bibliothèque des sciences humaines, dans le
cloître de la Chapelle des Visitandines à la Place du Parc.
Ce cloître sera couvert et constituera le cœur de la
bibliothèque, un cœur qui sera en contact direct avec les
galeries du cloître, ce qui donnera, vous en conviendrez un
écrin assez exceptionnel pour cette future bibliothèque.
L’amélioration des infrastructures profitera également au
personnel, avec un nouveau bâtiment sur le campus de la
Plaine, destiné à héberger une crèche, des bureaux et des
salles de cours à l’intention de plusieurs Facultés.
Un autre projet en cours est quant à lui destiné au grand
public. L’ancienne Chapelle des Visitandines sera
transformée en un espace destiné à héberger les activités
culturelles que l’UMONS entend organiser à l’intention du
grand public.
Cet espace muséal trouvera d’ailleurs une utilisation bien
adaptée en 2015 puisqu’il abritera une des activités que
l’Université de Mons prépare dans le cadre de Mons 2015,
à savoir le Théâtre des Savoirs. Je vous la décris en primeur
parce que je crois qu’elle vaudra vraiment la peine d’être
visitée : il s’agira d’une exposition sur l’électromagnétisme,
qui exploitera deux sources assez exceptionnelles : d’une
part, les fonds anciens de notre Bibliothèque centrale avec
des manuscrits sur le sujet datant de plusieurs siècles, et
d’autre part, la collection des instruments anciens qui a été
patiemment constituée durant ces 150 dernières années
par des enseignants du secondaire. Ce Théâtre des Savoirs
fait partie de l’une des 22 activités qui seront programmées
par notre institution au départ d’initiatives émanant de
toutes les catégories de notre personnel, l’UMONS
entendant bien évidemment participer au succès de cet
évènement exceptionnel pour notre Ville et sa région.
Mise en place du (probable) décret « Paysage » du
Ministre Marcourt
L’année qui vient sera aussi celle de la mise en place du
décret de restructuration du paysage de l’enseignement
supérieur du Ministre Marcourt.
Après plusieurs années de gestation, il devrait
vraisemblablement être voté au Parlement dans les
prochaines semaines. Il me semble utile de vous en
résumer trois de ses principales implications.
Pour la première fois, la restructuration de l’enseignement
supérieur y a été envisagée dans sa globalité, en impliquant
tous les acteurs, universités, hautes écoles et institutions de
l’enseignement artistique et de promotion sociale, tous
réseaux confondus.
Le décret prévoit la mise en place de deux niveaux de
structures collaboratives, chacun d’entre eux étant adapté
aux missions qui lui seront confiées. Au sein de ces
structures, chaque institution conserve son indépendance
et son identité.
Le premier dispositif est constitué d’une Académie unique,
à savoir l’Académie de Recherche et d’Enseignement
Supérieur. Il s’agit d’une structure confédérale au sein de
laquelle chacune des institutions peut coopérer avec ses
Investissements immobiliers
Dans ce contexte, un plan visant à la restauration et à la
construction de nouvelles infrastructures a été prévu et
devrait conduire, après son adoption par le Conseil
d’administration, à un investissement de l’ordre de 20
millions d’euros, étalé sur les six prochaines années.
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partenaires dans différentes matières, et plus spécialement
celles touchant à des missions à large échelle, telles que la
recherche et les relations internationales. La création de
cette Académie unique a pour corollaire l’abandon de
l’actuel système des Académies universitaires. Elle se
démarque de la logique des traditionnels piliers et des
regroupements par réseaux.
Le second dispositif prévoit la mise en place de 5 pôles
définis sur une base géographique, à savoir le Pôle de LiègeLuxembourg, le Pôle Louvain, le Pôle de Bruxelles, le Pôle
de Namur ainsi que le Pôle hainuyer. L’action de ces pôles
concernera plutôt des missions de proximité en relation
avec les étudiants du territoire considéré. Se retrouvent au
sein de ces pôles, toutes les institutions du territoire qui y
délivrent des diplômes du supérieur.
Concrètement, le pôle hainuyer que j’appellerai ici le pôle
hainuyer décrétal concernera trois universités (l’UMONS,
l’UCL et l’ULB), 3 hautes écoles (la Haute Ecole provinciale
de Hainaut-Condorcet, la HE Louvain en Hainaut et la HE de
la Communauté française en Hainaut),
trois écoles
supérieures des Arts (Arts au carré à Mons, l’Ecole
supérieure des Arts, Instituts Saint-Luc à Tournai,
l’Académie des Beaux Arts de la Ville de Tournai) ainsi
qu’une quarantaine d’écoles de promotion sociale.
L’UMONS assurera la coprésidence de cette nouvelle entité
en compagnie du directeur d’une des hautes écoles qui en
sont membres.
Au sein de l’UMONS, ce n’est pas nouveau, durant toute la
phase de gestation de ce décret, nous avons toujours
soutenu la logique de l’évolution structurelle proposée par
le Ministre.
Toutefois, le décret final résulte d’un compromis. Il est clair
que ne vouloir retenir dans celui-ci que des aspects positifs
serait peut-être faire preuve d’un optimisme béat ; ne
prétendre y déceler que des atteintes relèverait
certainement de la mauvaise foi d’un pessimiste obstiné.
L’avenir nous dira quel sera le véritable intérêt de ces
nouvelles structures, ce qui au final dépendra de ce que les
institutions partenaires en feront.
Ainsi, en ce qui concerne l’ARES, le scénario du pire, c’est
celui d’une nouvelle structure lourde, consommatrice en
temps et peu efficace suite à la méfiance d’acteurs y voyant
surtout le risque d’atteintes à leur autonomie.
Le meilleur scénario, c’est celui d’une structure ouverte,
attentive aux besoins des régions, des étudiants et des
institutions, au sein de laquelle les clivages institutionnels,
philosophiques et par type d’enseignement ne
constitueront pas l’élément décisionnel déterminant
En ce qui concerne les pôles, le scénario du pire, c’est celui
d’une structure où ils s’assimileraient à des clubs de
rencontre considérés comme une contrainte inutile. Il ne
faut à cet égard pas oublier que certains des acteurs
concernés ont plaidé et partiellement obtenu que les
prérogatives décrétales des pôles soient minimisées.
La situation en Hainaut est plus complexe qu’ailleurs. Il y a
d’une part, le Pôle hainuyer décrétal que je viens d’évoquer
et qui démarrera en principe en 2014. Mais nous
présentons également la particularité de déjà disposer
d’une asbl Pôle hainuyer créée en 2009 et dont l’évolution
devra être envisagée dans le nouveau contexte du décret.
Cette asbl réunit depuis plusieurs années, l’UMONS ainsi
que les Hautes Ecoles et Ecoles Supérieures des Arts des
réseaux provinciaux et de la Communauté française, la
limitation à ces réseaux n’étant pas la volonté du Pôle qui a,
à plusieurs reprises, annoncé sa volonté de pluralisme. Bon
nombre de projets y sont actuellement menés dans divers
domaines touchant les étudiants, la recherche ou
l’organisation des études. Je profite d’ailleurs de cette
rentrée pour remercier les responsables de ces institutions,
et je sais qu’ils sont tous dans la salle, car nous avons pu
dans ce contexte, nouer ou développer des relations
franches et confiantes entre nous.
Je serais tenté de dire que le scénario du mieux pour le
nouveau pôle hainuyer
décrétal, c’est qu’avec les
nouveaux acteurs, il y règne le même état d’esprit
constructif et innovant pour le bien de notre province.
Un troisième point de ce décret modifiera le quotidien de
nos étudiants. Il concerne le passage progressif d’une
logique d’année académique vers une logique
d’accumulation de crédits au sein respectivement du
premier et du deuxième cycle. L’étudiant pourra y
accumuler les crédits à son rythme.
C’est une transformation ambitieuse et probablement
inéluctable dans la mesure où elle s’intègre dans la logique
du processus de Bologne.
Elle peut cependant présenter certains risques qu’il s’agira
de maîtriser. D’une part, il y a le danger d’allongement de la
durée effective des études, ce qui est un phénomène avéré
dans les pays européen ayant adopté ce système. D’autre
part, il sera nécessaire d’assurer la cohérence du
programme personnalisé choisi par les étudiants, ce qui
nécessitera de repenser en profondeur la structure des
études.
Pour ces raisons et pour se donner un maximum de chances
de bien négocier cette révolution qui, il faut bien le dire,
s’assimile à une révolution copernicienne en termes
d’organisation, il apparaîtrait plus raisonnable de ne
l’appliquer qu’à la rentrée 2015. Nous ne sommes d’ailleurs
pas les seuls à le penser, toutes les universités sont
unanimes sur ce point et en ont fait la demande au Ministre
Marcourt.
Loi de financement
La disparition du concept d’année d’études a également
d’autres effets collatéraux : la notion d’étudiants doubleurs
ou tripleurs y disparaît aussi de facto. Comme les étudiants
tripleurs sont des étudiants non finançables, le fait de ne
plus pouvoir les identifier requiert une adaptation des
règles actuelles de financement.
Un point fait l’unanimité parmi les recteurs : il faut prévoir
un refinancement de l’enseignement supérieur et sortir,
même si les temps sont durs, du principe de l’enveloppe
fermée.
Ces dernières années, le maintien d’une enveloppe fermée
cumulée à l’augmentation du nombre d’étudiants a conduit
à une chute sensible de l’allocation par étudiant. Les trois
graphiques projetés simultanément sont plus qu’explicites :
on y voit l’évolution de l’enveloppe globale,
puis la
croissance du nombre d’étudiants passés de 60.000 en
1999 à près de 77.000 en 2010, ce qui conduit à un
financement par étudiant passant le 8500 euros en 1999 à
7400 euros en 2010.
En revanche, je ne suis pas sûr que chaque université ait
même vision de l’ampleur de la réforme à réaliser quant à
la loi de financement.
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Actuellement, la logique du financement des institutions
est basée sur un principe de proportionnalité par rapport
au nombre d’étudiants à encadrer. C’est un peu plus
compliqué que cela dans la mesure où ce nombre
d’étudiants est pondéré selon la filière. La dotation d’une
université est divisée en une partie fixe représentant 25%
de celle-ci, les 75% restant étant proportionnels aux
nombres d’étudiants pondérés des quatre années
précédentes.
Ce mode de financement présente l’avantage de placer
l’étudiant au centre des préoccupations d’une université
tout en permettant à celle-ci de consacrer une partie de ses
moyens pour financer une recherche fondamentale et libre,
ce qui répond bien au modèle de Humboldt dont se
revendiquent toutes les universités de la Communauté
française.
Pour la modification de la loi de financement, le meilleur
scénario nous semble être une adaptation de ces règles en
n’en changeant pas la logique, afin de s’adapter à la
nouvelle structure de l’enseignement supérieur.
Ce qui nous apparaîtrait être le scénario du pire, c’est une
révision en profondeur de la loi de financement de façon
concomitante avec la mise en place d’une structure censée
rapprocher les différents acteurs de l’enseignement
supérieur. On voit poindre ci et là le souhait de tenir
compte du nombre de diplômés plutôt que du nombre
d’étudiants, avec la dérive que cela peut induire d’intégrer
le taux de réussite de façon aussi directe dans le mode de
financement. On entend aussi revendiquer l’intervention
d’indicateurs de recherche alors qu’ils sont mal définis et
déjà largement utilisés là où ils doivent l’être à savoir pour
la sélection de projets de recherche financés par la Région,
la Communauté ou l’Europe. On entend aussi parler de la
prise en compte du niveau socio-économique des étudiants
recrutés. Bref, un fameux chantier en perspective, dans
lequel en tout cas, il ne s’agirait le cas échéant de le faire
qu’après avoir clairement évalué les limites du modèle
actuel.
Vous l’aurez compris, les relations entre universités sont
des relations particulières faites d’un mélange de
collaboration et de concurrence.
Permettez-moi en guise de clin d’œil de l’illustrer par une
petite histoire adaptée pour la circonstance puisque les
deux personnages centraux y sont deux recteurs. Je prie
celles et ceux qui l’ont déjà entendue probablement sous
une autre forme de m’en excuser. Il s’agit évidemment
d’une fiction, mais je crois qu’elle est bien représentative
de cette dualité collaboration-concurrence surtout quand
l’environnement devient plus difficile.
Deux recteurs se trouvent dans un parc naturel américain
pour un trek en autonomie totale. Ils s’entraident et font
leur chemin ensemble. Tout va bien, mais au bout du
troisième jour, après une longue marche, ils se retrouvent
face à une petite colline à escalader. Ils progressent,
s’aidant mutuellement, mais arrivés au sommet, ils se
retrouvent nez à nez avec un ours brun visiblement très
agressif. Face à ce danger, ils ont des réactions très
différentes. Le premier recteur est paniqué et reste figé sur
place pendant que l’autre ouvre son sac à dos et chausse
ses chaussures de sport. Le premier recteur dit à l’autre:
«Tu ne crois quand même pas que tu vas courir plus vite
que l’ours ?!» «Non, répond le second recteur, mais je vais
courir plus vite que toi !»
Le besoin d’innover
Quelles que soient les structures dans lesquelles elles
seront amenées à évoluer demain, les défis auxquels les
universités sont confrontées sont multiples. Dans le cadre
de cette rentrée, je me permettrai d’en évoquer un qui
s’avère crucial pour le redressement économique de nos
régions, à savoir le besoin d’une stratégie tournée vers
l'innovation.
« Il est plus facile de sortir de Polytechnique que de sortir
de l’ordinaire ». Vous connaissez peut-être déjà cette
citation due au Général de Gaulle avec le style provocant
qui le caractérisait. Je ne suis pas sûr de l’utiliser dans le
même contexte que lui, mais disons que cela m’arrange de
la commenter à ma façon, dans une de ses interprétations
possibles, à savoir: « il est plus facile d’être diplômé
ingénieur, ou de façon plus générale de décrocher un
diplôme prestigieux, que d’avoir des idées nouvelles et
innovantes ».
Et effectivement, l’innovation ne se décrète pas. Voir ce
que chacun voit, connaître ce que chacun connaît, mais en
déduire une voie originale susceptible d’être valorisée, cela
n’est pas simple, cela dépend d’une multitude de
paramètres et de bon nombre d’intervenants, sans un réel
modèle assurant le succès.
Notre région dispose d’un potentiel de recherche
performant, à travers ses universités, ses hautes écoles, ses
centres de recherche et ses entreprises. Pourtant, malgré
les efforts indiscutables réalisés ces dernières années par
les différents acteurs ainsi que par les pouvoirs publics, elle
peine à concrétiser cette excellence de la recherche sur le
plan de l’innovation, du moins à un niveau équivalent.
Quel
rôle
jouent
les
universités
dans
ce
processus d’innovation ?
Peut-être est-il utile de se débarrasser dès le départ, des
positions caricaturales qui viennent parfois perturber le
débat quant au rôle de l’université.
A un extrême, il y a ceux qui prônent une université
dédicacée à la recherche fondamentale et ayant pour
préoccupation de donner à ses diplômés une culture et une
formation de base leur permettant de s’adapter et
d’apprendre à apprendre.
A l’autre extrême, la vision plus utilitariste de l’université,
avec une recherche appliquée au service de ses bailleurs de
fonds et veillant strictement à l’employabilité de ses
diplômés.
Nous savons tous, mais peut-être est-il utile de le rappeler à
l’occasion d’une manifestation comme celle-ci, qu’aucun de
ces deux modèles n’a le monopole, que les missions de
l’université sont multiples et qu’elles nécessitent un dosage
équilibré entre formation générale et employabilité,
recherche fondamentale et recherche appliquée. La
recherche fondamentale a évidemment besoin d'être
préservée car elle est le socle à partir duquel se créent les
innovations de rupture.
L’université a évidemment un rôle majeur à jouer dans sa
mission de partenaire de l’innovation. Il faut toutefois se
garder de ramener l’innovation à la seule mesure du
nombre de brevets déposés ou de spinoffs créées. Il n’y a
pas que cela : il y a aussi les collaborations bilatérales avec
les partenaires du monde social, économique ou culturel et
qui tirent parti du potentiel scientifique de l’université pour
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améliorer leur compétitivité. Il y a aussi l’apport des
diplômés de l’université qui, au sein de l’entreprise,
peuvent y apporter leurs compétences et y être sources
d’innovation.
Permettez-moi de vous illustrer mon propos au sein de
l’UMONS par trois success story emblématiques illustrant la
participation de l’université à des développements de haute
technologie au sein d’entreprises de notre province.
Exemple de spinoff emblématique: la société Acapela.
Créée au départ de Babel Technology, elle est aujourd’hui
une référence en termes de reconnaissance et de synthèse
vocales, avec des niches très spécifiques telles que par
exemple l’utilisation de la synthèse vocale visant à faciliter
l’utilisation d’outils informatiques par des mal voyants.
Exemple emblématique d’entreprise s’appuyant sur des
diplômés de l’UMONS : i-Movix : spécialiste mondial des
caméras « haute vitesse », permettant de réaliser des
ralentis à très haute définition. Vous avez probablement
déjà dû voir ce type de ralenti sans en connaître l’origine,
durant les derniers jeux olympiques et vous en verrez
probablement lors de la prochaine Coupe du monde de
football. i-Movix n’est pas à proprement parler une spin off
de l’UMONS, mais actuellement, tous les ingénieurs d’iMovix sont des diplômés de notre Faculté polytechnique.
Exemple emblématique de l’exploitation du potentiel de
notre Université, un exemple très ponctuel et inattendu. Je
vous demanderais de porter votre attention sur cette
diapositive. Il s’agit des marches du célèbre Festival de
Cannes, avec à l’avant-plan l’un de ces couples d’acteurs
très médiatiques qui font les beaux jours de la presse
people. La question n’est pas de savoir sur lequel de ces
deux acteurs vous allez porter votre regard. En réalité, c’est
plutôt sur le tapis rouge de Cannes qu’il faut zoomer car il
s’agit d’un biopolymère, biodégradable et d’origine
végétale, mis au point dans nos laboratoires au départ
d’une collaboration entre notre Université, Materia Nova et
les sociétés Total et Galactic. Cette collaboration a conduit
à la création de la société Futerro qui produit ce type de
biopolymère.
En conclusion, les efforts réalisés ces dernières années tant
par les pouvoirs publics que par les entreprises ou les
universités pour soutenir l’innovation sont réels. Des
marges de progression existent sans nul doute, notamment
en matière de formation à la créativité, de doctorats en
prise avec la société, de détection et d’accompagnement
de projets innovants ou de structures fédératives de
recherche impliquant les différents acteurs.
Il y a toutefois un point indépendant de ces mesures
structurelles et qui peut constituer une entrave à
l’innovation. Il s’agit de la frilosité culturelle par rapport au
risque. Elle découle d’une certaine forme de conformisme,
de peur du changement, et probablement aussi de la
stigmatisation de l’échec, plus présente dans nos sociétés.
Un des enjeux sera de contribuer à créer une vraie culture
de l’innovation mais, il s’agit d’une tâche d’ampleur car elle
implique l’éducation et ce à toutes les périodes de la vie, la
formation ainsi que les médias.
A cet égard, permettez-moi de citer l’exemple de deux
jeunes diplômés de notre Université, sorti il y a à peine trois
ans, l’un est issu de la Faculté des Sciences, l’autre de la
Faculté polytechnique. Leur dernier projet en date s’intitule
Battlekart. Il s’agit de la création d’un circuit de karting en
réalité augmentée s’appuyant sur des innovations
technologiques étonnantes. Mis au point au fond d’un
garage, ils en sont aujourd’hui à la phase d’implantation et
à la recherche de bailleurs de fonds privés. Nul ne sait s’ils
les trouveront et si ce projet aboutira, mais ce que je peux
vous dire, c’est qu’ils débordent de créativité, avec ce petit
grain de folie qui vous fait troquer le relatif confort d’un
emploi stable dont ils disposaient pour tenter l’aventure de
la création d’entreprise et de l’innovation.
Accès à l’université
Le dernier point que je souhaiterais aborder avec vous dans
le cadre de cette rentrée concerne un sujet dont on parle
beaucoup actuellement, à savoir les conditions d’accès à
l’université.
Trois approches distinctes sont régulièrement évoquées à
ce sujet :
Soit le libre accès, c’est le cas actuellement dans toutes les
filières sauf en sciences appliquées et en médecine, l’accès
libre ayant pour inévitable conséquence, un taux d’échec
important en 1e bachelier.
Soit l’accès soumis à un test obligatoire et contraignant
(c’est le cas dans la filière ingénieur civil avec un examen
d’entrée systématiquement organisé depuis plusieurs
années) : ce type d’accès est régulièrement critiqué par
certains pour le risque d’élitisme injuste qu’il pourrait
incarner.
Soit un accès libre, mais précédé par un test obligatoire et
non contraignant permettant à l’étudiant de mieux se situer
(c’est le cas depuis cette année en médecine) avec le secret
espoir que confronté à ses propres résultats, l’étudiant
prendra conscience de ses lacunes et en tiendra compte.
A titre personnel, je ne crois pas aux vertus d’un test
obligatoire non contraignant. L’exemple du test organisé
cette année en médecine a montré que malgré les résultats
globaux plutôt médiocres obtenus à ces tests, les
inscriptions en médecine ont à peine été affectées par ce
test. Il m’apparaît dès lors assez illusoire de croire qu’un
jeune adulte changera son orientation sur la base d’un test,
qui plus est si vous me permettez l’expression, « ne compte
pas ». Je peux vous assurer que le syndrome du « quand je
m’y mettrai, cela ira mieux » est bien ancré chez nos jeunes
étudiants et qu’à lui tout seul, il est de nature à annihiler les
effets de tout test non contraignant, aussi pertinent soit-il.
Je plaiderai plutôt pour une quatrième voie pour l’accès à
l’université à savoir la voie d’un accès libre pour l’étudiant
qui dispose d’un niveau avancé dans certains cours ciblés
en fonction de la discipline qu’il choisit de suivre.
Notre
enseignement
secondaire
présente
deux
caractéristiques essentielles : il est plutôt inégalitaire et il
permet des parcours très diversifiés.
Le niveau socio-culturel de l’étudiant joue un rôle évident
dans la réussite. Cette diapositive illustre les résultats de
l’enquête PISA organisée il y a quelques années. On y
constate d’une part, la position assez moyenne de
l’enseignement en Communauté française, mais aussi la
terrible dispersion des résultats obtenus en fonction du
groupe d’étudiants, selon qu’ils soient socialement
favorisés ou défavorisés. L’écart entre ces deux groupes est
interpellant. Il varie entre 427 et 563 et est plus grand
encore que l’écart enregistré entre le pays le plus
performant et le pays moins performant, la Corée et le
Mexique en l’occurrence.
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D’autre part, n’importe quel choix d’études dans le
secondaire n’ouvre pas les mêmes perspectives de réussite
à l’université. Ce serait d’ailleurs une supercherie de le faire
croire. Cette diapositive illustre mon propos.
Elle est tirée d’une étude publiée il y a plus de 10 ans. Il y a
donc prescription et ne se veut donc pas une critique
explicite des filières existant actuellement. Elle montre de
façon évidente que le choix des célèbres filières d’antan
(latin grec, scientifique, latin math, etc., influençait de façon
notable, la probabilité de réussite en première année. La
probabilité de réussite en 1e année universitaire entre la
filière scientifique B et la filière latin math variait de 30% à
70%, ce qui vous en conviendrez est loin d’être un détail.
Dans un tel contexte, sur la base d’une concertation
structurée entre enseignements secondaire et supérieur, ne
conviendrait-il pas de définir quels sont les cours (définis en
terme de matière et de volume d’heures) associés à une
filière dans le supérieur et qui en cas d’évaluation
suffisamment positive, permettrait un accès libre à ces
filières. Cela reviendrait à dire que l’accès serait libre pour
autant que l’étudiant ait choisi les cours qu’il fallait et
atteint un niveau avancé (ce que les Anglo-Saxons appellent
la A level) pour la filière dans laquelle il s’inscrit.
Si, par contre, l’étudiant n’a pas fait ces choix de cours ou
n’a pas acquis ce niveau avancé dans le secondaire, un test
d’entrée contraignant ne trouverait-il pas sa pleine
justification ? Il permettrait en tout cas de donner une
deuxième chance à l’étudiant en lui donnant l’occasion de
prouver qu’il a comblé lui-même les prérequis nécessaires.
En cas d’échec, il s’agirait de l’aider à compenser ses
lacunes grâce à une année propédeutique dont le
programme est alors clairement défini.
Ce système présenterait l’avantage de forcer une
concertation structurée officielle et permanente entre
enseignements secondaire et universitaire.
Il donnerait aussi un cadre officiel et transparent et ce
suffisamment tôt, sur les implications de certains choix
réalisés en cours d’études secondaires. Nous savons tous
qu’une bonne orientation ne commence pas à 18 ans et
que le capital socio-culturel de la famille dans laquelle est
immergé l’étudiant y joue un rôle parfois déterminant.
Entre nous, nous pouvons certainement le reconnaître :
combien d’entre nous n’ont pas influencé ou essayé
d’influencer leurs tout jeunes enfants en début d’études
secondaires, pour choisir ce qu’il fallait de mathématiques,
de latin ou de français parce que nous en mesurions les
conséquences plus tard ? Tous les jeunes enfants n’ont
probablement pas aujourd’hui cette chance.
Et justement, pour terminer mon intervention, permettezmoi d’adresser la fin de mon intervention aux étudiants qui
viennent d’intégrer notre Université. Il faut qu’ils soient
conscients qu’entamer des études universitaires est un
privilège et que ce privilège, ils l’ont mérité parce qu’ils
disposent d’un potentiel qui leur a été transmis
patiemment par de dévoués enseignants, du fondamental
et du secondaire, qu’il s’agit de remercier.
Qu’ils sachent que ce potentiel ne fera pas tout. Et qu’il
faudra qu’ils assimilent assez rapidement ce que sera le
niveau d’exigence de leur nouvel environnement. Il faudra
qu’ils acquièrent sans tarder ce qu’il faut de méthode, de
capacité de synthèse et de travail pour maîtriser des
volumes de matières qui n’ont rien de commun avec ce
qu’ils ont connu jusqu’ici. Personne ne peut prévoir quel
sera leur sort dans quelques années, mais dans ce domaine
comme dans bien d’autres, lorsqu’on essaye de prévoir ses
chances de succès, il faut bien se dire qu’après tout, la
meilleure façon de prédire l’avenir, c’est en fin de compte
de le créer soi-même.
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