Testament Desbarres, commentaire

Transcription

Testament Desbarres, commentaire
Site Internet des Archives départementales de la Vendée, http://archives.vendee.fr/
Document commenté (mars 2005)
Le testament ordinaire d’une servante au Grand Siècle
Testament de Magdeleine Desbarres passé devant Maître Nicolas Benesteau, notaire à
Fontenay-le-Comte, 29 juin 1650
Les minutes notariales de Fontenay-le-Comte antérieures à 1700 sont en ligne sur le site des
Archives départementales de la Vendée (http://www.archinoe.net/cg85/minute.php).
L’acte présenté ici fait partie des minutes de l’année 1650 de Nicolas Benesteau (cote : 3 E 35 A,
vues : 230-231/529).
Commentaire
Au Moyen Âge et sous l’Ancien Régime, la « bonne mort » est celle que l’on attend, en
toute conscience, et que l’on prépare. Avant l’appel à un prêtre, venu recueillir une ultime
confession et administrer le sacrement de l’extrême onction, le malade en danger de mort fait
toujours venir un notaire, pour prendre des dispositions testamentaires. Mourir intestat est un
trouble que l’on cherche à éviter dans toutes les classes de la société.
Le texte présenté ici concerne Magdeleine Desbarres, servante de François Simon, sieur
de Chaillé et de Challezais, qui dicte son testament dans la maison de son maître, au faubourg
Saint-François de Fontenay-le-Comte. Elle est assez malade pour songer à mourir, et elle le
charge d’être son exécuteur testamentaire, en émettant le souhait de se faire enterrer dans l’église
des cordeliers de la ville.
Le testament est conservé dans le minutier de Nicolas Benesteau, notaire à Fontenay de
1642 à 1655. On y trouve les formules habituelles de ce type d’acte, sur l’universalité de la mort
et la nécessité de faire son testament, par exemple : « considérant qu’il n’y a rien sy certain que
la mort et sy incertain que l’heure d’icelle » (vue 1, l. 9-10). À la gravité de ces propos qui
donnent au texte une solennité religieuse, correspond l’invocation trinitaire systématique en tête
de tout testament : « Au nom du Père et du Fils et du Saint Esprit, ainsi soit-il. » Comme
d’habitude, d’autres clauses précisent le lieu de la sépulture, les cérémonies à accomplir dans
l’année qui suit le décès, ainsi que les legs pieux. La rédaction de l’acte ne se fait pas ici en
présence d’autre témoin que deux notaires.
La lecture d’un testament fournit des renseignements sur un individu, à interpréter dans le
contexte d’une période chronologique déterminée. D’humble condition, et ne sachant ni écrire ni
signer (vue 2, l. 38), la servante Magdeleine Desbarres dispose d’au moins 139 livres tournois
d’après le total des legs particuliers qu’elle définit. Sans être négligeable, cette somme compose
sans nul doute l’essentiel de ses biens, le fruit d’éventuelles économies et l’apport de son propre
héritage, à l’exclusion de toute propriété immobilière qu’elle n’aurait pas manqué d’attribuer à
quelqu’un. Or elle se désintéresse visiblement d’éventuels héritiers naturels, qui auront à faire
valoir leurs droits eux-mêmes (vue 2, l. 8-9), et à qui il ne restera vraisemblablement que des
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miettes, quelques hardes et peut-être même de petites dettes à faire valoir sur la valeur des menus
objets laissés par une servante. Magdeleine Desbarres paraît être célibataire. A ses liens de
famille, elle préfère son maître. Elle le choisit comme exécuteur testamentaire, témoignant ainsi
de sa confiance dans le chef de la famille qu’elle sert et avec qui elle réside.
Le choix de l’église des cordeliers (religieux franciscains), comme lieu de sépulture,
signale la foi catholique du testateur, plus sûrement que les invocations pieuses qui font partie du
formulaire du notaire. De même les dispositions testamentaires concernent des messes à dire
régulièrement pour le repos de son âme, en particulier dans deux autres chapelles de la ville, celle
des capucins et celle des jacobins. C’est que la prière des religieux semble avoir plus de prix que
celle de la paroisse.
Enfin, les deux legs particuliers en faveur d’institutions vouées aux pauvres sont une
façon d’attirer leur recommandation. L’évangile confirme qu’ils entrent plus facilement au ciel
(le mauvais riche et le pauvre Lazare, Luc, 16, v. 19 et ss.) : Magdeleine Desbarres veut
manifester son attention aux pauvres, qu’ils le soient par destin ou par choix, comme ces
religieux qu’elle désigne et qui sont tous mendiants.
Juliette Grison
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